Nouvel article publié pour ManagerSante.com par le Professeur Julien HUSSON, Directeur de l’IAE Metz School of management CEREFIGE en collaboration avec Sandrine VIRGILI, Maître de conférences en sciences de gestion à l’Université de Lorraine-Laboratoire CEREFIGE, Responsable des UE de méthodologie de la recherche et de la conduite d’un projet de recherche dans une partie de la formation master MOSSS et Omar BENTAHAR, Maître de Conférences HDR en Management de Projet et Supply Chain Management – IAE Metz School of management.
ManagerSante.com est partenaire média de l’IAE Metz School of management & participe aux travaux de la chaire Santé « Management des organisations sanitaires et médico-sociales »
C’est la seconde édition d’un hors-série de la revue Projectique qui est proposé ici. Il vise à mettre en lumière les travaux de recherche menés par des managers hospitaliers ou plus globalement des managers d’organisations du secteur sanitaire et médico-social dans le cadre de leur parcours de formation tout au long de la vie et au sein du master « MOSSS » (Management des Organisations du Secteur Sanitaire, Social et médico-social) à l’Université Lorraine. Ils se sont inscrits à la formation après une première crise COVID en pensant apporter leur retour d’expérience avec une prise de recul et en se ressourçant au sein de l’Université. L’année ne s’est pas tout à fait déroulée de cette manière : la crise Covid avait duré et a perturbé la formation et leur vie professionnelle. En première ligne dans leurs établissements, souvent impliqués 7 jours sur 7, pendant des mois, à faire fonctionner le système de soins, ils ont tenu bon et n’ont pas abandonné leur formation. Les travaux de recherche qu’ils ont produits sont marqués par les traces de leurs efforts. Ils ont su combiner la gestion durable de la crise Covid dans leurs établissements, l’apport de premiers retours d’expérience et la réalisation d’un mémoire de recherche. C’est pour valoriser leur travail, reconnaître leurs efforts et leur sens de l’engagement auprès des autres que nous avons proposé de publier, dans ce second hors-série de Projectique, des synthèses des travaux universitaires qu’ils ont menés. Tous les auteurs de ces articles sont des professionnels de terrain, nous leur avons donné ici la parole.
La création du master MOSS à l’IAE Metz School of management
Nombreux sont les managers du secteur sanitaire et médico-social issus « du rang ». Il est courant de retrouver des managers de services ou de pôles dans les hôpitaux publics ou privés issus d’une formation soignante ou encore des directeurs d’établissements médico-sociaux issus de la filière « éducateurs spécialisés ». Ces managers ont pour la quasi-totalité été des acteurs opérationnels au début de leur carrière et inscrivent le développement de leur carrière dans une logique de formation tout au long de la vie. Il existe de nombreux organismes de formation publics ou privés pour accueillir ce type de public sur tout le territoire (IFCS – Instituts de Formation des Cadres de Santé ; IRTS – Instituts Régionaux du Travail Social) ainsi qu’une « Cathédrale », peut-être un Graal pour ceux qui souhaitent accéder à des fonctions de direction dans le secteur public : l’EHESP (École des Hautes Études de la Santé Publique). La place initiale des enseignants-chercheurs universitaires en management dans ces établissements était peu présente. C’est pour répondre au besoin de formation de cadres du secteur sanitaire et médico-social et au besoin de diversité des offres de formations diplômantes de qualité que nous avons créé, à l’époque, à l’Université de Metz, à l’IAE, le master MOSS un peu avant 2010. À l’origine, il était une option d’un master en management des affaires généraliste. Nous souhaitions apporter une compétence managériale généraliste à des experts techniques du secteur sanitaire et médico-social. Le master MOSS (Management des Organisations Sanitaires et médico-Sociales) n’était ouvert qu’à un public de formation continue sur un rythme d’une semaine par mois de cours pour le niveau M2 et le niveau M1 était intégré à la formation de l’IFCS de CHRU de Nancy dans le cadre d’un DU.
En 2012, la création de l’Université de Lorraine a poussé les « quatre anciennes Universités de Lorraine » à harmoniser leurs offres de formation et le master « MOSS » est devenu « MOSSS ». Il est aujourd’hui ouvert :
• sur les sites des IAE Metz et Nancy, sur des rythmes pédagogiques différents,
• en formation à distance (IAE Nancy)
• en double diplôme avec l’IFCS de Lorraine (IAE Metz)
• au Grand-Duché de Luxembourg avec la chambre des salariés (IAE Metz)
Cette offre de formation est adossée à un axe de recherche prioritaire au sein du laboratoire lorrain de recherche en management (CEREFIGE) et à une chaire en management de la Santé et du Médico-Social (Chaire Santé).
La question des mémoires de fin d’étude et de l’impact managérial des travaux
Toute formation universitaire de niveau master se clôture par la réalisation et la soutenance d’un mémoire de fin d’étude (appelée quelques fois mémoire de recherche en fonction de l’orientation du travail de l’étudiant). Nous avons été très tôt frappés par le nombre de mémoires de qualité produits chaque année à l’IAE Metz par les étudiants-praticiens. Tous sont issus de la formation continue et ont donc une expérience managériale avant d’intégrer la formation. Le cycle de vie traditionnel d’un mémoire est à peu de chose près le suivant : construction du (de la structure) mémoire, lectures / corrections par le tuteur et le référent « terrain » de l’étudiant, impression en 5 exemplaires, soutenance puis au mieux archivage d’un exemplaire du mémoire par l’étudiant et mise au rebus des autres documents. Malheureusement, les mémoires sont peu lus, peu diffusés et peu valorisés.
Comment était-il possible de ne pas transformer en entropie de la connaissance ces sommes de travail intellectuel, de recueil et traitement de données, d’observations et d’interventions dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux ? Nous défendons l’idée que les sciences du management sont des sciences de l’action et que notre paillasse de chercheur en management est l’Entreprise (Les organisations en général). Dès lors, tout travail de recherche doit avoir une double finalité : « la production de connaissances et la production de préconisations managériales ou d’impact managérial » au sens du professeur Kalika. L’organisation des travaux de mémoires de fin d’études du master MOSSS intègre ces deux dimensions. L’accompagnement méthodologique mis en œuvre tout au long du master est réalisé dans ce sens. Il nous paraît intéressant de diffuser les travaux des étudiants dans un format adapté à leur valorisation. « L’article » en revue nous semble être une solution pertinente. C’est pourquoi nous espérons que ce second hors-série de la Revue Projectique « Paroles de managers du secteur de la santé et du médico-social » puisse faire connaître la richesse des travaux de recherche menée par les étudiants-managers du master MOSSS. (Ouvrage soutenu également par le média digital ManagerSante.com)
Présentation des articles présents dans ce hors-série (cliquez sur chaque auteur pour télécharger leur article)
Ce numéro spécial, composé de onze papiers, aborde des thématiques désormais inséparables des chantiers des managers hospitaliers et médico-sociaux : capacités de résilience en situation de crise sanitaire, transformation digitale, accompagnement de projets de changements et de réorganisations d’activités stratégiques, nouveaux rôles dans l’exercice managérial.
Les deux premiers articles s’interrogent sur la capacité de résilience des établissements en période de crise Le premier, rédigé par B. Adam, met en avant le rôle central du manager de proximité dans la reconstruction de sens en situation de crise, via les interactions communicationnelles quotidiennes. Dans la même veine, le second article, de M. Bousser, démontre, de manière rétrospective, que cette résilience provient entres autres de la capacité des managers à s’appuyer sur l’adaptabilité des personnels, le fonctionnement en équipe et les pratiques standardisées propres à ces professions. Les organisations sanitaires recèlent donc des capacités de résilience qu’il convient d’activer et de mobiliser avec les équipes dans une dynamique communicationnelle quotidienne en vue de leur capitalisation pour la suite.
Les deux articles suivants abordent la thématique centrale de la digitalisation des établissements sanitaires et médico-sociaux via les systèmes d’information. La recherche d’A. Torki interroge la capacité du Dossier Patient Informatisé, récemment installé au Centre Hospitalier Luxembourgeois (CHL), à améliorer la qualité des soins. Ses résultats établissent la complexité du système, l’outil étant sources d’erreurs autant que vecteur d’amélioration et de satisfaction. De manière complémentaire, le travail d’A. Perrin, mené dans un Institut Médico-Educatif (IME), prend comme point de départ les paradoxes inhérents à la transformation digitale et à la dualité du Dossier informatisé. Précisément, plutôt que de les éviter, l’auteur démontre que le manager de proximité doit reconnaître ces paradoxes pour les dépasser avec son équipe afin de permettre sa pleine appropriation au sein de cet espace contraignant et habilitant.
Les trois articles suivants s’intéressent à d’autres types de changements en lien avec la modernisation du secteur. Ainsi, le travail d’A. Annoot et A. Rakotondranaivo évalue les impacts d’un projet pilote mis en œuvre au sein de deux services du CHL 18 mois après son implémentation : le projet d’infirmier de liaisons. L’évaluation menée auprès de l’ensemble des parties prenantes démontre la valeur de cette innovation managériale, vecteur de coordination et collaboration interprofessionnelle au service du parcours patient, et permet de proposer des pistes pour sa généralisation à l’établissement. L’article de M. Petoux examine quant à lui les résistances au changement générées par la mise en œuvre du nouveau Plan d’accompagnement généralisé imposé par les autorités de tutelle dans un IME. Identifiant les différentes formes et niveaux de résistances individuelles et collectives, ainsi que les stratégies managériales pour y faire face, des orientations pour accompagner ce changement profond sont proposées. La recherche de X. Thiebaux, questionne quant à elle la capacité d’une démarche centrée sur de la Qualité de Vie au Travail à accompagner la mise en œuvre d’une nouvelle activité au sein d’un Établissement et Service d’Aide par le Travail (ESAT), afin de concilier bien être des parties prenantes et performance de l’établissement pour en assurer sa survie.
Les trois articles suivants posent un regard renouvelé sur l’exercice managérial, exercice que la situation sanitaire a fortement mis en lumière et affecté. Ainsi, A. Parmentier propose d’explorer la posture du leader-coach comme levier de mobilisation collective des personnels et de la coopération pluridisciplinaire dans un EPHAD, dont la cohésion et la dynamique d’engagement s’essoufflent par des mois de crise sanitaire. S. Lebris s’interroge quant à lui sur les facteurs clés de réussite à la mise en œuvre d’un travail à distance équipé du cadre de santé, dont la crise a été un accélérateur. Enfin, G. Damette se saisit du rapport de la mission Claris- 2020, pour s’interroger sur les fondements d’une relation coopérative du binôme médecin-cadre de santé, démontrant l’importance de la qualité de leurs relations sur l’engagement quotidien des équipes de soin.
Pour finir, le travail de B. Mandavy clôture ce dossier en proposant de remettre l’éthique et le soin au centre des organisations. Elle se questionne ainsi sur l’éthique du care comme solution managériale pour améliorer les conditions de travail difficiles des soignants – notamment ceux soumis aux horaires atypiques. Cette orientation permettrait alors de renouveler de manière positive l’exercice managérial au profit de l’ensemble des professionnels de santé et au service de la qualité des soins.