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Quel est l’impact de l’implantation des Infirmiers en Pratique Avancée Urgence dans les services d’urgence du Nord-Pas-de-Calais ? Hélène DEHAUT, le Docteur Alain-Eric DUBART et le Professeur Eric WIEL nous révèlent les résultats d’une enquête exploratoire.

Article publié  par  Hélène DEHAUT, Co-coordinatrice Universitaire de la mention Urgence IPA, UFR3S Lille
Vice-Présidente de la Commission Scientifique du Collège de Médecine d’Urgence du Nord-Pas-De-Calais (COMU5962),
le Docteur Alain-Eric DUBART, Président du Collège de Médecine d’Urgence 59 62
et le Professeur Eric WIEL Coordonnateur Universitaire de la mention Urgence IPA, UFR3S-Médecine ; ULR 2694 – METRICS Evaluation des technologies de Santé et des Pratiques Médicales, Université de Lille & Vice-Président du COMU 59-62.

Le 25 octobre 2021, un cinquième domaine d’exercice en pratique avancée est possible avec la parution du décret n° 2021-1384 relatif à l’exercice en pratique avancée de la profession d’infirmiers, dans le domaine d’intervention des urgences. Pour la rentrée universitaire 2022, l’Université de Lille a ouvert cette mention. Dans ce contexte, le Collège de Médecine d’Urgence du 59/62 (CoMU5962) s’associe à l’UFR3S de Lille pour lancer, le 12 octobre 2022, une étude sur l’implantation des Infirmiers de Pratique Avancée Urgences (IPAU) au sein des 33 structures d’Urgences dans le Nord-Pas-De-Calais afin de mieux comprendre les besoins des services d’urgences (SU) et permettre une adéquation entre le programme pédagogique universitaire et le projet clinique des SU.

Résumé

Cet article présente les résultats d’une enquête exploratoire sur l’implantation des Infirmiers en Pratique Avancée mention Urgence (IPAU) dans les services d’urgence du Nord-Pas-de-Calais (NPDC), à la suite de l’ouverture de cette mention par l’Université de Lille en 2022. L’étude, menée auprès des cadres de santé de 33 structures d’urgence, vise à évaluer l’adéquation entre les besoins cliniques des services et le programme pédagogique proposé. Les résultats indiquent que 40% des services ont répondu à l’enquête, exprimant un intérêt marqué pour la formation d’IPAU, notamment pour les infirmiers avec plus de trois ans d’expérience. Des obstacles tels que les ressources financières et humaines, ainsi que la nécessité de l’acceptation administrative, sont identifiées comme des freins à l’implantation efficace des IPAU. L’article conclut sur l’importance d’une planification stratégique et d’une collaboration entre les établissements de santé et l’enseignement supérieur pour réussir l’intégration des IPAU dans le système de santé régional.

Matériels et méthodes

Cette enquête de terrain était destinée à tous les professionnels encadrants des 33 SU du Nord-Pas- De-Calais (NPDC). Elle a été créée sous format GoogleForm et diffusée par mail à l’ensemble des encadrants des services d’urgences du NPDC dès le 12 octobre 2022. Des relances ont été faites par envois mails le 6 novembre 2022 et fin décembre 2022, ainsi que par sms et appels téléphoniques.

Ce questionnaire prenait environ 10 minutes pour y répondre. Il était composé de 18 questions portant sur les thématiques en lien avec l’implantation d’un(e) IPAU dans leur SU au travers de questions à choix multiples et de questions ouvertes.

Les résultats ont été recueillis sous forme de graphique format camembert directement au travers du logiciel GoogleForm et au travers de verbatim pour les questions ouvertes. L’analyse des données quantitative a été complétée par les données qualitatives grâce à l’identification des thématiques communes retrouvées dans les réponses des participants.

L’analyse statistique est descriptive.

Résultats et commentaires

Au total, 40% des SU nous ont répondu dont 3 catégories professionnelles : 58,3% de cadres supérieurs de santé, 8,3% de cadres de santé et 58,3% des chefs de service. A noter qu’un service d’urgence nous a répondu ne pas répondre à l’enquête car au vu du sous-effectif dans son service, il ne pouvait envisager d’envoyer ses IDE en formation IPAU.

Demandes en formation IPAU

  • % des services prévoient de former au moins 1 IPAU par an et 25% souhaiteraient former 2 IPAU par an et 8.3 % au moins 1 tous les 2 ans. Un des services émet l’hypothèse d’aller jusqu’à former 4 IPAU par an s’il arrive à faire remplacer les infirmier(e)s dans son service durant leur formation et 1 autre service nous dit que le projet n’est pas encore accepté par l’administration de son CH. Au total, nous pouvons considérer que sur ces services d’urgences répondants, nous aurions plus ou moins 19 inscriptions à la formation IPAU / an.

Remplacement de l’étudiant IPAU

58,3 % des services répondants prévoient de remplacer l’IDE en formation IPAU dès le début de sa formation contre 33,3 % qui ne prévoient son remplacement qu’au retour de ses 2 ans de formation et 16,7 % ne prévient pas son remplacement. Un des services d’urgences émet la réserve de faire ce qui lui sera conseillé pour la mise en place optimale de ce projet d’implantation d’IPAU dans son service.

Profil des IDE des SU pour la formation IPAU

91,7% des services répondant souhaitent envoyer en formation d’IPAU des IDE ayant plus de 3 ans d’expérience dans leur service d’urgence, 8,3 % pourraient aussi envoyer en formation un profil IDE à stabiliser aux urgences selon un contrat moral.

Les horaires de travail de l’IPAU

70% de répondants prévoient un poste de travail en horaires de jour (8h ou 12h) et 50 % des répondants envisagerait une alternance jour/nuit. 10 % ne souhaitent pas y répondre car leur projet d’implantation est en cours de rédaction lors de la diffusion de notre enquête.

Équivalent temps plein (ETP) IPAU par SU

30% des services souhaiteraient aboutir à 2 ETP en salariés IPAU, 10% à 3 ETP IPAU et 20% à 4ETP IPAU. 2 SU nous précisent vouloir aboutir à une couverture avec une IPAU 24heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Un service souhaiterait aboutir à 2 IPAU par jour, 7 jours sur 7.

25 % des répondants ne prévoient pas de parcours pour l’IPAU dans leur service.

8,9 % expriment que ce point reste à déterminer en équipe selon le profil des patients, des protocoles de service, voir une filière à définir. Pour le reste des parcours, il est affiché sur le graphique ci-dessus.

Place de la recherche scientifique dans le temps de travail des IPAU

Au démarrage de l’implantation des IPAU dans les SU, 75% des services ne prévoient pas de temps dédiés aux IPAU pour la recherche scientifique sous réserve de leur en accorder par une intégration étape par étape selon les besoins et grâce à l’augmentation du nombre d’IPAU dans les services. 9% prévoient un temps de 20 à 50% sur la recherche scientifique dès l’arrivée de l’IPAU.

Paramédicalisation des véhicules SMUR et l’IPAU

Deux SU ne sont pas concernés car ils n’ont pas de véhicules SMUR.

  • % des SU répondant et équipés d’un véhicule SMUR ne le souhaite pas et 53,3 % le souhaite sous réserve de protocoles à définir en équipe médicale ou de procédures définies en commun sur le département ou sur la demande de la régulation médicale ou en définissant tout d’abord une priorisation pour les urgences car le TIIH et SMUR précurseur sont déjà en place dans ce service d’urgence.

Temps de travail dédié à l’IPAU pour la régulation médicale

75 % ne prévoient pas un temps de régulation médicale pour les IPAU. 15 % prévoient de 20 % de son temps de travail en régulation à un projet qui reste à définir. Un service d’urgence ne se sent pas concerné.

Plus-value de l’IPAU (réponses Verbatim)

Pour la profession infirmière, les répondants parle d’un nouveau métier avec une filière d’expertise paramédicale permettant un gain de compétence dans les prises en charge.

30% expriment une valorisation de la fonction d’infirmier(e) ; 30% voient l’arrivée du diplôme d’IPAU comme une reconnaissance des compétences infirmier(e) ; 50 % trouvent que ce nouveau métier marque une évolution de carrière et des compétences pour les infirmier(e) ; 10 % disent que c’est une nouvelle perspective d’évolution de carrière pour les IDE de leur service.

  • Pour les médecins, l’IPAU représente une collaboration renforcée (30%) avec les médecins sur la coopération paramédicale-médicale, mais aussi, un gain de temps médical notamment par la délégation de compétences médicales, un soutien technique et une sécurité de prise en charge pour prioriser le temps médical sur les cas médicaux et sur délégations d’une partie des soins externes à l’IPAU pour soulager les médecins. L’IPAU dans un SU augmentera attractivité médicale remettant le médecin urgentiste dans son cœur de métier.
  • Pour le système de santé, la plus-value de l’IPAU serait à 56 % dans la fluidification des parcours de soins aux urgences par l’amélioration de la structuration de parcours pour une prise en charge rapide des patients, le suivi des patients chroniques lors d’une phase aiguë et la stabilisation de filière externe. 25,3 % des répondants parlent d’une approche différente avec le patient par une prise en charge plus globale de certains patients et l’amélioration de l’accès aux soins pour le patient ; l’amélioration de la filière et coordination sortie avec professionnels libéraux et déprogrammation examens ou HDJ ou CS spécialisées. L’IPAU est un élément de réponse à la crise du système de santé.

Freins à l’implantation des IPAU dans les SU

20% des répondants n’en voient aucun ; 40 % évoquent un frein en lien avec la formation : par les ressources financières/humaines qui accompagnent le temps de la formation de l’agent, et notamment si plusieurs agents sont formés en même temps : le remplacement de l’agent en formation, et des IPAU en fonction. Les difficultés dès le démarrage de la formation (…) qui demande du temps de travail personnel alors que le service dégage déjà du temps pour la formation non remplacé.

L’absence de connaissances sur le contenu de la formation et sur les rôles de l’IPA urgences qui entraine un manque de motivation du personnel paramédical ; la nécessité du développement d’une formation régionale pour la spécialité urgente ; les a priori, le fait que ce soit nouveau.

La reconnaissance institutionnelle et la responsabilité juridique sont aussi identifiées comme un frein à l’implantation ; car il faut convaincre l’administration, il y a un frein financier, Il faut un salaire proportionnel aux responsabilités. Il faut arriver à convaincre administration que l’objectif n’est pas de remplacer médecin.

Il existe des réticences médicales +++ avec la nécessité de faire évoluer les pratiques médicales et les conséquences possibles sur la qualité des relations IPA et équipes médicales.

Il faut donc travailler sur l’intégration des IPA aux différentes équipes et prendre le temps de faire sa place avec des difficultés de faire comprendre que le changement s’accompagne dans le temps. Un des derniers freins évoqués est de démarrer ce projet avec un nombre suffisant d’IPA, afin de couvrir H24 et tous les secteurs de l’urgence adulte et enfant et ne pas faiblir sur la montée en puissance du nombre d’IPA notamment par la création postes au retour de leur formation.

Décrire des exemples de parcours-patients pris en charge par l’IPAU

50% des répondants expriment qu’ils sont en cours de réflexion sur ce sujet ;

On peut répartir les parcours-patients où l’IPAU intervient en 4 catégories :

  • Les circuits courts et la prise en charge (PEC) des patients en ambulatoire (pansement, plaie stomies) : soins externes ; fast tracking ; filière externe traumatologie,
  • La PEC des maladies chroniques ; les patients chroniques en phase aiguë qui se présentent aux urgences,
  • Les PEC des patients avec parcours validés par le médecin ; entrées directes lien avec les médecins traitants ; il faut prévoir un tri de l’IAO : prise en charge de l’IPA Urgences, les patient avec une orientation après prise en charge,
  • Pour coordonner la sortie pour améliorer le flux et permettre sorties « sécurisées » avec coordination tous les acteurs libéraux et famille.

Stratégie de communication sur l’IPAU

  • 16,7 % expriment que ce n’est pas prévu versus 83,3 % souhaitent faire une communication auprès des équipes médicales, paramédicales, des patients, des services d’imageries et d’analyses biologiques, dans le plan communication de l’établissement pour toucher l’ensemble du personnel.

Après la formation d’IPAU, 100% des répondants expriment que l’IPAU reviendra sur son poste d’IPAU et non sur son poste d’IDE.

Discussion

Notre enquête avait pour objectifs de recueillir et comprendre les besoins des SU du NPDC afin d’adapter le programme pédagogique universitaire au projet clinique des SU du NPDC. La formation pour le diplôme d’IPA n’est qu’une partie de la construction à son implantation dans le SU. Les enjeux se situent en amont par le montage d’un pré-projet demandé dans le dossier d’inscription à l’Université de Lille, pour ensuite concrétiser le projet durant les 2 ans de formation en master afin de le stabiliser en aval dès le retour dans le SU de l’IPAU.

Les principaux résultats nous ont montré une réelle volonté des SU pour former leurs infirmier(e)s avec plus de 3 ans d’expérience dans leur SU à la pratique avancée mention urgence car les répondants formalisent que c’est un beau projet qui nécessite de démarrer avec un bon socle, soit un nombre IPA suffisant, avec poste de 12 h.

Pour bâtir ce projet sur des bases solides, il serait intéressant de pouvoir échanger entre l’établissement et notamment les SU sur l’intégration de l’IPAU. Le CoMU5962 y a déjà anticipé ce besoin en organisant lors de sa Journée de Médecine d’Urgence (JMU) annuelle le 3 décembre 2021 par l’organisation d’une table ronde sur l’IPAU.

Un suivi (durant les 2 ans) de l’intégration de l’étudiante IPA ; avec l’université, l’étudiante et le service afin de coconstruire cette intégration serait intéressant. Car le projet pour implanter un IPAU dans un SU reste encore très flou pour les encadrants des SU. Il faut réaliser un plan de formation sur plusieurs années pour au moins 3 agents motivés à s’inscrire en formation. Ce besoin de formation nécessiterait d’être visualisé au niveau régional par l’ensemble des parties prenantes et afin d’établir des parcours de soins personnalisés et travaillés en amont de la formation afin que celle-ci puisse y répondre de façon personnalisée.

A l’heure actuelle, tout est en cours de formalisation. Les réponses à cette enquête sont non définitives, et méritent une réflexion toujours en cours dans la quasi-totalité des établissements de santé.

Conclusion

Cette enquête nous a permis de comprendre le cadre régional sur les besoins en formation des SU souhaitant envoyer en formation sur la pratique avancée mention urgences des infirmiers de leur service. Le dossier de l’UFR3S de Lille a donc été monté en conséquence avec la possibilité de former 20 infirmiers par an à cette mention depuis l’année 2023. Pourtant à l’heure actuelle, nous avons 5 IEPAU en master 2 (année de la spécialisation) dont 2 en formation initiale et 1 résident hors du NPDC ;

3 IEPA en master 1 s’orientant vers la mention urgence.

L’enquête a permis d’identifier des freins à l’implantation des IPAU dans les SU tels que les ressources financières et humaines car il s’agit bien de créer un nouveau métier dans un secteur déjà atteint par le sous-effectif. Il faut 2 ans pour former un IPAU et seulement la moitié des SU prévoit de remplacer l’agent dès le début de sa formation. Sachant qu’en fin de formation, l’IEPAU ne peut revenir sur son poste d’IDE. De plus, il s’agit d’une nouvelle formation et, à l’heure actuelle, peu de retours d’expérience sont accessibles sur cette thématique émergente, propre au modèle français et à chaque service d’urgence.

Nous avons pu identifier les opportunités selon les établissements sur la présence d’IPAU dans leur SU : c’est une évolution de carrière et une reconnaissance par la valorisation de la profession infirmière, le renforcement de la collaboration paramédicale-médicale selon l’avis des médecins et la fluidification des parcours de soins dans les SU comme un élément de réponse à la crise du système de santé.

Il faudra donc planifier de façon stratégique l’envoi de ces professionnels de santé en formation : un remplacement dès le début de la formation, avec un projet de service émergent et spécifique aux besoins du SU afin de favoriser le retour des agents dans leur service. Le modèle PEPPA (participatory, evidence-based, patient- focusedprocess for advancedpractice nursing (APN) role development), édité en décembre 2019 par l’Agence Régionale de Santé (ARS) PACA est une piste car il modélise les étapes de l’implantation de l’exercice infirmier en pratique avancée en milieu hospitalier avec des recommandations et des illustrations. Les facteurs clés de réussite de l’implantation d’un(e) IPA repose notamment sur la prise en compte des besoins et sur l’investissement de l’institution, les ressources humaines et matérielles doivent être anticipées et le protocole d’organisation est un outil au service de la sécurisation des soins, il organise l’activité de l’IPA.

A l’heure actuelle, l’implantation des IPAU dans le Nord-Pas-De-Calais reste un enjeu de taille. Car même si l’UFR3S est prête à accueillir le nombre d’étudiants nécessaire aux besoins des SU, les clés du succès se tracent par la conceptualisation de ce poste en amont de la formation, avec les différentes parties prenantes en lien avec le SU. L’enjeu, pour les établissements, sera de comprendre les avantages de bénéficier de ce poste dans sa structure notamment dans l’optimisation des prises en charge, dans le versant sécuritaire même si ces données ne s’écriront que dans quelques années grâce à un nombre suffisant d’IPAU par service et le temps qui leur sera dédié à la recherche scientifique pour l’écrire.

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