Nouvelle chronique littéraire rédigée pour ManagerSante.com par Alexis BATAILLE , Infirmier, Chargé d’affaires publiques au sein du groupe Galileo Global Education, réserviste militaire et auteur.
Il est auteur de plusieurs ouvrages, notamment en 2022 avec « Les 50 outils indispensables de l’Aide-Soignant », (Février 2022) aux Editions Vuibert et « Je reste un soldat » (Avril 2022) chez City Edition.
Alexis BATAILLE est intervenu également au Ministère des Solidarités et de la Santé lors du 1er Colloque annuel national de ManagerSante.com, autour de la thématique portant sur « Comment améliorer le parcours patient dans l’offre de soins ? « , le Mardi 29 Mars 2022.
Janvier 2023
En matière d’implication paramédicale, le Service de Santé des Armées (SSA) est pionnier. Promoteur de la collaboration entre professionnels de santé au service de la chaîne opérationnelle santé, de premier recours jusqu’à la réhabilitation, le SSA a depuis longtemps intégré la valeur ajoutée de la pluridisciplinarité.
Se faisant, sa petite histoire, cheminant au fil de notre grande Histoire guerrière, nous fait rencontrer d’illustres paramédicaux qui ont marqué leur temps telle que l’héroïque convoyeuse de l’air Geneviève de Galard au cours du conflit indochinois. Incontestablement, ces personnalités font figures d’exemples pour toute une nouvelle génération de soignants qui cherche à s’affirmer. Qui cherche à se légitimer.
Cependant, si l’Indochine et les tranchées semblent être très éloignées du quotidien paramédical dans les Armées, il n’en est rien d’un esprit immuable, quel que soit l’époque ; celui de la recherche et de l’innovation. Car, oui, la recherche paramédicale est une constante de son histoire. Elle se cache partout. Souvent, cela s’est manifestée de façon volontaire ou involontaire. Maintes fois dans son expression la plus simple mais toujours au service de la personne soignée combattante ou non, de Dien Bien Phu, jadis, aux services de réanimation en pleine pandémie de COVID19 jusqu’au désert de Tessalit.
« L’essentiel est d’être ce qui nous fit la nature ; on est toujours que trop ce que les Hommes veulent que l’on soit ». En disant cela, le philosophe Jean-Jacques Rousseau cristallise le sentiment paramédical qui émane depuis plusieurs années ; celui de ne plus être tout à fait sa place face à des injonctions paradoxales entre exécution et réflexion…
Or, être paramédical n’est-ce pas être tout ça à la fois ? N’est-ce pas, en définitive, ce pour quoi nous sommes là ? Etre acteur de recherche et d’actions qui harmonise le cure et le care ?
Le SSA, nous l’avons dit, semble l’avoir bien compris et est proactif en la matière. Aussi, à l’initiative de la commission paramédicale de la Société Française de Médecine des Armées (SFMA), a eu lieu le premier colloque « AMARANTE » (du nom du drap de couleur pourpre qui sert de lit à certains galons du SSA, notamment des paramédicaux). L’objet de cette journée qui a eu lieu dans les murs de l’école du Val de Grâce ? Valoriser, faire connaître et promouvoir les travaux techniques et scientifiques de la communauté paramédicale des Armées, in fine, de favoriser l’émergence d’une filière de recherche paramédicale dans une logique de leadership.
Mais, quid du modèle de recherche paramédicale au sein du SSA ? En particulier, existe-t-il des bonnes pratiques et des leviers transférables dans le monde civil ?
Engagement managérial & ambition globale.
La recherche paramédicale au sein du SSA, et plus globalement au sein des Armées, est une volonté managériale forte, portée en perspective des ambitions renouvelées pour l’ensemble de cette catégorie professionnelle, et cela depuis plusieurs années. En effet, au même titre que son pendant civil, le SSA est à un tournant de son expertise tout en disposant d’une architecture professionnelle similaire. Les paramédicaux militaires en constituent le socle. En cela, la chaîne hiérarchique se doit de reconsidérer la recherche comme un aspect incontournable du management de l’innovation, facteur clé de l’engagement des collaborateurs et à l’initiative du renforcement de la résilience collective. Cela grandit dans une démarche d’anticipation et de résolution de problème qui met à contribution toutes les compétences utiles. « Un esprit sain dans un corps sain » proposait Juvénal dans sa dixième Satire, pour le SSA devrions-nous dire : « Une innovation saine pour un collectif robuste ».
Par la même, dans un environnement globalisé, où les méthodes et les techniques militaires collaborent de façon toujours plus prégnante, il également pertinent que les Armées s’empare de la recherche paramédicale afin de mieux intégrer l’enjeu de leadership, à la fois organisationnel et fonctionnel de ceux-ci. En effet, les paramédicaux français exercent au cœur d’une chaîne opérationnelle santé qui doit se transformer et monter en compétences face aux aléas toujours plus forts de « nouvelles guerres », entraînant de facto de « nouvelles blessures » donc de « nouvelles prises en soins ».
La recherche paramédicale et les retours d’expériences permettant alors de faire progresser les pratiques de soins comme le propose le « MedPack » de l’infirmier Samuel appartenant aux pompiers de Paris (innovation primée au Concours Lépine en 2018). Son dispositif s’inspirant des contraintes (ex. hygiène, sécurité) d’environnements de soins en contexte « dégradé » comme lors d’attentats.
Démarche pluriprofessionnelle et disciplinaire.
Résolument inscrit dans une logique collective, à l’instar des valeurs unitaires qui rassemblent les militaires, le SSA ne considère qu’une seule dynamique. Celle qui est inscrite dans son intitulé : la santé. En cela, la recherche paramédicale ne représente pas une phalange autonome de la recherche au sein des Armées – ni un sous domaine d’activités – elle est naturellement intégrée à la recherche en santé que mène tous les acteurs militaires de la R&D.
A ce titre, la recherche paramédicale est résolument pluriprofessionnelle et disciplinaire étant donné que la plupart des objets de recherche abordent la notion de santé de façon tranversale, osons même dire de manière « One health » (santé animale, environnementale et humaine). Par exemple, dans la thématique « conditions du personnel », il n’est pas rare d’identifier des objets de recherche paramédicaux questionnant des sujets comme la nutrition/alimentation, la prévention des zoonoses ou la santé mentale. De fait, les expertises se croisent et s’enrichissent.
Sans doute irriguée d’une propension naturelle à développer un précieux savoir « faire collectif », toute la communauté des professionnels de santé SSA s’est naturellement emparée de l’enjeu des transferts de savoirs et de connaissances entre soignants afin de mieux en construire de nouveaux au service d’une seule et même cause. Permettant à chacun d’évoluer dans le champ de sa discipline professionnelle (ex. kinésithérapie, soins infirmiers, électro-radiologique, diététique, anesthésie), l’orientation donnée à la recherche paramédicale au sein des Armées démontre l’intérêt à ne pas en faire un domaine marginal mais plutôt intégratif à chaque question relative à la santé avec un grand « « S ».
Recherche paramédicale : levier d’attractivité ?
Au regard de l’intérêt portée au colloque AMARANTE, il apparaît que la recherche paramédicale du SSA est un sujet qui a suscité une grande adhésion parmi les professionnels de santé militaires, et pas seulement paramédicaux. Par ailleurs, cette journée fut l’occasion de mettre en évidence la réalité de cette recherche. Ainsi, de nombreux posters relatant ces travaux furent proposés au public et a permis de valoriser tout un chacun dans son domaine d’expertise. Car, lorsque l’on parle de recherche, il y a sans doute un peu de cela : la valorisation et la reconnaissance. Non pas restreint à un sentiment égotique trop puissant pour en apprécier les effets mais simplement une juste manifestation de la place professionnelle et du rôle que l’on a dans une organisation. La recherche paramédicale n’est pas une manifestation d’intérêt, c’est une manifestation d’utilité. Une utilité sans nulle autre pareille au regard des objets de recherche étudiés, non abordés jusqu’alors. Auquel cas, il est juste de reconnaître que la recherche paramédicale est définitivement un domaine à part entière car elle s’intéresse à des champs inexplorés sous ces angles.
Aussi, pour le SSA, à l’heure où les sujets de fidélisation vont croissants, faire valoir la recherche paramédicale est incontestablement un levier d’attractivité. Il s’agit de démontrer que les parcours professionnels et la carrière offerte aux paramédicaux est riche de perspectives autant enthousiasmantes que dans le civil. Pour se faire, le domaine de la recherche paramédicale au SSA construit cette vision en deux pendants : la valorisation professionnelle à proprement dite et la formation professionnelle continue. En ce dernier domaine, ajouté à l’organisation du colloque AMARANTE, le SSA apparaît attentif aux évolutions de l’écosystème de santé, notamment via la nomination d’un référent national pour les pratiques avancées.
A l’avenir, une chaire de recherche paramédicale intégrée à l’Ecole du Val-de-Grâce devra sans doute faire l’objet d’une réflexion. Elle permettrait de coordonner les axes stratégiques de formation pour des paramédicaux souhaitant s’engager sur cette voie, que ce soit en formation initiale sur le site de l’Ecole de Santé des Armées pour les étudiants infirmiers ou en formation continue ; Cette perspective aura pour effet de véritablement intégrer la recherche paramédicale au sein des Armées comme un réseau d’expertises uniques et qualitatives, au même titre que ses illustres pairs d’hier et à venir. Auquel cas, il sera utile, à terme, d’envisager la perméabilité permanente entre la recherche paramédicale militaire et civile afin de toujours plus densifier les collaborations, les savoirs et les connaissances. L’implantation définitive du Paris Santé Campus Numérique l’ancien site de l’hôpital militaire est a priori une voie prometteuse de rencontres en ce sens.
En conclusion :
La recherche paramédicale du Service de Santé des Armées est inspirante pour le monde civil pour plusieurs raisons. La première est qu’elle contribue à enrichir les sciences de la santé par une expertise spécifique à la prise en soins « guerrière » (ex. PTSD, plaies balistiques, urgences, grands brûlés, réhabilitation) observée par le prisme paramédical, donc la richesse qu’elle offre en terme de R&D. Puis, elle nous permet d’identifier l’intérêt manifeste du collectif afin de faciliter l’émergence de ce domaine de recherche qui se cristallise aux autres parmi les sciences de la santé. Chacun apportant sa pierre à l’édifice. Enfin, il est utile de reconnaître que la recherche paramédicale offre une réponse innovante aux aspirations professionnelles d’une nouvelle génération de soignants qui cherche à s’accomplir différemment dans toutes les organisations de soins. Ainsi, la recherche paramédicale peut-être une réponse au défi de la fidélisation et de l’attractivité par la voie de la valorisation professionnelle.
Pour aller plus loin :
- Boisseaux, Humbert. « L’École du Val-de-Grâce », Revue Défense Nationale, vol. 798, no. 3, 2017, pp. 64-70.
- Christophe, Jean-Luc, et Jérome Jean. « Soutien médical des opérations et innovation », Revue Défense Nationale, vol. 809, no. 4, 2018, pp. 54-58.
- Généro-Gygax, Maryline. « Le Service de santé des armées : une histoire ancienne en plein renouveau », Revue Défense Nationale, vol. 809, no. 4, 2018, pp. 46-53.
- Gouraud, Anne-Claire. « Le Service de santé des armées, une chaîne santé complète et autonome au service du combattant », Revue Défense Nationale, vol. 826, no. 1, 2020, pp. 81-82.
Nous remercions vivement Alexis BATAILLE , Infirmier, réserviste militaire et auteur, pour avoir partager régulièrement ses réflexions, à travers ses chroniques passionnantes, pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com.
Biographie de l'auteur :
Aide-soignant diplômé en 2013. Alexis Bataille rejoint le Service de Santé des Armées la même année et servira dans différents Hôpitaux d’Instruction des Armées jusqu’en 2019.
Durant son parcours de soignant militaire, Alexis aura en plus l’occasion d’être projeté en opération extérieure mais aussi d’être membre du Conseil de la Fonction Militaire du Service de Santé des Armées.
A la suite de son départ, tout en poursuivant une activé de réserviste militaire, il développe ses compétences et devient infirmier en 2022.
En parallèle de son activité professionnelle, Alexis Bataille est également élu municipal, membre du Cercle Galien et auteur de plusieurs ouvrages dont le dernier est « Je reste un soldat » co-écrit avec Manuel Cabrita paru en Avril 2022 chez City Editions.
Aujourd’hui, il est Chargé d’affaires publiques au sein du groupe Galileo Global Education,
[INTERVIEW pour ManagerSante.com] A l’occasion de la 56e édition du Salon International Innovations & Santé de #SANTEXPO22 les 17-19 Mai 2022, nous avons eu le plaisir d’accueillir Alexis BATAILLE HEMBERT.
[OUVRAGE DISPONIBLE DEPUIS MARS 2022]
Témoignage du CCH Manuel Cabrita et de Monsieur Alexis Bataille à l’occasion de la publication de l’ouvrage « Je reste un soldat ».#Avecnosblessés
Crédits : Union des Blessés de la Face et de la Tête.
[OUVRAGE DE L'AUTEUR PUBLIE EN FEVRIER 2022]
Résumé de cet ouvrage :
Tous les outils indispensables pour réussir ses évaluations et ses stages !
Conçu pour répondre aux besoins des élèves et des professionnels, Les 5O outils indispensables de l’aide-soignant propose 50 fiches en couleurs, claires et illustrées, en adéquation avec le référentiel 2021 des études aides-soignantes. On y retrouve :
les normes, valeurs et échelles à connaître ;
les notions essentielles d’hygiène et de prévention et gestion des risques : lavage des mains, précautions standard et complémentaires, accident d’exposition au sang (AES), ergonomie et manutention, risques de violence, maltraitance, etc.
les soins techniques et relationnels : observation de patient, glycémie capillaire, évaluation de la douleur ou de l’autonomie, soins de nursing, communication avec le patient, etc.
des informations sur la profession AS et ses enjeux : rôle propre ou en collaboration, perspectives professionnelles, législation, etc.
des rappels de pharmacologie et d’anatomie générale.
Son petit format et son contenu pratique en font un outil à toujours avoir dans la poche, que l’on soit étudiant ou professionnel.
[DERNIERS OUVRAGES DE L'AUTEUR]
Dans ce guide pratique, Alexis Bataille répond avec humour et sans tabou à toutes les questions pratiques que l’aide-soignant (élève ou professionnel) se pose, à l’aube de la refonte du référentiel aide-soignant. Présentant toutes les questions fondamentales (mais pas que !), le livre aborde les trois thèmes essentiels à la profession :
le métier d’aide-soignant dans tous ses aspects : Les missions de l’AS varient-elles en fonction du lieu d’exercice ? Quelle est la différence existe-t-il entre un AS et un IDE ? Le diplôme français suffit-il pour travailler à l’étranger ?
la pratique au quotidien : Comment être un AS bien organisé ? Comment planifier ses repas quand on travaille de nuit ? Comment faire face au décès d’un patient ? Comment gérer un conflit au travail ? Est-ce difficile d’être un homme dan sce métier ?
les relations aux patients : Que faire si j’ai un enfant comme patient ? Comment préserver l’intimité ? Quelle attitude adopter face à la douleur ? Quelle place donner à la famille du patient ? Comment réagir face à une situation violente ?
Ce guide de survie facilitera la vie des aides-soignants jeunes diplômés et des moins jeunes, désireux d’être accompagnés au quotidien dans la bonne humeur !
ManagerSante.com soutient l’opération COVID-19 et est partenaire média des eJADES (ateliers gratuits)
initiées par l’Association Soins aux Professionnels de Santé
en tant que partenaire média digital
Parce que les soignants ont plus que jamais besoin de soutien face à la pandémie de COVID-19, l’association SPS (Soins aux Professionnels en Santé), reconnue d’intérêt général, propose son dispositif d’aide et d’accompagnement psychologique 24h/24-7j/7 avec 100 psychologues de la plateforme Pros-Consulte.