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Peut-on parler de temporalités décalées en milieu hospitalier ? Le Professeur Éric DELASSUS nous éclaire avec philosophie (Partie 1/2).

N°66, Avril 2023

Nouvel Article écrit dans le cadre d’une conférence prononcée le 19 janvier 2023 à l’hôpital Théophile Roussel de Montesson dans le cadre des « Journées de Théo » par Eric, DELASSUS, (Professeur agrégé Lycée Marguerite de Navarre de Bourges et  Docteur en philosophie, Chercheur à la Chaire Bien être et Travail à Kedge Business School).

Il est co-auteur d’un nouvel ouvrage publié en Avril 2019 intitulé «La philosophie du bonheur et de la joie» aux Editions Ellipses.

Il est également co-auteur d’un nouvel ouvrage publié en Octobre 2021 chez LEH Edition, sous la direction de Jean-Luc STANISLAS, intitulé « Innovations & management des structures de santé en France : accompagner la transformation de l’offre de soins

Nous connaissons tous l’adage selon lequel « le temps c’est de l’argent », et même s’il repose sur des fondements plus que fragiles, il présente l’avantage d’être symptomatique de notre manière de percevoir notre rapport à ce que nous appelons le temps et de vivre notre temporalité. En effet, si nous faisons l’inventaire de toutes les expressions que nous utilisons pour parler de notre rapport au temps, nous remarquons que nous parlons le plus souvent du temps de la même manière que nous parlons de l’argent.

Ainsi, peut-on « gagner ou perdre du temps », « avoir du temps devant soi », « investir son temps » dans une activité ?

À une époque où, pour reprendre les analyses du sociologue et philosophe Hartmut Rosa[1], la rationalité à laquelle il faut se conformer s’inscrit dans un processus permanent d’accélération, certains vont même jusqu’à parler de « rentabiliser » ou « d’économiser » son temps.

Nous concevons le temps sur le mode de l’avoir, alors que curieusement nous le vivons sur celui de l’être, ou plus exactement du devenir. La temporalité de l’existence humaine est celle du devenir humain. Si, en effet, nous étions, le temps ne nous préoccuperait peut-être pas tant, nous serions plus proche de l’éternité, mais comme nous sommes en devenir, nous sommes nécessairement et incessamment préoccupés de ce qu’il va advenir de nous. D’autant que ce devenir est celui d’un vivant, c’est-à-dire d’un mortel. Cette dimension finie de notre condition marque d’ailleurs les limites du parallèle que nous pouvons établir entre le temps et l’argent. On aura beau bien « gérer » son temps, il est impossible d’économiser du temps de la même manière que l’on « met de côté » de l’argent pour subvenir à nos besoins dans les moments difficiles. Quand arrive le moment ultime, il n’est pas possible d’aller puiser dans ses économies pour gagner quelques semaines, quelques jours ou quelques heures. Nous sommes alors pris par le temps et il n’est alors plus temps de prendre son temps, si ce n’est prendre le temps de laisser le temps nous emporter.

D’ailleurs, nous ne savons guère si le temps agit sur nous ou si ce sont les choses de la vie qui agissent sur nous dans le temps. Car le temps, finalement, on ne sait pas trop ce que c’est… Nous croyons le savoir, mais pour reprendre ce qu’écrit Saint Augustin dans sa méditation sur le temps dans ses Confessions, il suffit qu’on nous demande de le définir pour que nous ne le sachions plus.

Qu’est-ce donc que le temps ?

Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus[2].

Le temps n’a pas d’être et peut-être est-il pour cela indéfinissable. Comme l’écrit le même Saint Augustin, ce qui fait qu’il est, c’est qu’il tend à n’être plus. Comme nous sommes en devenir, nous sommes pris entre un passé qui n’est plus et un futur qui n’est pas encore et notre vie présente ne se situe que dans cette limite qui sépare ces deux non-êtres que sont le passé et l’avenir. Nous nous situons toujours entre ce qui n’est plus et ce qui n’est pas encore. Si nous voulions nous exprimer à la manière du regretté Raymond Devos, nous pourrions dire que notre existence se perçoit comme située au point de rencontre entre deux riens, ce qui n’est finalement pas grand-chose ! Seulement voilà, ce « pas grand-chose », c’est toute notre vie, c’est la chair même de notre existence que l’on voit s’enfuir à chaque instant et que l’on ne parvient pas à saisir et arrêter. Il nous est néanmoins possible de retenir le temps et de nous projeter en lui, c’est ce qui fait dire à Saint Augustin que le temps est une distension de l’esprit et que finalement seul le présent existe selon plusieurs modalités, le présent du passé, le présent du présent et le présent du futur grâce à la mémoire, l’intuition et l’anticipation. Saint Augustin écrit en effet :

Ce qui m’apparaît maintenant avec la clarté de l’évidence, c’est que ni l’avenir, ni le passé n’existent. Ce n’est pas user de termes propres que de dire : “il y a trois temps, le passé, le présent et l’avenir”. Peut-être dirait-on plus justement : “Il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur” », car ces trois sortes de temps existent dans notre esprit et je ne les vois pas ailleurs. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est l’intuition directe ; le présent de l’avenir, c’est l’attente.

Mais s’agit-il alors encore bien du temps ? Ce dont nous parlons actuellement ne concerne-t-il pas plutôt notre perception que ce que l’on appelle le temps, que le temps réel, si tant est que le temps ait une réalité en soi. Comme l’écrit André Comte-Sponville :

Mais ce temps-là n’est pas le temps réel, n’est pas le temps du monde, n’est pas le temps de la nature : c’est le temps de l’âme, c’est le temps de l’esprit, et ce qu’on appellerait mieux la temporalité, entendant par-là l’unité – dans la conscience, par elle, pour elle – du passé, du présent et du futur[3].

Le temps existe-t-il en nous ou hors de nous ? Est-il comme le prétend Kant une forme a priori de l’intuition ou faut-il à la manière d’Isaac Newton le considérer comme une réalité absolue ? Il nous faut avouer que nous n’en savons rien. Le peu que nous savons et que nous connaissons du temps, c’est notre vécu du temps ou plutôt nos vécus du temps, c’est-à-dire certaines formes de temporalité.

Le temps est irréversible, impossible de l’arrêter ou de revenir en arrière. Comme le souligne avec malice Alain reprenant ces vers du Lac de Lamartine « Ô temps suspend ton vol », la question est de savoir pendant combien de temps le temps va-t-il s’arrêter ?

« Ô Temps ! Suspends ton vol ! » C’est le vœu du poète, mais qui se détruit par la contradiction, si l’on demande : combien de temps le Temps va-t-il suspendre son vol ?[4]

Impossible de faire en sorte que le temps s’accélère ou ralentisse, nous avons le sentiment que le temps s’impose à nous dans l’urgence ou l’ennui, la précipitation ou l’attente.

Cette incapacité de ralentir ou d’arrêter le temps est souvent durement ressentie par les soignants lorsqu’ils voudraient passer un peu plus de temps avec certains patients, afin de faire preuve à leur égard d’un peu plus de sollicitude et d’attention, mais qu’ils s’en trouvent empêchés par certains impératifs liés à la gestion des établissements de soin ou plus simplement par la nécessité de devoir s’occuper d’autres malades. Cette incapacité est le plus souvent vécue comme une indépassable impuissance qui confirme d’ailleurs la pensée de Jules Lagneau à propos de l’irréversibilité du temps lorsqu’il écrivait qu’alors que l’espace est la dimension de ma puissance, le temps est celle de mon impuissance[5]. Je peux faire et défaire ce que j’ai construit matériellement, comme l’enfant qui, avec son jeu de construction, édifie une structure qu’il démonte ensuite pour la remonter à nouveau. En revanche, nul ne peut faire que ce qui a eu lieu n’ait pas été. Ce qui est fait est fait et il n’est pas possible de revenir en arrière. Dans la vie, on ne peut pas, comme au cinéma, rejouer la scène. En ce sens la vie est plus proche du théâtre, on ne peut pas reprendre une scène au cours de la même représentation parce qu’on estime qu’on ne l’a pas bien joué. Les jeux sont toujours faits et rien ne va plus. Cela dit, si l’on ne peut agir sur le passé, il reste l’avenir qui est la dimension de tous nos projets. Nous avons le pouvoir de nous projeter dans le futur et d’essayer d’y produire des effets. Mais l’expérience le montre, tous nos projets ne sont pas toujours couronnés de succès et même lorsqu’ils aboutissent, c’est toujours après de nombreuses reconfigurations qui prennent en considération les obstacles et les contraintes avec lesquels il faut nécessairement négocier pour parvenir à ses fins. Et parmi les éléments incontournables à prendre en considération dans l’effectuation de nos actions et la réalisation de nos projets, il y a la présence d’autrui. Nous ne vivons pas le temps dans l’isolement ou la solitude, nous le vivons socialement et de manière intersubjective. Le problème est que nous vivons tous dans des temporalités différentes et qu’il est souvent difficile de faire se conjuguer ces diverses temporalités. On dit souvent qu’il y a un temps pour tout, sous-entendant par là qu’il faut toujours faire les choses au bon moment, mais il y a aussi une temporalité pour chaque chose et chaque action que nous effectuons, chaque attitude que nous adoptons possède sa propre temporalité. La temporalité de la méditation n’est pas celle de l’action, il y aussi le temps de l’attente et celui de l’urgence, celle de l’ennui et celle du souvenir. C’est lorsque l’on compare ces différentes temporalités que l’on prend conscience que si les heures sont toutes composées de soixante minutes, elles ne durent pas toute aussi longtemps les unes que les autres. Et c’est lorsque l’on prend conscience de cela que l’on découvre que le temps ne peut être mesuré simplement quantitativement et que la représentation que l’on s’en fait comme constitué d’une succession d’instants, par analogie avec l’espace qui serait composé de points, est erronée.

Comme l’a montré Bergson, le présent n’est pas de l’instant, mais de la durée. C’est pourquoi il peut durer plus ou moins longtemps. Le temps des montres, le temps qui se mesure en mesurant de l’espace ne correspond qu’à une tentative pour objectiver le temps qui est peut-être fort utile sur le plan social, mais qui reste une abstraction au sens où il est totalement étranger à notre vécu concret du temps, à notre expérience du temps, c’est-à-dire à notre temporalité.

Il peut sembler étrange de qualifier de concret ce qui n’a rien d’objectif et qui présente toutes les caractéristiques de la plus totale subjectivité, mais il faut prendre ici le terme concret au sens où l’entend Bergson au tout début de l’une de ses conférences intitulée « la conscience et la vie ». 

Mais, qu’est-ce que la conscience ?

Voilà ce que dit Bergson au tout début de conférence.

Vous pensez bien que je ne vais pas définir une chose aussi concrète, aussi constamment présente à l’expérience de chacun de nous.

Si l’on considère qu’est concret ce qui est indissociable de notre expérience et qu’est abstrait ce qui en est séparé́, il n’y a en effet rien de plus concret que la conscience, car jamais je ne pourrai en faire abstraction. Et comme pour Bergson la conscience est indissociable de la mémoire et de l’anticipation sans lesquelles nous ne pourrions pas nous inscrire dans une temporalité, il n’y a donc rien de plus concret que cette temporalité dont nous ne pouvons faire abstraction. Autrement dit, la perception concrète du temps est celle de la temporalité́, celle d’une durée qui s’évalue plus qualitativement que quantitativement.

Si l’on envisage les choses sous cet angle, on peut estimer que les gestionnaires qui voudraient mesurer le temps de travail des soignants uniquement de manière quantitative ont une conception totalement abstraite de la temporalité soignante. Il confonde le temps humain, le temps relationnel, le temps de la sollicitude et de l’intérêt attaché à autrui avec un temps qui n’est concevable qu’intellectuellement, mais qui ne possède pas la dimension charnelle du temps vécu. Le temps des montres et des horloges, le temps des mathématiciens et des physiciens est un temps totalement désincarné. C’est pourquoi on peut considérer avec Bergson que ce temps ne dure pas, il ne se mesure que selon des rapports quantitatifs qui ne révèlent rien de la manière dont il peut être vécu. Ce temps-là n’est pas celui de la conscience. Voilà ce que Bergson, toujours lui, écrit pour nous aider à mieux le comprendre :

Le temps pourrait s’accélérer énormément, et même infiniment : rien ne serait changé pour le mathématicien, pour le physicien, pour l’astronome. Profonde serait pourtant la différence au regard de la conscience [6].

Si le temps des montres et des horloges est homogène dans la mesure ou une heure y fait toujours soixante minutes et chaque minute soixante secondes, le temps vécu peut, quant à lui, se présenter selon des modalités très différentes et c’est principalement ce qui peut poser un problème à l’intérieur d’une organisation et dans le cadre des relations humaines et peut-être encore plus à l’intérieur d’un établissement de soin et dans le cadre d’une relation de soins.

Lire la suite de cet article le mois prochain.

Pour aller plus loin :

[1] Harmut Rosa, Accélération, Editions La découverte, 2013.

[2] Saint-Augustin, Confessions, Paris, Garnier-Flammarion, 1964. p. 264.

[3] Comte-Sponville A, L’être-temps, Paris: PUF; 1999. p. 22.

[4] Alain. Éléments de philosophie. Chapitre XVII : “Du temps”. Paris: Gallimard; 1941. p. 80.

[5] Lagneau J. « Cours sur la perception ». In: Célèbres leçons. Paris: PUF; 1964. p. 175-6.

[6] Bergson H. La pensée et le mouvant. Paris: PUF; 1975. p. 3.

 

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Nous remercions vivement notre spécialiste, Eric, DELASSUS, Professeur agrégé (Lycée Marguerite de Navarre de Bourges) et  Docteur en philosophie,  de partager son expertise en proposant des publications dans notre Rubrique Philosophie & Management, pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com 

Biographie de l'auteur :

Professeur agrégé et docteur en philosophie (PhD), j’enseigne la philosophie auprès des classes terminales de séries générales et technologiques, j’assure également un enseignement de culture de la communication auprès d’étudiants préparant un BTS Communication.
J’ai dispensé de 1990 à 2012, dans mon ancien établissement (Lycée Jacques Cœur de Bourges), des cours d’initiation à la psychologie auprès d’une Section de Technicien Supérieur en Économie Sociale et Familiale.
J’interviens également dans la formation en éthique médicale des étudiants de L’IFSI de Bourges et de Vierzon, ainsi que lors de séances de formation auprès des médecins et personnels soignants de l’hôpital Jacques Cœur de Bourges.
Ma thèse a été publiée aux Presses Universitaires de Rennes sous le titre De l’Éthique de Spinoza à l’éthique médicale. Je participe aux travaux de recherche du laboratoire d’éthique médicale de la faculté de médecine de Tours.
Je suis membre du groupe d’aide à la décision éthique du CHR de Bourges.
Je participe également à des séminaires concernant les questions d’éthiques relatives au management et aux relations humaines dans l’entreprise et je peux intervenir dans des formations (enseignement, conférences, séminaires) sur des questions concernant le sens de notions comme le corps, la personne, autrui, le travail et la dignité humaine.
Sous la direction d’Eric Delassus et Sylvie Lopez-Jacob, il a publié plusieurs ouvrages :
– le 25 Septembre 2018 intitulé ” Ce que peut un corps”, aux Editions l’Harmattan.
– un ouvrage publié en Avril 2019 intitulé «La philosophie du bonheur et de la joie» aux Editions Ellipses.
Il est également co-auteur d’un dernier ouvrage, sous la Direction de Jean-Luc STANISLAS, publié le 04 Octobre 2021 chez LEH Edition,  intitulé « Innovations & management des structures de santé en France : accompagner la transformation de l’offre de soins.

DECOUVREZ LE NOUVEL OUVRAGE PHILOSOPHIQUE

du Professeur Eric DELASSUS qui vient de paraître en Avril 2019

Résumé : Et si le bonheur n’était pas vraiment fait pour nous ? Si nous ne l’avions inventé que comme un idéal nécessaire et inaccessible ? Nécessaire, car il est l’horizon en fonction duquel nous nous orientons dans l’existence, mais inaccessible car, comme tout horizon, il s’éloigne d’autant qu’on s’en approche. Telle est la thèse défendue dans ce livre qui n’est en rien pessimiste. Le bonheur y est présenté comme un horizon inaccessible, mais sa poursuite est appréhendée comme la source de toutes nos joies. Parce que l’être humain est désir, il se satisfait plus de la joie que du bonheur. La joie exprime la force de la vie, tandis que le bonheur perçu comme accord avec soi a quelque chose à voir avec la mort. Cette philosophie de la joie et du bonheur est présentée tout au long d’un parcours qui, sans se vouloir exhaustif, convoque différents penseurs qui se sont interrogés sur la condition humaine et la possibilité pour l’être humain d’accéder à la vie heureuse.  (lire un EXTRAIT de son ouvrage)

 

Professeur Éric DELASSUS

Professeur agrégé et docteur en philosophie (PhD), j'enseigne la philosophie auprès des classes terminales de séries générales et technologiques, j'assure également un enseignement de culture de la communication auprès d'étudiants préparant un BTS Communication. J'ai dispensé de 1990 à 2012, dans mon ancien établissement (Lycée Jacques Cœur de Bourges), des cours d'initiation à la psychologie auprès d'une Section de Technicien Supérieur en Économie Sociale et Familiale. J'interviens également dans la formation en éthique médicale des étudiants de L'IFSI de Bourges et de Vierzon, ainsi que lors de séances de formation auprès des médecins et personnels soignants de l'hôpital Jacques Cœur de Bourges. Ma thèse a été publiée aux Presses Universitaires de Rennes sous le titre De l'Éthique de Spinoza à l'éthique médicale ( http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=2597 ). Je participe aux travaux de recherche du laboratoire d'éthique médicale de la faculté de médecine de Tours. Je suis membre du groupe d'aide à la décision éthique du CHR de Bourges. Je participe également à des séminaires concernant les questions d'éthiques relatives au management et aux relations humaines dans l'entreprise et je peux intervenir dans des formations (enseignement, conférences, séminaires) sur des questions concernant le sens de notions comme le corps, la personne, autrui, le travail et la dignité humaine.

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