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Quel est le rôle de l’Infirmière en Pratique Avancée en psychiatrie & santé mentale ? Retour d’expérience de trois IPA exerçant en Centre Médico Psychologique (CMP) de L’EPSM de Georges Mazurelle.

Article rédigé pour ManagerSante.com par Cathy LONGUECHAUD, Daphné GRELIER et Mélanie CHAIGNEAU, Infirmières en pratique avancée (IPA), Diplômée d’Etat mention Psychiatrie et Santé Mentale, exerçant à l’EPSM de Vendée Centre Hospitalier Georges. Mazurelle.

En France le déploiement de la pratique avancée se poursuit afin de répondre aux besoins de santé de la population.

Les premières formations se sont ouvertes en 2018, la mention « psychiatrie, santé mentale » en 2019 [1], A ce jour nous comptons cinq domaines d’intervention, le dernier arrivé étant les urgences. 

L’Infirmier en Pratique Avancée (IPA) s’appuient sur le modèle conceptuel d’Hamric [2] autour de sept compétences. Ainsi les missions de ce nouvel acteur de santé sont diversifiées et parfois complexes à repérer.

L’objectif de cet article est donc de clarifier les différents rôles de l’IPA en extra hospitalier et intra hospitalier, ainsi que son rôle auprès des aidants.

Pour ce faire nous allons décrire l’expérience d’IPA au sein de l’EPSM de Vendée, en nous appuyant sur les compétences.

La pratique clinique/les consultations

En Centre Médico Psychologique (CMP), la mission principale de l’IPA est le suivi des personnes soignées vivant avec une pathologie psychiatrique chronique.

Ce suivi, en complémentarité du suivi médical, s’articule à partir d’un protocole d’organisation signé avec un ou plusieurs psychiatres. Il définit les domaines d’intervention de l’IPA, l’échange d’informations et les conditions de retour du patient vers le médecin psychiatre.

Avec accord de la personne soignée, l’IPA propose des consultations ayant plusieurs perspectives :

  • L’évaluation clinique de la personne avec le renouvellement ou le réajustement des thérapeutiques, les prescriptions d’examens complémentaires en respectant les recommandations.
  • Des actions de prévention, de psychoéducation, d’éducation thérapeutique, à visée d’une meilleure connaissance de leur problème de santé pouvant limiter les comorbidités souvent importantes.

L’IPA se positionne ici dans un travail de co-construction, avec une écoute attentive de la parole de la personne en soin, en prenant en compte sa singularité, son individualité, ses besoins, ses limitations et ses ressources. Avec accord de la personne et selon ses souhaits, les aidants sont les bienvenus lors de ces consultations.

L’IPA s’appuie sur un fondement théorique notamment en sciences infirmières. En exemple, L. Gottlieb [3] avec l’approche des soins fondés sur les forces. C’est un changement de paradigme de part une vision du soin holistique, de partenariat de collaboration entre la personne/son environnement/le soignant.  L’individu est considéré comme un agent libre, acteur et possédant des forces. Regarder la personne sous le prisme de ses forces plutôt que ses déficits, lui permet de devenir partenaire, acteur de ses soins vers un développement de son pouvoir d’agentivité et de son sentiment d’auto-efficacité [4]. L’objectif final étant que la personne retrouve son autonomie, sa capacité de dire, de penser et d’agir.

La collaboration

Le lien ville/hôpital : L’IPA a pour mission notamment de faciliter et sécuriser le parcours de soin. En ce sens, la coordination, la collaboration avec les équipes d’intra/d’extra hospitalier et le réseau est fondamental.  Entendons par réseau toute personne intervenant auprès de la personne soignée.

L’accompagnement IPA et la collaboration, une illustration clinique

L’accompagnement des personnes soignées par l’IPA est adaptable, tenant compte de leur singularité et de leurs besoins, et s’ajustant à leur parcours de vie et de soins. Citons l’exemple récent de la prise en soins d’une jeune femme souffrant de troubles bipolaires, durant sa 1ère grossesse et sur la période périnatale.

Les aspects cliniques : la disponibilité de l’IPA a permis une surveillance clinique rapprochée, avec une évaluation fine  des fluctuations thymiques et des manifestations anxieuses.  Le réajustement du traitement régulateur de l’humeur et des psychotropes, ainsi que  la surveillance biologique en regard ont pu être effectués selon les recommandations. En outre, la fréquence des entretiens toutes les 2 semaines a permis de créer un climat de confiance, une contenance et une réassurance suffisantes pour la poursuite des soins en ambulatoire. Cet espace sécurisé a facilité la verbalisation des émotions et permis la co-construction de stratégies d’adaptation pour faire face aux angoisses à domicile. Enfin cette disponibilité a eu un impact préventif : une courte hospitalisation  a pu être proposée et organisée par l’IPA, dans le contexte d’un fléchissement majeur de l’humeur avec apparition d’idées suicidaires. Pendant ce temps,  le suivi IPA ne s’est pas interrompu favorisant ainsi la prise en soins par la continuité du lien et le partage d’informations avec les soignants.

La collaboration avec le réseau : Tout au long de cet accompagnement et en accord avec la personne, les liens avec le réseau de ville se sont progressivement tissés, créant un filet de sécurité. Les contacts avec sa sage-femme, la PMI, les gynécologues ont pu apporter des éléments cliniques et des informations utiles de part et d’autre.  

La participation de l’IPA au staff de périnatalité organisé par la maternité a eu de nombreux avantages pour la personne soignée :

  • Une prise en soins par l’équipe de la maternité facilitée par la connaissance préalable de son fonctionnement psychique et de ses éventuelles difficultés mais aussi de ses ressources.
  • La déstigmatisation de ses troubles psychiatriques.
  • Une simplification des modalités de collaboration entre les différents secteurs, avec des contacts directs, voire une possibilité d’intervention IPA sur site en fonction de l’évolution clinique.
  • La conduite à tenir au plan thérapeutique préalablement validée en concertation avec son psychiatre et l’organisation de la gestion globale du traitement psychotrope à la maternité.
  • La prévision d’une intervention précoce pédopsychiatrique en maternité et une anticipation de l’orientation à donner en cas de décompensation psychique.

De plus,  l’IPA a collaboré à la mise en place d’un suivi pédopsychiatrique à domicile en pré et post natal, en faisant le lien avec le service hospitalier dédié, et en réalisant avec le psychiatre l’indication nécessaire. Cette intervention préventive focalisée sur l’établissement du lien parents-enfant a contribué à sécuriser cette nouvelle famille.

La collaboration avec la famille : A l’approche du terme et avec le consentement de la personne, une intervention IPA a pu se dérouler à domicile pour rencontrer  son conjoint, demandeur de ce temps d’échange. Durant cet entretien, les divers questionnements du couple ont été explorés, dans un souci de confiance mutuelle et de transparence. L’IPA a pu fournir des éléments de compréhension (organisation du parcours de soins, stratégies thérapeutiques envisagées), transmettre des coordonnées utiles, mais aussi réceptionner les craintes liées au retour à domicile et à la relation future avec leur enfant. Cette démarche d’intégration de la personne ressource en tant que partenaire légitime de l’équipe de soins nous semble primordiale : dans cette situation, elle  a contribué à favoriser l’autonomie du couple, en renforçant leur capacité à agir ou réagir au bon moment, sans se sentir isolé.

Cette expérience riche humainement et professionnellement accroît le leadership de l’IPA.

Le leadership

Comme le souligne Christophe Debout l’IPA « est censée impulser des réflexions dans les services en lien avec l’encadrement » [5]. En effet, « Elle est en interface entre le patient et son entourage, l’équipe soignante, le système hiérarchique, afin de diffuser les bonnes pratiques et/ou de participer à l’amélioration des organisations de soins » [6]. En exemple :

  • La promotion de la santé : au sein du pôle, des ateliers de psychoéducation nommés « atelier santé » sont organisés pour les patients volontaires hospitalisés en service d’admission. Différentes thématiques de santé publique sont abordées comme par exemple le tabac, l’alimentation, le sommeil et bien d’autres.
  • La participation à la réflexion sur les mesures d’anticipation en psychiatrie menée sur l’établissement. Citons l’exemple du Plan de Crise Conjoint (PCC) qui est « une forme de déclaration anticipée dans le parcours de rétablissement d’une personne concernée par un trouble psychique et/ou un problème d’addiction » [7]. C’est un outil fondé sur la décision partagée et sur les preuves. Ces mesures sont recommandées par plusieurs instances de référence visant à respecter le droit des personnes [8]. En collaboration avec d’autres professionnels, l’IPA participe à la diffusion de cette pratique innovante.

La recherche

L’IPA doit être en veille documentaire afin de prodiguer et de diffuser les bonnes pratiques et les recommandations.

L’IPA a aussi un rôle de promotion de la recherche en exemple :

L’EPSM participe actuellement à un programme de recherche paramédicale mené par un autre établissement de santé. C’est un essai randomisé multicentrique. Cette étude est réalisée au sein d’une unité d’hospitalisation par deux infirmières et une IPA, toutes trois formées à l’éducation thérapeutique. L’IPA a ici un rôle de coordination qui est fondamentale entre l’établissement qui a initié cette recherche, notre direction des soins, ainsi que les soignantes investigatrices de l’étude et l’équipe d’encadrement de l’unité d’hospitalisation avec lesquels elle est en interface. Son rôle facilitateur permet au binôme investigateur de mener l’étude dans des conditions optimales en se concentrant uniquement sur le programme à développer, en prenant en compte l’organisation de service et répondant ainsi aux objectifs.

L’EPSM a aussi accepté d’être promoteur d’une recherche en soutenant une IPA dans le cadre de son doctorat en sciences humaines et sociales. Cette recherche va permettre de proposer à 30 personnes souffrant de troubles dépressifs, en sortie d’hospitalisation, un programme d’Activité Physique Adaptée de 8 séances individuelles. Il sera évalué l’impact de l’activité physique sur la régulation des émotions des personnes.  Des soins innovants prodigués par une enseignante en Activité Physique Adapté qui nous fait part de son expertise.

Ces expériences permettent d’acculturer les soignants à la démarche de recherche et ainsi participer à la production de nouveaux savoirs au bénéfice des personnes en soin et de leur entourage.

Conclusion

Voici un bref aperçu des missions diversifiées d’un IPA.

Son éthique du soin s’appuyant sur les sciences infirmières lui permet de prodiguer des soins de haute qualité afin de répondre aux besoins de santé de la population. Mais il a aussi un devoir de partage, de diffusion. Cet article nous permet de comprendre qu’il n’y a pas une IPA mais des IPA, partageant des valeurs communes.

C’est un métier nouveau qui se développe au niveau institutionnel mais aussi collectif dans le cadre du Projet Territorial de Santé Mentale (PTSM) permettant ainsi la mise en place d’actions au plus près des populations [9].

Il reste alors encore beaucoup à construire, notamment dans le travail de complémentarité entre les aidants et les professionnels pour un meilleur accompagnement de la personne en soin [10].

Pour aller plus loin :

[1]Décret n° 2019-836 du 12 août 2019 relatif au diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée mention psychiatrie et santé mentale. 

[2]-A. Hamric. Advanced practice nursing, an integrative approach.2013

[3]– Gottlieb, L. N. (2014). Les soins infirmiers fondés sur les forces : La santé et la guérison de la personne et de la famille. De Boeck.

[4]– Bandura, A. (2007). Auto-efficacité : Le sentiment d’efficacité personnelle (Bruxelles). De Boeck.

[5]Infirmière clinicienne spécialisée, Infirmière praticienne : quelles différences ?

[6] Infirmier en pratique avancée : un nouveau statut de professionnel de santé

[7]Le Plan de crise conjoint

[8]Les nouvelles pratiques des mesures d’anticipation en psychiatrie

[9] « Projet territorial de santé mentale de Vendée »  2018-2022

[10]– HAS Répit des aidants – Note de cadrage

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