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Médecin numérique, un nouveau métier ? Isabelle ROUHAN nous en parle dans son ouvrage sur « Les métiers du futur ».

Nouvel article rédigé par Isabelle ROUHAN, Fondatrice de Colibri Talent | Cabinet de recrutement de dirigeants | Business Angel | Board member | Entrepreneure, autrice, conférencière, chroniqueuse, podcasteuse | Future of work.

Elle est auteure de plusieurs ouvrages dont « Les métiers du futur » (2019), aux éditions FIRST et « Emploi 4.0 : Quels métiers pour réussir la transformation technologique ? » (2021) aux éditions ATLANDE.

En accord avec l’auteure que nous remercions chaleureusement, nous publions sur ManagerSante.com un extrait de cet ouvrage sur « Les métiers du futur« .

J’ai rencontré Christophe Richard, qui est médecin, et également ex-directeur médical chez Santeos, filiale du groupe ATOS. Son métier est au croisement du monde médical et du monde numérique. Ils sont encore très peu à le pratiquer en France, c’est un noyau de quelques médecins qui exercent non pas en cabinet ou en hôpital, mais dans des organisations qui sont amenées à traiter des données de santé et à s’assurer que le secret médical est respecté et que l’intérêt du patient est bien au cœur des préoccupa­tions des acteurs « non médecins ».

Christophe a obtenu son diplôme de médecine générale en 1996. Il a d’abord effectué des rempla­cements, mais n’a pas souhaité s’installer et créer son propre cabinet. À l’époque, il était moins attiré par un exercice traditionnel de la médecine que par les promesses de l’informatique médicale. Il a donc rejoint en 2002 une start-up, dont le métier était celui de l’informatisation des dossiers médicaux. Il avait un rôle de responsable des affaires médicales, dont la mission première était de transposer les dossiers médicaux « papier » en dossiers « informatisés » pour des réseaux de soins, et de manière assez naturelle une place a été faite à la déontologie médicale et à la sécurisation des données médicales informatisées.

C’était un moment charnière, car le 4 mars 2002, la loi dite « loi Kouchner » a consacré le chapitre premier, sous le titre « Information des usagers du système de santé et expression de leur volonté », au droit du patient à l’information. Le patient est devenu acteur de sa propre santé et les médecins ont vu leur pratique évoluer notamment en intégrant dans leur exercice quotidien les principes d’une information loyale, claire et appropriée, et d’un consentement ou d’un refus éclairé.

En 2006, Christophe soutient une thèse de médecine, Le contenu d’un dossier médical partageable, pour contribuer à la réflexion sur le dossier médical infor-matisé en s’appuyant sur l’expérience acquise auprès des réseaux de soins. Puis il rejoint Santeos en 2009 pour travailler sur l’appel d’offres de marché public pour la création du dossier médical partagé (DMP) disponible pour le grand public en France depuis novembre 2018. Il explique ainsi la valeur ajoutée de son engagement : « Aujourd’hui mon métier est au carrefour du juridique, de la technologie des données, de l’intelligence artificielle et de la médecine. L’objectif est de digitaliser les processus de santé, afin que le patient soit vu dans son ensemble, et non pas simplement patho¬logie par pathologie. ».

Le premier enjeu du médecin numérique, c’est la sécurité des données. Le droit du patient à l’informa­tion s’exerce aussi postérieurement à l’acte médical ou au cours du traitement de la maladie, par l’accès aux informations établies et détenues par le professionnel ou l’établissement de santé. Il faut savoir qu’en France, seuls le patient, le médecin et, dans certains cas très spécifiques de réquisition judiciaire, un juge d’ins­truction peuvent avoir accès aux données médicales d’une personne. Le décret de 2006 sur l’hébergement des données de santé oblige un hébergeur à obtenir un agrément auprès du ministère de la Santé, afin que l’accès aux données soit sécurisé. Cela rend la présence d’un médecin obligatoire dans toute organisation qui traite et héberge la donnée médicale. Lorsque la CNIL ou une autorité judiciaire souhaite consulter un dossier médical hébergé par Santeos, c’est à Christophe, en tant que médecin, de faire l’interface. Il garantit que les données sont traitées et éventuellement partagées conformément aux obligations de chacun, dans le respect de la loi et de l’intérêt du patient.

Le second enjeu est de créer et maintenir la confiance entre le médecin et le patient, à l’heure du numérique. Si demain, une intelligence artificielle procède à un diagnostic qui, par exemple, amène à préconiser une amputation, il est peu probable que le patient accepte le traitement sans discuter ni douter. Concrètement, l’intelligence artificielle peut aider les médecins à extraire, à partir de données médicales, des informa­tions très utiles mais difficiles à repérer, voire des corré­lations indétectables par un humain, qui permettent d’établir des diagnostics plus précoces, plus fiables et plus précis que celui d’un médecin. Néanmoins, la présence d’un médecin est nécessaire pour garantir que le diagnostic est adapté, annoncé de manière adéquate au patient, et que les traitements proposés restent bien dans l’intérêt du patient.

À plus long terme l’enjeu réside dans une transforma­tion de la médecine. Qui accepterait qu’un processus mathématique aussi rapide soit-il se substitue au processus de décision médicale ? Christophe l’exprime ainsi : « Je pense qu’il faut avoir une approche généraliste, et rester curieux. L’objectif n’est pas de devenir simple­ment un spécialiste ultra-compétent dans un domaine, mais de savoir faire la synthèse des informations qu’on utilise, en ayant bien à l’esprit que c’est bien l’“huma­nité” de la médecine qu’ilfaut s’attacher à accroître afin quelle ne s’égare pas dans la “technologie” ».

Le médecin numérique devra en permanence s’appro­prier des angles de vue différents : celui du patient, celui du juriste, celui de l’ingénieur qui développe des solutions numériques, celui du statisticien qui construit puis analyse les bases de données… Il aura un rôle de « traducteur universel » qui se met au niveau de chaque interlocuteur. La clé sera de posséder un excellent esprit de synthèse, d’être à la fois diplomate et fin négociateur.

Si la loi évolue, un jour, le numérique pourra devenir une spécialité médicale, au même titre que la cardiologie ou la neurologie. Ces médecins numériques auront pour mission d’entraîner et d’éduquer des intelligences artificielles à mieux diagnostiquer les patients. La recherche scientifique et médicale se ferait alors sur des bases d’open data médicales. « C’est tout à fait impossible aujourd’hui, au regard de la loi qui restreint légitimement l’accès aux données médicales. Mais il serait formidable que le don de données médicales par un patient devienne possible, à la manière du don d’organe. Ce serait une manière d’industrialiser la confiance entre le médecin et le patient. ».ve.

FICHE MÉTIER : MEDECIN NUMERIQUE

Les missions principales

Le médecin numérique est avant tout un médecin, diplômé et expérimenté, capable d’exercer son métier en utilisant les technologies de la commu­nication. Par exemple, dans le cadre d’une consultation de télémédecine, il peut être amené à se connecter à distance, avec un patient, avec des confrères ou, le cas échéant, avec d’autres professionnels de santé apportant leurs soins au patient, pour pratiquer la médecine.

Pour aller plus loin, la technologie utilisée par le médecin ne se limite pas à un écran : il peut se référer à des données collectées, par tout type de dispositif, afin d’affiner son diagnostic ou de mieux prendre en charge le patient. Cela peut aller de l’analyse d’informations numérisées collectées autour du patient (rythme cardiaque, température, poids, nombre de pas…), à l’échange de données entre le patient et le médecin (par exemple, une photo de la pathologie envoyée par le patient).

Les apports du rôle

Le ‘médecin numérique participe fortement à l’amélioration de l’accès aux soins, en particulier dans les « déserts médicaux ». Il/elle permet de commencer une prise en charge au plus près du lieu de vie des patients et contribue à rompre l’isolement du patient comme celui des profes­sionnels de santé.

Il améliore aussi la qualité de la prise en charge, la qualité des dépistages et la qualité de vie.

La particularité de la médecine numérique est que la consultation ne se limite pas au temps du rendez-vous entre patient et praticien : la prise en charge se poursuit au fur et à mesure de la réception des données de santé par le médecin.

Toutefois, le médecin numérique doit être soucieux du fait que sa pratique soit économi­quement viable. Une téléconsultation, ce n’est pas juste mettre une caméra entre le médecin et son patient. Il faut vérifier qui doit être présent, garantir la sécurité de la consultation, évaluer combien elle coûte, et décider comment on répercute le coût de cette consultation.

Les compétences requises

En plus des compétences médicales nécessaires à tout praticien, le médecin numérique doit, de manière évidente, être capable d’utiliser les technologies pour effectuer sa consultation à distance.

Par ailleurs, il doit faire preuve de discernement, pour arbitrer dans quel cas la télémédecine est appropriée, et dans quel cas, il vaut mieux réorienter le patient qui téléconsulte vers une auscultation pratiquée en cabinet.

Enfin, il doit faire preuve d’intelligence émotion­nelle, pour construire une relation solide avec son patient, malgré l’interface d’un écran et la distance. La confiance est essentielle dans la relation entre le patient et son médecin : la technologie ne doit pas se substituer à la qualité de cette relation. La technologie bouleverse la relation médecin­patient, dans le sens où elle l’enrichit (il y a plus d’informations et plus de vecteurs de contact). L’erreur serait que ces échanges de données se substituent au colloque singulier, c’est-à-dire à la relation humaine entre soignant et soigné.

La valeur ajoutée

La médecine numérique favorise l’amélioration de l’accès aux soins, une meilleure prise en charge des pathologies déclarées, et surtout un meilleur dépistage. Dans la même logique que celle de de la maintenance prédictive, le dépistage systéma­tique de certaines pathologies est déjà proposé par l’assurance-maladie, mais souvent sur la base de données très simples pour évaluer les risques potentiels et proposer un examen (croisement âge et genre…).

En allant plus loin, dans le futur, un médecin numérique pourrait, en respectant les règles de déontologie et de confidentialité propres à son métier, utiliser des données de santé disponibles à grande échelle, pour mieux estimer le niveau de risque de ses patients pour une pathologie donnée, et proposer une démarche de soin préventi

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