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Peut-on s’inspirer de la réforme de la prise en charge des personnes âgées en Angleterre ?

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Article de notre experte Emilie LEBEE-THOMAS  (Directrice d’Hôpital, résidant aux Etats-Unis,  Membre de la Chaire du Management à l’EHESP (Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique)  spécialisée dans l’étude du système de santé Américain et des innovations organisationnelles en santé. Elle est Dirigeante du Pôle Santé de l’entreprise Dialog. Consulting


N°6, JUIN 2018


 

Le financement de la dépendance est au cœur de l’actualité dans de nombreux pays où l’offre sanitaire, sociale et médico-sociale est prise en tenaille entre des besoins grandissants liés au vieillissement de la population et des ressources toujours plus contraintes. La comparaison internationale est une source d’information précieuse pour identifier et évaluer les options pour sortir de la crise. Au coeur de la tourmente, le Royaume-Uni et surtout l’Angleterre est en train de réformer son offre sanitaire et médico-sociale. Découvrez son organisation actuelle ainsi que les pistes de réforme qu’elle identifie.

L’offre sanitaire, sociale et médico-sociale au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, les services de santé et de services sociaux financés par les pouvoirs publics sont des fonctions décentralisées: chacun des quatre pays poursuit sa propre politique de financement des services sociaux pour adultes.

Source: Nuffield Trust et The Health Foundation

Un rapport publié par le King’s Fund en 2013 illustre les différentes manières dont les soins intégrés ont été développés dans les quatre pays du Royaume-Uni. L’Irlande du Nord dispose de services sanitaires, sociaux et médico-sociaux intégrés depuis 1973. L’Écosse dispose d’une structure sanitaire, sociale et médico-sociale intégrée depuis 2004, date à laquelle la séparation entre les commissionnaires et les prestataires de soins a pris fin. Des conseils de santé unifiés ont été créés, mais les autorités locales continuent d’assumer la responsabilité des soins sociaux. Le pays de Galles a suivi l’exemple de l’Écosse depuis 2009.

Statistiques :

L’Office britannique des statistiques nationales indique que 18% de la population du Royaume-Uni est âgée de 65 ans et plus, et 2,4% de plus de 85 ans. Le nombre de personnes âgées de 85 ans et plus en Angleterre devrait passer de 1,3 million en 2014 à 2,1 millions en 2030.

Pour en savoir plus sur le système de soins intégrés d’Irlande du Nord à lire sur Hôpital-Trotter en cliquant ici.

 

Le financement des soins de longue durée et services sociaux et médico-sociaux :

Le système anglais de financement des services sociaux a été créé en 1948, lorsque la loi sur l’assistance nationale (« National Assistance Act ») est entrée en vigueur. Cette loi confère aux autorités locales la responsabilité de l’aide sociale sur la base des ressources et des besoins de la population. Le NHS – service national de santé ou National Health Service, financé par les impôts et gratuit pour les patients – a été créé la même année. La scission entre les systèmes sanitaires et sociaux est restée en place depuis (The Health Foundation, 2018).

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Des transferts de charge du sanitaire vers le médico-social

Depuis 1948, les frontières entre les deux systèmes ont évolué, avec un transfert des soins hors des institutions et vers la communauté. Les structures privées, à but lucratif ou non, ont connu une croissance importante, tandis que les hôpitaux fermaient leurs lits de long séjour.

Ces changements ont entraîné un transfert des dépenses, du budget de la santé (NHS) au budget de la sécurité sociale, dont les dépenses sont passées de 10 à 2,5 milliards de livres sterling entre 1979 et 1992 (Humphries R, 2013). En 2016/17, les dépenses totales des autorités locales pour les services sociaux pour adultes s’élevaient à 14,9 milliards de livres sterling, ou 16,8 milliards de livres sterling en incluant le programme « Better Care Fund » (Ministère du logement, des collectivités et des collectivités locales).

Concernant la prise en charge des personnes âgées, le NHS finance certains soins de longue durée, pour les personnes requérant des soins de nursing ou médicaux importants. Le NHS dispense également des soins palliatifs pour les patients en fin de vie, au domicile des patients, dans les hospices, dans les maisons de soins ou dans les hôpitaux.

Des restes à charge élevés :

La majeure partie de l’offre de soins de longue durée repose sur le secteur privé qui offre 78% des places en institution pour les personnes âgées et les handicapés physiques. Les autorités locales sont légalement tenues d’évaluer les besoins de toutes les personnes qui en font la demande, mais, contrairement aux services du NHS, les services sociaux financés par l’État ne sont pas universels (The Commonwealth Fund, 2018).

À l’exception des soins de «réadaptation» à durée limitée, de certaines modifications de l’équipement et du domicile (dans certaines régions) et des services d’information, les services d’hébergement et de soins à domicile sont soumis à des évaluations de ressources et de besoins. La prise en charge complète de l’hébergement par la sécurité sociale n’est disponible que pour les personnes dont les actifs sont inférieurs à 14 250 livres sterling et qui ont un niveau de dépendance élevé. Cette prise en charge est dégressive jusqu’à un niveau d’actif de 23 250 livres sterling. Il existe un cadre national pour évaluer les besoins, mais les autorités locales sont libres de fixer des seuils d’éligibilité pour l’accès aux fonds, et ces seuils sont devenus progressivement plus élevés.

Les personnes éligibles peuvent être appelées à contribuer financièrement au coût de leur prise en charge, certaines personnes contribuant presque à hauteur de leur «revenu imposable», y compris les pensions de retraite. Les bénéficiaires peuvent recevoir des budgets individuels pour acheter leurs soins ou peuvent demander à l’autorité locale de les organiser pour eux. Certaines allocations supplémentaires versées aux usagers et aux soignants sont exemptées de conditions de ressources, comme par exemple l’allocation de présence pour les aidants, d’un montant maximum de £ 82,30 par semaine.

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Des enjeux de soutenabilité majeurs pour la dépendance

En 2016, il y avait 392 000 personnes dans des maisons de retraite indépendantes (à but lucratif et non lucratif) au Royaume-Uni (44% autofinancés, 35% pris en charge par les autorités locales, 12% partiellement financés par les autorités locales et 9 % par le NHS. La proportion de personnes autofinançant leur séjour dans les maisons de retraite indépendantes a augmenté de 40% en 2007 à 44% en 2016 (LaingBuisson, 2017).

L’association « United Kingdom Homecare » estime qu’en 2014/15, 874 000 personnes ont reçu des soins à domicile à travers le Royaume-Uni. Parmi eux, 74% ont reçu des soins financés par l’État, tandis que 26% ont payé leurs soins avec leurs revenus personnels.

Le 2ème épisode de cette série présentera les enjeux auxquels le système médico-social anglais est confronté ainsi que les pistes de réforme qui lui sont ouvertes.

Article publié en partenariat avec la Chaire du Management des Etablissements de Santé de l’EHESP


 

Le financement de la dépendance est au cœur de l’actualité dans de nombreux pays où l’offre sanitaire, sociale et médico-sociale est prise en tenaille entre des besoins grandissants liés au vieillissement de la population et des ressources toujours plus contraintes. La comparaison internationale est une source d’information précieuse pour identifier et évaluer les options de réforme pour sortir de la crise.

Le système de protection sociale anglais a connu de nombreuses réformes depuis les années 90 sans réussir à trouver d’équilibre durable. Une nouvelle réforme est prévue en 2018. Les options envisagées sont instructives pour les autres systèmes de santé, confrontées à des pressions similaires à l’Angleterre :

  • Une demande croissante à mesure que la population vieillit et que plus de gens vivent plus longtemps avec de multiples affections de longue durée, handicaps physiques ou démences.
  • Une qualité des soins aux personnes âgées « améliorable ».
  • Des établissements médico-sociaux de petite taille et souffrant d’importantes tensions financières, entraînant un important turn-over sur le marché dû à des faillites et sessions d’activité.
  • Un déficit de personnels qualifiés dans un contexte de besoin de main d’œuvre croissant.

La réforme visée par le gouvernement du Royaume-Uni pour le système sanitaire et social anglais poursuit plusieurs objectifs :

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1. Intégrer les soins

Améliorer l’intégration de l’offre de soins sanitaires, sociaux et médico-sociaux. C’est ce qui est visé par le « Better Care Fund », un fond qui finance des « meilleurs soins ». Le Better Care Fund assigne des objectifs de résultat à toutes les régions en Angleterre mais avec une approche pragmatique sur les moyens. En effet, cette réforme part du constat qu’il n’y a pas de solution unique pour mieux coordonner les services sanitaires, sociaux et médico-sociaux.

Les autorités locales ont donc une certaine flexibilité pour choisir la manière dont le Fonds est dépensé. En revanche, les dépenses doivent impérativement améliorent les performances des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux sur les quatre indicateurs suivants:

  • Retard dans les prises en charges et transferts de soins;
  • Nombre d’admissions non-sélectives;
  • Taux d’admission dans les foyers et les établissements d’hébergement;
  • Efficacité de la rééducation.

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2. Créer un système de financement durable

En 2014, le « Care Act » comprend un second axe de réforme centré sur le financement, avec notamment un plafonnement du financement maximum « à l’échelle d’une vie » des soins médico-sociaux dont peuvent bénéficier les assurés ainsi que des modifications de la manière dont leurs ressources sont évaluées. Ces mesures ont d’abord fait l’objet d’un report en 2015, pour finalement être abandonnées en décembre 2017. Une nouvelle réforme doit être votée en 2018.

Un rapport publié par la Health Foundation identifie plusieurs modèles de financement possibles pour faire face aux enjeux de la dépendance. Ces modèles font écho aux solutions qui existent pour d’autres pays comme la France :

Modèle 1 : Améliorer le système existant, sans y apporter de modification fondamentale. Ce modèle vise une augmentation à court terme des ressources (via une nouvelle taxe) mais évite toute restructuration en profondeur de l’offre.

Modèle 2 : Plafonner les enveloppes attribuées au système médico-social via l’introduction d’une nouvelle taxe dédiée aux soins médico-sociaux. Cette approche implique de limiter le montant des dépenses médico-sociales aux revenus apportés par la taxe. Il s’agit d’une approche différente de celle pratiquée au sein du NHS qui imposerait un changement culturel important. Ce modèle ouvre une nouvelle source de revenus mais  impose de revoir le périmètre et le contenu de l’action sociale offerte à la population.

Modèle 3 : Fusionner les budgets sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Ce modèle impose de redéfinir la manière dont, au niveau local et national, l’offre sanitaire, sociale et médico-sociale est gérée. Il ne créé pas de source de revenu supplémentaire. S’agissant d’une réforme formelle du système, il ne garantit pas d’évolution concrètes des pratiques et des organisations.

Modèle 4 : Revoir les critères d’accessibilité aux prestations en les liant aux revenus (avec un pallier unique fixé à 100 000 livres sterling et incluant les économies et propriétés) et imposer un montant maximum de financement « à l’échelle d’une vie » (une personne n’aurait pas à payer au-delà d’un certain montant qui n’a pas été déterminé). Ce modèle, équivalent au Care Act, impacte les ressources disponibles en augmentant la contribution des usagers, sans revoir l’organisation du système.

Modèle 5 : Généraliser une offre des soins gratuits aux plus de 65 ans, sans limite de revenus. Ce système fonctionne en Ecosse depuis 2002. Les prises en charge à domicile y sont complètement gratuites, les prises en charge des soins et de la dépendance en établissement d’hébergement font l’objet d’une contribution fixe de la part des autorités locales. La part « hébergement » n’est pas couverte automatiquement et est soumise au niveau des revenus. Ce modèle fait évoluer le périmètre de l’offre médico-sociale mais ne propose pas de source de financement complémentaire.

Chacun des modèles est évalué en détail dans le rapport de la Health Foundation disponible ici. La Fondation ne se prononce pas sur un modèle par rapport à un autre, mais insiste sur la nécessité de réformer le système à long terme tout en ne négligeant pas les besoins de financement à court terme.

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3/ Des fondamentaux à protéger

Les critères d’évaluation utilisés par la Health Foundation sont instructifs car ils mettent en lumière les fondamentaux qui doivent guider toute réorganisation de l’offre médico-sociale :

  • Equité et justice du système (entre habitants et entre territoires),
  • Efficience et services à la hauteur des fonds attribués (« value for money »),
  • Soutenabilité et résilience du système et de l’offre de soins,
  • Acceptabilité et responsabilité vis-à-vis de la population,
  • Transparence et facilité d’accès aux prestations,
  • Possibilité d’implémentation en Angleterre (capacité du système à se réformer).

 

Dans un contexte où de nombreux questionnements se posent sur le financement de l’offre médico-sociale en France, la démarche menée par la Health Foundation est particulièrement intéressante : ses analyses, si elles ne sont pas transposables en l’état, peuvent guider la réflexion des autorités. En effet, seule l’analyse détaillée des solutions offertes permettra de faire face aux pressions contraires que rencontre notre offre sanitaire, sociale et médico-sociale et de s’assurer que le système continue de jouer son rôle de protection des personnes les plus vulnérables.

 

Article publié en partenariat avec la Chaire du Management des Etablissements de Santé de l’EHESP


Pour aller plus loin :

  • Bevan G, Karanikolos M, Exley J, Nolte E, Connolly S and Mays N (2014) The four health systems of the UK: How do they compare? Research report. Nuffield Trust and Health Foundation.
  • The Commonwealth Fund – International healthcare systems features:
  • Wenzel L, Bennett L, Bottery S, Murray R, Sahib B (2018) Approaches to Social Care Funding Working Paper. The Health Foundation.
  • Bevan G, Karanikolos M, Exley J, Nolte E, Connolly S and Mays N (2014) The four health systems of the UK: How do they compare? Research report. Nuffield Trust and Health Foundation.
  • The Commonwealth Fund – International healthcare systems features:
  • The Nuffield Trust
  • 2017 – 2019: Integration and Better Care Fund. Policy Framework prepared by the Department of Health and the Department for Communities and Local Government

 

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N’hésitez-pas à laisser vos commentaires… Emilie LEBEE-THOMAS  vous répondra avec plaisir !!!

Nous remercions vivement  Emilie LEBEE-THOMAS  (Directrice d’Hôpital résidant aux Etats-Unis,  Membre de la Chaire du Management à l’EHESP (Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique) Rédactrice en Chef du Blog www.hopital-trotter.com et spécialisée dans l’étude du système de santé Américain et des innovations organisationnelles en santé) de partager son expertise professionnelle en proposant le partage de ses articles, pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.


Biographie de l’auteure : 

Émilie LEBEE-THOMAS, Diplômée de l’Université du Minnesota – Carlson School of Management Healthcare marketplace est également Directrice d’Hôpital française (EHESP) au parcours professionnel atypique.
Après presque 10 ans de carrière en France (Hôpitaux de Chartres, puis Assistance Publique – Hôpitaux de Paris), elle a pris un tournant à l’international en s’installant aux Etats-Unis.
Membre de la Chaire du Management, elle collabore avec l’EHESP (Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique) sur plusieurs projets visant à favoriser et promouvoir les innovations organisationnelles dans le système de santé français. Aujourd’hui, elle se consacre au partage de connaissances entre les différents systèmes de santé avec son Blog (www.hopital-trotter.com).
En novembre 2017, elle a pris la tête du Pôle Santé de l’entreprise Dialog. consulting, spécialisée dans l’organisation de voyages d’études professionnels.
Émilie LEBEE-THOMAS partage avec www.managersante.com des retours d’expériences internationaux susceptibles d’apporter des pistes très intéressantes pour les managers du secteur de la Santé.

AGENDA 2018 :

Prochain Voyage d’Etudes à ne pas manquer

avec, notre experte-auteure,  Emilie LEBEE-THOMAS :


 

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Objectifs :

  1. Découvrir les innovations technologiques qui façonneront l’hôpital de demain et
  2. prendre un temps d’avance pour anticiper leur impact sur les systèmes de santé
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  4. Rencontrer des acteurs majeurs de la e-santé pour mieux appréhender les enjeux de la révolution technologique en cours
  5. Débriefer les visites avec une directrice d’hôpital française et consolider les connaissances grâce à une bibliographie scientifique.

 

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Paris-Porte de Versailles [#Expoprotection] du 06>08 Novembre 2018

Partenariat managersante 2018 Paris EXPO PROTECTION 2018 Version 1 .pdf

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Émilie LEBEE-THOMAS, diplômée de l'Université du Minnesota - Carlson School of Management est également Directrice d’Hôpital française (EHESP) au parcours professionnel atypique. Après quelques 10 ans de carrière en France (Hôpitaux de Chartres, puis Assistance Publique – Hôpitaux de Paris), elle a pris un tournant à l’international en s’installant aux Etats-Unis. En novembre 2017, elle a pris la tête du Pôle Santé de l’entreprise Dialog Health (www.dialog-health.com), spécialisée dans l’organisation de voyages d’études professionnels dans la santé et le médico-social. Elle décrit les innovations qu’elle identifie au cours de ses missions internationales sur son Blog (www.hopital-trotter.com). Émilie LEBEE-THOMAS partage avec www.managersante.com des retours d’expériences internationaux susceptibles d’apporter des pistes très intéressantes pour les managers du secteur de la Santé.

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