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Mais de quoi le « souhait » est-il l’expression ? Laura LANGE développe sa réflexion à partir de la fable de La Fontaine « Les souhaits ».

Nouvelle chronique philosophique extraite de l’ouvrage « Se manager : avec la ménagerie de La Fontaine » de Laura LANGE (PhD), conférencière, Docteure en philosophie pratique, chroniqueuse et experte APM. 

Elle interviens depuis plusieurs années dans les organisations. Une activité qui lui a valu de remporter le prix « innovation » du jeune entrepreneur de l’année 2013 à Lyon pour sa première création d’entreprise « Counseling Philosophie« .

Laura LANGE est autrice de plusieurs ouvrages, dont le dernier est publié en 2022 et intitulé « Vers une maternité sans corps », publié aux Éditions de l’Observatoire.

Chaque année, à chaque jour de fête, on observe la même rengaine, celle des souhaits. Mais de quoi le souhait est-il l’expression ? Que se souhaite-t-on ?

Pour y répondre, je vous propose de développer une réflexion à partir de la fable « Les Souhaits » de La Fontaine. Une fable moins célèbre et pourtant tout aussi passionnante. Il s’agit d’un follet ou d’un lutin qui cultivait le jardin d’un couple de bourgeois. Jaloux écrit La Fontaine, ses confrères lutins obtiennent du roi qu’il soit envoyé en Norvège. Il accorda au moment de partir trois souhaits à ses hôtes : le premier fut l’abondance, le deuxième la médiocrité, le dernier la sagesse. Vous conviendrez qu’il est rare que l’on vous propose de vous accorder trois souhaits ! Mais si on vous le proposait, que répondriez vous ? Au traditionnel « qu’est-ce que je te souhaite » de début d’année ? », on répond le plus souvent à l’autre ce que l’on se souhaite à soi- même. Et, on répond quoi ? Et bien communément la santé, l’amour, le travail, la richesse.

Le souhait exprime le désir de réaliser quelque chose. Il se situerait plutôt du côté des affects, se contentant de poser les fins telles que la santé ou la richesse ou encore l’abondance qui s’apparentent davantage à une fin visée qu’à un moyen utilisé. En effet et dans les faits, le souhait se préoccupe peu des moyens tels que mener une vie saine pour obtenir que perdure la santé ; être prêt à de l’investissement voire des sacrifices, mettre du cœur à l’ouvrage, prendre des risques pour obtenir un travail, la richesse ou encore l’abondance. Le souhait qui se préoccupe peu des moyens se préoccupe également peu des conséquences : Que ferais-je de cette abondance acquise si mon souhait venait à être exaucé ? Pourrait-elle m’être préjudiciable, en quel sens et pourquoi ? Pourquoi courir après ? Pourquoi l’espérer ?

Observez pour commencer que le souhait a souvent la folie des grandeurs et le désir de la fin convoitée sans se donner les moyens d’y arriver. On constate en effet et le plus souvent que l’engagement vis-à-vis du souhait est temporaire. Dans les faits, on ne s’y tient pas continûment. Car le souhait représente plutôt un idéal de conduite à tenir.

Étymologiquement, souhaiter vient d’un mot gallo-romain reconstitué subtus-haitare qui signifie promettre sans trop s’engager. D’une certaine manière, le souhait se présente ici comme une sorte de produit de notre désir auquel nous- même nous ne croyons pas vraiment. « Oh, de toute façon ça n’arrivera jamais ! » nous exclamons nous bien souvent. Aussi, ai-je à le souhaiter…Comme sien notre for intérieur, nous attendions une sorte de coup de pouce du destin incarné dans la fable par le lutin.

Le souhait est ici proche de ce que nous appelons aussi couramment le « vœu ». Ce dernier ayant une connotation plus mystique et religieuse.

Dans ses travaux, Aristote montre que le domaine du souhait et du désir est plus étendu que la sphère du choix et de la décision. Les choses impossibles et qui ne dépendent pas de nous peuvent être souhaitées. Les choses déraisonnables donc également.

Le souhait de l’abondance (avoir le coffre garni, le grenier plein de blé, la cave remplie de vin comme le souhaite les hôtes de la fable) est un souhait communément partagé, en partie expression de notre volonté de puissance comprise ici en un sens plus psychologique et culturel que biologique et naturel comme le concevait Nietzsche. Ce dernier écrivait « La volonté est essentiellement mouvement vers la domination, vouloir, est avant tout vouloir être maître ».

Dominer ou plutôt maîtriser et posséder, voici les valeurs cardinales de nos sociétés capitalistes et néolibérales actuelles. Ambition, réussite et abondance font fine équipe. En témoignent les propos du ministre de l’économie Emmanuel Macron en déplacement à Las Vegas « L’économie du net est une économie de superstar. Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires », qui souhaitent donc l’abondance ! Mais la référence à l’abondance ne se limite pas au seul champ financier. Derrière tout souhait, il y aurait une abondance souhaitée comprenons un « plus » qui nous amène à désirer par exemple un travail fort épanouissant et/ou un amour ardent et/ou encore une santé de fer et d’acier. Car on sait bien qu’un désir satisfait élève un désir plus fort encore.

Dans son roman La perle, John Steinbeck écrit « On dit que l’homme n’est jamais satisfait : qu’une chose lui soit offerte, et il en souhaite une seconde ». En effet, les souhaits se multiplient. Et s’il est une seconde chose qui apparaît et qu’il n’avait pas souhaité pour le coup ce sont les conséquences possiblement fâcheuses de la réalisation de son souhait.

Suite à cette abondance conférée par le lutin au couple de bourgeois « fous deux sont empêchés par les voleurs qui contre eux complotèrent ; les grands Seigneurs qui leur empruntèrent ; le Prince qui les taxa. Voilà les pauvres gens. Malheureux par trop de fortune qui formule donc un second vœu : Otez-nous de ces biens l’affluence inopportune. La pauvreté vaut mieux qu’une telle richesse ». Bien que dans les faits, soyons honnêtes, l’infortune ne nous paraisse pas plus favorable que la fortune ! Serait-elle plus noble que l’abondance car plus proche de notre état naturel ? Peut-être bien. N’empêche que l’on ne peut que constater que rien de grand ne s’est réalisé sans une once d’abondance.

De ce vœu de médiocrité, les hôtes en viennent à formuler celui de la sagesse qui leur aurait assurément évités de souhaiter dans l’urgence les deux premiers.

La sagesse ne se trouve pas du côté du souhait. Elle se situe du côté de la volonté qui s’exerce et s’accomplit davantage qu’elle n’espère.

« Quand on veut on peut » dit d’ailleurs l’adage traditionnel qui vient signifier l’idée d’une responsabilité de notre volonté sur notre capacité d’action. Cela sous-entend aussi l’idée d’une responsabilité de notre volonté s’exerçant sur ce qui dépend de nous.

Dans le réel, on constate d’ailleurs bien comment la raison peut venir discipliner le souhait, souvent passionne et disproportionné, en le rapprochant de la volonté. En effet, certains souhaits portent moins sur la l’in que sur les moyens souhaiter arrêter de fumer par exemple e est souhaiter un moyen qui dépend de nous et qui devrait contribuer à la fin qu’est la santé. Dans ce cas. le souhait exprime moins un désir qu’un mouvement de la volonté vers un bien qu’on n’a pas et auquel on aspire.

On s’interroge alors : le souhait pour l’abondance ne pourrait-il pas témoigner d’une forme de sagesse pratique, produit non pas d’un désir illuminé mais d’une volonté éclairée ? L’abondance aussi critiquable soit-elle aurait alors pu être accueillie par le couple de la fable, s’il y axait été préparé concrètement et non chimériquement.

Il y aurait donc une graduation du souhait tantôt plus proche du désir tantôt plus proche de la volonté. Aussi, pouvons nous de nous-même situer noire souhait relativement aux seuls affects et désir qui l’animent ou à la volonté et la raison qui l’accompagnent.

Aussi, je conclurai cette réflexion par une simple question :

Qu’est-ce que je vous souhaite ?

En ce qui me concerne, je vous souhaite de faire œuvre de sagesse en répondant.

                                

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