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Qu’est-ce que l’ERGONOMIE ? Quel impact sur la santé au travail ?

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N°3, AOÛT 2017


 

Après avoir vu lors des deux précédents articles sur l’histoire de l’ergonomie, son impact sur le management, il est intéressant de répondre à la question « qu’est-ce que l’ergonomie ? » et son application, notamment dans le domaine de la santé au travail.  

Qu’est-ce que l’Ergonomie ? 

 

Définitions

 

L’ergonomie, selon l’International ergonomics association (IEA), est la discipline scientifique qui s’occupe de la compréhension des interactions entre les Hommes et les autres éléments d’un système.

 

Elle est, également, la profession qui applique les théories, les principes, les données, et les méthodes pour concevoir dans le but d’optimiser le bien-être des Hommes et la performance des systèmes dans son ensemble.

 

L’ergonome contribue a? l’amélioration et la conception des situations de travail, des outils et des produits afin d’en faciliter l’usage, préserver la sante? des travailleurs ou utilisateurs, favoriser la fiabilité des systèmes, optimiser la qualité, l’efficacité de la production dans une perspective de performance durable et globale.

 

En clair, l’ergonomie cherche à comprendre le travail pour mieux contribuer à le concevoir ou le transformer en agissant sur les déterminants.

L’ergonomie par rapport aux autres métiers

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Les ergonomes par rapport aux autres métiers de l’entreprise

Les différentes formes d’ergonomie

 

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, il y a plusieurs sortes d’ergonomie. On peut ainsi parler d’ergonomie physique notamment concernant l’évaluation des postes de travail, d’ergonomie cognitive lorsque l’on va étudier la charge mentale, par exemple, ou encore d’ergonomie organisationnelle lorsque l’on va chercher à optimiser l’organisation du travail.

 

En outre, les ergonomes traitent de nombreux domaines. Pour faire simple, on peut dire que l’on va les retrouver pour faire de l’ergonomie du produit telle que les automobiles, les  électro-ménagers ou les logiciels ainsi que l’ergonomie des situations de travail, celle qui nous intéresse davantage ici. On croise également des ergonomes à mi-chemin entre ces deux mondes lorsqu’il s’agit d’architecture, lors de la conception de bâtiment comme des centres hospitaliers, des bibliothèques, etc.

 

Enfin, on peut croiser plusieurs façons de faire de l’ergonomie selon que l’ergonome intervient avant ou après l’apparition de problèmes dans la situation de travail. Avant, C’est le plus souvent le cas lors de la conception d’un bâtiment, d’un nouveau produit, d’un nouveau service. On parle alors d’ergonomie de conception. C’est, en général, la solution la moins couteuse car bien concevoir une nouvelle situation de travail ne coute pas beaucoup plus cher que de mal le faire. Lorsque l’ergonome intervient après l’apparition de problèmes, on parle alors d’ergonomie de correction. C’est le mode d’intervention le plus fréquent et, malheureusement, souvent le plus couteux.

Objet, objectifs et méthodes de l’ergonomie

 

Contrairement à ce que l’on pense habituellement, l’ergonomie n’a pas seulement pour objectif de trouver les meilleures solutions pour réduire le nombre de gestes ou offrir les meilleures postures aux travailleurs. Elle cherche, en effet, des solutions à deux grands types de problèmes. L’un qui concerne, effectivement les individus et qui va s’exprimer en termes de santé, bien sûr, mais également de confort ou compétences (de formation, notamment) et, l’autre qui va concerner davantage les entreprises et les institutions dans lequel il sera davantage question de productivité, qualité, coût, délai, etc. Les ergonomes peuvent donc intervenir sur des problématiques touchant l’une ou l’autre de ces questions.

 

Ils chercheront, alors, les solutions gagnant-gagnant à travers des  recommandations qui peuvent porter sur les éléments techniques (les bureaux, les chaises, etc.), mais aussi sur l’organisation du travail ou la formation.

 

Pour arriver à remplir cet objectif, l’ergonomie utilise une méthode particulière qui se fait sur le terrain en situation réelle de travail en faisant des observations et des entretiens. L’ergonome cherche alors a étudier ce que l’on appelle l’activité de travail. L’activité de travail regroupe l’effort que nécessite les objectifs pour être atteint. Cela dépasse donc la tâche de travail et va concerner ce que le travailleur mobilise au niveau physique, mentale ou psychologique. Pour cela, l’ergonome prendra en compte les caractéristiques des individus, leurs objectifs, le sens qu’à le travail pour eux ou encore les objectifs de l’entreprise ou de l’institution.

 

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Les liens entre management et santé au travail en ergonomie

 

L’ergonomie propose une approche originale de la santé au travail ouvrant de nouvelles perspectives d’action pour le management.

 

Même si on a souvent l’impression de savoir ce qu’est la santé, il existe en réalité trois (au moins) principales définitions de la santé. Chacune offre une vision différente ainsi que des axes de prévention des risques professionnels différents : le modèle biomédical, le modèle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), et celui que nous appellerons le modèle développemental.

Le modèle biomédical de la santé

 

Dans le modèle biomédical, la santé est présentée comme l’absence de maladie. C’est le modèle le plus commun et, en particulier, celui mobilisé par un grand nombre de médecins. Il permet d’établir les relations de cause à effet. Il inclut des variables qui ont une valeur prospective. Les diagnostics, symptômes, ou paramètres, éminemment cliniques, ont une valeur prédictive des troubles de santé.

 

Mais, la forme statique de ces deux états, malade/non-malade, ne permet pas de résumer, à elle seule, le processus conduisant à la santé ou à la maladie. C’est le modèle qui sert de base, historiquement, à la prévention des risques professionnels.

Le modèle de la santé de l’O.M.S.

 

«?La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.?» c’est la définition que propose l’Organisation mondiale de la Santé en 1946. Cette définition marque une avancée importante par rapport à celle que nous avons présentée précédemment.

 

Le premier point, c’est sa dimension globale, c’est-à-dire qu’elle recouvre l’ensemble des caractéristiques de la vie de l’individu, pas uniquement la dimension physique comme pouvait le laisser penser l’approche biomédicale. Elle va même jusqu’à inclure la notion de bien-être social, ajoutant ainsi le rôle du lien avec la société.

 

Cette définition met également en avant la notion de bien-être, ce qui marque, là aussi, une innovation. Mais comme la définition précédente, elle reste sur une vision statique de la santé : la santé est un état. Difficile dans ce cas de comprendre les processus à l’œuvre.

Le modèle développemental de la santé

 

Ce troisième modèle est celui que l’on utilise préférentiellement en ergonomie. Il prend sa source dans les travaux du philosophe Canguilhem. Le point de vue de Canguilhem  permet de distinguer les mécanismes d’évolution de la maladie et de la santé. Le normal et le pathologique sont compris comme deux dynamiques différentes de la confrontation de l’individu à son environnement, ce que l’auteur appelle la normativité vitale. Dans cette confrontation se joue la capacité de l’individu à dominer, contrôler son milieu. La maladie est alors comprise comme une restriction de cette interaction : c’est-à-dire l’incapacité de l’individu à imposer ses normes à son environnement lorsqu’il ne possède plus de marges de manœuvre vis-à-vis de son milieu et de ses variations.

 

En revanche, la santé est vue comme une capacité d’emprise accrue sur l’environnement par l’individu. Il le contrôle suffisamment pour surmonter les problèmes liés aux transformations de l’environnement. Dans ce cadre, être en santé c’est être capable d’agir, non seulement sur l’environnement, mais également sur ses probables variations. La santé, «?c’est une assurance vécue au double sens d’assurance contre le risque et d’audace pour le courir. C’est le sentiment d’une capacité de dépassement des capacités initiales, capacité de faire du corps ce qu’il ne semblait pas promettre d’abord?» (Canguilhem, 2002 p.59).

 

Par cette définition de la santé que nous fournit Canguilhem, si on la transpose dans le monde de l’entreprise, on comprend le lien que l’on établit, en ergonomie, avec l’activité de travail. Le travail formant cette confrontation à l’environnement, il devient donc le support à la dynamique de santé et à celle de maladie. Lorsque l’on regarde le champ du travail, le travailleur, lorsque son environnement de travail le lui rend possible, va faire des actions lui permettant de contrôler son environnement, il va également être capable de construire de nouvelles stratégies d’actions lui permettant de garder le contrôle, malgré les variabilités des situations de travail.

 

Cela veut dire d’un point de vue opérationnel qu’en ergonomie, on ne cherche pas seulement à éviter les dégradations de la santé des travailleurs, mais que l’on cherche également à créer un environnement de travail propice au développement des capacités, des compétences, etc. On appelle cela un environnement de travail capacitant.

 


 

Pour aller plus loin …

 

Georges Canguilhem  Le normal et le pathologique régulièrement réédité depuis 1946 aux éditions des Presses universitaires de France.

 

Pierre Falzon au sein de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail : Le concept d’environnement capacitant, son origine et ses implications

 

Guérin, F., Laville, A., & Daniellou, F. & Coll.  paru en 1997 qui s’intitule Comprendrele travail pour le transformer: la pratique de l’ergonomie.Editions de l’Anact

 

St-Vincent, M., Vézina, N., Bellemare, M., Denis, D., Ledoux, E. et Imbeau, D., paru en 2011, qui s’intitule L’intervention en ergonomie aux Éditions MultiMondes.

 


 

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Nous remercions vivement Sébastien BRUERE, Chercheur en Organisation du Travail &  SST, Montréal, CANADA, professionnel en organisation du travail – Gestion du changement – Santé et sécurité du travail – Ergonomie, pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com

 


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FESTIVAL DE LA COMMUNICATION SANTE Visuel ManagerSante MAJ 01 08 2019 Version 5

Sébastien BRUERE

Spécialiste en gestion et en organisation du travail et santé au travail, notamment en milieu hospitalier et en industrie. J'accompagne les gestionnaires dans la gestion du changement, la résolution de problèmes RH (TMS, Risques psychosociaux, RPS, santé mentale, absentéisme, etc.) et l'implantation de solutions organisationnelles innovantes (productivité, augmentation des capacités de production, optimisation de la surface, lean, etc.)

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5 réponses

  1. les citations de Canguilhem, que je retiens :

    « La santé c’est d’y être pour quelque chose dans ce qui nous arrive. »

    « C’est que par le mot « vie », c’est généralement la santé que l’on désigne.
    La santé, ce n’est pas un état impeccable, un ordre parfait, une espèce d’innocence organique définitive et pure de tout défaut. C’est au contraire un effort permanent de compromis précaires pour assurer l’équilibre en devenir, une tentative pour composer avec les contraintes extérieures et les écarts ou erreurs internes. La vie est moins le résultat d’un processus que le succès d’une tentative. »

    merci Sébastien pour cet article.

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