Nouvel article publié pour ManagerSante.com par le Professeur Julien HUSSON, Directeur de l’IAE Metz School of management CEREFIGE en collaboration avec Sandrine VIRGILI, Maître de conférences en sciences de gestion à l’Université de Lorraine-Laboratoire CEREFIGE, Responsable des UE de méthodologie de la recherche et de la conduite d’un projet de recherche dans une partie de la formation master MOSSS et Omar BENTAHAR, Maître de Conférences HDR en Management de Projet et Supply Chain Management – IAE Metz School of management.
ManagerSante.com est partenaire média de l’IAE Metz School of management & participe aux travaux de la chaire Santé « Management des organisations sanitaires et médico-sociales »
C’est la troisième édition d’un hors-série de la revue Projectique sur le management de la santé qui est proposé ici.
Il vise à mettre en lumière les travaux de recherche menés par des managers d’organisations du secteur sanitaire et médico-social dans le cadre de leur parcours de formation tout au long de la vie et leur intégration dans le master « MOSSS » (Management des Organisations du Secteur Sanitaire, Social et médico-social) à l’Université lorraine.
La formation et la recherche en management sont intrinsèquement liées. La formation des cadres est un moyen de transfert des outils et méthodes de management développés par la recherche vers les établissements de santé et, en complément, la recherche se nourrit également des échanges et des interactions qui ont lieu avec les cadres en formation. Le seul fil rouge qui guide la production de ce hors-série de la revue projectique est la question de l’impact des travaux de recherche en management des cadres qui sont en formation dans le master MOSS.
C’est pour valoriser leur travail, reconnaitre leurs efforts et faire connaitre leurs travaux de recherche que nous avons proposé de publier, dans ce troisième hors-série de projectique, des synthèses des travaux universitaires qu’ils ont menés. Tous les auteurs de ces articles sont des professionnels de terrain, qui, le temps de leur master, ont pris la posture de praticiens-chercheurs en management.
La création de la chaire santé de l'université Lorraine
La Chaire Santé a été créée afin d’accompagner les transformations de l’ensemble des organisations de santé et médico-sociales qui sont confrontées à des mutations permanentes. Qu’il s’agisse du secteur sanitaire à proprement parler ou du médico-social, voire du social [handicap), les travaux de la Chaire appréhendent la santé de manière globale, dans l’esprit de la définition proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé : « un état de complet bien-être physique, mental et social et qui ne consiste pas seulement en une a bsence de mala die ou d’infirmité ». Les tra vaux de la Chaire visent les acteurs publics et privés, les territoires locaux et les réseaux internationaux. Si les travaux sont ancrés principalement en management [Sciences des organisations), ils mobilisent aussi d’autres disciplines telles que les sciences pour l’ingénieur, la sociologie, le droit ou la psychologie… Les méthodologies de type recherche intervention sont privilégiées et la Chaire se veut ancrée « dans » le terrain : elle relie formation — recherche appliquée [expertises, conseils) — recherche académique [publications) — terrains d’expérimentation [Établissements de santé).
Une chaine YouTube présente quelques travaux de la chaire. Parmi les principales réalisations de l’année 2022, nous trouvons le dispositif HSIS qui est un outil de mesure de l’impact des établissements de santé sur leurs territoires et la conduite d’un projet de recherche sur le renouvellement du management hospitalier et l’adaptabilité des organisations de santé de santé (ouvrage ayant fait l’objet d’un article publié pour ManagerSante.com en Avril 2023)
La question des mémoires de fin d’étude et de l’impact managérial des travaux
Toute formation universitaire de niveau master se clôture par la réalisation et la soutenance d’un mémoire de fin d’études [appelée quelques fois mémoire de recherche en fonction de l’orientation du travail de l’étudiant). Nous avons été très tôt frappés par le nombre de mémoires de qualité produit chaque année à l’IAE Metz par les étudiants-praticiens managers. Tous sont issus de la formation continue et ont une expérience managériale avant de venir en formation. Le cycle de vie traditionnel d’un mémoire est à peu de choses près le suivant : construction du mémoire, lectures/corrections par le tuteur et le référent « terrain » de l’étudiant, impression en 3 exemplaires [maintenant de moins en moins de versions papier), soutenance devant un jury puis au mieux archivage d’un exemplaire du mémoire par l’étudiant et mise au rebut des autres documents. Malheureusement, les mémoires sont peu lus, peu diffusés et peu valorisés.
Comment était-il possible de ne pas transformer en entropie de la connaissance ces sommes de travail intellectuel, de recueil et traitement de données, d’observations et d’interventions dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux ? Nous défendons l’idée que les sciences du management sont des sciences de l’action et que notre paillasse de chercheur en management est l’Entreprise [les organisations en général). Dès lors, tout travail de recherche doit avoir une double finalité : « la production de connaissances et la production de préconisations managériales ou d’impact managérial » au sens du professeur Kalika. L’organisation des travaux de mémoires de fin d’études du master MOSSS intègre ces deux dimensions. L’accompagnement méthodologique mis en œuvre tout au long du master est réalisé dans ce sens. Il nous parait intéressant de diffuser les travaux des étudiants dans un format adapté à leur valorisation. « L’article » en revue nous semble être une solution pertinente. C’est pourquoi nous espérons que ce troisième hors-série de la revue Projectique « Paroles de managers du secteur de la santé et du médico-social » puisse faire connaitre la richesse des travaux de recherche menée par les étudiants-praticiens managers du master MOSSS.
Présentation des articles présents dans ce hors-série (cliquez sur chaque auteur pour télécharger leur article)
Cette revue, composée de dix articles, met au centre des questionnements la capacité des managers à co-construire avec leurs équipes le sens des projets de modernisation afin de mieux s’approprier les changements actuels ou à venir. Mobilisant des problématiques variées et des terrains diversifiés, le sens apparait toujours peu ou prou comme un levier d’accompagnement et d’appropriation des changements et des dispositifs de gestion, une source de motivation, ou encore une composante essentielle de la fidélité organisationnelle.
Les 5 premiers articles s’interrogent sur l’appropriation d’outils et dispositifs de gestion qui peuplent les organisations du champ
La recherche de Karine Delassalle étudie l’appropriation d’une innovation technologique prometteuse, Drugcam, basée sur l’IA. Son analyse montre que cette appropriation dépend d’un processus de construction de sens que le manager de proximité doit piloter de manière collective avec les équipes. In fine le sens attribué à l’outil dans ce processus constitue une source de légitimation de son usage et un vecteur de reconstruction identitaire puissant pour les professionnels.
L’article de Sophie Schlesser s’interroge sur la transférabilité des méthodes industrielles d’optimisation de la demande aux flux patients d’un pôle de pédopsychiatrie. L’analyse des perceptions des potentiels usagers démontre que les acteurs ne sont ni rétifs à leur utilisation ni naïfs sur les possibles réductions de leurs marges de manœuvre issues de la nécessaire standardisation des pratiques. Ces éléments constituent des freins qui limitent le sens perçu de l’outil et son acceptabilité, invitant à travailler collectivement sur des projets de simulation pour favoriser l’acceptation de ces méthodes.
Le travail de John Duman questionne quant à lui le lien entre des outils de mesure de la performance dans les établissements médico-sociaux, et la motivation des équipes. L’enquête révèle que ces outils, si souvent décriés, constituent de réelles sources de motivation individuelle et collective pour peu qu’ils soient discutés, amendés et que les acteurs eux-mêmes participent collectivement à leur élaboration.
Les recherches Carole Schmitt et Sophie Neu Stein poursuivent la question de l’évaluation en s’intéressant à la manière dont l’évaluation individuelle, via les EAE, peut constituer une ressource pour les acteurs de terrain — sages-femmes et infirmiers —, respectivement en termes de reconnaissance identitaire et de soutien à la performance via la polyvalence. Dans le premier cas, l’individualisation de la performance est perçue comme productrice de rivalités qu’il convient de neutraliser entre professionnelles en quête de reconnaissance identitaire ; dans le second cas, l’évaluation est vue comme une possible source d’agilité organisationnelle à travers le repérage des talents et compétences clés propices à la polyvalence. Si la vision des deux auteures diffère compte tenu des problématiques propres aux populations étudiées et aux angles d’attaque, elles proposent, au terme de leur enquête, de faire évoluer le sens de l’évaluation en replaçant l’activité réelle et collective des évalués au cœur de l’appréciation.
La série des 5 articles suivants met en lumière les initiatives des professionnels de terrain pour répondre aux nouvelles contraintes imposées par les tutelles et construire le sens de ces démarches.
Ainsi Rémi Branet démontre que les projets actuels de constitution de pôles petite enfance en AEMO favorisent le développement de communautés de pratiques propices à l’émergence de nouvelles connaissances interdisciplinaires. Le travail de Mélanie Fratallone Kieffer examine de son côté la manière dont le diagnostic territorial facilite la coordination gérontologique entre acteurs du réseau dont les points de vue sont souvent divergents. Ce dispositif peut, constituer un objet frontière permettant l’action organisée au bénéfice de ce que tous définissent comme un bien commun : la personne vieillissante. Dans les deux articles, la question du maintien de ces dynamiques dans le temps par des interactions régulières soutenues et des échanges de connaissances sur l’usager reste essentielle, au risque d’une perte de sens de l’objectif initial.
La recherche de Abdelwahab Arab examine, quant à elle, l’impact du tournant inclusif dans le secteur du handicap sur les pratiques managériales et modalités d’accompagnement dans les établissements d’hébergement pour personnes adultes en situation de handicap. L’analyse des représentations des professionnels de terrain démontre une perception positive, tout en nécessitant un accompagnement par des pratiques participatives pour donner du sens à ce changement de paradigme.
Cette question de l’accompagnement du changement est également abordée par Marie Dabouis dont le terrain d’étude se réfère à l’épineuse question des fermetures de maternités. Dans ce cadre, l’exercice des compétences émotionnelles des managers tout au long du processus de deuil favorise son ancrage et permet de développer la capacité des collaborateurs à se projeter vers l’avenir en construisant le sens des projets de CPP issus de ces fermetures.
Enfin le travail de Fabienne Lagarde clôture ce numéro en questionnant les leviers de fidélisation des collaborateurs, sujet au cœur des préoccupations actuelles. Son étude démontre que l’intention de rester est essentiellement nourrie par le sens que les acteurs donnent à leur travail et au collectif qui le supporte. Le manager de proximité est alors au cœur de ce processus de sensegiving/sensemaking, permettant de pérenniser la relation entre l’institution et ses membres.