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Comment renforcer le management participatif et le modèle de la démarche participative dans les établissements de santé ? Le Professeur Philippe COLOMBAT fait le point sur les textes législatifs incitatifs pour déployer cette démarche.

N°2, Septembre 2022

Nouvel article rédigé pour ManagerSante.com par le Professeur Philippe COLOMBAT, Professeur  en hématologie au CHU de TOURS ex-Président de l’Observatoire National de la Qualité de Vie au Travail des professionnels de santé et du médico-social.

Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé  « Démarche participative et qualité de vie au travail », aux éditions Lamarre, Mars 2020, réalisé en collaboration avec l’Association francophone pour les soins oncologiques de support (AFSOS), dont il est membre fondateur.

Il est également membre de l’équipe de recherche de l’équipe de psychologie du travail de l’université de Tours QUALIPSY et Président de l’association AQUAVIES (Association pour la QUAlité de VIE des Soignants).

Le modèle de la démarche participative a été créé en 1992.

Malgré le fait qu’il ait été rendu obligatoire depuis 2004 pour la prise en charge des patients en soins palliatifs dans tous les services de soins et à domicile (Circulaire n°257 du 9 juin 2004 relative à la diffusion du guide des bonnes pratiques d’une démarche palliative en établissements) (1) et qu’il soit une des 5 mesures prioritaires du manuel d’accréditation de l’HAS dans la V 2010, il n’est à ce jour que très rarement mis en place ?

Nous verrons que les textes législatifs de 2021 valident le management participatif et que la circulaire CLARIS (circulaire N° DGOS/CABINET/ 2021/182 du 6 août 2021) (2) reprend le modèle organisationnel de la démarche participative.

Le modèle organisationnel de la démarche participative (3-5)  

Créé en 1992, il associe 4 types d’espaces d’échanges et les groupes de travail sur le travail réel au sein de la démarche projet :

Les staffs pluriprofessionnels

Ils sont, sans aucun doute, la composante la plus importante pour la qualité de prise en charge des patients et de leurs proches. Au cours de ces réunions, sont présents tous les professionnels s’occupant des patients dans l’unité : aides-soignants, infirmiers, professionnels des soins de support, cadres de santé, médecins, étudiants, voire secrétaires et bénévoles quand cela est possible. Ils permettent de définir un plan de prise en charge personnalisé pour chaque patient et les décisions éthiques, la composition des ces espaces d’échanges permettant la collégialité. Un référentiel et un article sur la composition et le déroulé des staffs pluriprofessionnels viennent d’être publiés, insistant sur l’ordre et le déroulé des prises de paroles (6-7).

Les formations internes aux équipes

Contrairement aux formations externes, elles permettent de fédérer un collectif. Leur thématique doit répondre aux souhaits des équipes, thèmes techniques en relation avec la spécialité soit thèmes en relation avec la prise en soins. En dehors des apports théoriques, elles doivent comporter un temps d’échanges sur la thématique, permettant à chacun de se connaitre et à ceux qui n’ont pas l’habitude de prendre la parole

Les espaces d’échanges de soutien aux équipes

Plus que les groupes de paroles, nous insisterons sur l’importance des staffs de débriefing en situation de crise, menés par un psychothérapeute extérieur aux services, qui permettent à chacun de s’exprimer par rapport à la situation vécue. Il est important qu’ils soient organisés rapidement et regroupent les soignants volontaires qui éprouvent le besoin de reparler de la situation. Une autre forme de soutien est l’organisation de cas cliniques ou éthiques difficiles.

Les espaces d’échanges de managers  

Ils regroupent tous les médecins et les cadres de santé du service. Ils doivent être régulièrement organisés pour les prises de décision liées au top management. Ils sont indispensables à la réussite du modèle car ils inculquent à chaque manager la démarche participative et l’importance de l’intelligence collective en les impliquant dans les prises de décision du top management.

La démarche projet : les groupes de travail sur le travail réel

C’est sans aucun doute la deuxième composante la plus importante de la démarche participative. Ces groupes de travail, pluriprofessionnels, permettent aux soignants d’améliorer le soin soit après le constat de dysfonctionnements ou d’améliorations possibles, soit devant la nécessite de mise en place de nouvelles directives d’une circulaire ou de la direction de l’établissement.

Comme nous l’avons vu, cette organisation est obligatoire depuis la circulaire du 9 juin 2004 « guide de bonnes pratiques d’une démarche palliative en établissements » pour la prise en charge des patients en soins palliatifs et à domicile (1). Très récemment l’équipe de recherche QUALIPSY de l’université de Tours a montré que ce modèle organisationnel améliorait la QVT, la satisfaction au travail et l’engagement au travail des soignants mais également la qualité de qualité de prise en charge des enfants  dans les services d’oncopédiatrie en France. Le questionnaire était rempli par les enfants âgés de 12 ans et plus et par les parents pour les enfants de moins de 12 ans (8-9).

Les nouveaux textes législatifs valident le management participatif et le modèle de la démarche palliative

Par rapport au management participatif

C’est la première fois que le code de la santé publique et un texte de loi affirment la nécessité de mettre en place du management participatif au niveau e la gouvernance des établissements :

  • Article L6143-2-3 de la modification du code de la santé publique du 28 avril 2021 (10), « Le projet de gouvernance et de management participatif de l’établissement définit les orientations stratégiques en matière de gestion de l’encadrement des équipes médicales, paramédicales, administratives, techniques et logistiques, à des fins de pilotage, d’animation et de motivation à atteindre collectivement les objectifs du projet d’établissement »
  • Selon la loi RIST n° 2021-502 du 26 avril 2021 (11) « le projet de gouvernance et de management participatif de l’établissement définit les orientations stratégiques en matière de gestion de l’encadrement et des équipes médicales, paramédicales, administratives, techniques et logistiques, à des fins de pilotage, d’animation et de motivation à atteindre collectivement les objectifs du projet d’établissement »

Ce management participatif se traduit par :

  • Un renforcement de la place des médecins et des soignants au sein de la charte de gouvernance et de management participatif,
  • La possibilité de remplacer la commission médicale d’établissement par une commission médico-soignante 
  • Une incitation forte à la délégation de gestion aux chefs de pôles ou de services
  • L’affirmation que le chef de service et le cadre de santé sont associés au projet d’établissement, au projet de gouvernance et de management participatif et aux projets d’évolution de l’organisation interne de l’établissement

Par rapport au modèle organisationnel de la démarche participative

  • Dans la loi RIST (11), la place du service et du rôle du management de proximité apparait comme des points majeurs. Dans l’article 22, « Les services mentionnés à l’article L. 6146-1 constituent l’échelon de référence en matière d’organisation, de pertinence, de qualité et de sécurité des soins, d’encadrement de proximité des équipes médicales et paramédicales, d’encadrement des internes et des étudiants en santé ainsi qu’en matière de qualité de vie au travail »

 

  • C’est dans la circulaire CLARIS (2) que nous trouvons le détail du management de proximité préconisé qui apparait complètement conforme au modèle de la démarche participative :
  • «Le management de proximité relève d’un binôme chef de service / cadre de santé en capacité de mener et motiver les équipes pour atteindre les objectifs fixés par le projet d’’établissement ».
  • « Les réunions de service ou de pôle, les réflexions pluriprofessionnelles régulières, les revues de mortalité/morbidité ou les comités de retour d’expérience, la définition des parcours patients, contribuent à la qualité, à la sécurité et à la pertinence des soins. La politique institutionnelle accompagne cet objectif, décliné par pôle et services, pour intégrer les temps de cohésion nécessaires à ces différentes participations en équipe »
  • « Chaque service renforce sa cohésion interne en organisant des sessions de formation impliquant tout le personnel et en tenant compte des axes du projet de service, de pôle et d’établissement ».  « La démarche de gestion de projet est la 2ème composante d’une démarche participative. Elle peut bénéficier d’une approche globale sous la forme d’un projet de service. Elle peut revêtir une approche plus ciblée avec des groupes de travail sur des problématiques de terrain soulevées par les patients ou les soignants, ou pour la mise en place de nouvelles procédures. Son importance est primordiale pour de nombreuses raisons :
    • Elle permet aux soignants de construire et d’améliorer le soin en équipe à partir de l’analyse du travail quotidien ;                                                 
    • Elle confère une réelle autonomie aux soignants en contribuant à l’amélioration du soin ou et au fonctionnement du service
    • Elle fournit à chacun la preuve de l’efficacité de l’intelligence collective
    • Elle est indispensable pour la mise en place des restructurations   
  • La pluriprofessionnalité des groupes de travail, et la qualité des échanges et de la communication sont les garants de la réussite de la démarche. Cela implique la tenue de réunions de service régulières pour que les responsables des groupes de travail puissent présenter et faire valider les avancées de leurs travaux ».

Le texte affirme par ailleurs l’importance de l’implication des usagers et que la démarche participative « consolide la collaboration entre les médecins et l’ensemble des personnels paramédicaux par une réflexion collective menée sur la convergence des organisations médicales et soignantes » et « améliore la qualité de vie au travail des professionnels au sein des services de l’établissement, en développant l’implication des acteurs et le travail en équipe sur les thématiques relatives à l’organisation de leurs activités autour de la prise en charge du patient et la sécurisation des pratiques ».

La nécessité de formation pour tous les managers de la santé

  • L’article L6143-2-3 de la modification du code de la santé publique du 28 avril 2021 (10) l’affirme très clairement : « le projet de gouvernance porte également sur les programmes de formation managériale dispensés obligatoirement aux personnels médicaux et non médicaux nommés à des postes à responsabilités ». Ce texte est repris dans l’article 34 de la loi RIST.
  • La circulaire CLARIS (2) précise : « un accompagnement managérial est nécessaire pour développer la qualité de communication des acteurs et les compétences managériales, permettre de créer ensemble des outils et donner davantage de repères pour conforter les pratiques au quotidien, sensibiliser sur diverses thématiques (exemple : qualité de vie au travail, intégration des nouveaux professionnels, etc…), travailler sur la posture managériale et de responsabilités : prendre des décisions et les assumer, déléguer, motiver, communiquer, enfin, échanger des bonnes pratiques, partager les expériences ».                                                                                                  

« Ainsi, tous les managers, c’est-à-dire les professionnels hospitaliers en situation de gestion d’équipe, doivent maîtriser une série de compétences clés pour exercer leurs missions de management. Et pour ce faire, ils doivent suivre dans les deux ans suivant leur prise de fonction ou de leur renouvellement de mandat une formation dont le programme couvre la totalité des compétences clés requises ».                                                                                                                   

« La perspective de suivi de la formation au management doit être actée dans les 3 mois de la prise de poste et l’inscription aux sessions de formation organisées actée dans ce délai. Et dès la première année de fonctions du manager médical ou paramédical, les capacités managériales devront faire l’objet d’une première évaluation par le n+1, soit à l’occasion de l’entretien d’évaluation du cadre, soit à l’occasion de l’entretien annuel proposé statutairement aux médecins ». « L’enjeu est de faire progressivement de cette obligation de formation une évidence pour l’ensemble des acteurs hospitaliers en la traduisant à terme en « passeport managérial »,

En conclusion :

Les textes législatifs sont en place : il s’agit maintenant de les faire appliquer. Ils valident la nécessité d’un management participatif au niveau de la gouvernance et le modèle de la démarche participative au niveau du management de proximité.

Cependant beaucoup de questions demeurent :

  • Devant la crise actuelle des établissements sanitaires et médico-sociaux se traduisant par démissions et absentéisme, les changements nécessaires ne seront-ils pas trop longs à mettre en place, bien qu’il soit démontré que les facteurs d’amélioration de l’attractivité des établissements soient prioritairement :                                      
    • une charge de travail qui permette de retrouver le sens du soin et la mise en place d’espaces d’échanges au niveau des soignants ;                                                                  
    • une amélioration de la qualité de vie au travail par un changement de la gouvernance et du management de proximité qui impacterait positivement notamment la communication, le respect et l’autonomie au sein des équipes.
  • Existe-t-il la volonté politique de mettre en place les textes législatifs, ce qui signifie de réactiver une mission nationale de la Qualité de Vie au Travail des Professionnels de Santé qui diffuserait, activerait les réseaux de proximité et assurerait le suivi des mesures nécessaires ?
  • Existe-t-il, malgré l’obligation, la volonté des managers en place de se former (notamment médecins et directeurs d’établissements) et de changer le modèle hiérarchique prédominant à ce jour ?

Le pari est difficile mais il apparait comme la seule solution actuelle pour essayer de sauver une situation unique et compromise.

Pour aller plus loin : 

Nous remercions vivement le Professeur Philippe COLOMBAT, Professeur  en hématologie au CHU de TOURS, ex-Président de l’Observatoire National de la Qualité de Vie au Travail des professionnels de santé et du médico-social. et membre fondateur de l’Association francophone pour les soins oncologiques de support (AFSOS), membre de l’équipe de recherche de l’équipe de psychologie du travail de l’université de Tours QUALIPSY et Président de l’association AQUAVIES (Association pour la QUAlité de VIE des Soignants), pour partager son expertise  pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com

Biographie de l'auteur :

Philippe Colombat est Professeur en hématologie au CHU de Tours où il a exercé en qualité de chef des services d’hématologie clinique et thérapie cellulaire.
Il a été en charge du pôle de cancérologie-urologie de 2011 à 2018, du service d’oncologie pédiatrique et du réseau départemental de soins palliatifs de la région Centre-Val de Loire.
Il s’est occupé de l’unité de soins palliatifs de 2006 à 2011. Il fut notamment le fondateur et le responsable national du DESC médecine de la douleur-médecine palliative (2007-2011).
Il a été en charge du pôle de cancérologie-urologie de 2011 à 2018, du service d’oncologie pédiatrique et du réseau départemental de soins palliatifs.
Fondateur et président (2001-2006) du Collège national des enseignants en soins palliatifs, il est responsable du DIU d’accompagnement et de soins palliatifs à la faculté de médecine de Tours.
Il est à l’origine du concept de la démarche participative dans les soins et est co-responsable  du mastère 2 (IAE Tours) « Management et santé au travail ».  
Entre Juillet 2018 et Décembre 2021, il est nommé Président de l’Observatoire National pour la Qualité de Vie au Travail des Professionnels de Santé et du Médico-Social , par Agnès BUZYN, Ministre des Solidarités et de la Santé. Cette initiative s’inscrit dans la Composante de la stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail avec la mission nationale Qualité de Vie au Travail et la médiation nationale.
Le Professeur Philippe COLOMBAT, est également membre de l’équipe de recherche de l’équipe de psychologie du travail de l’université de Tours QUALIPSY et Président de l’association AQUAVIES (Association pour la QUAlité de VIE des Soignants).
Résumé de l’ouvrage : 
Démarche participative et qualité de vie au travail
Cette nouvelle édition de l’ouvrage Qualité de vie au travail et management participatif est le reflet des évolutions récentes du concept de « Démarche participative et qualité de vie ». Ouvrage collectif et fruit de l’expérience de terrain acquise par les auteurs, l’ouvrage se fait l’écho de la cohérence intime entre la souffrance ressentie, le rôle essentiel du management et la qualité de vie au travail.
Parce que l’idéal de tout soignant tend à l’amélioration de la qualité des soins dispensés aux patients, les auteurs mettent l’accent sur la nécessité d’instaurer un modèle organisationnel qui place la prise de décision collégiale, la cohésion des équipes, la mise en place des changements, la bienveillance et la bientraitance au cœur de ses objectifs.
Organisé en cinq grandes parties :
. les constats : difficultés d’être soignants et interactions entre amélioration de la qualité de vie au travail des soignants et prise en charge des patients ;
. les concepts : déterminer les pratiques qui répondent aux besoins fondamentaux des soignants et qui prennent en compte leur souffrance ;
. le modèle de la démarche participative (DP) dans les soins : mise en place et fonctionnement de la DP, critères de réussite et impacts mesurés ;
. les applications au monde de l’entreprise : les outils, les enjeux, les conditions de réussite ;
. les exemples de terrain : présentation concrète et documentée de l’application de la DP avec les succès mais aussi les limites et écueils.
Cet ouvrage s’adresse à tous les managers (médecins, directeurs, cadres de santé) du monde de la santé qui souhaitent contribuer à l’amélioration des pratiques de façon humaniste et bienveillante.

Revoir les [REPLAY] du 1er Colloque National Annuel de ManagerSante.com® au Solidarités et de la Santé avec de nombreux experts intervenants.

Philippe COLOMBAT

Professeur en hématologie au CHU de TOURS et Pt de l’Observatoire National de la QVT des professionnels de santé et du médico-social.

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