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Pourquoi est-il urgent de repenser le modèle de gouvernance hospitalière actuel ? Le Pr Emmanuel BARRANGER et le Dr Audrey DARRAS proposent une cogestion plus médico-administrative inspirée des Centres de Lutte contre le Cancer.

Ce nouvel article rédigé pour notre plateforme média ManagerSante.com par le Professeur Emmanuel BARRANGER. (PUPH, Directeur Général du Centre Antoine Lacassagne, Centre Lutte Contre le Cancer (CLCC) Nice Fédération Unicancer) et le Docteur Audrey DARRAS (Référente Logimedh et Conventions Coopérations Médicales GHT06 au Centre Hospitalier Universitaire de Nice, Groupement Hospitalier de Territoire 06)

Trois ans après le début de la pandémie, alors que 2022 a vu la France passer d’une crise à une autre et que 2023 démarre avec un système de santé à bout de souffle, le Président de la République, Emmanuel Macron annonçait lors de ses vœux au monde de la santé le 6 janvier dernier, donner un cap aux soignants, pour leur permettre de retrouver du sens dans leur métier. Une telle annonce était attendue par les professionnels de la santé qui subissent depuis plus de 20 ans des réformes successives, sans débat, écartant encore davantage le pouvoir médical et soignant de la gestion hospitalière et des décisions stratégiques.

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Quelles sont les limites du modèle de gouvernance hospitalier actuel exacerbées par la crise de la Covid19 ?

Plus qu’un simple intermède conjoncturel, la crise sanitaire a constitué un élément déclencheur de multiples propositions de réformes structurelles de l’organisation du système hospitalier

L’hôpital public est basé depuis plusieurs décennies sur un modèle uniforme tant sur le plan de la gouvernance que celui des personnels. Cette uniformité est à la fois territoriale et fonctionnelle. Le système hospitalier français est malade de ses rigidités ralentissant son évolution et des effets pervers des contournements de ces dernières.

Du manque chronique de moyens d’un système de santé déjà fragilisé en remise en question des motivations, cette épidémie a souligné avec force la nécessité d’une politique ambitieuse d’investissement en faveur du système de soins et des personnels soignants, auxquels ont cherché à répondre les accords du Ségur de la Santé au travers du « Mieux manager pour mieux soigner ».

Néanmoins la persistance de problématiques structurelles fortes appelle à de nouvelles réformes à même de rendre notre système de soins plus résilient et de préserver l’importance des valeurs dont il est garant : la reconnaissance de la santé comme un bien public non négociable, la notion de prendre soin des patients usagers et de leurs proches et la force de la mobilisation collective.

La pandémie du COVID-19 aura, donc, à nouveau, pointé un « mal » bien connu en France depuis l’introduction de la tarification à l’activité (T2A) : la pression productiviste et le prisme gestionnaire de la gouvernance hospitalière. L’hôpital-entreprise, sous l’emprise depuis plus de 15 ans du « tout T2A », génère des dérives non contestées du « faire toujours plus, avec toujours moins ». L’hôpital, comme fonction de productivité, dirigé par une bureaucratie trop souvent éloignée des réalités du terrain, maintient un management que beaucoup considèrent comme inadapté aux aspirations des nouvelles générations de soignants. Ces facteurs, conjugués à une politique salariale trop contrainte, expliquent la perte d’attractivité des Etablissements Publics de Santé, et la fuite, dans un contexte de pénurie, des personnels soignants et médicaux, qui ne s‘accommodent plus de réformes et de projets qui ne leur redonnent pas de considérations ni de satisfactions dans leur quotidien.

Les résultats du baromètre santé ODOXA-MNH, publié en septembre 2022, sur le quotidien des soignants à l’hôpital sont préoccupants, mais finalement sans surprise. Un quart des professionnels de santé se considère en mauvaise santé. C’est deux fois plus que les Français en activité professionnelle. 70% estiment que leur employeur ne se préoccupe pas de les maintenir en bonne santé. Et les raisons de ce profond mal-être sont toujours les mêmes : subir son quotidien, être pressé et stressé tout le temps, changements imprévus dans les plannings, sous-effectifs chroniques, avoir le sentiment de mal faire son travail, trop de bureaucratie… Cette enquête montre aussi que des solutions existent pour redonner aux soignants l’envie et le goût du travail. Parmi celles-ci : « débureaucratiser » l’hôpital et redonner de l’autonomie à ceux qui font le soin.

D’ailleurs, lors de la première vague de la pandémie, nous avons vécu un fonctionnement hospitalier tel qu’il pouvait être souhaité. Il est à signaler l’extraordinaire adaptabilité des différents acteurs du système de soins, la prise en main par les médecins et le rééquilibrage de la gouvernance, leur capacité à initier de nouvelles voies de coopération et à mettre en place des organisations plus agiles en remettant au cœur des préoccupations des soignants : le patient.

Autour des cellules de crise, une nouvelle organisation s’est mise en place, n’hésitant pas à s’écarter des circuits de décisions conventionnels et laissant émerger un management plus participatif, impliquant tous les acteurs du soin autour d’un objectif commun et partagé : empêcher la submersion de l’offre de soins. Ce rééquilibrage temporaire de la gouvernance interne a ainsi montré qu’une organisation plus agile était possible à l’hôpital public pour faire ainsi face aux besoins d’adaptation et d’innovation imposés par l’imprévisibilité de cette maladie émergente.

Les souffrances bien réelles endurées par les professionnels de santé et exacerbées par la pandémie signent aussi un phénomène irréversible de grande ampleur, celui d’une prise de conscience : le rejet d’un mode de management et de gouvernance hospitaliers aujourd’hui dépassé. La perte de sens au travail est un phénomène de société qui s’est propagé aux soignants dès lors qu’ils ne trouvent plus de satisfaction au travail accompli.  La génération « Z » est encore plus sensible à cette question du sens au travail qui est une responsabilité managériale. Or, les échelons hiérarchiques multiples, la rigidité de l’organisation, la rigidité bureaucratique ainsi que la règlementation inflationniste contribuent à entretenir ce cercle vicieux de déperdition du sens au travail.

Cette crise sanitaire a, ainsi, déclenché brutalement l’expression d’une mutation du travail portée dans les établissements de santé par les professionnels de santé. Cette recherche de sens est la première tendance de cette mutation du travail. Et c’est une illusion de croire qu’en pérennisant un modèle qui a participé à cette crise des valeurs, fruit de notre époque, nous sauverons notre système hospitalier. Comprendre la logique de cette crise de la modernité, dont la crise COVID-19 n’est qu’un révélateur, passe par la compréhension et la prise en compte des aspirations des nouvelles générations de professionnels de santé.

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Peut-on s’inspirer du modèle de gouvernance des Centres de Lutte contre le Cancer (CLCC) ? 

Issus d’une longue tradition de prise en charge des soins par des établissements privés non lucratifs, les ESPIC constituent ainsi sur l’ensemble du territoire le modèle le moins représenté et l’ambivalence de ses relations avec le système public hospitalier cristallise méconnaissance et soutien indéfectible de plusieurs acteurs en faveur d’une généralisation de son statut.

En effet, ces derniers parviennent à réconcilier l’inconciliable : « souplesse et innovation, mission de service public et absence d’actionnariat » Ils accomplissent en effet des missions de service public au même titre que les hôpitaux publics sans dépassement d’honoraires et suivant un objectif solidaire : l’accès au soin pour tous sans discrimination.

Les Centres de lutte contre le cancer (CLCC), établissements privés à but non lucratif créés en 1945, constituent sur l’ensemble du territoire français un modèle unique : ils sont dirigés par un directeur général médecin-chercheur, nommé par le Ministère de la Santé sur proposition d’Unicancer, secondé par un directeur d’hôpital administratif recruté par le Directeur Général du CLCC. 

La gouvernance d’un ESPIC réside dans un schéma institutionnel reposant sur un socle minimal commun qui s’adapte à la taille de l’établissement, à l’équilibre de la place de chaque instance, à une ligne hiérarchique courte et claire, à l’association étroite de la Direction de gouvernance mixte, avec la Direction des Soins, le président de la CME et les personnels médicaux dans les décisions opérationnelles. De même certaines fonctions, mises en place durant la crise au sein des EPS, existaient déjà structurellement dans les ESPIC notamment la fonction de directeur médical.

Par ailleurs, la notion de mortalité du modèle ESPIC sous tendue par la vulnérabilité financière est à la fois la faiblesse et la force de ces structures notamment pour mobiliser les énergies et se réorganiser. C’est ce sentiment de mortalité qui est synonyme d’une extraordinaire puissance vitale qui peut les porter de la résilience vers l’efficience transcendée par son esprit collectif et sa gouvernance partagée entre personnel administratif et personnel soignant

Cette réelle conscience collective d’une vulnérabilité des CLCC, du fait de leur statut et de leur nombre restreint sur le territoire (18 CLCC en France), constitue en réalité la force de ces structures, car elles permettent de mobiliser les énergies et favorisent leur agilité.

C’est, ainsi, que les CLCC ont opéré une révolution managériale au cours de la deuxième partie du 20ème siècle, à contre-courant, finalement, des grandes réformes hospitalières (telles que l’instauration de la loi HPST qui a fait progresser la bureaucratie et écarté le pouvoir médical), sous l’impulsion de médecins et de gestionnaires visionnaires. Ces derniers considéraient que les dirigeants et les managers étaient garants du sens du travail et d’une véritable culture de gestion. Ce modèle de gouvernance est devenu la signature des CLCC. Cette singularité correspond mieux, tout simplement, aux attentes de cette nouvelle génération de soignants en quête de sens, de transparence et souhaitant être en phase avec les valeurs de l’entreprise. L’individu doit se sentir utile, intégré dans son environnement et valorisé en tant que membre d’un collectif.

Certains considérant que la taille des CLCC et la mono-pathologie (le cancer) favorisent cette gouvernance médicalisée caractérisée par une cogestion médico-administrative.

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En quoi ce modèle correspondrait-t-il aux attentes fortes des professionnels de santé ?

Comment expliquer l’efficience de ce modèle ? D’abord par son essence même : il conjugue la capacité d’innovation et d’adaptation du privé avec des missions de service public, une prise en charge de chaque personne y compris des plus vulnérables, sans surcoût pour les patients

Par ailleurs, ce modèle est pourtant largement plébiscité par les professionnels de santé. Selon le baromètre santé ODOXA-MNH de septembre dernier, plus de 80% d’entre eux estiment que les médecins devraient être intégrés à la gouvernance hospitalière. D’ailleurs, les médecins, travaillant dans les CLCC sont satisfaits de ce modèle de gouvernance. En effet, une enquête interne réalisée par Unicancer, en mars 2021, auprès de plus de 700 médecins de CLCC, a confirmé qu’une direction médicale constitue un attrait majeur pour travailler et pour rester dans un CLCC avec l’ambiance et la facilité d’organisation du travail.

D’une manière générale, la possibilité pour les soignants de croiser leur Directeur Général dans les services de soins, la proximité et le dialogue direct qui en découlent, ainsi que l’attention particulière portée au bien-être au travail, sont des facteurs importants d’agilité de ces établissements et d’attractivité pour les soignants. Cette cogestion est source de légitimité de la gouvernance et d’adhésion du personnel à sa stratégie institutionnelle.

Ce modèle de cogestion ne devra plus rester une exception au sein de notre pays. Il donne le pouvoir d’agir en faisant converger les compétences et les sources de légitimité́ de chacun ne focalisant plus l’attention sur les différences, mais sur des éléments qui rejoignent les valeurs et les intérêts de tous : concilier réussite thérapeutique et culture de gestion.

Aux détracteurs qui contestent la mise en place de ce mode d’organisation, nous ne pouvons leur opposer que la prise de conscience indéniable du gouvernement et l’effort manifeste de renforcer la place des médecins et des soignants dans la gouvernance de l’hôpital à la lecture des conclusions du rapport du Pr Claris sur la gouvernance et la simplification hospitalière en 2020 notamment dans l’évidente rupture entre le terrain et le « top management » à l’hôpital.

Ses recommandations indiquaient à chaque établissement public de santé de pouvoir mettre en œuvre des organisations internes et des gouvernances adaptées à leur contexte local et parfois avec un haut niveau de granularité…

Mais préconiser des cosignatures Directeur/Président de la Commission Médicale d’Établissement (CME) sur quelques domaines limités, ne modifiant pas réellement l’équilibre des décisions, se révélait alors nettement insuffisant.

Ce Ségur de la santé porte indéniablement la médicalisation de la gouvernance mais néanmoins, sans obligation de mise en œuvre.

S’engager dans l’innovation organisationnelle est certes un pilotage complexe mais nous avons l’obligation de nous affranchir de cet enchevêtrement d’acteurs concernés et de compétences entrainant une déresponsabilisation aux conséquences néfastes.

Les circuits doivent impérativement se raccourcir en termes de décisions qui doivent être établies de manière participative

Mais il faut essayer d’aller au-delà de cette stratégie engagée et prendre la gouvernance médico-administrative et soignante des CLCC comme exemple en essayant de la transposer à l’hôpital

Les synergies médicales du DG médecin, du Directeur des Soins avec le PCME sont un véritable atout dans le projet médical d’établissement et sont garantes de l’attractivité et l’adaptabilité.

Cette inversion de gouvernance comparée à celle de l’hôpital public a un impact majeur sur le développement d’une véritable culture qualité sécurité dans les établissements car les médecins et soignants y perçoivent le signe de la réappropriation de la responsabilité dans cette composante du soin.

La traversée de ces crises sanitaires a mis en exergue la nécessité de la transformation des établissements de santé en organisations apprenantes avec des équipes agiles dans une démarche d’amélioration permanente et d’une approche multifactorielle transversale basée sur la participation des professionnels concernés et le sens donné au travail collectif.

L’expérience du patient et la qualité des soins sont les deux éléments qui fédèrent les équipes dans leur vocation de soignant. C’est le patient qui aidera par sa place essentielle à transcender les silos organisationnels. Il faut le considérer comme un pilier de reconstruction de l’organisation managériale en le rendant acteur partenaire des décisions de gouvernance des établissements.

Cette innovation managériale dans les CLCC est un des leviers essentiels à explorer pour construire une organisation où l’humain soit davantage au centre des préoccupations et moins une simple valeur d’ajustement comptable afin de permettre aux soignants d’adhérer au projet, améliorer leur qualité de vie au travail et de se recentrer sur leur cœur de métier : le soin.

En tant que  comprehensive cancer centers , les CLCC apportent pourtant une réponse pertinente aux nouveaux enjeux de la cancérologie par leur agilité conférée par leur gouvernance médicalisée et par leur spécialisation. Salaires, poursuite de l’implantation des métiers de pratique avancée, augmentation de l’accès aux premières années des études médicales, qualité de vie au travail et reconnaissance professionnelle sont des leviers prioritaires pour redynamiser l’emploi en santé et consolider les équipes de soins du territoire.

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Plusieurs exemples internationaux ont adopté ce mode de gouvernance médico-administratif :

En comparaison de nos voisins européens, il paraît surprenant qu’un modèle présentant autant d’avantages ne soit pas plus développé en France. La faible part du privé non lucratif (15%) est une exception française.

Plusieurs pays ont fait le choix d’investir ce secteur principalement pour s’adapter aux deux défis majeurs des pays développés : le vieillissement de la population et l’afflux de nouveaux traitements et nouvelles technologies coûteuses en perpétuelle évolution.

La cogestion intégrée médico-administrative est souvent la norme à l’étranger dans des hôpitaux de plus grande taille et universitaires. Les relations médico-administratives constituent un objet de préoccupation dans de nombreux systèmes de santé à travers le monde

  • Les modèles américains : Aux Etats Unis, l’hôpital John Hopkins, la Mayo Clinic, le Kaiser Permanente, l’Hôpital Intermountain sont dirigés par des médecins. Ces quatre exemples présentés s’avèrent être une réussite dans l’intégration médico-administrative avec une intégration médicale particulièrement forte. Il existe des dyades de cogestion à tous les niveaux. Ces organisations sont dominées par un leadership médical plus ou moins équilibré mais exigent de leurs professionnels une imputabilité en ce qui concerne la qualité des soins et des services offerts aux patients ainsi qu’une efficience dans l’utilisation des ressources. A ces aspects plus qu’encourageants en faveur d’une gouvernance médico-administrative, nous nuançons notre propos car nous avons conscience que derrière ces constats de base, peuvent subsister des variations significatives importantes sur le territoire américain en termes de déploiement du modèle et de son succès
  • Les modèles européens  :
    • Le modèle danois constitue le système européen, majoritairement public, où les médecins sont les plus engagés dans la gestion et pour lequel l’intégration médico administrative est fortement institutionnalisée. L’équipe de direction est exigée en forme de troïka composée de 3 individus perçus comme égaux et ayant respectivement une formation médicale, infirmière et administrative. Les règles stipulent qu’un des postes de cette troïka doit être occupé par un clinicien.
    • Le modèle britannique largement public également, dans lequel les hôpitaux sont désormais liés à des Fundation Trusts, employant les médecins. Depuis l’institution des directorats cliniques en 1990 par le National Health Service Act dans le but d’amener les médecins à remplir des rôles de gestionnaires, le système peine à se déployer et à inclure des cliniciens dans les décisions stratégiques. L’exemple britannique montre que la modification des structures ne suffit pas à induire les changements souhaités : il est indispensable d’insister sur la formation des médecins à la gestion et de la reconnaissance de leur statut professionnel au caractère hybride afin de leur permettre un véritable engagement dans les structures managériales
    • Dans le modèle norvégien, un tiers des professionnels au poste de dirigeants sont des médecins. Mais c’est grâce à la trajectoire historique longue et favorable que ce résultat de forte implication médicale dans la gouvernance est possible.
    • Par ailleurs, au-delà de l’Europe, Israël a fait de ce modèle une évidence de gouvernance dans ses établissements de plus grande taille
  • Les modèles québécois ont intégré la cogestion médico-administrative depuis les années 2000 dans certains de leurs hôpitaux. Il ressort de cette expérience québécoise que la complémentarité dans les dyades médico-administratives est perçue et vécue comme une condition sine qua non au succès de l’initiative. Un accord sur les objectifs visés doit être atteint en laissant une marge de manœuvre aux cogestionnaires. Il est impératif que les individus agissent de manière cohérente, tant individuellement que collectivement.

A l’analyse de cette variété de modèles structuraux de gouvernance médico-administrative évoqués dans la littérature professionnelle ou scientifique, nous constatons que ces organisations offrent un potentiel d’amélioration et d’efficience des pratiques de collaboration mais dépendent d’une série de facteurs. D’une part, les facteurs individuels et les dynamiques humaines relationnelles au quotidien font toute la différence. D’autre part, à l’échelle plus macroscopique, ce pilotage est favorisé par des dispositions relevant de la disponibilité de formations appropriées pour les médecins en gestion et de certains modes d’incitation.

Pourquoi ce pilotage ne serait-il pas également pertinent en France pour des établissements publics de santé regroupant des professionnels dotés d’expertises différentes et devant se coordonner pour le bon fonctionnement de l’organisation ?

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Quelles seraient les conditions nécessaires pour tendre vers ce modèle de gouvernance médico-administratif à l’hôpital ?

Pour autant, ce modèle fortement revendiqué par les professionnels de santé, eux-mêmes, n’est pas une formule magique et ne s’installera pas sans un effort concerté. Les personnes occupant des postes de cogestionnaires doivent déterminer conjointement les rôles de chacun. Par ailleurs, la cogestion ne peut réussir que si elle est soutenue par des efforts de formation indispensables en gestion pour les médecins dirigeants.

La cogestion équilibrée est une étape souhaitable vers la réconciliation des logiques différentes de la culture de gestion et du monde médical. Confier la direction d’établissements de santé à un binôme médico-administratif permet de bâtir un leadership médical collectif, favorisant l’adhésion et l’engagement de l’ensemble des professionnels de santé. C’est une évolution nécessaire car porteuse d’amélioration et de progrès pour les professionnels de santé en quête de sens.

La gouvernance hospitalière doit être rénovée pour agir comme un facilitateur plutôt qu’un frein aux nécessaires adaptations. L’objectif est clair : nous nous devons d’adapter le système de santé avec les professionnels de santé pour répondre aux enjeux des aspirations générationnelles, de la transition démographique, des révolutions technologiques et numériques, et des impératifs écologiques.

Les évolutions et révolutions, suite au profond bouleversement du système de santé, contraignent l’ensemble du système hospitalier public à des efforts organisationnels conséquents et répétitifs. Une difficulté supplémentaire à la perpétuelle capacité d’adaptation face aux réformes incessantes est inhérente à ce modèle et le pénalise : son mode de gestion contraint, les lourdeurs administratives, son fonctionnement vertical se prêtent peu à une grande réactivité et le rendent incompatible désormais avec une souplesse et une efficacité nécessaire pour faire face aux enjeux d’une évolution permanente.

En conclusion

Nous sommes à l’aune d’un monde en profonde mutation. Sans nul doute, ce qui est questionné aujourd’hui, c’est le décalage saisissant entre la façon dont sont pensées les organisations hospitalières actuelles avec leur mode de gestion contraint, pénalisant et peu enclin à la réactivité avec l’adaptabilité des CLCC face à une réalité d’innovations techniques et scientifiques (connaissant actuellement un rythme d’accélération sans précédent).

Preuve en est la révolution dans le domaine de la cancérologie des chimiothérapies à domicile, des immunothérapies, la désescalade thérapeutique en perpétuelle progression grâce des prises en charge de plus en plus personnalisées par le développement de la biologie moléculaire couplé à l’analyse des données issues de l’intelligence artificielle.

Toutes ces pratiques innovantes ne demandent qu’à se développer et à diffuser si tant est que le système autorise les acteurs à innover et à transcender les silos organisationnels archaïques.

A chacun de nous d’être à la hauteur des attentes des professionnels de santé en quête de sens, de reconnaissance et d’enrichissement de leurs pratiques. Il s’agit désormais de redonner aux soignants une certaine marge d’autonomie et d’initiative en passant d’une logique de défiance au pari de la confiance réciproque.

Le modèle des CLCC reste incontestablement dans l’actualité.

Pour aller plus loin

Biographie des auteurs : 

Docteur Audrey DARRAS
Chirurgien Dentiste de formation, spécialisée en orthodontie, durant 15 ans, avec une activité libérale exclusive.
Diplômée du EMBA Santé de Paris Dauphine depuis 2019 déploiement en parallèle d’un conseil pour le développement et gestion de structures médico dentaires.
Aujourd’hui, elle est référente des conventions de coopérations médicales sur le GHT06 et est chargée du déploiement de Logimedh sur les établissements du GHT06.
Professeur Emmanuel BARRANGER.
Le Pr Emmanuel Barranger est chirurgien oncologue, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier (PU-PH) et Directeur Général du Centre Antoine Lacassagne (CLCC Nice Fédération Unicancer). Initiatives Repas Solidaire 
Son profil Twitter
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