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Comment répondre à l’émergence du nouveau Coronavirus ? Explications stratégiques et opérationnelles du Dr Jan-Cédric HANSEN

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N°2, Février 2020


Article publié par notre expert, le Docteur Jan-Cédric HANSEN, Médecin Coordonnateur & Administrateur du  CHAG de Pacy-sur-Eure, membre du Collège Médical et du Comité Stratégique du GHT Eure-Seine-Pays d’Ouche.

Il est également membre du conseil d’administration britannique de StratAdviser Ltd et dirige la stratégie de la société depuis 2008. Il est membre de la Société française de médecine des catastrophes (SFMC) et Secrétaire Général du Global Health Security Alliance (GloHSA).

Depuis le 09/01/2020, un nouveau coronavirus (2019-nCoV) a été identifié comme étant la cause des cas groupés de pneumonies en lien avec un marché d’animaux vivants dans la ville de Wuhan signalés à l’OMS depuis le 31/12/2019. Cette nouvelle espèce de coronavirus est une souche particulière jamais encore identifiée chez l’homme dont on possède très peu d’informations sur sa virulence et les conséquences cliniques à court, moyen et long terme de l’infection quelle engendre.

Pour autant les responsables et décideurs en poste doivent prendre des décisions stratégiques pour assurer le meilleur équilibre possible entre la protection sanitaire de la population et la préservation de l’activité socio-économique essentiel au bien-être de cette même population.

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Quels sont les éléments sur lesquelles se baser pour affronter cette épidémie ?

 La famille des Coronaviridae est une famille de virus à ARN+ simple brin qui compte deux genres dont celui dit « Coronavirus » qui regroupe un grand nombre d’espèces dont la plupart contaminent les hommes ou les animaux sans déclencher de symptômes particulièrement notables chez l’hôte. Lorsqu’une espèce de coronavirus provoque des symptômes, ce sont principalement des symptômes évocateurs de « rhume » ou de « grippe » sans plus. Ils ne sont la plupart du temps jamais identifié car l’automédication ou le traitement symptomatique suffisent à passer le cap. En règle générale, les différentes espèces de coronavirus ont un hôte exclusif, un organe cible préférentiel et n’en changent pas. On parle de tropisme.

Le tropisme est déterminé par le ou les organes cibles, ainsi que la ou les espèces animales pouvant être infectées. Cependant, l’histoire des espèces de coronavirus comporte plusieurs exemples de changement de tropisme leur permettant soit de franchir la barrière d’espèce et de s’installer chez un nouvel hôte (de l’Animal vers l’Homme, par exemple), soit de développer une nouvelle expression de l’infection (de bénin à létal, par exemple). En d’autres termes, le tropisme désigne l’ensemble des cellules vivantes dites « cibles » pour une espèce de coronavirus donnée.

Ces cellules sont dites « cibles » parce qu’elles ne peuvent pas s’opposer à l’invasion des particules virales (les virions) d’une espèce donnée et qu’ensuite, elles contribuent à la réplication virale jusqu’à leur mort. On parle de virulence.

La virulence désigne donc la capacité propre à chaque espèce de coronavirus de pénétrer dans les cellules d’un ou plusieurs organes de l’organisme de son hôte et de s’y multiplier. La virulence correspond en fait au degré de rapidité de multiplication d’un virus dans un organisme donné, donc à sa vitesse d’envahissement.

La réplication virale au sein des cellules cibles se fait au détriment de leur vitalité et celles-ci rapidement leur capacité à remplir leur fonction premiere puis finissent par mourrir. C’est, la perte des fonction primaire puis la mort des cellules cibles qui est responsable des symptômes de l’infection engendrée par l’espèce de coronavirus en cause. C’est la mort des cellules et la rupture de leur enveloppe cytoplasmique qui permet de libérer et donc de disséminer les virions de l’espèce de coronavirus qui les infecte. On parle de contagiosité.

La contagiosité (ou contage) désigne le potentiel de transmission des virions d’un sujet infecté à un sujet sain. Ce potentiel varie selon plusieurs facteurs qui regroupent, entre autre, le type de transmission (direct ou indirect), la voie de transmission (manu portée, aéroportée, …) ou son mode (endémie, épidémie, pandémie).

L’ensemble de ces caractéristiques (tropisme, virulence, contagiosité) permettent de décrire, d’appréhender et de modéliser le comportement d’une espèce donnée de coronavirus.

C’est ce qui a été déterminé pour l’espèce responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV) qui a émergé fin 2002 en Chine. Cette pandémie n’a duré que quelques mois (novembre 2002-juillet 2003) entraînant un total de 8 096 cas probables, dont 774 décès (taux de létalité de 9,6%). L’épidémie a été marquée par son impact important sur les professionnels de santé (plus de 20% de la totalité des cas selon l’OMS).

C’est aussi ce qui a été déterminé pour l’espèce responsable du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) identifié pour la première fois en Arabie saoudite en 2012. Pour la période allant de 2012 au 8 octobre 2019 (date du dernier cas notifié à l’OMS), le nombre total de cas d’infection à l’échelle mondiale s’établit à 2470. Environ 35% des cas notifiés d’infection par le MERS-CoV ont abouti au décès du patient.

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C’est ce qu’il reste à déterminer pour 2019-nCoV. Au 11/02/2020 on dénombre plus de 43 000 cas confirmés d’infection par le 2019-nCoV. Ces cas sont majoritairement situés en Chine dans la ville de Wuhan dans un contexte ou des cas apparemment isolés sont retrouvés dans d’autre villes chinoises (Honk Kong, …) et dans une dizaine de pays (Thaïlande, Singapour, Japon, République de Corée, Vietnam, Taïwan, Etats-Unis, Mexique, France …).

Ces cas correspondent à deux situations distinctes ceux dit « autochtones » et ceux dit « importés ». Les cas « autochtones » sont générés par la transmission inter-humaine au niveau du ou des foyers de contamination pour l’instant limité à Wuhan sans que le périmètre exact soit bien défini d’ailleurs (autour du Huanan South China Seafood Market ou jusque et y compris la zone péri-urbaine?). Les cas « importés » sont générés par des personnes qui sont contaminés au sein du ou des foyers, qui se déplacent pendant la période d’incubation et qui développent des symptômes cliniques plus tard pendant ou après leur pérégrination. C’est à dire que la contamination a eu lieu probablement à Wuhan mais que le diagnostic à été fait ailleurs.

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Que reste-t-il  à déterminer pour réguler cette épidémie ?

A ce stade, la modélisation du comportement du virus n’a pas été partagée. Il semble que la détermination du taux de reproduction (Rt) n’ai pas encore été fixé avec certitude. Ce taux de reproduction indique le nombre de cas secondaires engendrés à partir d’un individu contagieux. Si la valeur de Rt est supérieure à 1, alors chaque personne contaminée est susceptible de contaminer plusieurs personnes. Si la valeur est inférieure à 1 alors l’épidémie va s’épuiser. La valeur de Rt varie au cours du temps. Elle peut-être sensible aux mesures prises par les autorités de santé tout comme elle peut-être sensible au statut immunitaire de la population touchée. Au début d’une épidémie cette valeur se dénomme R0 puis elle se stabilise lorsque les rapports entre l’espèce de coronavirus sont équilibrés. A titre d’exemple, celle de la grippe varie de 4 à 5 selon les épisodes épidémique.

La promotion de cas symptomatiques n’est pas précisée. Or, c’est cette proportion associée au taux de reproduction Rt qui constitue l’un des facteur essentiel de l’immunité collective et la meilleure barrière à la diffusion de l’espèce virale en l’absence de vaccin.

Le tropisme n’est pas encore parfaitement défini. Quelles sont les espèces animales qui, avec l’homme, sont contaminées ? Quels sont les organes touchés ? Quelles sont les cellules cibles ? Pour y répondre il conviendrait d’étudier les marquages immuno-histochimiques de prélèvements post mortem sur les animaux et les victimes décédées présentes sur le Huanan South China Seafood Market.

Dans le même ordre d’idées, on n’a pas encore déterminé les raisons de la contamination des soignants par le 2019-nCoV. S’agit-il de mesures de protection standard insuffisamment appliquées ? S’agit-il de l’insuffisance de ces mêmes mesures devant une modalité de contamination non identifiée ou d’une rémanence de la virulence plus longue que celle actuellement estimée?

La question de la létalité n’est pas mieux déterminée. Il semble qu’elle se situe pour l’instant entre 2 et 3 % des cas symptomatiques. Mais le recul n’est pas suffisant pour être certain que cette statistique est fiable.

Enfin, au 11/02/2020, il existe des cas sporadiques de contamination inter-humaine à partir des cas « importés » mais pas de foyer secondaire autonomes en dehors de la Chine. Qu’en sera-t-il dans le futur?

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A quoi faut-il penser pour dépasser cette épidémie ?

Dans un contexte où la population française considère comme « normal » que la grippe entraîne chaque année environ 65 600 passages aux urgences dont près de 11 000 aboutissent à une hospitalisation (16%), parmi lesquels se trouvent près de 1 900 cas graves admis en réanimation dont 290 décéderont (15%), soit une mortalité globale de l’ordre de 8 à 9 % des cas avérés documentés, quelle sera son seuil de tolérance face à une épidémie dont la mortalité globale est potentiellement 3 fois moindre?

À partir de quel seuil de cas de détresse respiratoire grave induits par 2019-nCoV la gestion des 5700 lits de réanimation existant en France sera-t-elle impacté? À partir de quel seuil des dilemmes éthiques de priorisation se poseront-ils entre patientèle habituelle des services de réanimation et patientèle issue des cas importés ou secondaires ?

À partir de quel seuil de professionnels de santé contaminés les hôpitaux seront-ils dans l’incapacité de faire face à l’afflux de malades habituel ? À un afflux de malades augmenté des cas symptomatiques nécessitant une hospitalisation ?

Quelle est la nature sociologique du seuil de tolérance de la population ou de l’opinion publique ? Le nombre de cas importés ? Le taux de mortalité ? Le nombre absolu de décès ? Dans cette dernière hypothèse, quelle valeur seuil peut-on raisonnablement attendre/accepter en France ? 10 morts ? 50 morts ? 100 morts ? 300 morts ?

Quelle est la nature du contrat moral implicite entre la population ou l’opinion publique, le gouvernement et les autorité sanitaires ? S’agit-il d’un contrat moral portant sur les mesures relevant du principe d’obligation de moyens ou de celui d’obligation de résultat ?

Que dit la Loi à ce sujet, dans un contexte où une crise/catastrophe n’exonère pas des obligations réglementaires et légales ?

Quel est l’objectif attendu au plan social et sociétal ? Qui le fixe ? Le Gouvernement ? La représentation nationale ? Un groupe expert ? Quels sont les critères de succès définit pour caractériser la sortie de crise/catastrophe ? Comment les détermine-t-on et les mesure-t-on ? qui en a la charge ?

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Sur quels aspects les cindyniques peuvent-ils apporter leur contribution ?

Les Cindyniques étudient les évolutions des situations dans le but d’apprécier leur propension (tendance) à se diriger (évoluer) vers une zone plus ou moins dangereuse (caractère térébrant de la situation qu’elle soit technique, documentaire, organisationnelle ou sociale). Les Cindyniques explorent, de fait, le jeu des interactions conduisant à des situations potentiellement cindynogènes par rapport à une situation de référence pour identifier des dangers impensables et en proposer des représentations.

Les cindyniques ne se contentent donc pas de multiplier une fréquence “probabiliste” avec une gravité “supposée” pour calculer une criticité “déterminante” en vue d’évaluer un risque. Les cindyniques évaluent le caractère térébrant des situations afin d’y apporter des solutions de résilience.

Autrement dit, les Cindyniques se distinguent de la logique de “sûreté » — et la complète — en ce sens qu’elles :

  • intègrent la propension de toute situation à se diriger inéluctablement vers le désordre si elle est livrée à elle-même
  • identifient la nature asymptotique de la prévention des risques basée sur la seule analyse des dangers matériellement perceptibles et d’une réponse purement technique ou procédurale
  • reconnaissent l’importance du jeu des acteurs aux niveaux “global”, “individuel”, “interindividuel” et “organisationnel”, comme critiques
  • constatent l’influence du contexte, des flux, de la dynamique et des interactions au sein d’une situation, sur la constitution d’un danger
  • perçoivent l’existence de conditions additionnelles “imperceptibles” ou “impensables” susceptibles de renforcer le caractère cindynogène d’une situation
  • postulent la nature multidimensionnelle du danger pour expliquer les précédents constats.

Au delà, les cindyniques invitent les responsables à évaluer leurs décisions à travers 5 questionnements définis par 5 qualificateurs (lesquels correspondent au 5 dimensions de l’hyperespace cindynique) :

  1. Finalités : A quoi sert de poser ces informations/consignes/préconisations/instructions, quel sont leur but ? Quelles sont leur raison d’être ?
  2. Valeurs : Au nom de quoi ? Qu’est-ce qui guide le choix de vos informations/consignes/préconisations/instructions ?
  3. Règles : Qu’est-ce que vous, acteurs/décideurs de votre plan, vous vous imposez, ce qui vous est imposé, ce que vous imposez aux autres ?
  4. Modèles : Comment vous acteurs/décideurs de votre plan pensez-vous que cela s’organise/fonctionne ? Quelle représentation vous faites-vous des enjeux ? Quelles représentations souhaitez-vous transmettre à vos agents et prestataires ?
  5. Données : Quels sont les faits. Que savez-vous en tant qu’acteurs/décideurs que vous souhaitez partager avec vos agents et prestataires ?

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Pour aller plus loin : 

  • https://www.france24.com/fr/video/20200122-ce-virus-aurait-un-taux-de-mortalit%C3%A9-moins-important-que-le-sras-explique-le-m%C3%A9decin-jan-c%C3%A9dric-hansen
  • https://jancedrichansen.wordpress.com/2019/06/24/17/
  • https://www.iscc.cnrs.fr/spip.php?article2168
  • https://www.santepubliquefrance.fr/recherche/#search=Infection%20à%20coronavirus
  • https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/trois-cas-d-infection-par-le-coronavirus-2019-ncov-en-france-429100
  • https://www.ecdc.europa.eu/en/novel-coronavirus-china
  • https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/situation-reports/20200121-sitrep-1-2019-ncov.pdf

Docteur Jan-Cédric HANSEN

Nous remercions vivement le Docteur Jan-Cédric HANSEN, Médecin Coordonnateur & Administrateur du  CHAG de Pacy-sur-Eure,  membre de la Société française de médecine des catastrophes (SFMC) et Secrétaire Général du Global Health Security Alliance (GloHSA) et dirigeant de la société StratAdviser Ltd  depuis 2008. 

Il propose de partager son expertise en gestion de crise sanitaire pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com


Biographie de l’auteur : 
Le Docteur Jan-Cédric HANSEN est Médecin Coordonnateur & Administrateur du Centre d’Hébergement et d’Accompagnement Gérontologique du CHAG de Pac-sur-Eure.
Il est membre du Collège Medical de Territoire et du Comité Stratégique (COSTRAT) du Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) Eure-Seine-Pays d’Ouche.
Membre du Comité de Pilotage (COPIL) de l’Espace de Réflexion Ethique de Normandie (EREN).
Chargé de cours en éthique et prévention des risques psychosociaux (Université de Normandie), Management, Marketing, Communication et Gestion de crise, et défense Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique (NRBC) pour trois écoles d’ingénieurs (MinesNancy, Institut Fayol, IESTI) et l’IAE Lille.
Administrateur de StratAdviser Ltd société de conseil et de formation en pilotage stratégique de crise.
Administrateur de la Global Health Security Alliance (GloHSA) et de l’International Commission on Disaster Medicine (ICDM) et membre de la Société Française de Médecine de Catastrophe (SFMC).
Registered Cindynician Expert-Auditor for the CBRN Risk Mitigation CoE Initiative of the European Commission under EX2016D2.

[VIDEO : INTERVIEW DU 22 Février 2020]

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Docteur Jan-Cédric HANSEN

Médecin Coordonnateur & Administrateur du Centre d’Hébergement et d’Accompagnement Gérontologique (CHAG) de Pacy-sur-Eure Membre du Collège Medical de Territoire et du Comité Stratégique (COSTRAT) du Groupement Hospitalier de Territoire (GHT) Eure-Seine-Vallée d’Ouche Membre du Comité de Pilotage (COPIL) de l’Espace de Réflexion Ethique de Normandie (EREN) Chargé de cours en éthique et prévention des risques psychosociaux (Université de Normandie), Management, Marketing, Communication et Gestion de crise, et défense Chimique, Biologique, Radiologique et Nucléaire (CBRN) pour trois écoles d'ingénieurs (MinesNancy, Institut Fayol, IESTI) et l'IAE Lille. Administrateur de StratAdviser Ltd société de conseil et de formation en pilotage stratégique de crise Administrateur de la Global Health Security Alliance (GloHSA) et de l’International Commission on Disaster Medicine (ICDM) et membre de la Société Française de Médecine de Catastrophe (SFMC) Registered Cindynician Expert-Auditor for the CBRN Risk Mitigation CoE Initiative of the European Commission under EX2016D2

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