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Connaissez vous cette célèbre morale : « Rien ne sert de courir. II faut partir à point » ? Laura LANGE interroge le temps de l’action à travers la fable de La Fontaine « Le lièvre et la tortue ».

Nouvelle chronique philosophique extraite de l’ouvrage « Se manager : avec la ménagerie de La Fontaine » de Laura LANGE (PhD), conférencière, Docteure en philosophie pratique, chroniqueuse et experte APM. 

Elle interviens depuis plusieurs années dans les organisations. Une activité qui lui a valu de remporter le prix « innovation » du jeune entrepreneur de l’année 2013 à Lyon pour sa première création d’entreprise « Counseling Philosophie« .

Laura LANGE est autrice de plusieurs ouvrages, dont le dernier est publié en 2022 et intitulé « Vers une maternité sans corps », publié aux Éditions de l’Observatoire.

Rappelez-vous. Il s’agit d’une Tortue qui lance un pari de course au Lièvre. Ce dernier, pour le gagner, n’a que quatre pas à faire mais il minimise la Tortue. Il croit qu’il y va de son honneur de partir tard, il broute. Il se repose. Puis, quand il voit que la Tortue touche presque au bout de la course, il part comme un trait. Hélas pour ce proche des lapins, les élans qu’il fait sont vains. La Tortue arrive la première.

A quoi sert donc la vitesse du Lièvre si elle ne lui permet pas de remporter la course ?

Cette fable est intéressante car elle se présente comme un prétexte pour penser, dans une société où règne un culte de la rapidité, notre rapport au temps et surtout à ce que l’on en fait.

Observez. D’un côté, un Lièvre qui peut aller vite. De l’autre, une Tortue qui ne le peut pas. Mais le Lièvre n’est pas seulement un animai qui peut aller vite. 11 est d’abord un animal et, à travers la fable, quelqu’un qui se sachant rapide par rapport à la Tortue, pense pouvoir maîtriser le temps. Cette volonté d’un temps maîtrisé est d’ailleurs caractéristique de nos sociétés libérales qui cherche à rentabiliser le temps et vise des contentements rapides.

Si cette fable évoque le rapport que nous entretenons au temps (courir, partir à point), elle évoque surtout ce que nous en faisons.

Elle met en exergue combien la gestion du temps dépend de la conception de la situation. Un tel pari avec une Tortue, parce que c’est une Tortue, octroie au Lièvre la possibilité de prendre son temps, de flâner. Il en est de même pour vous et moi lorsque nous nous estimons être en concurrence avec quelqu’un qui ne fait pas le poids.

Imaginez. Si un autre Lièvre (donc quelqu’un d’aussi fort que vous) ou un guépard (quelqu’un de plus fort que vous), lui avait soumis le même pari, serait-il faux de penser que le Lièvre serait parti à point ? Au-delà de sa nature même qui le rend vif et futé, ne serait-ce pas la Tortue et la représentation qu’il s’en fait qui le poussent à partir tard ?

La Tortue ne l’impressionne pas, au contraire il la dédaigne. Il ne joue donc pas le jeu d’un pari qu’il estime ne pas être à sa hauteur, sûr qu’il est de l’emporter. Il accepte le pari non pas pour gagner puisqu’il en est convaincu mais par question d’égo. Il y a ici un mépris à la fois de la lutte mais aussi de la victoire.

Le Lièvre est dans la jouissance d’une victoire consommable. Se reposant sur sa force, il ne connaît que l’aspect passif de cette victoire qu’il pense assurément obtenir. La Tortue, quant à elle, se hâte avec lenteur. Elle agit relativement à ses possibles. Elle fait comme elle peut. Le Lièvre, lui, fait comme il veut. Par cette action laborieuse, la Tortue s’accomplit. C’est en faisant qu’on atteint la liberté dit Hegel relativement à sa dialectique du maître et de l’esclave. La Tortue doit sa victoire au produit de son travail, de son labeur. En ce sens, elle renverse le rapport de domination initiale. Elle est libre. A l’inverse, le Lièvre est dépendant à la fois du pari de la Tortue et de sa représentation qui le pousse à minimiser l’adversaire et à partir tard, trop tard ! Le petit peut donc devancer le gros. Motivant, non ?

La Tortue n’était pas folle comme le présumait le Lièvre mais audacieuse. Elle cherchait moins à gagner qu’à concourir, à se réaliser au travers de cette lutte concurrentielle.

Sa force ?

Elle sait quelles sont ses faiblesses et ses forces. L’endurance, la tempérance…

Elle sait aussi quelles sont les forces et les faiblesses du Lièvre. Si le Lièvre se croit ruser, la Tortue est plus maligne, plus avertie. Elle fait œuvre d’esprit et mise directement sur la faiblesse du Lièvre, à savoir la certitude qu’il a de réussir et le dédain qu’il a pour elle.

De son côté, le Lièvre mise seulement sur la lenteur de la Tortue sans se remettre en question.

Prenons un exemple concret. Comme le Lièvre qui a foi en son comportement. Steve Jobs prévoyait sa victoire à la tête d’Apple, lorsqu’il perdit une lutte de pouvoir avec le directeur général qu’il avait pourtant lui-même recruté. John Sculley. A la différence du Lièvre bien entendu. Steve Jobs ne s’adonnait pas à 1 oisiveté mais il n’en restait pas moins passif dans la valorisation de ses relations sociales. C’est justement ce qui l’a perdu à cette époque. En effet, assuré de pouvoir débarqué avec succès celui qu’il l’avait recruté, ce dernier le devança. John Sculley réussit à s’entendre avec l’ensemble de rassemblée.  Il est parti à point en conscience des faiblesses de Steve Jobs.

Sûr de sa victoire, convaincu de son succès, ce dernier n’avait pas pris note de ses faiblesses et n’avait donc pas œuvré pour améliorer cela. Mis de côté, désabusé, il quitta la société en 85.

Lors de son grand retour chez Apple, la plupart des gens le diront changé, plus près des gens.

Houra ‘ Il a donc pu rebondir, preuve qu’il n’y a pas de morale radicale, tranchée qui dirait que nous sommes soit un Lièvre mauvais soit une Tortue bonne. Nous sommes tout un chacun et de manière périodique, en fonction des contextes, parfois Tortue, parfois Lièvre.

En conséquence, il est important de ne pas oublier le principe de réalité qui nous apprend que nous sommes toujours la Tortue d’un Lièvre et le Lièvre d’une Tortue.

L’essentiel étant de :

Prendre conscience des forces et des faiblesses de chacune de ces deux conditions. Concevoir qu’une lente persévérance peut plus qu’une insouciante agilité.

Comprendre que de petits moyens mis en œuvre activement et avec ténacité peuvent plus que de grandes ressources employées sans vigueur.

Sans nier que les efforts de la Tortue resteront vains si le Lièvre fait œuvre d’esprit, employant avec vigueur ses grandes ressources.

Aussi chers lecteurs, soyez Lièvre d’esprit en tâchant de ne pas perdre de vue la Tortue que vous êtes toujours, possiblement plus vulnérable, en perte de vitesse mais toujours follement audacieuse.

Il était donc une fable fabuleusement d’actualité qui permet de remettre l’humain au cœur des problématiques sociales et professionnelles actuelles. Rappelant que la performance, une des valeurs cardinales de nos sociétés libérales, vient avant tout de la façon dont les hommes et les femmes parient, non pas avec un tiers, que serait le Lièvre ou la Tortue, mais avec eux-mêmes et sur le sens de leurs actions.

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