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Quelles pourraient être les stratégies de communication mises en œuvre pour accompagner les “toxic handlers” ? Géraldine LEMOINE nous propose quelques pistes (Partie 2/2).

Article rédigé par notre  experte, Géraldine LEMOINE, Sociologue (Master 2 Développement social à Sciences-Po), conseil et animatrice de formations et d’ateliers conjuguant communication collaborative, développement de la créativité et prévention du stress, auteur et co-auteur d’un ouvrage publié aux éditions Odile Jacob intitulé « Toxic Handlers : les générateurs de bienveillance en entreprise ».

N°2, Avril 2021

Relire la 1ère partie de cet article

 

Les Toxic Handlers -ou générateurs de bienveillance – repèrent la souffrance de leurs collègues et, nous l’avons vu dans la première partie de cet article, s’engagent dans la recherche de solutions pour autrui et cela dans un esprit de coopération, sans recherche de pouvoir personnel. Véritables tuteurs de résilience, ils se révèlent souvent dans le cadre d’une crise traversée par l’organisation dans laquelle ils travaillent. Toute organisation aurait donc intérêt à privilégier des modes d’organisation et de communication privilégiant l’émergence de ces collaborateurs, pour prévenir, plutôt que guérir.

Quelques pistes d’approches concrètes à mettre en œuvre :

Les démarches de communication collaborative

La sociologie des organisations conclut régulièrement à la nécessité de re-créer du lien dans l’entreprise, de s’appuyer sur la coopération, de comprendre la richesse économique du social. Or, grâce aux neurosciences, on sait aujourd’hui qu’il faut être « touché » pour avoir envie de passer à l’action, la communication devant ainsi éveiller la curiosité, la flexibilité. D’où l’intérêt des démarches de développement de la communication collaborative et de la créativité qui, lorsqu’elles sont mises en place en organisation, suspendent les jugements (c’est même un de leurs fondamentaux), ouvrent le champ des possibles et créent du lien entre les collaborateurs qui s’y investissent, en leur faisant vivre une expérience collective.

Elles se développent de plus en plus dans les entreprises et organisations qui souhaitent accompagner leurs collaborateurs dans des démarches participatives et collectives, quel qu’en soit le sujet : élaborer ensemble une charte de « bonnes conduites » en open space ; imaginer un lieu de pause adapté ; construire un plan d’actions pour répondre à une problématique Ressources Humaines…

Elles s’initient après un audit des processus de communication -ascendante, descendante, transverse – en fonctionnement dans l’organisation, exigent le plein engagement de la hiérarchie quel que soit son niveau et donnent la parole à tous les collaborateurs. Les processus et/ou outils imaginés ensuite sont le fruit de réflexions collectives et répondent spécifiquement aux enjeux identifiés par l’ensemble des personnels ; ni gadget, ni catalogue d’idées toutes faites, la feuille de route qui en découle accompagne les collaborateurs de l’organisation au quotidien.

La Communication NonViolente ®(CNV)

Marie R. Miyashiro a développé les principes et la méthode initiés par Marshall B. Rosenberg pour les appliquer en entreprise ; son ouvrage Les enjeux de l’empathie au service de l’entreprise [1] précise certaines modalités de cette mise en œuvre.

Rappelons pour commencer les 4 étapes de la CNV, qui rendent tout processus de communication, à la fois riche et dénué de ressentiment : d’abord l’observation des faits : qu’est ce qui a été vu, entendu ; puis les sentiments, émotions : qu’est ce qui est ressenti, éprouvé (attention aux évaluations ou jugements masqués !) ; ensuite les besoins : quels sont les besoins, satisfaits ou pas, qui s’expriment derrière les sentiments et émotions ressentis ; et enfin la demande : quelle demande faire pour que les besoins non satisfaits le soient, ou que les besoins satisfaits continuent de l’être.

Pour Miyashiro, si chaque mise en relation est ponctuée par les 4 étapes précédemment citées, avec l’intention parfaitement intégrée par chaque participant de mener à bien la discussion, alors la communication est forcément fluide et non violente. Nous y ajouterons, quant à nous, ce préalable indispensable : la CNV doit s’inculquer au plus haut niveau de la hiérarchie, c’est même là qu’elle doit s’implanter d’abord, au niveau intra-personnel. Si ce préalable n’est pas réalisé, alors la démarche a toutes les chances d’être perçue comme manipulatoire par les collaborateurs de l’organisation.

La CNV met en place les conditions d’émergence de l’empathie et conduit à faciliter la communication à tous les niveaux : intra-personnel, interpersonnel et organisationnel. Ce mode de fonctionnement convient, bien sûr, aux générateurs de bienveillance en fonction dans l’organisation et permet également de faire « émerger » certains profils spécifiques de type 2 ou 3, qui se sentiront à l’aise facilement dans ces processus.

Le co-développement professionnel

Selon ses promoteurs, Adrien Payette et Claude Champagne[2] le co-développement professionnel est « une approche de développement pour des personnes qui croient pouvoir apprendre les unes des autres afin d’améliorer leur pratique. La réflexion effectuée, individuellement et en groupe, est favorisée par un exercice structuré de consultation qui porte sur des problématiques vécues actuellement par les participants ». Comme les générateurs de bienveillance se nourrissent de l’interaction et des compétences partagées, le processus du co-développement leur est donc accessible. Plus une organisation le favorisera en son sein et plus leurs caractéristiques pourront d’ailleurs émerger. La méthode implique dans un premier temps de faire appel à des animateurs externes formés à la méthode, puis de former ensuite des formateurs internes qui organiseront eux-mêmes des temps dédiés à la démarche.

Les principes de la psychologie positive appliqués à l’organisation

La psychologie positive s’intéresse aux forces des individus qui sont identifiées dans le cadre de plusieurs questionnaires (notamment le VIA questionnaire, accessible gratuitement en ligne). Elle développe aussi une connaissance très fine des différents types de motivation, dont la motivation intrinsèque étudiée par des psychologues partout dans le monde et objet d’étude très détaillée pour Fabien Fenouillet, professeur de psychologie en France.

Enfin, ce courant psychologique insiste sur l’impact des relations positives pour susciter l’engagement personnel et professionnel et le sentiment d’accomplissement personnel et professionnel[3].

L’ouvrage collectif, Psychologie positive en environnement professionnel[4], sous la direction de Charles Martin-Krumm, Cyril Tarquinio et Marie-José Shaar, fait le point sur différentes solutions possibles pour chercher à identifier et à mettre en œuvre des conditions novatrices de bien-être sur le lieu de travail.

Une de ces approches, autour de la recherche du sens au travail, s’appuie sur l’Appreciative Inquiry, méthode de conduite du changement créée à la fin des années 1990 aux États-Unis, par le professeur David Cooperrider, docteur en sciences des organisations. Elle consiste à rechercher et faire s’exprimer les réussites, les expériences positives chez chacun, dans l’organisation et son environnement, plutôt que les points d’amélioration si souvent cités. Après avoir défini des orientations et identifié les forces, il s’agit de se projeter dans l’avenir (« créer des images du futur »), puis de structurer les processus à engager pour concrétiser les actions à entreprendre.

Comment identifier les générateurs de bienveillance en recrutement ?

Le Strategic Resiliency Scoring (Teneau et Koninckx) a été conçu pour analyser le processus de compassion en entreprise et permet d’apprécier le niveau de compassion d’une personne. C’est un questionnaire directif qui met en évidence les compétences et les caractéristiques des générateurs de bienveillance, dans le contexte professionnel. Il rassemble 216 questions détaillant les caractéristiques de la compassion[5], telle qu’elle peut être mise en œuvre sur un plan individuel, collectif et organisationnel dans l’entreprise ; il peut être simplifié et centré uniquement sur l’individu lui-même.

L’autodiagnostic DISC Style™ et Forces Motrices[6], propose également une identification claire des profils individuels en matière d’intelligence sociale. Il a été administré depuis plus de 20 ans auprès de plus de 7 millions de personnes dans le monde et est issu des les travaux de William Moulton Marston, psychologue[7] américain, Eduard Spranger, psychologue allemand et Gordon Allport, enseignant-chercheur en psychologie américain[8]

Le système DISC StylesTM est fondé sur la manière dont l’environnement est perçu par l’individu et sur la relation à celui-ci ; il définit précisément le type d’intelligence sociale développé par l’individu ; les Forces Motrices, quant à elles, vont venir compléter cette connaissance de l’intelligence sociale en fournissant un profil fidèle des motivations personnelles, dont l’altruisme.

En conclusion

L’ensemble des approches que je présente ici, peuvent faire émerger et accompagner les caractéristiques du générateur de bienveillance idéal, lequel associe l’empathie à l’engagement dans l’action pour autrui. Toutes ces approches peuvent se combiner, s’associer, se déployer pour offrir à tous de meilleures conditions de vie ensemble au travail, dès lors que le questionnement sur le travail lui-même et son organisation reste au cœur du débat. Elles peuvent favoriser la sortie de crise et la résilience, si elles sont mises en place en amont de celle-ci et non pour panser les plaies.

Elles nécessitent du temps et de l’énergie : nos établissements de soins et de santé en manquent souvent…Commencer par un audit interne consacré à la communication peut être une première piste ; celui-ci peut permettre d’identifier la présence de générateurs de bienveillance déjà en action, puis de s’appuyer sur leur volontariat, sans les instrumentaliser, de les soutenir et de les accompagner et cela en relation avec les services RH et les instances représentatives.

Intégrer une ou plusieurs de ces approches aux cursus des étudiants des différents personnels de santé/hospitaliers en est une autre, en démontrant, par la mise en pratique, les bienfaits, l’efficacité et les performances accrues de la communication collaborative et de l’engagement collectif.

Pour aller plus loin

[1] Miyashiro Marie R., Les enjeux de l’empathie au service de l’entreprise, Saint Julien en Genevois, Jouvence, 2013.

[2] Payette Adrien et Champagne Claude, Le groupe de co-développement professionnel, Quebec, Presses de l’Université du Quebec, 1997

[3] Biswas-Diene Robert, Positive Psychology as Social Change, Berlin, Springer, 2010

[4] Martin-Krumm Charles, Tarquinio Cyril, Shaar Marie-José, Psychologie positive en environnement ptofessionnel, Bruxelles, De Boeck, 2013.

[5] Empathie et compassion en entreprise, Londres, Iste Editions, 2014

[6] https://assessments24x7fr.com/

[7] Emotions of normal people, Oxon, Routledge, 1928

[8] Study of values, Oxford, Presse universitaire d’Oxford, 1951

Nous remercions vivement Géraldine LEMOINE, Sociologue (Master 2 Développement social à Sciences-Po), conseil et animatrice de formations et d’ateliers conjuguant communication collaborative, développement de la créativité et prévention du stress, auteur , pour partager son expertise sur notre plateforme média digitale d’influence et de référence ManagerSante.com

Biographie de l'auteure : 

Géraldine LEMOINE, Sociologue (Master 2 Développement social à Sciences-Po), conseil et animatrice de formations et d’ateliers conjuguant communication collaborative, développement de la créativité et prévention du stress, auteur et co-auteur d’un ouvrage publié aux éditions Odile Jacob intitulé « Toxic Handlers : les générateurs de bienveillance en entreprise ».
Géraldine Lemoine propose, à travers ses ouvrages, de clarifier des thématiques holistiques qui lui sont chères : liens corps/esprit, individu/groupe, psycho/socio…
Praticienne certifiée en shiatsu, formée à la communication non violente, à la méditation de pleine conscience et aux outils de la créativité, elle écrit également depuis toujours des nouvelles et des textes à chanter…Sait-on jamais !

[L’AUTEURE PRESENTE SON OUVRAGE DANS CETTE VIDEO]

Source :

Source : Xerfi Canal a reçu Géraldine Lemoine, interviewée par Mounia Van de Casteele.

 

ECOUTEZ également dans ce podcast Géraldine LEMOINE, interviewée par l’animatrice Isabelle Fiévet-Rossignol sur DIALOGUE SUJET PSY le 14/09/2019.

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