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Les GHT (Groupements Hospitaliers de Territoires) : quelles problématiques de priorisation pour quelle performance espérée ? Karim AMRI nous en parle.

Nouvel article proposé pour notre plateforme média ManagerSante.com par Karim AMRI Karim AMRI est Directeur d’Hôpital et Directeur Associé de KA Conseil et de CONSULTFACILE (www.consultfacile.com).

Ancien Doctorant en Droit de l’Université de Panthéon La Sorbonne et diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (43 ème promotion de Directeur d’Hôpital), il est expert en gestion et système des organisations publiques. Ancien Administrateur Provisoire pour le ministère de la Santé, il a exercé de grandes responsabilités en tant que Haut Fonctionnaire et assure actuellement des missions à l’international en tant qu’Expert International auprès d’organisations internationales.

Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages sur la gestion publique. Il est l’auteur de l’ouvrage ‘Fiabilisation et Certification des comptes à l’hôpital » (Ed. Infodium). Sa dernière contribution traite des GHT et de la nouvelle gouvernance financière et budgétaire dans l’ouvrage /Innovations et Management des structures de Santé en France » (Ed. LEH).

Avril 2024

L’histoire des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) dans notre paysage sanitaire français s’inscrit depuis une trentaine d’années environ, dans une succession de réformes liées aux regroupements de structures de santé. Pour rappel, les GHT qui se sont en effet substitués aux Communautés Hospitalières de Territoire (CHT) instituées en 2009 avec la loi HPST[1], avaient eux-mêmes succédé aux Communautés d’Établissements de Santé (CES) créées par les ordonnances de 1996[2]

Cette histoire « passionnante », par un dénouement qui tarde encore à se dévoiler, a encore récemment connu une avancée en matière d’évolution statutaire optionnelle.

Ainsi, les GHT qui ont été rendues obligatoires par la loi du 26 janvier 2016[3], et qui de ce fait ont également rendu obligatoires les fonctions mutualisées que sont le système d’information (SIH), le Département d’InformaKon Médicale (DIM), les achats, la formation, la coordination des écoles, pourront dorénavant évoluer facultativement, selon la loi du 27 décembre 2023[4], vers la fusion ou le Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) de moyens.

Cette énième tentative de faire évoluer le paysage sanitaire français sans réel plan stratégique n’a in fine que très peu de chances de se concrétiser, à l’instar de toute cette période révolue, laquelle au bout du compte n’aura pas réussi à faire changer grand-chose en matière organisationnelle, excepté peut-être un peu plus de dialogue entre les professionnels des structures.

L’objectif de tout cet arsenal juridique intégré au Code de Santé Publique, a-t-il été ainsi à la hauteur des ambitions souhaitées par les dirigeants politiques de droite et de gauche qui se sont succédé ?

En tout état de cause, à l’heure où les pressions sur les économies à réaliser globalement par le système vont s’accentuer[5], il est à craindre une stratégie pour le seul champ de la santé, d’une plus grande dégradation de l’offre de soins sur le territoire.

En effet, aller à nouveau demander aux soignants de « travailler plus pour gagner moins », dans un contexte d’une forte dégradation des déficits des structures de santé constatés en 2023[6], relève de l’hérésie d’autant que ces professionnels sont rentrés dans un cycle de désamour profond avec le système et ses ressorts vitaux[7].

Une des solutions aurait été de cibler les agences sanitaires de l’ETAT et notamment les Agences régionales de Santé (ARS), pour participer à « l’effort de guerre ». Mais cela reste peine perdue du fait qu’il s’agit toujours d’une question taboue à ce stade (pour combien de temps encore ?), et ce, eu égard notamment aux nombreux services qu’elles rendent en matière d’interfaçage étatique dans le cadre d’un pouvoir très centralisé.

A défaut donc de s’orienter vers ces technostructures dites de « pilotage stratégique », c’est donc bien sur le terrain opérationnel et notamment en direction des GHT qu’il faudra encore une fois tenter de trouver des pistes d’économies.

Les GHT ainsi, qui comme cela a été rappelé par de nombreux rapports, font encore toujours du « sur place », ceci expliquant d’ailleurs cette possibilité facultative d’évolution statutaire décrite précédemment issue de la loi du 27 décembre 2023. Les GHT et notamment leurs établissements qualifiés de « supports » restent par conséquent la cible à travailler en ce sens, d’autant qu’ils n’ont toujours pas su démontrer de réelles avancées en performance organisationnelle[8].

Aujourd’hui, un des enjeux liés à ce contexte de raréfaction des ressources, réside donc dans la capacité de faire mieux tout en mutualisant les ressources. Un dossier mériterait d’être défendu par les pouvoirs publics et porté par les ARS comme chantier prioritaire sans que celui-ci vienne altérer l’offre de soins, tant dans son périmètre que dans sa qualité.

L’idée de rendre obligatoires des vrais centres de mutualisation de logistique technique et médico-technique : restauration, blanchisserie, transports, pharmacie, biologie, imagerie reste une piste sérieuse à étudier, tranchant ainsi aujourd’hui avec des champs mutualisables optionnelles chimériques ou vers des évolutions d’entité juridique de GHT, qualifiées de « poudre de perlimpinpin » aujourd’hui par les spécialistes de la question[9].

Si chaque GHT se concentrait sur sa propre logistique, sous réserve d’un important plan ambitieux d’investissement tourné autour de la Logistique au sens large, une sorte de grand « plan Logistique 2025 », le débat sur les économies à réaliser pourrait reprendre de manière constructive. Le slogan un GHT (ou plusieurs en fonction des territoires) = une seule Unité Centrale de Restauration (UCR) = une seule blanchisserie inter-établissements, un seul centre de biologie, etc. pourrait ainsi redonner du sens à l’architecture logistique hospitalière générale et médico-technique en matière d’améliorations.

Ces regroupements « logistiques et médico-techniques » permettraient également de redynamiser le secteur de la « plateforme logistique » en France[10] tout en se préparant mieux aux exigences de plus en plus fortes en matière de qualité et de service rendu. Ces dernières sont de plus de plus en mal vécues par les équipes hospitalières du fait de leur coûts inflationnistes en termes de temps et de compétences notamment.

Osons la performance « logistique et médico-technique » tout en préservant les soins et ceux qui ont la charge d’en assurer la qualité. La manifestation des preuves d’amour via des politiques de « prendre soin du soignant », ne pourra que s’envisager dans un contexte de mutualisation des services supports au soin et ce, au profit d’une plus grande sacralisation de l’offre de soins stricto sensu…

Pour aller plus loin

[1]   Loi numéro 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

[2]  Ordonnance numéro 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée.

[3]   Loi numéro 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

[4]   Loi numéro 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins à l’engagement territorial des professionnels.

[5]     https://www.francetvinfo.fr/economie/budget/depenses-de-l-etat-bruno-le-maire-devoile-un-plan-massif-de-

10-milliards-d-euros-d-economies_6376300.html

[6]                        https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/le-gouvernement-debloque-500-millions-pour-les-hopitaux- insuffisant-pour-les-federaions

[7]    Cf. Mission « prendre soin des soignants » et tous les dispositifs qui s’empilent d’« hôpital aimant », de « Marque employeur » etc.

[8]      Cf. rapport Igas, Bilan d’étape des groupements hospitaliers de territoire (GHT) – 2019 – https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2019-034r_tome_i_.pdf. Cf Art. Karim AMRI. « GHT, de la notion de transfert de compétences vers la notion de transfert de responsabilité ». Finances Hospitalières, Mai 2017.

[9]  Cf. Art. K. Wang « Le GHT et la personnalité morale – un nouvel exemple de simplexité ». Gestions Hospitalières, février 2024 ;

[10]   https://www.cushmanwakefield.com/fr-fr/france/insights/france-marketbeat-logistique

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