Nouvel article proposé par Olivier ZARA, consultant en management et pionnier du management de l’intelligence collective.
Olivier ZARA intervient régulièrement pour plusieurs écoles : HEC Paris Executive Education, Pôle Universitaire Léonard De Vinci, ESCP Europe, Centre de formation au management du ministère des armées dans le cadre d’Executive MBA, ateliers ou formations Intra sur les thèmes de l’excellence décisionnelle (intelligence collective) et du management hybride.
Les éléments de cet article sont extraits de ses livres intitulés L’excellence décisionnelle & La stratégie du Thé.
Cadre de référence : Quand vous êtes à la fois manager et expert, vous êtes 4 décideurs comme je l’explique dans cet article : La pyramide des 4 décideurs. Sur ce blog, nous sommes centrés sur le décideur du complexe et du compliqué-implémentation. Nous allons maintenant présenter quelques éléments sur la professionnalisation du décideur du simple qui est le garant de l’excellence opérationnelle à condition de prendre d’excellentes décisions ! Cet article propose une innovation pédagogique dans le cadre de l’accompagnement des managers pour améliorer leurs compétences comportementales.
Définition : Le co-développement dit Codev est une technique d’animation de réunion unique puisqu’il s’agit de la seule méthode dans laquelle un groupe doit se poser des questions avant de chercher des solutions. Le Codev est aligné sur l’approche du coaching, mais au lieu qu’un coach pose des questions, c’est le groupe qui génère les questions. Dans toutes les autres réunions de résolution de problème, on pose un problème et on cherche des solutions sans imposer au préalable des tours de table de questions. Un groupe peut générer de 25 à 50 questions en fonction du sujet et du nombre de participants. Elles sont co-construites dans le sens où les questions des uns inspirent des idées de nouvelles questions aux autres.
Les éléments de cet article sont extraits du livre Le manager contre-naturel.
La posture de collaborateur-coach avec l’approche du Codev en équipe.
Vous avez probablement entendu parler du manager-coach qui utilise des techniques de coaching pour encadrer son équipe. Le manager-coach ne se contente pas de gérer les tâches et les objectifs, il joue un rôle plus orienté vers le mentorat, le soutien et l’encouragement de son équipe, c’est-à-dire plus d’écoute active, de responsabilisation, de développement personnel, etc.
Je vous propose maintenant de découvrir la posture de collaborateur-coach avec l’approche du Codev en équipe.
En sortant d’une formation au management, comment donner du sens à votre nouveau mode de management ? Comment progresser rapidement ? Comment créer au sein de votre équipe un langage commun et un cadre de référence partagé sur les bonnes pratiques de management ?
Beaucoup de questions, mais une réponse très simple : en formant les membres de votre équipe avec vous !
Votre première objection s’appuiera sur la logique et le bon sens : pourquoi former au management des collaborateurs qui ne sont pas managers ? Cela semble absurde et c’est probablement la raison pour laquelle personne ne le fait ! Dans cet article, je voudrais vous démontrer le contraire en m’appuyant sur 2 constats :
- À la différence de l’expertise reliée à des savoirs et savoir-faire, le management est un acte profondément relationnel relié à des savoir-être. Si le management est relationnel, on devrait en théorie former un manager avec les personnes avec qui il est en relation plutôt que ses pairs ou tout seul devant une vidéo. En pratique, nous faisons l’inverse, non pour des raisons d’efficience pédagogique, mais pour des raisons culturelles : la culture verticale, hiérarchique.
- Un certain nombre de collaborateurs sont de futurs managers que ce soit en mode hiérarchique, transversal ou comme chef de projet. Nous pourrions donc investir sur l’avenir, sur le développement d’un potentiel. Inversement, en s’initiant au management en tant que collaborateurs, certains pourraient découvrir qu’ils ne sont pas faits pour ce rôle grâce à une vision plus globale de tous les comportements attendus d’un manager et du niveau d’exigence que cela implique quand on préfère la technique plutôt que l’humain. Ils pourraient choisir de rester dans des fonctions d’experts durant leur carrière plutôt que de prendre le risque de devenir des mauvais managers par manque d’appétence pour la complexité des relations humaines. Des entreprises proposent déjà des parcours manager et expert afin qu’un expert monte en grade et en rémunération sans jamais avoir à manager qui que ce soit. C’est l’avenir ! La posture de collaborateur-coach pourrait aider chacun de nous à faire un choix éclairé pour sa carrière : expert ou manager ?
Votre deuxième objection s’appuiera sur un constat un peu embarrassant. Il existe dans de nombreuses organisations une culture hiérarchique forte dans laquelle, en termes de vision du monde, il n’est pas question qu’un manager se forme en même temps que son équipe, c’est-à-dire des personnes de niveau hiérarchique inférieur. Cependant, les mentalités ont évolué avec l’arrivée de nouvelles générations. La popularité de l’intelligence collective, de la sociocratie, de l’holacratie ou de l’entreprise libérée augmente. La transformation digitale horizontalise les organisations. Le Codev managérial entre pairs s’est développé et il est apprécié pour son efficacité. Ensemble, ces éléments permettent aujourd’hui d’innover dans la formation et le coaching des managers avec une nouvelle approche du Codev qui ne se fait plus entre pairs, mais avec son équipe dans un contexte hiérarchique.
Modalités pratiques de cette innovation
Seize compétences sont décrites dans mon livre Le manager contre-naturel à travers 16 chapitres autonomes. Ils sont envoyés aux membres de l’équipe par email ou sur le réseau social de l’organisation. Le manager envoie un chapitre par semaine à son équipe durant 16 semaines. Bien sûr, vous pouvez utiliser d’autres contenus, en rajouter ou en supprimer, mais les contenus de ce livre ont été spécialement conçus pour le Codev en équipe !
Voici le processus qui permet à l’équipe de coacher son manager :
- Lundi matin : le manager envoie aux membres de son équipe un message avec le premier chapitre et un questionnaire en ligne. La lecture du chapitre et le questionnaire prennent environ 15 minutes. Le questionnaire doit être anonyme.
- Les membres de l’équipe disposent de 4 jours pour lire ce contenu et répondre à ce questionnaire en ligne comprenant 2 questions :
Après votre lecture du chapitre, copier-coller les contenus importants de votre point de vue dans les 2 champs de saisie suivants :
- Analyse de la situation – Les éléments sur lesquels vous pensez que les pratiques managériales actuelles au sein de l’équipe sont en cohérence avec le référentiel décrit dans le chapitre. Copier-coller le contenu du référentiel sans ajouter un commentaire, des arguments, sans porter de jugement ou vous justifiez avec des faits.
- Plan d’action – Les éléments sur lesquels vous pensez que les pratiques managériales actuelles au sein de l’équipe ne sont pas en cohérence avec le référentiel décrit dans le chapitre. Copier-coller le contenu du référentiel sans ajouter un commentaire, des arguments, sans porter de jugement ou vous justifiez avec des faits.
Le questionnaire est créé par le manager et il est le seul destinataire des résultats. Avec les résultats du sondage, il doit préparer un plan d’action qu’il présentera à son équipe le vendredi. Nous utilisons la technique du feed-forward qui permet de se tourner vers l’avenir sans juger le passé. On élimine le plus possible les éléments subjectifs comme les jugements de valeur qui sont source de conflits. On reste centré sur le référentiel de bonnes pratiques. Chaque collaborateur-coach propose un plan d’action à son manager. En comparant tous les plans d’action proposés par ses collaborateurs, le manager pourra déterminer objectivement s’il y a une convergence de vue ou pas sur ce qu’il faut changer dans ses pratiques managériales. L’usage du copier-coller offre 3 bénéfices : moins d’auto-censure, réponse précise et objective, moins de risques de vexer le manager avec des formules maladroites.
- Vendredi après-midi : le manager anime une réunion d’équipe de 25 min environ. Il ouvre la réunion en remerciant son équipe pour sa participation (lecture et questionnaire). Puis, il présente son plan d’action pour améliorer l’efficacité collective et l’excellence opérationnelle. On se tourne vers le futur, on ne juge pas le passé. Il lance ensuite un tour de table avec une question ouverte : « Avez-vous des questions, des attentes ou des remarques sur ce plan d’action ? » La prise de parole est facultative durant ce tour de table : « Je passe » si je n’ai rien à dire ou « J’ai terminé » après avoir donné ses points. Pour clore la réunion, le manager lance un dernier tour de table. Chaque participant doit répondre à la question suivante : « Avec quoi repartez-vous ? ». Le manager répond à cette question en dernier et met fin à la réunion.
- Lundi suivant : chaque membre reçoit le chapitre 2 et ainsi de suite pendant 16 semaines.
Nous sommes dans une démarche de Codev parce que le contenu des chapitres proposés dans mon livre est questionnant, en particulier la 2ème partie de chaque chapitre ; le questionnaire du lundi est questionnant sur l’écart entre l’idéal et le réel ; la réunion du vendredi est questionnante avant de finaliser le plan d’action. On se pose beaucoup de questions avant de passer à l’action !
La composition de l’équipe peut changer au fil du temps avec des arrivées et des départs. Le plan d’action du vendredi n’a peut-être pas fonctionné. Comme pour les vaccins, il faut parfois faire des piqures de rappel. Ainsi, un manager devrait utiliser le Codev en équipe tout au long de sa carrière en fonction de ses besoins et de ceux de son équipe.
Conditions de réussite
- Le manager est volontaire : il accepte ce format contre-naturel sur un contenu contre-naturel ;
- Le manager doit avoir une posture d’humilité, une ouverture d’esprit, une volonté de progresser, le sens du bien commun et surtout de la bienveillance puisqu’on vise à travers ce contenu des relations humaines constructives et positives ;
- Le manager considère son équipe comme des partenaires et non des subordonnées qui doivent se soumettre à son autorité ;
- Le manager considère qu’il exerce un rôle avec une responsabilité et non un pouvoir lié à un statut ;
- L’équipe et le manager n’ont aucune expertise dans les techniques de management, il est donc indispensable d’utiliser un contenu comme celui présenté dans mon livre.
Les conditions de réussite sont nombreuses. Le Codev en équipe s’adresse probablement à 10% ou 20% seulement des managers d’une organisation « normale ». On peut imaginer que cela concerne principalement de jeunes managers et des managers de proximité.
Toute démarche de Codev ou de coaching s’accompagne d’un cadre, de règles à respecter. Les conditions énumérées ci-dessus sont le cadre qui doit être connu et accepté par le manager qui se porte volontaire. Par exemple, à défaut d’être humble naturellement, le manager prend l’engagement d’adopter une posture d’humilité durant les 25 minutes de la réunion de débriefing avec son équipe le vendredi. Après cette réunion, il peut redevenir prétentieux si c’est son état naturel. Cela dit, goûtant aux bénéfices de l’humilité, il aura peut-être envie de renouveler l’expérience d’une manière plus durable et continue !
Si vous souhaitez aller au-delà des jeunes managers et des managers de proximité, je propose dans mon livre de suivre 2 étapes :
- 1ère étape : un Codev en binôme ou en communauté de managers (3-7) en suivant exactement le même processus que le Codev en équipe, mais entre managers et par cooptation. Cela permet de faire une première passe sur les contenus et un premier plan d’action.
- 2ème étape : le Codev en équipe devient moins effrayant puisque le manager a une longueur d’avance sur ses collaborateurs et a déjà commencé à faire évoluer sa pratique du management. Il était très motivé par la mise en œuvre de son plan d’action défini dans la 1ère étape parce qu’il sait que l’étape suivante est le Codev en équipe ! Cette 2ème étape servira donc à peaufiner son plan d’action et à ancrer durablement de nouvelles pratiques managériales, d’autant plus facilement qu’il sera soutenu par des collaborateurs-coachs.
Conclusion provisoire :
On ne retient que 7% d’une formation, mais avec 7-10 personnes d’une même équipe, on peut tendre vers les 100% ! Le processus est très simple et très rapide. Il peut être lancé par le manager sans avoir à obtenir des autorisations ou des budgets. Qui vous reprochera de vous former au management sans demander de budget ? Le livre est disponible gratuitement en version numérique et il suffit de renvoyer les membres de l’équipe vers ce livre avec la mention des chapitres concernés chaque semaine.
Lire la suite de cet article, le mois prochain.