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Quel serait l’intérêt de développer la médiation dans les établissements de santé et médico-sociaux ? Claude EVIN nous en parle dans son dernier ouvrage.

Nouvel article publié par Claude EVIN, Avocat au Barreau de Paris et Médiateur référencé par le CNMA (Centre National de médiation des Avocats) en qualité d’avocat médiateur.

Il est ancien ministre de la Solidarité, de la Santé et de la Protection sociale entre 1988 et 1991, ex-Président de la Fédération hospitalière de France entre 2004 et 2009 et ex-Directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France entre 2010 et 2015.

Il est également auteur de plusieurs ouvrages, dont le dernier intitulé « La médiation au service de la santé et du médico-social « , publié aux éditions Presses EHESP (Avril 2022) faisant l’objet du présent article publié pour ManagerSante.com.

Quelles seraient les modalités de régulation des tensions interpersonnelles dans le fonctionnement interne des établissements de santé ?

Les secteurs de la santé, du social et du médico-social, comme toute organisation, mais peut être plus que d’autres, sont confrontés à la complexité des relations entre les différentes parties prenantes : patients, familles, soignants, professionnels médicaux ou non médicaux.

Ces établissements, ainsi que les professionnels qui y exercent, ont, par nature, et compte tenu de leurs missions, régulièrement à traiter des situations de tension ou de crise dans la relation avec les patients ou les personnes prises en charge.

Ce peut être, dans un établissement de santé, à la suite d’une erreur de diagnostic, ou d’un accident survenu lors d’une intervention chirurgicale. Ce peut être, tout simplement, une rupture de confiance parce que la relation entre le professionnel et le patient ne s’est pas bien passée. Le dialogue est rompu, ce qui frustre aussi bien le patient que le professionnel.

Dans un établissement médico-social, ce peut être une tension avec la famille d’un résident qui conteste la manière dont est pris en charge son parent. La diminution des facultés cognitives des personnes âgées peut générer ou renforcer les incompréhensions entre les professionnels et les proches, les messages transmis par la personne âgée ne reflétant pas toujours la réalité. La personne âgée restera parfois pendant plusieurs années dans l’EHPAD. Le blocage de la relation ne pourra perdurer au risque de n’être satisfaisant pour personne.  

Le différend qui peut surgir dans la relation de soins ne se réduit pas toujours à la seule relation personnelle et directe entre le patient ou le résident et le professionnel. La relation de soins ne se limite pas toujours au colloque singulier entre un patient et son médecin dans le secret d’une consultation. Elle peut mobiliser divers autres professions ou compétences qui interviennent auprès du patient en totale interdépendance. 

Le contexte dans lequel interviennent les professionnels de santé en établissements, confrontés en permanence à la souffrance et à la mort ainsi que cette interdépendance qui ne peut accepter la moindre défaillance pour garantir la sécurité de la prise en charge sont des terreaux faciles pour que des tensions entre professionnels se manifestent dans l’exercice professionnel. L’apaisement de ces relations est une des conditions de la qualité du service rendu.  

Ces situations de tension trouvent souvent des modalités de régulation dans le fonctionnement interne de l’établissement. Et c’est heureux ! Mais il existe des situations complexes qu’on ne sait pas comment appréhender ou des tensions qui restent non traitées ou mal traitées parce que le dialogue n’a pas pu être rétabli entre les parties prenantes.

Faire intervenir un tiers, médiateur, indépendant, neutre, impartial, formé pour aider à cette reprise de dialogue, à cette reprise de confiance, peut s’avérer utile sans pour autant déposséder les responsables d’établissement de leurs responsabilités.

Les établissements de santé et médico-sociaux sont encore peu enclins à recourir à la médiation pour traiter les différends avec les patients ou leurs proches ou les conflits entre professionnels

Il y a, à cela je crois, plusieurs raisons.

Tout d’abord, la médiation est méconnue ou mal connue. Le terme « médiation » est utilisé pour décrire des démarches très différentes. Le recours à un médiateur est souvent évoqué, y compris dans les médias face à un évènement national ou international, dans des situations qui apparaissent comme exceptionnelles. Or, à quelque niveau que ce soit, la médiation peut permettre de rétablir une relation, retrouver une capacité de dialogue qui a du mal à s’établir ou qui a pu être arrêtée pour différentes raisons.

Les établissements de santé disposent d’un médiateur médecin et d’un médiateur non médecin, siégeant au sein de la commission des usagers pour y traiter des « plaintes et des réclamations » reçues par le responsable légal de l’établissement. Le code de la santé publique définit précisément le rôle et les modalités d’interventions de ces médiateurs. Ces interventions peuvent être utiles face à certaines situations auxquelles sont confrontés les usagers des établissements, mais ce n’est en rien de la médiation tendant à rétablir un dialogue rompu entre un patient et un professionnel.

Les médiateurs dans les établissements de santé, souvent non formés, sont désignés par le responsable légal de l’établissement, ce qui ne garantit pas aux yeux des usagers leur indépendance. S’ils respectent les textes, leur mission se limite à recevoir le « plaignant », puis faire un rapport à la commission des usagers qui formule un avis qui est adressé par le responsable légal de l’établissement au patient qui l’avait saisi. Il n’est nullement prévu que le médiateur puisse proposer au patient et au professionnel concernés qu’ils se rencontrent pour se dire ce qu’ils n’ont pas réussi à exprimer jusque-là. Et si le médiateur prend cette initiative, il pourra y avoir une réticence du professionnel craignant le rapport qui doit être présenté à la commission des usagers, la confidentialité n’étant pas alors respectée alors qu’elle est une des règles fondamentales de la médiation. Il n’y a pas de médiation possible si les parties concernées n’ont pas la garantie que ce qui se dira en médiation y restera et ne sera pas utilisé à l’extérieur.  

La confusion quant à la perception que donnent certains textes de la médiation ne facilite pas son appropriation.

Quand un accident médical, intervenu dans un établissement de santé, ne peut être indemnisé par l’ONIAM parce que le préjudice est inférieur aux seuils, la commission de conciliation et d’indemnisation, qui avait été saisie de la demande d’indemnisation, n’est que très rarement appelée à jouer son rôle de conciliation, obligeant la victime à saisir la juridiction judiciaire ou administrative, selon le statut de l’établissement, pour essayer d’obtenir une réparation. La médiation est possible, y compris en contentieux, si les parties donnent leur accord pour l’engager, mais elle aurait évité aux parties bien des tracas de procédure si elle avait été mise en œuvre assez tôt.

Dans les établissements médico-sociaux, la confusion se fait souvent avec la personne qualifiée. Celle-ci, nommée sur une liste départementale, a pour fonction de faire valoir les droits des personnes prises en charge dans ces établissements. Un tel rôle est tout à fait fondé, mais il ne permet pas à des personnes ayant des relations difficiles, voire conflictuelles, de rechercher ensemble à apaiser ces conflits.  

Les EHPAD, et les services à domicile, ont l’obligation de mettre à disposition des personnes qu’ils prennent en charge un médiateur de la consommation. La médiation de la consommation traite essentiellement les différends liés à l’hébergement alors que le besoin de retrouver un dialogue apaisé entre un résident ou sa famille et l’établissement, ne se réduit pas à ce seul volet de la prise en charge.

Les conflits entre professionnels justifieraient aussi, plus que ce n’est le cas aujourd’hui, de recourir à la médiation. Le dispositif qui a été mis en place par un décret d’août 2019 pour traiter les différends entre professionnels des établissements publics, avec des médiateurs régionaux ou interrégionaux, est encore insuffisamment utilisé. Les établissements ayant sans doute de fortes résistances à faire appel à quelqu’un d’extérieur alors que la règle de la confidentialité, comme je l’ai rappelé précédemment, est l’un des principes fondamentaux de la médiation.

Rien ne s’oppose à avoir recours, dans les établissements de santé et médico-sociaux à une démarche de médiation lorsque les parties le souhaitent  

Je suis convaincu que nous devrons aller vers une obligation faite aux établissements de santé et médico-sociaux de mettre à disposition des personnes qu’ils prennent en charge la possibilité de recourir à des médiateurs, formés, qui respectent les principes fondamentaux de la médiation. Plusieurs textes législatifs ou réglementaires ont ainsi impulsé la médiation dans divers secteurs d’activité. Il n’y a aucune raison que les secteurs de la santé et du médico-social soient à la traine.

Mais, pour ceux qui sont convaincus de l’intérêt qu’il y a à trouver des solutions amiables aux conflits, il n’est point besoin de texte particulier pour mettre en place une démarche de médiation conventionnelle, lorsque, dans un établissement, une relation avec une personne prise en charge ou l’un de ses proches est particulièrement difficile ou lorsqu’un litige surgit entre deux professionnels.

La médiation se définit comme étant un « processus structuré, … par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles … ».

L’activité de médiation n’est pas une profession réglementée. Elle répond toutefois à des principes définis dans la loi ou rappelés dans le code national de déontologie des médiateurs.

La première règle en médiation est que les parties soient d’accord pour entrer en médiation. On ne rentre pas en médiation sous la contrainte. Il faut qu’elles soient d’accord sur l’identité du médiateur. On peut sortir de la médiation aussi librement qu’on y est rentré si on estime qu’un accord n’est pas possible.

Comme je l’ai déjà évoqué précédemment, le médiateur doit être indépendant des parties. Il est impartial, c’est-à-dire qu’il ne prend pas parti pour l’un ou pour l’autre. Il est neutre, c’est-à-dire qu’il n’a pas d’avis sur l’issu de la médiation et ne conduit pas les parties vers un accord qu’il se serait fixé. La médiation est d’abord l’affaire des personnes concernés. Le médiateur est là pour permettre le dialogue et le cheminement vers la recherche d’un accord amiable.

Cet accord sera d’autant plus solide et gratifiant qu’il sera issu d’une démarche que les personnes concernées auront faite ensemble.

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