Article publié pour ManagerSante.com, par Sandra BERROYEZ, infirmière coordinatrice libérale exerçant en cabinet depuis 2006.
Elle est également titulaire d’un DU « éthique et accompagnement psychologique de la personne âgée » à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et d’un DU en « e-Santé » obtenu à la Faculté Catholique de Lille.
Le cas clinique de Madame C.
Dans un récit ou l’humanité et l’expertise se rencontrent au cœur du soins infirmier, nous plongeons dans l’histoire de madame C. Une femme de 78 ans, dont la vie a insidieusement glissé vers une dépendance qui la contraint et l’effraie. Divorcée, vivant seule dans une maison a étage, Mme C représente le visage de nombreuses personnes âgées luttant chaque jour pour maintenir leur autonomie face aux défis physique et psychologique.
Mme C malgré son âge, garde un lien fort avec sa famille et continue de participer à la vie sociale, grâce à l’aide précieuse de ces filles avec qui elle partage des promenades régulières.
Affiliée au régime de la sécurité sociale et bénéficiant d’une mutuelle complémentaire, Mme C mesure 1m50 pour 71 kg, ce qui place son IMC a 29.6 signes d’un surpoids qui pourrait exacerber ses conditions de santé existantes. Ses cheveux sont blancs, son port de lunettes et un appareil dentaire ajoutent à son image celle d’une personne qui, malgré l’âge, tente de conserver une certaine dignité dans son apparence.
Mme C’est une figure de résilience, naviguant à travers les épreuves de la vie avec une indépendance farouchement gardée. Pourtant les dernières semaines ont révélé une fragilité croissante : une asthénie importante marquée entrave ses activité quotidienne, ses déplacements sont réduits, sa respiration s’essouffle, limitant sa capacité à effectuer les tâches quotidiennes sans de nombreuses pauses, illustré par le fait qu’elle met 1h30 pour faire sa toilette et peine à mettre ses bas de contentions. Cette incapacité partielle s’étend à l’entretient de son domicile, une tache qu’elle ne peut plus assumer. Son état s’aggrave avec des troubles mnésiques. Les courses, autrefois, une sortie appréciée, se transforme en labyrinthe ou les cacahouètes se perdent au rayon purée et des crises d’angor pendant lesquels elle ne prend pas son traitement d’appoint saisie par la peur de mourir.
L’appel à l’aide de la famille révèle une situation préoccupante : une femme luttant contre le temps et les limites de son corps, refusant de l’aide extérieure par souci financier et minimise ses besoins devant les professionnels de santé. La première consultation médicale, ou madame (donne le change), illustre le défi de la communication et de l’évaluation clinique des personnes âgées souvent réticentes à exposer leur vulnérabilité. Cependant, lors de cette consultation, le médecin ne percevant pas immédiatement la gravité de la situation, ne juge pas nécessaire l’intervention du personnel soignant.
L’intervention de l’infirmière devient alors nécessaire avec persévérance et un sens aigu de l’observation, elle réussit à convaincre le médecin de la nécessité d’une prise en charge adapte au domicile. L’analyse clinique approfondie et l’argumentation basé sur une compréhension holistique de la situation de Mme C Menant finalement à l’acceptation de la prise en charge de l’infirmière, soulignant l’importance de l’expertise de l’infirmière dans la coordination des soins.
L’analyse clinique de Mme C révèle plusieurs problèmes nécessitants une intervention d’une infirmière libérale sur son rôle propre : asthénie, incapacité partielle à effectuer ses soins d’hygiène et de confort, les risque de chute, anxiété, les risque de dysfonctionnement cardiovasculaire et neurosensoriel, les douleurs chronique. L’aménagement de son domicile et un aide à la mobilité adapté à ses besoins. Notre travail ne se limite pas à la gestion des symptômes mais englobe également le soutien psychologique, améliorer la qualité de vie au travers d’une approche personnalisée qui respecte sa dignité et ses désirs tout en rendant Mme C actrice de ses soins.
Cette profession, est bien plus qu’une vocation, c’est un engagement quotidien envers ceux dont la vulnérabilité se dresse comme un défi à relever.
L’écoute active et l’empathie sont les premiers pas de cette danse soignante. À chaque visite, l’IDEL s’assoit auprès de Mme C., recueillant ses mots et ses silences, une oreille attentive aux craintes tues et aux espoirs murmurés.
La globalité de l’évaluation marque le deuxième temps. Au-delà de la chair et des os, c’est l’âme et l’environnement de Mme C. que l’IDEL scrute avec soin, cherchant à comprendre tous les facteurs qui façonnent son quotidien. Cette approche globale est la clé de voûte d’un accompagnement qui embrasse la complexité de l’être dans sa totalité.
En troisième temps, il y a La surveillance clinique qui est un processus essentiel dans le domaine de la santé qui implique le suivi continu de l’état de santé des patients.
L’infirmière ajuste ses soins au rythme des changements, qu’ils soient subtils, variations ou tempêtes imprévues. Cette capacité à évoluer, à innover, fait d’elle un pilier sur lequel Mme C. peut s’appuyer, même lorsque les fondations semblent vaciller.
Coordonner les soins, c’est orchestrer un ballet où chaque intervenant joue sa partition à l’unisson. L’IDEL devient alors chef d’orchestre, veillant à ce que médecins, spécialistes et aides à domicile avancent dans une harmonie qui résonne avec les besoins et les souhaits de Mme C., assurant une mélodie continue de soins.
Mais l’engagement de l’IDEL ne s’arrête pas à la porte de la maison. Elle est aussi messagère, portant la voix de Mme C. vers ceux qui peuvent l’aider dans les soins et dans les soutiens administratifs. Pour tous ce qui est administratif nous faisons appel à une assistante sociale qui illumine le chemin vers la connaissance du réseau et des associations pour garder le plus longtemps sont autonomie
Ce cas clinique loin d’être isolé, met en lumière le rôle crucial des infirmières libérales dans une prise en charge à domicile des personnes âgées. En alliant expertise technique a une approche résolument humaniste, nous faisons plus que soigner des maux. L’infirmière libérale se révèle être bien plus qu’une soignante ; elle est une alliée, une guide, et un symbole d’humanité, jouant un rôle crucial dans la préservation de l’autonomie et de la dignité de ceux qu’elle accompagne sur le chemin de la vulnérabilité.
En quoi le raisonnement clinique est il pertinent dans le travail de collaboration (transdisciplinarité) ?
Notre profession évolue, l’importance du raisonnement clinique infirmier en milieu libérale fait évoluer la pratique infirmière, passant d’une approche axée uniquement sur l’exécution de tâches prescrites à une compréhension approfondie des soins en se basant sur les raisons profondes qui guident les choix thérapeutiques, en prenant en compte à la fois la dimension indépendante et interdépendante des soins. Ce processus montre la nécessité de passer du raisonnement clinique individuel a un mode collectif.
L’inclusion des médecins, kinésithérapeutes, auxiliaires de vie, aides ménagères, assistantes sociales et les réseaux comme le dispositif d’appui à la coordination, esad, esprad, l’Hospitalisation à domicile, les centres de la mémoire, l’aide pour perte d’autonomie, les associations pour les aidants souligne l’importance d’une prise en charge holistique du patient et de son entourage. Ces acteurs avec les prestataires de services, les réunions ville-hôpital et les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé jouent une stratégie de soins cohérent et adapté. Il y a une amélioration de la continuité des soins que ce soit en ambulatoire ou lors d’un transfère ville hôpital ou hôpital ville, ce qui permet d’ajuster les soins aux besoins évolutifs du patients ainsi qu’une meilleure continuité des soins.
L’approche collaborative repose sur le partage d’expertises et sur une communication efficace entre tous les acteurs. Elle permet de construire des plans de soins complets et personnalisés, prenant en compte non seulement l’aspect physique de la maladie, mais aussi Les aspects psychologiques qui jouent un rôle fondamental dans le processus de guérison « n’oublie-t-on pas souvent que le mental représente la moitié du chemin vers la récupération ?», et mais aussi les dimensions sociales, et environnementaux qui influence le bien-être et la récupération du patient ou ses valeurs de santé sont prioritaire.
L’adoption du dossier médical partagé s’avère être un atout supplémentaire dans ce parcours de soins, offrant une plateforme centrale pour le partage et la gestion des informations de la santé du patient. Cette intégration assure que chaque professionnel impliqué a accès à une vision global et actualisée du parcours de soins du patient, facilitant ainsi des décisions de soins cohérentes et informées, tout en soutenant une approche de soins véritablement centrée sur le patient.
Cette approche holistique s’appuyant sur la transdisciplinarité et la coordination entre tous les acteurs de santé, est cruciale et constitue un pilier central pour répondre aux besoins, qu’ils soient simples ou susceptibles de s’intensifier ou complexe des patients et garantir une prise en charge globale et personnalisée, marquant ainsi un progrès significatif dans la qualité des soins de santé.
En conclusion :
Les infirmiers doivent exiger leur place dans l’interdisciplinarité afin de pouvoir assurer un accompagnement de qualité chez leur patient. « Celle-ci favorise le développement d’habilités cognitives supérieures comme la pensée critique, l’esprit de synthèse et d’intégration, les compétences réflexives, la compréhension des concepts difficiles et la mémoire conceptuelle » (Erickson, 1996 ; Klein, 1998 et Spady, 1994).
Organiser, coordonner, coopérer et informer sont devenus les mots phare de notre système de santé. La création des communautés professionnelles territoriales de santé en est la preuve. L’infirmière libérale dispose avec le médecin de toutes les compétences et qualité pour coordonner, faire circuler les informations dans les différentes structures pour coopérer avec d’autres professionnels médico-sociaux pour devenir un référant de proximité pour le patient.
Il est difficile de connaitre tout le réseau de santé existant sur un territoire. Beaucoup d’associations se sont créé pour adapter une réponse à un besoin. Malheureusement, il n’existe pas d’annuaire ou de diagramme pour nous aiguiller, nous nous sentons parfois un peu démuni pour réussir à prendre en charge le patient dans tous ces champs de vie.
Pour aller plus loin :
- Patricia benner, « de novice à expert », 1995
- Thérèse Psiuk est une experte en santé, auteure de l’ouvrage « Patient partenaire, patient expert
De l’accompagnement à l’autonomie » - Thérèse Psiuk, « Évolution de la singularité vers l’interdisciplinarité »
- Berger Levrault « Recueil de textes – Profession Infirmier », Édition 2023
- Loïc martin « Le raisonnement clinique infirmier », Editions Elsevier, 2ème Edition, 2023
- Manuel diagnostics infirmiers, Editions Elsevier, 2023
- Le code de la santé public : Code de déontologie infirmier. (Articles R4312-1 à R4312-92)
- La nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) du 11 mars 2005 plus ses avenants
- La Haute autorité de santé (HAS) contribue par ses avis à accompagner la décision publique pour optimiser la prise en charge financière collective des biens et des services médicaux remboursables et préserver de façon durable le financement solidaire et équitable de notre système de santé.
- DU éthique et accompagnement de la personne âgée, Université Lyon 1
- Thérèse Psiuk, Céciforme : l’écriture du raisonnement clinique en transmissions ciblées et actions (rendre visible ce qui n’est pas visible)
- DU e-santé, Université Catholique de Lille
- Actechange
- Réseau pro famille sur la schizophrénie et maladie apparentée
- AFCOPIL