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Comment mobiliser la créativité des professionnels comme vecteur de motivation dans le monde du travail ? Fanny SIMON explore les leviers de « l’intelligence collective » dans son dernier ouvrage.

Nouvel article proposé pour ManagerSante.com,  par Fanny SIMON, titulaire d’un doctorat et d’une habilitation à diriger des recherches en sciences de gestion et du management. Professeure des Universités à l’Université de Caen, elle enseigne la gestion de l’innovation, la stratégie et conduit des ateliers de créativité.
Elle coopère depuis plus de 15 ans avec des entreprises dans des secteurs variés afin de comprendre les processus innovants et créatifs.
Elle a publié ses travaux dans des revues académiques reconnues.
Elle est également intervenue à plusieurs reprises auprès de journaux spécialisés ou médias télévisés afin d’apporter une expertise sur l’innovation. 

Cet article est extrait de son ouvrage publié en 2022, intitulé « L’intelligence collective au coeur de la créativité« , aux éditions EMS.

La créativité est aujourd’hui présentée comme une réponse aux défis majeurs que traversent les entreprises. Susciter l’émergence d’idées nouvelles dans les organisations permet ainsi d’assurer un renouvellement de l’offre et des processus, de répondre aux transformations de l’environnement, voire même de trouver des solutions nouvelles aux problématiques de développement durable.

Les entreprises ont donc développé différents types de dispositifs pour accroître la capacité créative de leurs salariés, via notamment des plates-formes de génération d’idées, des séances de brainstorming ou de prototypage rapide. Elles cherchent également à capter des idées venant de l’extérieur avec par exemple des hackathons ou du crowdsourcing.

Cependant, cette multiplicité d’outils et de méthodes produit des résultats aléatoires et le défi actuel des entreprises consiste à parvenir à générer des idées nouvelles qui aboutissent à des innovations de produits ou procédés et qui trouvent réellement une application. Ainsi, une enquête, sur les nouvelles stratégies de l’innovation, éditée par l’European Institute for Creative Stratégies & Innovation et à l’attention du Club de Paris des Directeurs de l’innovation révèle que 85 % des innovations sont perçues comme des échecs en 2016 (Giget, 2018) et que de nombreuses idées nouvelles restent à l’état de prototypes et ne se transforment jamais en produit nouveau.

En effet, l’attention et des moyens sont souvent centrés sur le management du processus de créativité en lui-même ou la gestion des premières phases de génération de l’idée. Ainsi, on s’appliquera à rechercher de nouveaux outils pour animer des sessions d’idéation ou on expérimentera des dispositifs pour sélectionner les idées et les améliorer. La dynamique des équipes et la reconnaissance des personnes créatives, qui sont pourtant moteurs du processus créatif, sont parfois négligées. Or les équipes créatives ont un mode de fonctionnement propre. Ainsi, les personnes créatives sont souvent très investies dans leurs activités et peuvent éprouver de fortes émotions tout au long du processus créatif. Elles peuvent donc s’épuiser.

La créativité ne se limite donc pas à cet instant, parfois exaltant, de découverte d’une solution nouvelle ou d’une intuition originale mais implique souvent un long parcours sinueux et complexe. Les porteurs d’idées sont donc souvent confrontés à des processus de sélection successifs et doivent parvenir à faire évoluer leurs idées en fonction des retours des comités de sélection ou autres audiences qui peuvent apporter du soutien au développement de l’idée. Des contraintes spécifiques s’imposent également dans un contexte organisationnel. Les porteurs d’idées devront parvenir à allier des impératifs divergents tels qu’accorder du temps à leurs équipes pour favoriser l’idéation, tout en respectant les délais de mise en œuvre des projets, explorer de nouvelles voies tout en restant en cohérence avec la stratégie de l’entreprise ou tenir les engagements en termes de coûts tout en s’affranchissant des contraintes.

 

L’intelligence collective au cœur de la créativité

Cet ouvrage vise à guider les managers, chefs de projet et porteurs d’idées créatives dans leur odyssée créative. Il s’agit notamment de mettre en place un contexte favorable à l’émergence d’idées nouvelles, de développer des pratiques de sélection des idées qui soutiennent la motivation des équipes et les contributions collectives et finalement d’intégrer les attentes nouvelles des consommateurs en termes d’innovations soutenables. La créativité dans les organisations est un processus social qui émerge des échanges et interactions entre les individus. Cet ouvrage est donc centré sur la créativité dans les équipes et les relations que peuvent entretenir ces dernières à la fois au sein de l’entreprise et avec d’autres groupes en dehors de l’entreprise.

L’origine de ce projet réside dans 13 ans d’études de la créativité dans des entreprises variées : centre de R&D, réseaux de franchise, tiers-lieux d’innovation. La spécificité de cet ouvrage est de proposer une vision globale du processus de création : depuis les phases d’idéation qui sont centrées sur l’émergence des idées nouvelles, à la sélection de ces idées par différentes audiences et à leur déploiement. En effet, de nombreux guides proposent des outils pour animer des sessions créatives ou développer sa propre capacité créative. Cependant, les enjeux relatifs au management des talents créatifs ne sont que peu abordés.

La créativité peut-elle permettre de relever les enjeux sociétaux et environnementaux ?

Cela fera maintenant plus de deux ans que la crise sanitaire de la Covid-19 aura bouleversé les économies et les modèles de nombreuses entreprises. Cette crise, source de nombreux drames, aura également transformé et accéléré l’innovation dans de nombreux secteurs d’activité. Ainsi, des équipes de recherche ont été mobilisées aux quatre coins du monde pour trouver un vaccin et des solutions thérapeutiques. Les commerces ont accéléré leur digitalisation et se sont parfois ouverts à de nouveaux types d’activités et les restaurants et hôtels ont exploré de nouveaux modèles et pratiques pour survivre.

Au-delà de ces secteurs d’activité directement impactés par la crise, de nombreux salariés ont dû réinventer leurs manières de travailler et de nouvelles solutions de travail à distance, des bureaux amovibles ou des écrans spécifiquement conçus pour réaliser des visio-conférences ont vu le jour. Des entreprises ont abandonné leurs activités traditionnelles pour explorer de nouveaux marchés et se transformer comme la Maison Bergé, reconnue pour ses lampes et parfums d’intérieur, qui produit des gels hydroalcooliques. D’autres, à l’image de Shark Robotics qui produit des robots terrestres[1]  ont utilisé leurs compétences pour répondre à de nouveaux besoins. Ainsi leurs robots vont faciliter la décontamination des surfaces.

Ces quelques exemples peuvent sembler anecdotiques. Cependant, la crise a eu un impact majeur sur notre activité professionnelle et nos vies. Elle nous a conduit à repenser notre rapport à l’environnement, à transformer les chaînes de valeur et de production et à nous interroger sur ce qui a vraiment de la valeur à nos yeux. Dans les chapitres précédents, quelques exemples emblématiques du formidable élan de mobilisation qu’ont connu nos sociétés ont été évoqués comme la conception d’un respirateur à bas coûts ou de réseaux de couturières pour réaliser des masques. Ces exemples proposent de nouveaux types de collaboration et de nouveaux modèles qui mettent l’humain et la préservation de l’environnement au centre de leurs préoccupations.

Ces préoccupations sociétales et environnementales étaient déjà de plus en plus perceptibles avant la crise. Elles deviennent actuellement des enjeux majeurs pour de nombreuses entreprises, dans des domaines variés tels que la banque et l’assurance mais également l’agriculture ou le textile. Ainsi, des entreprises telles qu’Unilever ont, depuis plus d’une dizaine années, initié des programmes afin que leur croissance ne se fasse pas au détriment des personnes et de la planète[2]. Par exemple, Unilever travaille avec les agriculteurs pour optimiser l’irrigation des champs et limiter le gaspillage d’eau. L’entreprise cherche également de nouvelles technologies pour améliorer la qualité du plastique recyclé post-consommation. Si Unilever est une entreprise pionnière en termes de démarche soutenable, de plus en plus d’entreprises suivent de tels exemples.

La créativité des salariés doit donc intégrer et relever de nouveaux enjeux : assurer la pérennité des entreprises et s’affirmer comme un levier important pour améliorer le bien- être des populations, donner accès au plus grand nombre à des solutions essentielles et préserver l’environnement. L’innovation joue ici un rôle primordial pour relever des défis majeurs qui consistent à fabriquer de nouveaux produits sans prélever de nouvelles ressources dans l’environnement, minimiser l’impact des solutions lors de leur fonctionnement en termes de consommation d’énergie et de pollution et assurer une valorisation des produits en fin de vie.

La crise de la Covid-19 aura également plongé une partie de la population dans une profonde détresse financière, notamment dans les pays considérés comme riches. Les inégalités sociales se sont accrues et le risque de crise sociale est aujourd’hui important. Des exemples d’innovations solidaires ont été nombreux pour répondre aux nouveaux besoins de ceux qui sont « à la base de la pyramide » et qui survivent avec de faibles revenus. Ainsi, Prizle[3]  qui est une application de shopping solidaire, permettant de faire un don gratuit à une association lors d’un achat dans un magasin, a revu ses services pour soutenir les équipes de secours de la Protection civile. L’un des enjeux auxquels seront confrontés les équipes dans les entreprises est de concevoir des solutions à faible coût mais ayant des fonctionnalités indispensables pour les populations les plus pauvres. Il s’agira également, à l’image de Prizle de trouver des idées créatives afin de faciliter et renforcer l’entraide entre les individus au sein de nos sociétés.

On peut donc se demander dans quelle mesure la créativité au sein des entreprises pourra permettre de trouver des solutions soutenables et accessibles à tous. Pour cela l’entreprise devra parvenir à mobiliser ses salariés autour des nouveaux enjeux sociétaux et à favoriser la créativité non seulement pour inventer des produits nouveaux mais également pour leur trouver une seconde vie voire une infinité de vies. Cela suppose une réflexion sur les matériaux utilisés et les possibilités de redesigner les produits existants. Des écosystèmes complets doivent parfois être mis en place et orchestrés afin de repenser les réseaux de valeur et intégrer fournisseurs, partenaires, associations et coopératives pour définir des systèmes de production et de recyclage plus vertueux.

Un nouveau rôle s’impose également aux entreprises : apprendre aux consommateurs à consommer moins. Ici encore, la créativité des salariés sera mise à profit pour trouver un juste équilibre entre les préoccupations environnementales mises à mal par la surconsommation et la nécessaire rentabilité du modèle économique de l’entreprise.

ManagerSante.com

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