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Quelles sont les 3 idées reçues concernant la « blockchain en Santé » ? Réponses d’Anca PETRE

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N°5, Juillet 2019


Article rédigé par notre experte Anca PETRE (Co-fondatrice de la société 23 Consulting)  spécialiste de la technologie de la Blockchain dans le secteur de la Santé, Digital Health & Blockchain Researcher, TEDx Speaker

 

Quand je pense à l’évolution de la blockchain dans la santé depuis 2015, je ne peux m’empêcher de penser à ce jeu auquel nous jouions enfant, et dans lequel nous devions faire circuler une information au sein d’une chaîne de personnes. Nous attendions avec impatience l’information dévoilée par le dernier destinataire, et c’était avec surprise et plaisir que nous constations sa modification.

Aujourd’hui, c’est encore avec surprise qu’il m’arrive parfois de prendre connaissance des informations circulant au sujet de la blockchain en santé, mais ces fois-là, le plaisir laisse place à de la consternation. A mesure qu’on y fait référence, on y perd en précision, et c’est ainsi que nous nous éloignons de plus en plus de sa réalité.

Est-ce cela le reflet de la démocratisation de la connaissance ? Je ne le pense pas.

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Qu’en est-il aujourd’hui ? 

Si initialement la blockchain a été conçue par et pour un groupe de connaisseurs, elle ne pourra se développer que si elle est adoptée par le plus grand nombre, d’où l’urgente nécessité de former le public. Et cela ne repose que sur la responsabilité et l’initiative individuelle. La qualité de la formation et de l’information sont des enjeux majeurs, et la confiance en cette technologie et sa valorisation ne pourront que reposer sur sa bonne compréhension.

Mais disons-le tout de suite, ce phénomène est tout à fait compréhensible, si ce n’est justifiable. Lorsque les nombreux articles sur le sujet présentent la blockchain comme la prochaine révolution, nous ne pouvons décidément pas en vouloir à l’industrie de la santé de placer beaucoup d’espoir dans ce nouvel outil. Bien que ces affirmations ne soient pas entièrement fausses dans les grandes lignes, le diable se cache, comme toujours, dans les détails.

Entre approximations, imprécisions et argumentations dont la rigueur laisse à désirer, il est bon de mettre un terme aux 3 mythes les plus communément répandus sur la blockchain, afin de tendre, pas à pas, vers la transparence et la qualité de l’information.

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1ère idée reçue : la blockchain est une alternative décentralisée à une base de données

Une des plus grandes confusions que l’on rencontre à l’heure actuelle est celle de la différence entre une blockchain et une base de données. Le choix de l’un ou l’autre des outils répond aux usages qui en seront fait, mais il est néanmoins possible de distinguer plusieurs grands principes.

Une blockchain peut contenir diverses sortes de données que l’on peut répartir en trois grandes catégories fonctionnelles:

  • Les transactions : il s’agit de la forme la plus répandue pour enregistrer des données sur une blockchain. En effet, cela constitue le fonctionnement même des blockchains traçant les échanges monétaires tel que la blockchain Bitcoin. Mais au delà de son rôle de livre de comptes, une blockchain peut tracer toutes sortes d’assets tels que les produits de santé. Il est donc apparu évident que l’un des domaines les plus prometteur pour la blockchain était la logistique et la distribution. Quoi de mieux que cette technologie pour tracer le circuit d’un produit de proche en proche entre tous les acteurs de la supply chain de manière transparente et immuable?
  • Les preuves d’existence : une preuve d’existence est un puissant mécanisme permettant d’enregistrer de manière chiffrée, immuable et horodatée tout document dans une blockchain. Toute information pouvant porter à litige et dont l’intégrité doit être garantie dans le temps peut faire l’objet d’une entrée dans une blockchain. Cette fonctionnalité des blockchains peut donc être utilisée dans les contextes suivants:
    • Démontrer la propriété d’une information sans un révéler le contenu;
    • Horodater un document;
    • Vérifier l’intégrité d’un document.
  • Les smart contracts : les smart contracts sont des programmes informatiques s’exécutant automatiquement une fois que les conditions prédéfinies sont remplies. En enregistrant ces courts programmes sur une blockchain, on peut garantir leur exécution au-delà de toute intervention ou interférence humaine, apportant une couche supplémentaire de confiance quant à la réalisation de la tâche programmée. Ces smart contracts peuvent permettre l’exécution de paiements ou de remboursements, l’ouverture de droits d’accès à des données sensibles, l’anonymisation automatique de données, ou toute autre process actuellement réalisé manuellement et exposé à un risque d’erreur.

Quelle que soit la fonctionnalité de la blockchain qui vous intéresse, dans aucun des cas cités ci-dessous, la blockchain n’agit comme une base de données pouvant contenir de larges volumes d’informations. Pourquoi? Deux raisons principales existent :

  • Le coût de stockage de la donnée : chaque information enregistrée sur une blockchain est automatiquement dupliquée auprès de tous les noeuds du réseau. Chaque membre de ce réseau doit alors télécharger toutes les informations que vous enregistrez sur la blockchain à son tour, ce qui peut représenter d’importantes quantités de données. Cela a pour effet de ralentir le système et d’augmenter les coûts de stockage.
  • La quantité permise par le protocole lui-même : au-delà de la question économique du coût de stockage des données, une question purement technique se pose également. Les volumes de données et les vitesses de transactions dépendent des protocoles mais leur capacité n’atteint pas celle des bases de données traditionnelles.

Ainsi, au regard de cette nouvelle compréhension de la blockchain, certains cas d’usage jusqu’ici plébiscités, méritent quelques clarifications:

  • Le partage de dossiers médicaux complets sur la blockchain.
    Il est maintenant évident que la blockchain n’est pas le bon outil pour stocker et partager des dossiers médicaux. Cependant, cet outil peut néanmoins avoir un rôle intéressant dans la sécurisation des données de santé, comme présenté dans une récente étude publiée dans Blockchain in Healthcare Today. Dans le contexte d’une étude clinique, le papier décrit la gestion du consentement du patient et des droit d’accès à ses données médicales. Les auteurs expliquent que les droits d’accès à ces informations sont stockés sur une blockchain alors que les données de l’étude en elles-mêmes sont enregistrées dans une base de données. Lorsqu’une tierce partie souhaite accéder aux données, ses droits d’accès sont vérifiés sur la blockchain.
  • L’enregistrement des numéros de séries de chaque produit de santé pour permettre leur traçabilité.
    Christophe Devins, PDG de la société Adents, revient sur cette idée reçue: « L’idée selon laquelle la solution blockchain permettrait de stocker les codes sérialisés à l’unité, afin de permettre une vérification de la conformité du code directement en interrogeant la blockchain est entièrement erronée. Non seulement cela représenterait, aux Etats-Unis uniquement, 37 milliards de codes par an mais, en plus, la blockchain n’est pas un outil qui permette au patient d’y réaliser des requêtes. »

Les blockchains et les bases de données sont avant toute chose des outils complémentaires dont l’utilisation va dépendre de nombreux facteurs relatifs au cas d’usage à traiter. Bien que la différence entre les deux requiert des compétences techniques, il est néanmoins indispensable d’en comprendre les grandes lignes afin de porter un regard critique sur les solutions qui sont présentées et sur la part de blockchain qui est réellement pertinente.

 

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2ème idée reçue : une blockchain consomme beaucoup d’énergie

Après la question des cas d’usages de la blockchain, vient souvent la question de la consommation énergétique de cet outil. Là encore, les explications généralistes et peu rigoureuses donnent lieu à des interrogations légitimes sur l’impact écologique des blockchains et l’intérêt réel de leur utilisation.

Sur ce sujet, de nombreuses publications tentent d’apporter des clarifications et particulièrement sur un point majeur. Oui, la consommation énergétique est une réalité pour le protocole Bitcoin, mais ce n’est pas le cas pour toutes les blockchains. Ce qui explique la forte consommation énergétique de la blockchain Bitcoin est sa nature même et l’algorithme lui permettant d’assurer la fiabilité et la sécurité des informations qui y sont inscrites.

Il est cependant important de préciser, sans entrer dans des détails trop pointus, qu’il existe de nombreux protocoles blockchain avec tout autant d’algorithmes différents dont certains plus énergivores que d’autres. Par ailleurs, la plupart des blockchains utilisées en entreprise à l’heure actuelle sont de nature « privée » à la différence de Bitcoin qui est « publique ». Cette caractéristique entraîne un mode de fonctionnement différent et des coûts énergétiques plus faibles.

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3ème idée reçue : la blockchain assure la véracité de l’information enregistrée

À quoi sert une blockchain si on peut y enregistrer tout et n’importe quoi ? Joue-t-elle encore son rôle de validation et d’authentification de l’information ? Voilà un dernier point sur lequel il est nécessaire de s’attarder.

Prenons l’exemple de l’enregistrement sur une blockchain d’un résultat particulier au cours d’un essai clinique. La logique voudrait que cet outil puisse garantir que l’information en question soit authentique, fiable et n’ait donc pas été manipulée. Car, encore une fois, pourquoi voudrait-on utiliser une blockchain si elle peut contenir des informations erronées?

C’est donc bien là que réside une des limites importantes de cet outil et un des éléments indispensables à sa compréhension. La blockchain ne peut garantir l’intégrité d’une information qu’à partir du moment où cette information y est enregistrée. Autrement dit, la blockchain n’a aucun pouvoir sur ce qui se passe en amont de la soumission d’une donnée. Elle peut néanmoins garantir qu’une fois que l’information y est stockée, on pourra à tout moment vérifier qu’elle n’a pas été altérée et donc garantir son intégrité.

Ce qu’il est important de comprendre, c’est que la blockchain représente en soit une importante avancée. Être en mesure de s’assurer de la validité d’une information dans le temps est un attribut intéressant qu’il était auparavant difficile de mettre en place. Cette caractéristique de la blockchain découle directement de son fonctionnement décentralisé. Ce dernier permet à des noeuds, au sein d’un réseau, de maintenir une copie du registre et d’en garantir donc l’intégrité dans le temps.

Plus le réseau est distribué, plus il sera difficile de pirater tous les noeuds pour modifier tous les registres et donc l’état de l’information acceptée dans le réseau. A contrario, dans un système centralisé, il est plus aisé de cibler un point unique de vulnérabilité et d’y modifier une donnée sans que les autres parties prenantes ne puissent s’en apercevoir.

La blockchain ne résout donc pas le biais humain de la manipulation des données pour des intérêts personnels. Ce problème nécessite d’autres solutions humaines ou technologiques afin d’en venir à bout.

A l’heure où ce qui compte de plus en plus est l’humain, il semble de prime abord contradictoire de constater que la technologie prend de plus en plus d’ampleur. Cependant, la place de l’Homme  reste centrale car elle est sous-jacente à toute innovation, tout autant qu’il demeure le bénéficiaire en dernier ressort de l’exploitation technologique.

S’il est important de considérer la blockchain comme un allié de l’humain et non le contraire, il ne faut pas se méprendre sur ses capacités intrinsèques. En aucun cas, elle n’est en mesure de réparer les biais humains. Elle propose simplement une alternative pour y faire face humblement et dans les limites qui lui sont propres.

 

Pour parvenir à ses fins, la blockchain à besoin de l’humain. A l’instar des réseaux sociaux qui peuvent nuire gravement à la connaissance, les informations peu ou mal maîtrisées par ceux qui les répandent, peuvent nuire à la blockchain. A ce titre, la formation se doit d’être le véhicule majeur dans le but de réduire l’ignorance et de faciliter l’adoption de la blockchain à grande échelle. Et ce papier n’est qu’un pas de plus dans cette direction.

 

ANCA PETRE

 

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Nous remercions vivement  Anca PETRE , Etudiante en double cursus de pharmacie et de management, avec une spécialisation en santé digitale, Conférencière à l’international, auteure, Chief Operating Officer chez 23 Consulting, spécialiste auprès des organisations de l’industrie de la santé sur leur projets BlockchainDigital Health & Blockchain Researcher, TEDx Speaker de partager son expertise scientifique et professionnelle en proposant le partage de ses articles, pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com


Biographie de l’auteure : 

Anca PETRE, Docteure en Pharmacie, est COO (Chief Operating Officer) chez 23 Consulting, Anca forme et accompagne les organisations de l’industrie de la santé sur leur projets Blockchain. Hackathons, conférences internationales, publications, elle multiplie les moyens pour promouvoir et éduquer la communauté médicale au tsunami digital.  Elle parle couramment l’Anglais, l’Espagnol et le Roumain.

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Jeudi 14 Juin 2018  Interview de notre experte Anca PETRE  sur  la thématique « Blockchain & Santé, quelles perspectives ? »  à l’occasion d’une journée  organisé par le CMNFIS, en partenariat avec plusieurs partenaires dont www.managersante.com

Chez 23 Consulting, Anca PETRE accompagne les entreprises de santé dans la mise en œuvre de solutions blockchain. C’est la seule entreprise entièrement dédiée à l’industrie de la santé et spécialisée auprès des organisations de l’industrie de la santé sur les projets Blockchain. Enfin, 23 Consulting vient d’être accrédité en 2018 comme 1er Organisme de Formation en France spécialisé sur la blockchain en santé (enregistrée sous le numéro 11922202492 auprès du préfet de la région Ile-de-France)

Jean-Luc STANISLAS,  Fondateur de managersante.com tient à remercier vivement le Docteur Anca PETRE pour partager régulièrement ses articles passionnants concernant la Blockhain en Santé sur notre plateforme média digitale d’experts.


 

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Docteur Anca PETRE

Anca PETRE est co-fondatrice et directrice des opérations de 23 Consulting, leader dans l’accompagnement des organisations du secteur de la santé sur leurs projets blockchain. Après un double cursus en pharmacie et management, Anca a entamé une thèse sur le potentiel de la technologie blockchain dans l’industrie pharmaceutique. A présent, elle forme et accompagne les acteurs de ce secteur,les organisations de l’industrie de la santé sur leur projets Blockchain, ainsi que des start-ups ou des hôpitaux, à l’échelle internationale. Conférencière et auteur passionnée par les nouvelles technologies et leur apport dans le système de santé, elle s’emploi à démocratiser leur usage et les rendre accessibles à toute la communauté médicale. Hackathons, conférences internationales, publications, elle multiplie les moyens pour promouvoir et éduquer la communauté médicale au tsunami digital.   Elle parle couramment l’Anglais, l’Espagnol et le Roumain.

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