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Faut-il s’orienter vers l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé ? L’AFDS et l’ANCIM font part de leur analyse et évoquent quelques points de vigilance.

N°3, Février 2023

Article rédigé par Sylvain BOUSSEMAERE, avec l’autorisation des présidentes de l’AFDS (Laurence LAIGNEL) et de l’ANCIM (Dominique COMBARNOUS).

Sylvain BOUSSEMAERE est 1er Vice-Président de l’AFDS (Association Française des Directeurs des Soins), Coordonnateur Général des Soins, directeur de la qualité, de la gestion des risques, de la communication et des relations avec les usagers, directeur référent COVID19 territorial et directeur référent du responsable de la sécurité du système d’information du GHT des Pyrénées Ariégeoises

Centre Hospitalier Intercommunal des Vallées de l’Ariège et Résidence Jules ROUSSE de Tarascon sur Ariège

 

L’AFDS, Association Française des Directeurs des Soins, et l’ANCIM, Association Nationale des Cadres de santé de la filière infirmière, de rééducation et médicotechnique, ont pris connaissance avec un grand intérêt de la proposition de loi du sénateur M. Bernard JOMIER n°105, enregistrée à la Présidence du Sénat le 8 novembre 2022, relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé et ont été sollicités par Mme Laurence ROSSIGNOL, rapporteur pressentie, pour donner leur avis sur le sujet. L’AFDS et l’ANCIM, deux associations professionnelles reconnues au sein du système de santé en général et des établissements de santé en particulier, ont ainsi été reçues au Sénat le 18 janvier 2023 afin de pouvoir s’exprimer sur le sujet des ratios soignants/patients qui avait par ailleurs déjà été abordé récemment par le Sénat notamment à travers le rapport n°587 remis à la Présidence du Sénat le 29 mars 2022 sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France.

Représentant la filière managériale paramédicale hospitalière, acteurs centraux de l’organisation concrète des soins en inter professionnalité, l’AFDS et l’ANCIM ont recueilli au préalable l’avis de leurs adhérents respectifs afin de porter de manière commune à la représentation nationale leurs commentaires et points de vigilance sur la proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé.

Etat des lieux : un constat connu de la situation française actuelle et des expérimentations internationales

Le rapport n°587 remis à la Présidence du Sénat le 29 mars 2022 sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France dresse parfaitement le bilan de la situation à ce sujet :

  • Le renforcement des effectifs est nécessaire pour diminuer la charge de travail des soignants et améliorer les conditions d’exercice auprès des patients.
  • L’étude Lancet publiée en 2021 souligne que « les preuves scientifiques selon lesquelles un effectif infirmier plus élevé est associé à de meilleurs résultats pour les patients incluant un nombre moins élevé d’infections nosocomiales, une durée de séjour plus courte, de moindres réadmissions et un épuisement professionnel du personnel infirmier plus faible continuent d’augmenter » (1). En 2014 une étude effectuée sur 9 pays européens montrait ainsi que chaque patient ajouté à la charge de travail moyenne des infirmiers était associé à une augmentation de 7% du risque de mourir dans les 30 jours d’admission (2). Des chiffres similaires avaient déjà été établis dès 2002 (3).
  • Les premières mises en œuvre de ratios « patients par infirmier » sont intervenus dans les Etats de Victoria, en Australie, et de Californie, à la fin des années 1990. Depuis, le Pays de Galle, l’Irlande et l’Etat du Queensland en Australie ont mis en œuvre de telles politiques. Etudiant spécifiquement le Queensland, Mc Hugh et al. (1) ont trouvé en 2021 que diminuer d’une unité le ratio « patients par infirmier » en le fixant à 4 pour une journée (et 7 pour une nuit), comme l’ont fait 27 des 55 hôpitaux du Queensland en 2016, entraînait une chute de la mortalité à 30 jours de 7%, une baisse de 7% des réadmissions dans la semaine, et une durée de séjour 3% moins élevée. Financièrement, cette stratégie a été payante puisque les 33 millions de dollars australiens dépensés sur deux ans pour employer 167 infirmiers, de façon à diminuer la charge en soins, ont permis de gagner 69 millions en coûts évités.

Si le but à atteindre est le même en matière de qualité des soins et d’amélioration des conditions de travail, quel que soit le pays, peut-on comparer des systèmes qui n’ont pas forcément les mêmes métiers et durées de formation pour les paramédicaux, les mêmes organisations, les mêmes modalités de financement et de fonctionnement ? Sont-ils soumis aux certifications de la HAS (Haute Autorité de Santé), au COFRAC (Comité Français d’Accréditation), à l’ASN comme c’est le cas en France…etc ?

Un rapport de projet du Québec, diffusé en juin 2020 et intitulé « Effets des législations imposant des ratios minimaux obligatoires de personnel infirmier : une synthèse des preuves scientifiques » (4), montre des diversités dans la composition du personnel paramédical des autres pays comparés à la France. Dans les établissements hospitaliers de soins généraux et spécialisés, les ratios établis ciblent les infirmières (dont la formation dure 3 ans) et les infirmières auxiliaires (dont la durée de formation est de 14 mois, métier que nous n’avons pas en France) alors que dans le contexte des établissements de soins de longue durée, les ratios et autres standards adoptés touchent l’ensemble du personnel de soins directs (infirmières, infirmières auxiliaires mais aussi aides-soignants -75h de formation sanctionnée par un test de compétences contre 1540h en France- et personnels d’assistance et de soutien). Les ratios et autres standards établis varient largement d’un Etat ou Territoire à l’autre et restent souvent en deçà des niveaux recommandés par des agences indépendantes. Ces variations reflètent des visions différentes quant aux seuils optimaux de dotation et les difficultés à déterminer ces derniers.

Concernant l’expérience en Australie, des développements ont été entérinés dans de nouvelles lois de deux Etats : Victoria et Queensland. Mais au moins quatre autres Etats ont également pris des mesures qui s’inscrivent dans une orientation similaire, même si elles ne sont pas formalisées dans une législation.

Dans l’Etat de Victoria, les ratios minimaux ont été établis en fonction de plusieurs paramètres prenant notamment en compte la nature et l’intensité des services, le type d’unité et le quart de travail (matin, après-midi, nuit). Les hôpitaux sont répartis en 4 catégories ou niveaux en fonction de leur taille, leur localisation (urbaine ou rurale), leur vocation (locale, régionale) et la gamme de services offerts. La conformité aux ratios dans chaque unité et chaque quart de travail doit aussi tenir compte d’une proportion requise d’au moins 80% d’infirmières et d’un maximum de 20% d’infirmières auxiliaires. Les ratios imposés sont ainsi par exemple en médecine –chirurgie de 1 infirmière pour 4 patient le matin + une infirmière en chef, idem l’après-midi et 1 pour 8 la nuit si l’établissement est de niveau 1. Pour un niveau 4, les ratios imposés sont de 1 pour 6 + une infirmière en chef le matin, 1 pour 7 + 1 infirmière en chef l’après-midi et 1 pour 10 la nuit.

Dans l’Etat de Queensland, les ratios sont établis uniquement pour les unités médico-chirurgicales et quelques unités de services de santé mentales sous la forme non différenciée suivante : 1 infirmière pour 4 patients le matin et l’après-midi et 1 infirmière pour 7 patients la nuit.

Enfin, concernant les effets sur la qualité et la sécurité des patients, « les conclusions des études recensées sont mitigées, contradictoires [parfois] et suggèrent que l’imposition des ratios obligatoires, par législation ou autres voies réglementaires, est une condition utile mais qui reste non suffisante pour garantir ultimement des soins infirmiers de qualité, sécuritaires, dispensés par un personnel de soins qualifié et en quantité suffisante ». Le rapport suggère que « l’imposition législative des ratios obligatoires ne peut être considérée comme une panacée. Elle offre plutôt un instrument dont les effets peuvent être optimisés en combinaison avec d’autres mesures qui touchent tant le cadre réglementaire que le contexte organisationnel de prestation de service ».

 En France, seules certaines unités sont soumises à des ratios réglementaires, calculés en fonction du nombre de lits installés, qu’ils soient occupés ou non. Il n’existe en revanche pas de ratio fixé réglementairement en dehors de ces spécialités, les hôpitaux restant libres de déterminer les leurs.

Il parait également important de notifier que les études internationales ciblent en majorité uniquement les personnels infirmiers, ne donnant aucune précision sur le reste de la constitution de l’équipe paramédicale (aides-soignants, personnels de rééducation et médicotechniques par exemple) et médicale autour du patient. Ne pas tenir compte de l’ensemble des compétences intégrées dans les équipes constituerait sans doute un biais à prendre en considération dans ces études.

La notion d’effectifs cibles des professionnels paramédicaux : des objectifs vertueux dévoyés par des logiques budgétaires

Le fruit de l’histoire et de la rationalisation des coûts a amené de nombreux établissements à déterminer des effectifs « cibles » pour des unités de soins de médecine, chirurgie réadaptation, radiologie …. Si l’intention première était de coller au plus près de l’activité, afin d’assurer une sécurité et une qualité des soins pour les bénéficiaires, ainsi que garantir une qualité de vie au travail pour les professionnels, ces déterminants sont devenus rapidement des enjeux budgétaires opposables et non adaptés à l’activité des unités de soins.

La position partagée de l’AFDS et de l’ANCIM au sujet des ratios de soignants par patient

L’AFDS, dans sa contribution écrite à la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France de mars 2022, a alerté également quant au manque d’aides-soignants, dont la présence est pourtant nécessaire pour sécuriser le travail des infirmiers : les équipes qui travaillent dans les services d’hospitalisation se trouvent souvent en insécurité du fait de l’absence de binôme AS-IDE et du nombre de patients à prendre en charge qui peut atteindre 14 à 15 patients par IDE, sans garantie de travail en binôme. Elle met également en avant la nécessité de mettre en place des équipes de suppléance qui permettraient aux professionnels de s’inscrire et de participer aux formations institutionnelles et diplômantes avec une possibilité de mettre en œuvre leur pratique et de s’inscrire dans des protocoles de coopération.

L’AFDS et l’ANCIM partagent l’avis de la commission d’enquête sur la nécessité de renforcer le nombre d’infirmiers et d’aides-soignants, mais aussi de kinésithérapeutes dans les équipes de soins afin de revenir à des ratios plus adaptés à la charge en soins et aux besoins de présence auprès des patients. L’AFDS et l’ANCIM sont également favorables au renforcement du recours aux IPA, leur apport pouvant être très important, notamment en matière de suivi et de prise en charge des patients atteints de pathologies chroniques.

Cependant, l’imposition de ratios réglementaires rigides, en dehors des spécialités déjà concernées aujourd’hui, pourrait porter atteinte à la souplesse nécessaire à chaque établissement de santé pour s’adapter aux besoins réels des patients : la nature de la maladie, sa gravité et la présence de comorbidités, pour ne parler que de ces facteurs, influent évidemment sur le nombre de patients qu’un infirmier est à même de prendre en charge.

Les établissements pourraient en revanche définir des standards capacitaires par grande catégorie de spécialité, de sorte par exemple que le nombre d’infirmiers par service dépende plus des besoins réels que de leur dotation historique, avec des bornes hautes et des bornes basses, en utilisant des outils de mesure objective de la charge en soins, et mettre en place un mécanisme d’alerte lorsque le ratio « patients par soignant » dépasse un seuil critique.

A la recherche d’un indicateur composite inter-opérable avec les SIH (Systèmes d’Information Hospitaliers)

Les Etats-Unis ont légiféré en ce sens en 2018 (5) avec un mode de calcul comprenant plusieurs indicateurs (caractéristiques et nombre de patients, nombre d’admissions, renvois et transferts, expertise des infirmières en poste, architecture du service et organisation paramédicale qui en découle et moyens techniques disponibles).

A la fin des années 1990, la France de son côté promeut l’utilisation d’outils d’évaluation de la charge en soins tels que le PRN (Projet de Recherche en Nursing) qui permet une évaluation de la charge de travail quantitative et qualitative à partir des soins requis pour le patient pour les prochaines 24h (cette méthode d’origine canadienne est toutefois payante sous forme de licence d’utilisation), les SIIPS (Soins Infirmiers Individualisés à la Personne Soignée) qui permettent d’évaluer la charge en soins directs (de nursing, techniques, éducatifs et relationnels) et la charge en soins indirects (en prenant en considération les activités afférentes aux soins) des dernières 24h ou encore le PENDISCAN (outil de mesure de l’état de dépendance) plutôt utilisé dans les structures médico-sociales. Ces outils ne sont quasiment plus utilisés, longtemps considéré trop compliqués à mettre en place, avec des saisies de données et des analyses pouvant être perçues comme décalées par rapport à la mouvance des flux de patients et considérés souvent comme inflationnistes des effectifs paramédicaux nécessaires pour fonctionner.

En France, l’ex COPERMO (Comité interministériel de la Performance et de la Modernisation de l’offre de soins hospitaliers) a offert en 2015 avec l’ANAP (Agence Nationale d’Appui à la Performance) des pistes de réflexions pour calibrer les effectifs, qui sont ensuite affinés par les établissements de santé en interne suivant les indicateurs de leur choix. Le COPERMO définit ainsi comme taille cible des services de 28 à 30 lits (6) avec comme dimensionnement des équipes de 2 IDE du matin, 2 de l’après-midi et 1 pour la nuit. Si le COPERMO a été désormais remplacé par le CNIS (Conseil National de l’Investissement en Santé), les bases du dimensionnement des effectifs restent globalement identiques. Or la problématique aujourd’hui est que le contexte de travail a changé, amenant à revoir ces ratios qui ne sont plus du tout adaptés.

Il est à noter que peu d’établissements ont appliqué ces ratios. Ils ont pu être la base de travail pour construire les périmètres des équipes auxquels des fonctions complémentaires ont été très fréquemment ajoutées. Par exemple une infirmière d’accueil peut avoir été ajoutée, ou une infirmière et une aide-soignante sur des horaires continus en journée dont les activités sont centrées sur des prises en charge spécifiques : patients plus complexes, préparation et accompagnement du patient à des examens complémentaires, infirmière de parcours patients dont le rôle est de coordonner, préparer les entrées et sorties des patients etc….

Une notion d’effectifs cibles qui doit se construire sur la complexité croissante des besoins et des soins ainsi que celle des organisations

L’évolution des besoins de santé, de la prise en charge des patients avec des unités ambulatoires mais aussi des parcours simplifiés et plus rapides (exemple de la RAC = Réhabilitation Améliorée Après Chirurgie) ont modifié les organisations de prise en charge créant des unités d’hospitalisation complète où la charge en soins est concentrée sur un minimum de patients qui requièrent plus de soins. Le virage ambulatoire a entrainé une augmentation du nombre de soins et un flux de patients beaucoup plus important qu’auparavant, imposant une nécessaire adaptation des compétences et des organisations. Le vieillissement de la population engendre une dépendance plus importante ainsi que des besoins en soins plus nombreux pour les bénéficiaires âgés et/ou souffrants de pathologies chroniques et/ou de situations de handicap. Ceci nécessite des adaptations organisationnelles et de compétences réalisées par l’encadrement et la direction des soins responsable des organisations et des affectations des compétences des professionnels infirmiers, de rééducation et médicotechniques.

La DMS (durée moyenne de séjour) est désormais plus courte, se traduisant par un turn-over plus important des patients, et donc concentre les soins et les efforts des soignants sur une période plus courte également dans le cycle de travail et plus intense que par le passé.

Le développement du travail en 12h par certains établissements, à la demande des soignants, permet une continuité plus importante du suivi des patients dont ils prennent soin. Pour autant, lorsqu’ils sont rappelés sur des repos pour travailler en raison de l’absentéisme, leur temps de récupération n’est pas suffisant et à long terme, peut avoir des effets potentiellement délétères sur leur état de santé.

Le raisonnement clinique, la définition de chemins cliniques et l’utilisation de plans de soins types informatisés ainsi que la prise en considération de l’expérience patient sont autant d’évolutions favorables à l’amélioration de sécurité et de la qualité des soins mais cela nécessite de la part des soignants d’adapter leur organisation en conséquence.

Force est de constater que les soignants sont également de plus en plus sollicités par de multiples tâches afférentes aux soins qui les frustrent du temps passé auprès des patients et leur laissent in fine peu de temps pour assurer l’accompagnement et la formation clinique des jeunes professionnels ou faire de la recherche. Ces soins « indirects » que constituent entre autres les temps de transmission, de conduites de projets, de démarche qualité, de formation et de recherche constituent des quintiles temps non comptabilisés dans les maquettes organisationnelles RH et pour autant indispensables à la sécurité des soins des patients et la satisfaction au travail des agents.

Les ratios soignants par patient, au-delà des éléments déjà décrits, s’ils déterminent une norme, ne permettent pas de prendre en compte la variabilité des demandes en soins et les spécificités des prises en charge médicales au sein des unités d’une même discipline. C’est toute la problématique des effectifs normés car ils ne prennent pas en compte l’aspect qualitatif des personnes soignées et les différences de prises en charge que cela nécessite dans les prises en charge complexes.

Les ratios soignants, lorsqu’ils existent, ne sont pas une panacée mais une partie de la réponse. Il est nécessaire de pouvoir les moduler en fonction de la demande en soins des patients, des organisations de service et institutionnelles.

Pour une référentialisation de l’analyse d’activité de soins en vue de préconisations évolutives

Le mot « ratio », inédit dans le code de la santé publique, porte en lui-même une norme opposable de qualité et de minimum en ressources humaines (RH) nécessaires, mais implique d’aller plus loin dans l’adaptation des effectifs infirmiers, de rééducation et médicotechnique ainsi que cadres, adaptés à l’activité soignante qui fluctue en fonction des saisonnalités, des crises, des innovations, des organisations et des patients accueillis. A ce titre, l’usage dans la proposition de loi de ratios internationaux quantitatifs centrés sur la profession infirmière constitue des propositions inspirantes, dont la transférabilité dans le système de santé français est pourtant relative car reposant sur des modèles différents de financements, de métiers exercés et de missions confiées par rapport aux autres pays…

Après analyse des constats d’intérêt et des limites de la notion de ratios, l’AFDS et l’ANCIM se tiennent bien entendu à la disposition de la représentation nationale pour co-construire avec les organisations professionnelles et les agences d’État une méthode adaptative qui tienne compte de la charge en soins et de sa complexité en fonction des spécificités des secteurs d’activité. Ceci, à partir de la cartographie des besoins des patients, soutenue par l’analyse des DPI (Dossiers Patients Informatisés) par l’IA (Intelligence Artificielle), par un pilotage évolutif des organisations et des compétences, des rôles, des missions et fonctions de la filière paramédicale incluant les cadres de santé. Ces indicateurs doivent intégrer des temps dédiés à la formation continue, au tutorat des étudiants et à la recherche paramédicale. Ces facteurs contribuent à la sécurité et à la qualité des soins ainsi qu’au sens donné à l’action, à la qualité de vie et à la satisfaction au travail des personnels de soins.

Huit préconisations de l’AFDS et de l’ANCIM

L’AFDS et l’ANCIM saluent la proposition de la représentation nationale qui vise à la fois la qualité et la sécurité des soins et la qualité de vie au travail de professionnels. Cependant, l’AFDS et l’ANCIM mettent en garde sur l’application de ratios qui seraient imposés comme des normes à respecter sans étude préalable, dans un contexte actuel de raréfaction des ressources humaines disponibles voire de pénurie massive dans certains territoires. Cette approche, trop enfermante, risquerait de fragiliser la ligne managériale avec un engagement de leur responsabilité en cas de non-respect stricto-sensu et une pression psychologique supplémentaire.  Elles formulent donc les préconisations suivantes :

  1. Réaliser une analyse de situation de l’ensemble des effectifs paramédicaux (infirmier, rééducation, médicotechnique) et de leur encadrement : diagnostic exhaustif des activités, sous l’égide d’agences d’État, HAS / IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) appuyé par les trois fédérations (FHF, FEHAP, FHP) et co construit avec les associations professionnelles, tenant compte des déterminants de complexité des soins (organisations, gouvernance, statuts et capacitaire des établissements…) et de ressources humaines (pyramide des âges des personnels en poste, taux d’absentéisme…)
  2. Intégrer dans l’analyse de l’activité les « soins directs » comme les « soins indirects » (démarche qualité, organisation de travail, tutorat, recherche paramédicale…)
  3. Recentrer les périmètres d’activité pour l’ensemble des paramédicaux et leur encadrement (cadres de proximité et cadres supérieurs de santé, directeurs des soins) sur leurs rôles, missions et place.
  4. Définir les effectifs paramédicaux dans un dialogue prônant la coopération interprofessionnelle : trinôme de gouvernance Directeur Général-Président de Commission Médicale d’Etablissement-Coordonnateur Général des Soins, trinôme de pôle Cadre Supérieur de Santé-chef de pôle-assistant de gestion de pôle, et tandem de service de soins (chef de service-Cadre de Santé).
  5. Mettre à disposition des établissements de santé un cadre de fonctionnement et une méthodologie d’aide à la décision pour des effectifs modulaires et flexibles : une plateforme numérique pour l’ajustement du dimensionnement minimal des effectifs capables d’intégrer des indicateurs de la complexité des périmètres rencontrés (absentéisme, turn-over, compétences de base à acquérir en temps de doublure et ancienneté des personnels dans les secteurs d’activité, taux d’occupation, …).
  6. Recentrer les paramédicaux sur leur cœur de métier en intégrant pour les aider des fonctions ou métiers supports : équipe de transports pédestres centralisée, agents de liaison, agents d’hôtellerie, pneumatique pour l’envoi des bilans sanguins et la réception des médicaments en urgence, préparation centralisée des médicaments par la pharmacie hospitalière avec dispensation nominative et/ou préparateur en pharmacie dans les unités de soins, agents d’accueil, infirmière de coordination…) ainsi que de la saisonnalité (activité fluctuante selon les périodes de l’année, durant les congés, en zone touristique, selon les périodes épidémiques…)
  7. Développer une interopérabilité du système d’information hospitalier afin de garantir l’opérationnalité du dispositif, et répondre aux attentes des décideurs et des personnels soignants.
  8. Définir un mécanisme d’alerte à partir d’indicateurs de charge de travail (charge en soins + activités afférentes aux soins) permettant d’identifier des organisations à risques pour les professionnels et pour les patients. Lorsque le ratio « patients par soignant » dépasse un seuil critique, il convient alors d’ajuster les effectifs par une souplesse intégrée dans la construction des cycles de travail.

Ces ajustements nécessiteront un accroissement de l’enveloppe budgétaire permettant une adaptation des états prévisionnels des recettes et des dépenses.  L’AFDS et l’ANCIM, en qualité d’associations professionnelles engagées pour l’amélioration du système de santé, se tiennent à la disposition de la représentation nationale pour mettre en œuvre les préconisations et être force de proposition à côté des agences et des tutelles pour co-construire des méthodes robustes, utiles nécessaires voire indispensables pour les bénéficiaires et les professionnels.

En conclusion :

Parler de ratios n’est pas si simple dans le contexte actuel de difficultés de recrutement et de fidélisation rencontrées par les établissements de santé. A celles-ci s’ajoute une diminution d’attractivité pour la formation aux métiers de la santé et il semble important, voire urgent, de mener concomitamment une réflexion en lien avec les trois questions suivantes : « comment assurer la sécurité et la qualité des soins apportés aux patients tout en garantissant une qualité de vie au travail des personnels soignants ? », « quels sont les éléments d’attractivité et de fidélisation  des professionnels de santé » et « en quoi l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé résoudra à court terme la pénurie de personnels ? ».

La mise en œuvre de standards capacitaires nécessitera au préalable des mesures d’attractivité et de fidélisation fortes comme le fait de revaloriser davantage financièrement et statutairement les soignants (en plus des premières mesures liées aux accords du Ségur de la Santé, le travail de nuit, des WE et jours fériés, méritera notamment d’être valorisé ainsi que le travail auprès des personnes âgées dépendantes). Il sera important également de pouvoir prendre en compte dans les maquettes organisationnelles et le calcul des effectifs, du temps humain supplémentaire correspondant au pourcentage d’absentéisme, au temps de formation, à l’accompagnement des élèves en formation et des nouveaux agents (tuilage à la prise de poste), au développement de la qualité (participation aux réunions, aux staffs, aux projets institutionnels, aux évaluations des pratiques professionnelles), à la recherche, etc…

En regard des difficultés rencontrées pour recruter dans certains secteurs, de jour comme de nuit, une prise en considération particulière du défaut d’attractivité des métiers du grand-âge devra être réalisée avec un effort particulier pour les soignants qui y travaillent (forte revalorisation de la NBI –Nouvelle Bonification Indiciaire – par exemple) au risque sinon d’aggraver les difficultés déjà existantes. La stabilité des organisations de travail passe enfin par une relation de confiance instaurée sur toute la ligne managériale (du directeur aux encadrants) et de facto influence les rapports de travail avec les professionnels de terrain. Pour autant, la mise en place de ratios ne traitera pas le fond du problème. Car au-delà du manque de professionnels soignants disponibles sur le marché du travail, ce dont ils ont besoin, hors rémunération, ce sont des conditions de travail où ils savent qu’ils pourront se sentir utiles et s’épanouir en toute confiance (écoute, reconnaissance, association aux projets de service, de l’établissement, équilibre vie professionnelle-personnelle existante et respectée jusque dans le rythme travail /repos…). Pour l’ANCIM et l’AFDS, il faudra décliner cette confiance par la promotion d’une gouvernance hospitalière équilibrée (chef d’établissement, président de la commission médicale d’établissement et coordonnateur général des soins), ainsi que des cadres de santé ayant la possibilité d’exercer au plus près de leurs équipes sans une surcharge d’activités qui ne devrait pas leur incomber. Des cadres de santé dont la formation doit évoluer compte tenu du contexte, et en capacité d’être dans un management bienveillant moderne et intuitif avec leurs équipes, avec la définition d’un périmètre d’activités adapté et compatible avec l’exercice de leurs missions.

Pour aller plus loin :

ManagerSante.com

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Une réponse

  1. Article très complet sur la situation du personnel médical à l’hôpital, mais de ce fait il s’écarte trop de la question du nombre et du type de personnel utile. Chaque établissement est différent c’est donc bien à ce niveau que doit être mis en œuvre une politique RH. Mais cette politique doit s’appuyer sur un accord révisable suivant des indicateurs présentés et discutés. C’est un accord, contenant une souplesse d’évolution, qui peut rendre attractif les métiers du médical .

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