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L’évolution du métier d’aide-soignant peut-elle être le pilier d’un nouveau modèle de performance pour notre système de santé ? Alexis BATAILLE nous éclaire sur les enjeux et les perspectives..

Nouvelle chronique littéraire rédigée pour ManagerSante.com par Alexis BATAILLE , Aide-Soignant militaire de réserve, depuis Septembre 2019, aujourd’hui étudiant en Soins Infirmiers au sein d’un Institut de Formation de la Croix-Rouge Française situé dans le Nord de la France.

Il est auteur d’un nouvel ouvrage publié en Octobre 2020 intitulé  « Le Guide de survie de l’aide-soignant : 100 questions-réponses sur le métier et la pratique », aux éditions Vuibert. Il est également auteur d’un autre ouvrage intitulé « Vous avez mal où ? », publié aux éditions City, en Mars 2019.

Il est également co-auteur d’un nouvel ouvrage collectif publié le 04 Octobre 2021 chez LEH Edition, sous la direction de Jean-Luc STANISLAS, intitulé « Innovations & management des structures de santé en France : accompagner la transformation de l’offre de soins.

Novembre 2021

L’on peut dire que le métier aide-soignant (AS) fut objet d’âpres discussions ces dernières semaines. Au cœur du débat ? L’évolution de sa formation initiale qui ouvre, par voie d’Arrêté [1], une évolution de ses compétences comprenant, notamment, de nouvelles activités de soins et le retour à la suite d’un marronnier professionnel : l’ouverture d’un dit « rôle propre ».

Un référentiel de compétences de l''Aide-Soignant(e) revisité

Officialisant, pour partie, des actes de soins déjà réalisés de façon officieuse par la communauté AS, cette révision des référentiels la concernant ne s’est pas fait sans susciter, ici et là, plus particulièrement parmi les infirmiers (IDE), leur collaborateur direct, des interrogations légitimes quant aux limites opposables à cette évolution afin de conserver, a priori, un équilibre de l’écosystème soignant [2].

Ainsi, même si cette mise à jour fonctionnelle est saluée par les principales organisations représentatives de la profession IDE, elle apparaît beaucoup plus nuancée par la base [3] dont il s’avère qu’elle compose la phalange opérationnelle, au plus proche du terrain, du binôme AS/IDE…

Or, fonctionnant de pair, combinant les expertises au service de la personne soignée, celui-ci s’inscrit comme la principale cheville ouvrière de l’organigramme soignant en réalisant une démarche de soins collaborative, dont le nouvel Arrêté en définit un nouveau cadre légal : la responsabilité partagée [1].

De ce fait, reconnu dans son identité professionnelle comme un élément moteur de toutes les prises en soin le binôme IDE/AS s’enrichit une nouvelle fois grâce à la dynamique singulière de la collaboration de soins. Une particularité française dont l’historique même du métier AS en est le fruit [4] et qui constitue, à la fois, sa force mais aussi sa faiblesse tel qu’ont pu le mettre en évidence les derniers débats concernant le rôle propre AS et l’ouverture à l’exercice libéral. Ceux-ci étant momentanément clôt par un avis défavorable du Haut Conseil des Professions Paramédicales (HCPP) et reste en attente de celui du Conseil d’Etat [5].

Pour autant, loin des inquiétudes classiques, qui devraient faire l’objet d’une politique robuste de l’accompagnement au changement au sein des organisations de soins, du niveau micro au macro, l’existence même de ces appréhensions présentes, dans un contexte où les compétences de tous les professionnels de santé sont recherchées et évoluent très vite en conséquence, pose de véritables questions de fond.

En effet, dans un système de santé qui doit lui-même se renouveler, en perspective de projections à moyen terme, voyant aller croissant les besoins, notamment dans une population de plus en plus vieillissante et dont les souhaits actuels confirment d’ores et déjà que les prises en soins « hors les murs » seront la norme [6], l’émergence d’une nouvelle offre de soins future est plus que jamais essentielle aujourd’hui.

Combinant expertise polymorphe, proximité et collaboration, celle-ci devra être, sans nul doute, placé sous le sceau de « l’accompagnement ». Aide à la réalisation d’activités de la vie quotidienne, éducation, prévention et promotion de la santé, hygiène, alimentation, ergonomie… Nombreux sont les domaines qui intéresseront toutes celles et ceux qui voudront, d’abord et surtout, « vivre » à domicile.

Dans cette optique, parce qu’il est déjà un professionnel de l’accompagnement, l’AS futur est au centre de de ces nouveaux enjeux de soins. Ceux où la demande dépassera très certainement l’offre à l’aune de l’évolution démographique.

Aussi, la montée vers des compétences métier et transversales, qui n’existent pas actuellement, doit être la réelle audace professionnelle des AS pour qui le particularisme doit rester la règle et non l’exception si l’on veut faire grandir ce métier avec propension, dans un espace proportionné qui respecte les limites des activités professionnelles d’autrui, sans remettre en cause l’utilité de la collaboration originelle avec lui.

Face à tout cela, les défis sont variés. Quid du cadre fonctionnel et systémique à donner à l’inévitable métamorphose du métier AS ? Comment définir à terme un nouveau modèle métier distinct de l’IDE sans pour autant contraindre la nécessité de la collaboration du binôme ? De quelles manières l’expertise AS peut-elle se légitimer au sein de l’intelligence collective des professionnels de santé ? Quelles sont les domaines d’innovations à investir ?

Stricto sensu, demandons-nous seulement : L’évolution du métier d’aide-soignant peut-elle être le pilier d’un nouveau modèle de performance pour notre système de santé ?

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Le métier d’aide-soignant, constat performatif du soin.

C’est sur un constat simple que les nouvelles dispositions législatives se construisent : sur le terrain, le métier d’aide-soignant a profondément muté. D’abord, parce que les attentes et les besoins de la population soignée ont également évolués. Dans le contexte que l’on connaît de vieillissement de la population, les aides-soignants ont une place à part entière dans des prises en soins de la vie quotidienne. Alliant accompagnement et conseil en santé, les aides-soignants ont dès lors dû développer, par le biais de la formation interne ou de l’autoformation, des compétences continues, notamment en ergonomie, en prévention cutanée et en raisonnement clinique afin d’enrichir le binôme AS/IDE, in fine les prises en soins. Lequel duo est parfois rompu puisque beaucoup d’AS ne travaillent plus directement avec l’IDE, particulièrement dans les services de soins à domicile, où l’isolement professionnel est la norme, ou dans certains EHPAD soumis aux contraintes des ressources humaines.

Dans ce contexte, il est évident que le métier d’aide-soignant devait s’adapter pour plusieurs raisons en perspective de son unité fondamentale, la personne soignée. En premier lieu, car les aides-soignants apparaissent sans doute comme les premiers professionnels de santé que rencontre quotidiennement une personne soignée dans le cadre d’une aide aux activités de la vie quotidienne, un besoin polymorphe s’amplifiant depuis plusieurs années. Il faut alors que le « diagnostic » soit le bon afin de produire des transmissions de qualité auprès des autres professionnels de la santé et de favoriser la continuité des soins. Il en va ici d’une perspective d’amélioration des soins.

Ensuite, car cette dite personne soignée n’est également plus la même et son état de santé n’est plus soumis aux mêmes contraintes (ex. maltraitance, dénutrition, isolement familial, précarité…) dans un environnement lui-même très changeant (ex. COVID19, changements climatiques). Il faut pour cela avoir les compétences nécessaires afin de reconnaître ces risques, d’orienter une première stratégie de prévention et de savoir identifier les professionnels compétents afin de surseoir aux impératifs inhérents. Il en va ici d’une perspective de prévention et de promotion de la santé.

Puis, car les pathologies se technicisent de plus en plus, les prises en soins le sont aussi. De ce fait, les aides-soignants sont au cœur du dispositif de la gestion matérielle et logistique afférente, nécessaire en terme quantitatif mais aussi qualitatif. Sur ce dernier point, il est évident que les aides-soignants sont, par exemple, les premiers utilisateurs du matériel de manutention humaine (ex. lève-patient, verticalisateur, chariot douche) afin de rendre doublement confortable toutes les prises en soins dont ils ont la responsabilité : pour le patient et pour le soignant. Il leur faut donc mobiliser une expertise technique pertinente à la hauteur de l’enjeu, a fortiori obligatoirement compatible, de la qualité des soins et de vie au travail. Il en va ici d’une perspective économique.

Or, face à tous ces impondérables, un seul bilan émerge : la mutation n’est pas terminée pour les aides-soignants. C’est un métier en bouillonnement constant. Preuve en est, les enjeux de santé relevés par la pandémie de la COVID19, par exemple, en EHPAD ou au domicile, profondément marqués par l’isolement social des personnes âgées, l’exégèse de l’utilité du raisonnement clinique AS face aux cas positifs de COVID19 et l’impératif de la continuité des soins en mode dégradé, dans un contexte pandémique, en dépit d’une insuffisance matérielle et logistique prégnante.

En cela, la crise sanitaire est une opportunité professionnelle pour les AS car elle a permis de démontrer son rôle central dans le dispositif de soins mais de poser les jalons d’une réflexion sur le défi performatif de la prise en soin AS comme élément moteur d’un nouveau modèle de système de santé. En effet, à l’aune d’une dynamique renouvelée, il est vrai que si les AS gagnaient en densité professionnelle, nous pourrions assurément gagner en flexibilité et en fluidité lors des prises en soins. Pour preuve, les AS n’ont jamais été aussi innovants que lorsqu’ils ont été adoubés par la communauté soignante comme les piliers forts du « prendre soin » et que leur avis comptait en conséquence (ex. participation au protocole de déconfinement). Il en va ici d’une perspective de participation à la recherche clinique.

Par humilité constante de cette communauté professionnelle mais forts du souci d’humanisme qu’elle transpire, il est urgent d’investir le champ de toutes les innovations tacites aides-soignantes et d’utiliser cette expérience du terrain comme le creuset d’un modèle de performance de notre système de santé dont elle deviendrait le rouage principal : l’ innovation.

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Vers la création d’un premier laboratoire d’innovation aide-soignant ?

Permettez-moi d’être un aide-soignant un peu utopiste. Selon les quatre perspectives, amélioration des soins, prévention et promotion de la santé, économique et participation à la recherche clinique, nous avons d’après moi les domaines dans lesquels les aides-soignants peuvent assurément créer de la valeur soignante, sans pour autant contraindre d’autres référentiels d’activités préexistants.

De cette valeur qui reste à créer, nous voyons également apparaître les défis intemporels de notre système de santé dans lequel l’aide-soignant, nous l’avons vu, aura une place cardinale dont personne ne peut plus en discuter l’utilité.

Néanmoins, pour que cette valeur ait du sens et de l’intérêt, encore faut-il la développer et l’enrichir avant d’en avoir le besoin. Comme pour toute crise, c’est l’anticipation qui est la clé.

Les aides-soignants paraissent ainsi le formidable terreau d’une dynamique innovante où une attention particulière à leurs expertises et à leur opérabilité sur le terrain est constitutive d’un nouveau modèle de soins et, de façon plus globale, d’un système de santé robuste, dont la base est reconnue et valorisée. Comme pour tout diagnostic, c’est le bottom-up du terrain qui construit la vision longue, et non une simple vision qui devient vite illusion dans le contexte de la santé…

Aussi, puisque l’évolution récente du métier aide-soignant ouvre la voie à de nouvelles possibilités pour le futur n’est-il pas grand temps d’étudier la faisabilité d’un laboratoire d’innovation aide-soignant dont le fil rouge serait le soin ?

Rassemblant en son sein différents acteurs, en fonction des quatre perspectives (ex. start-up, institut de formation, école des patients, établissements privés et publics, institutions…), ce laboratoire d’innovation AS (appelons le INNOV-AS) permettrait, sans doute, de faire grandir le métier AS en prévision du futur qui s’approche et d’enrichir la réflexion qui s’impose autour de cette évolution (ex. éthique, déontologie, juridique) souhaitée respectueuse de ce qui en fera toujours le sel : la collaboration avec l’IDE au service de la personne soignée.

Nous remercions vivement Alexis BATAILLE , Aide-Soignant et, depuis Septembre 2019, étudiant en Soins Infirmiers au sein d’un Institut de Formation de la Croix-Rouge Française situé dans le Nord de la France, pour avoir partager régulièrement ses réflexions, à travers ses chroniques passionnantes,  pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com.

Biographie de l'auteur : 

Aide-soignant diplômé en 2013. Alexis Bataille rejoint le Service de Santé des Armées la même année et servira dans différents Hôpitaux d’Instruction des Armées jusqu’en 2019. Durant son parcours de soignant militaire, Alexis aura en plus l’occasion d’être projeté en opération extérieure mais aussi d’être membre du Conseil de la Fonction Militaire du Service de Santé des Armées.
Dorénavant aide-soignant militaire de réserve, depuis Septembre 2019, Alexis Bataille est étudiant en soins infirmiers au sein d’un institut de formation de la Croix-Rouge Française situé dans le Nord de la France.
En parallèle de son activité professionnelle et étudiante, Alexis Bataille est également membre du comité de rédaction du site infirmiers.com, membre du Cercle Galien et auteur d’un ouvrage intitulé « Vous avez mal où ? Chroniques d’un aide-soignant à l’hôpital » paru chez City Editions en 2019.
Article récent dans EHPADIA Magazine publié le Lundi 22 Mars 2021  : 
Pasquelin A. « Nous ne sommes pas de simples exécutants » [Internet]. Ehpadia, le magazine des dirigeants d’EHPAD.

Journée Internationale des Aides-Soignants(e)s :

Témoignages d'Alexis BATAILLE (Sources : ActuSoins, Infirmier.com et RCF Radio)

[DERNIERS OUVRAGES DE L'AUTEUR]

Dans ce guide pratique, Alexis Bataille répond avec humour et sans tabou à toutes les questions pratiques que l’aide-soignant (élève ou professionnel) se pose, à l’aube de la refonte du référentiel aide-soignant. Présentant toutes les questions fondamentales (mais pas que !), le livre aborde les trois thèmes essentiels à la profession :
    • le métier d’aide-soignant dans tous ses aspects : Les missions de l’AS varient-elles en fonction du lieu d’exercice ? Quelle est la différence existe-t-il entre un AS et un IDE ? Le diplôme français suffit-il pour travailler à l’étranger ?
    • la pratique au quotidien : Comment être un AS bien organisé ? Comment planifier ses repas quand on travaille de nuit ? Comment faire face au décès d’un patient ? Comment gérer un conflit au travail ? Est-ce difficile d’être un homme dan sce métier ?
  • les relations aux patients : Que faire si j’ai un enfant comme patient ? Comment préserver l’intimité ? Quelle attitude adopter face à la douleur ? Quelle place donner à la famille du patient ? Comment réagir face à une situation violente ? 
Ce guide de survie facilitera la vie des aides-soignants jeunes diplômés et des moins jeunes, désireux d’être accompagnés au quotidien dans la bonne humeur !
Résumé de cet ouvrage : 
Alexis Bataille est aide-soignant dans un grand hôpital parisien depuis plusieurs années. C’est lui qui, avec les infirmiers, réconforte et parle aux blessés et aux malades que les médecins voient parfois trop rapidement. C’est à lui que revient la difficile tâche d’expliquer et de consoler. Dans ces chroniques, il raconte avec une infinie tendresse et beaucoup d’humour son quotidien, ses doutes et les difficultés de son métier. Il décrit ce petit univers de l’hôpital, la vie des internes et des infirmières. Un milieu parfois dur où il faut avoir la vocation chevillée au corps. Mais son histoire, c’est surtout celle de ses patients dont il raconte des fragments de vie : les petits bobos, les grandes plaies, l’injustice et le tragique. Des histoires d’une extrême sensibilité, parfois drôles et parfois tristes. Mais toujours d’une grande humanité.
ManagerSante.com soutient l’opération COVID-19 et est partenaire média des  eJADES (ateliers gratuits)
initiées par l’Association Soins aux Professionnels de Santé 
en tant que partenaire média digital

 Parce que les soignants ont plus que jamais besoin de soutien face à la pandémie de COVID-19, l’association SPS (Soins aux Professionnels en Santé), reconnue d’intérêt général, propose son dispositif d’aide et d’accompagnement psychologique 24h/24-7j/7 avec 100 psychologues de la plateforme Pros-Consulte.

Merci de votre soutien précieux...

Alexis BATAILLE-HEMBERT

Alexis BATAILLE  est infirmier, consultant et co-réadacteur d'un rapport sur la «santé des professionnels de santé » remis en Octobre 2023 auprès de Madame Agnès Firmin le Bodo, Ministre déléguée à l’organisation territoriale et aux professions de santé. Il est auteur de plusieurs ouvrages, notamment en 2022 avec "Les 50 outils indispensables de l'Aide-Soignant", (Février 2022) aux Editions Vuibert et "Je reste un soldat" (Avril 2022) chez City Edition. Aide-soignant diplômé en 2013. Alexis Bataille rejoint le Service de Santé des Armées la même année et servira dans différents Hôpitaux d’Instruction des Armées jusqu’en 2019. Durant son parcours de soignant militaire, Alexis aura en plus l’occasion d’être projeté en opération extérieure mais aussi d’être membre du Conseil de la Fonction Militaire du Service de Santé des Armées. A la suite de son départ, tout en poursuivant une activé de réserviste militaire, il développe ses compétences et devient infirmier en 2022. En parallèle de son activité professionnelle, Alexis Bataille est également élu municipal, membre du Cercle Galien et auteur de plusieurs ouvrages dont "Je reste un soldat" co-écrit avec Manuel Cabrita paru en Avril 2022 chez City Editions et le dernier sur la "Sémiologie pour l'infirmier" (2023, aux Éditions Vuibert).

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