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Les 5 disciplines, exploration de l’organisation apprenante (Partie 2)

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N°9 MAI 2017


Relire la 1ère partie de l’article, en cliquant ici

En 2005, le Centre d’Etude de l’Emploi  présente la troisième enquête européenne sur les conditions de travail. Les auteurs, Edward Lorenz et Antoine Valeyre analysent la grande diversité des formes d’organisation du travail dans les pays de l’Union européenne.

En préambule, ils notent que « La mise en évidence de quatre formes d’organisation du travail contrastées – apprenantes, au plus juste, Tayloriennes et de structure simple – ne confirme pas la thèse de la diffusion d’un nouveau modèle organisationnel dominant qui viendrait supplanter le modèle Taylorien. Le déploiement de ces formes d’organisation dans les pays de l’Union présente de fortes disparités qui tiennent en partie à la diversité des structures sectorielles et socioprofessionnelles des emplois, mais qui semblent aussi relever, entre autres facteurs, de la spécificité des contextes institutionnels nationaux. »

Sur le sujet et afin de poursuivre notre développement réflexif sur les organisations, il est intéressant de conceptualiser les cinq disciplines au milieu soignant.

C’est ce que propose Jeanne Mallet, auteur d’un ouvrage sur l’entreprise Apprenante. La première partie de son ouvrage décrit la dépendance de l’hôpital au paysage socio-économique.

Dès lors, après avoir fait une revue des principales théories de l’auto-organisation, de la motivation, des théories de l’apprentissage et du développement par des sociologues comme E. Morin ou des scientifiques comme F. Varela, Jeanne Mallet développe ensuite des réflexions sur les métiers soignants, la posture des managers, les politiques de formation des Cadres afin de s’inscrire dans ce qu’elle nomme « l’organisation intelligente ».

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Métiers et évolutions

Pour reprendre son analyse, nous sommes aujourd’hui dépendants des évolutions exponentielles en matière de technologie et le renouvellement des métiers s’accélère donc.

Ceci est d’autant plus visible lorsque le secteur de soin est hautement spécialisé, parce que les enjeux pour maintenir la vie du patient sont engagés. En effet, lorsque les savoirs faire et les métiers doivent évoluer rapidement, il faut une certaine réactivité des soignants pour maintenir un niveau de compétence satisfaisant les critères qualitatifs exigés par la profession.

L’auteur exprime cette pensée par : « les compétences sont à la fois individuelles et collectives, et que comme pour le sport, c’est en créant un esprit d’équipe, une motivation d’équipe autour de la formation, que la compétitivité dans les PME sera à la hauteur des nouveaux enjeux »

L’auteur expose quatre principes interactifs et interdépendants  :

  1. Il faut « activer des projets interactifs » c‘est à dire que les individus s’engagent dans des actions dans leur vie professionnelle et personnelle que si le projet est porteur de sens pour eux,
  2. « Décloisonnement et communication toute azimut » notamment favoriser les liens entre personnes, l’organisation des circuits d’information nécessaire pour comprendre son poste de travail, autoriser l’esprit d’initiative sans avoir peur de perdre notre autonomie, la maîtrise de la situation,
  3. « Tout sur les processus » : les outils et les méthodes ne sont que des supports.  J. Mallet met en garde devant des recettes vendues par les consultants. Pour autant, elles peuvent être bénéfiques et doivent être utilisées comme des supports permettant de passer un stade d’apprentissage. L’objectif visé est le changement par « la synergie de développement personnes/organisation »,
  4. Enfin, « l’intentionnalité des animateurs du changement est fondamentale » c’est-à-dire les démarches de développement et d’auto-organisation s’appuie par des projets interactifs construits sur une « éthique réelle » soutenue par les décideurs, dont les Cadres.

De l’avis de nombreux expert, ce sont les éléments culturels qui sont aujourd’hui au cœur des résistances des changements, plus précisément ceux référés à la culture des cadres, aux nouvelles « postures culturelles ».

Des éléments sont essentiels notamment la prise en compte de l’intérêt collectif, l’acceptation de « l’impermanence croissante des repères habituels », la recherche du sens, de notre vision du monde. D’ailleurs, les DRH sur des situations de crise, ont à gérer voire à prévenir ces différents points.

Enfin, un point essentiel est à souligner. Suite à une étude régionale, J. Mallet fait remarquer que la fonction des Cadres évolue vers l’animation du changement, c’est-à-dire que leur implication dépasse le cadre technique pour réguler les procédures et processus en multipliant les interventions auprès des équipes.

Le développement d’une politique de formation est donc à la fois indispensable mais aussi un défi. Très clairement, le Cadre, avec pour soutien les responsables de soin ou référents, doit jouer toutes les cartes pour que l’organisation apprenante puisse vivre au sein de son secteur.

En 2016, une étude qualitative a eu pour objet d’explorer les circonstances « apprenantes » liées aux situations de crise que vit l’hôpital et donc le personnel soignant. Cette étude, organisée d’entretiens a mis en évidence une cartographie de l’organisation de travail d’une trentaine de professionnel.

A la lecture des entretiens et témoignage, il ressort que l’apprentissage informel est la base de l’apprenance. Il semble que les compétences tirent leurs origines dans les liens intrapersonnels et interpersonnels. En tant que manager, si les équipes se créent et finalement se recréent suite aux mobilités,  aux départs pour un autre service, comment rendre stable ces échanges entre pairs ?

Anne- Laure Huote, auteur de l’ouvrage « Les situations de crise à l’hôpital : défis ou opportunités d’émergence de l’apprenance ? » précise que « Une démarche autoréflexive avec un sentiment d’efficacité personnelle et une mutualisation des diverses trajectoires de vie, de formation et professionnelle émerge »

Au-delà des équipes en place dans les services de soin, nous rencontrons aussi des étudiants infirmiers, médecins, kinésithérapeutes. Qu’en est-il pour eux ? la problématique de la formation des étudiants infirmiers nous interpelle.

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L’hôpital : organisation apprenante pour les étudiants Infirmiers ?

C’est la question développée par François Giraud-Rochon , Directeur des soins, lors de l’écriture de son mémoire a l’école de santé publique, au moment où le programme de formation sur l’encadrement change.

Giraud-Rochon formule 3 hypothèses afin de connaitre les incidences de ce programme sur les modalités d’encadrement des étudiants IDE.

  1. Le nouveau programme demande à ce qu’une guidance personnalisée et formalisée soit mise en place par l’encadrement,
  2. Le processus de transmission des compétences entre l’Infirmier et l’étudiant évolue car l’approche analytique et inductive est très différente du programme de formation ou les savoirs étaient abordés de manière additive et linéaire, sans que les liens soient vus entre les situations professionnelles diverses,
  3. L’étudiant est plus impliqué et s’interroge sur son rôle et ses responsabilités.

De notre côté, afin de mettre en place une organisation apprenante et propice au développement des compétences des étudiants, quelle démarche doit-on suivre ?

Sommes-nous aidés dans cette action ? Au-delà de l’impulsion du directeur des soins comme le décrit Giraud-Rochon, existe-t-il une volonté institutionnelle qui porte ce projet ? rien n’est moins sûr. Sur l’Etablissement public Marseillais dans lequel nous travaillons, la fin d’année 2016 a signé le retrait des tuteurs de stage au sein des pôles. Les tuteurs ont réintégré les équipes infirmières.

Il nous a fallu trouver des personnes volontaires et motivées pour répondre et permettre l’individualisation du parcours de formation, il nous fallait être cohérent avec le référentiel, avec moins d’effectif en personnel. Comme l’auteur de cet ouvrage, nous savons que l’improvisation n’est pas la meilleure chose à proposer aux stagiaires.

Ainsi, afin de mobiliser les ressources nécessaires aux développements des compétences des étudiants, il nous a fallu au préalable construire « notre plan de formation » : évaluations des pré requis indispensables à la compréhension du contexte au travail, savoirs pratiques par des sessions d’ateliers sur des sujets bien précis, outils méthodologiques notamment qui permettent aux étudiants de s’auto-évaluer et pour les tuteurs, de prioriser les actions à mettre en place…

Enfin, cette organisation apprenante permet à l’étudiant de s’enrichir sur le plan humain, de « grandir » dans le micro système social d’un service, en bref, de se construire en tant que professionnel. Réagir, douter, être efficace, se tromper est un quotidien vécu que nous accompagnons avec bienveillance. De situations en situations, l’étudiant acquière des ressources sur les méthodes de travail, sa capacité à comprendre, son comportement dans l’équipe.

Einstein parle de la connaissance par la citation suivante publiée récemment par le blog MMH « La connaissance s’acquiert par l’expérience, tout le reste n’est que de l’information ».

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La dynamique apprenante

En tant que manager donc, l’organisation de travail devra être inductrice de situation d’apprentissage en continu pour l’étudiant et plus largement aux soignants comme précédemment décrit par Jeanne Mallet, les cinq disciplines doivent être développés :

  1. La résolution de problème en groupe,
  2. L’expérimentation,
  3. Tirer les leçons des expériences,
  4. Apprendre avec les autres et
  5. Transférer les connaissances.

Pour finir, pensez-vous que le service que vous dirigez soit apprenante ?

Notre première hypothèse pourrait être d’évaluer la dynamique apprenante existante. Mettre en évidence les échanges de pratique, les formations-actions programmées, les possibilités des formations à distance… Existe -t-il des formations individualisées ou plutôt traditionnelles ?  Les savoirs faire expérientiels sont-ils reconnus ? ….

En ce qui concerne les étudiants, le stage est-il balisé dès l’arrivée de l’étudiant ? ces questions ont surement trouvé un écho avec les tuteurs de stage, volontaires et motivés, entre Cadres, entre professionnels de santé et collaborateurs. Pour l’heure, nous pensons qu’il est bien, et très souvent, de s’interroger sur cette dynamique afin de construire un cadre favorable à l’apprentissage par expérience.


Pour aller plus loin : 

Les situations de crise à l’hôpital : défis ou opportunités d’émergence de l’apprenance ?de Anne Laure HUOTE

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Nous remercions vivement Béatrice CRESTA PAVIOT, Cadre de Santé IADE paramédicale,  Réanimation polyvalente Cardiovasculaire chez APHM (Assistance Publique – Hopitaux de Marseille), pour partager son expérience professionnelle en proposant sa Rubrique mensuelle, pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com

Beatrice CRESTA PAVIOT

Cadre IADE paramédical Réanimation polyvalente Cardiovasculaire chez APHM (Assistance Publique - Hopitaux de Marseille)

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Une réponse

  1. à nouveau beaucoup de plaisir à la lecture de ton article enfin l’on nous parle de l’informel , c’est la base de tout peut on dire car l’humain s’y exprime à bâton rompu et entre les lignes se livre en surface , la surface est la véritable profondeur , les apparences de ces groupes d’agents au moment des relèves du café nous montrent tout .. merci aussi pour l’évocation d’Einstein …. Kant n’est pas loin l’expérience nous apprend tout merci

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