N°1, Janvier 2016
1/ UNE MISE SOUS TENSION « BUDGETAIRE » DES AGENTS DE LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIERE
Le cordonnier serait le plus mal chaussé, c’est du moins ce que l’on a tous entendu, ne serait-ce une fois ! Le personnel soignant n’est-il pas concerné par cet adage populaire ?
Le service public hospitalier garantit la protection de ses agents contre un certain nombre d’atteintes, ainsi que cela résulte notamment de l’article 11 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Mais les conséquences potentiellement délétères de l’évaluation du travail sont à peine perceptibles au coeur de la Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.
Le ver (la rationalisation budgétaire ?) était-il déjà dans le fruit avant les renversantes réformes de la fonction publique :
- d’abord la « RGPP » (Révision Générale des Politiques Publiques)
- puis la « MAP » (Modernisation de l’Action Publique),
- à l’aune de la non moins célèbre « LOLF » (Loi organique relative aux Lois de Finances) ?
2/ COMMENT CONCILIER « SECURITE DES SOINS » POUR LES PATIENTS & « AMELIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL » POUR LES PERSONNELS HOSPITALIERS ?
On sait d’abord qu’une population vieillissante est de plus en plus exposée aux maladies, mais il faut se demander si des moyens supplémentaires sont alloués au service public afin de conserver une qualité des soins et de préserver en même temps le personnel soignant de ses propres maux ?
Au delà d’une quiétude qu’il convient donc d’assurer en agissant également sur les conditions de travail des personnels hospitaliers, bien que les risques demeurent, il y a une volonté politique d’étendre aux hôpitaux des principes de prévention issus du code du travail avec ses articles L.4121-1 et L.4121-2 (cf. Protocole d’accord sur la prévention des RPS dans la fonction publique, pages 2 à 4, Edition 2013), comprenant bien entendu la santé mentale.
Puis il y a l’institution des CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) au sein des Établissements publics, mais aussi la Qualité de Vie au Travail (QVT). Aujourd’hui, l’accent est plutôt porté sur ces problématiques, ce qui laisse entendre combien il est essentiel de réparer ce qui est probablement déjà altéré par les effets du New Public Management (NPM).
3/ QUELLE RESPONSABILITE DE L’EMPLOYEUR EN CAS DE DOMMAGE CONSTATE ?
Un épisode judiciaire remarquable avait reconnu le danger qui pesait sur la santé du personnel de la CRAM SE, dans un arrêt rendu le 5 juillet 1999 par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence. Attention, il s’agissait d’un employeur de droit privé, c’est pourquoi le juge administratif n’apparaît pas.
Cette affaire avait mis en évidence le déni de l’employeur face aux situations constatées par le médecin du travail et le CHSCT. La CRAM SE soutenait « qu’aucun risque grave n’est démontré alors que ni le stress ni le mal-être ne sont une maladie » !
Que propose donc le droit en réponse aux contradictions modernes qui rendent de plus en plus inconciliables la performance et la qualité, la compétition et l’esprit d’équipe, la vie privée et la vie professionnelle, etc. ?
La réglementation tend, d’une part, à favoriser la prévention dite primaire, avant l’apparition d’éléments pathogènes et, d’autre part, à sanctionner les atteintes aux personnes lorsqu’une responsabilité doit être recherchée du fait d’un dommage.
En cas de dommage survenu dans la fonction publique, il faut distinguer :
- d’un côté, le droit de la responsabilité de l’employeur et,
- de l’autre, celui des fautes personnelles ou dites « détachables » de l’activité que l’on pourrait reprocher au salarié.
4/ QUELLE STRATEGIE DU MANAGER DANS CE MILIEU HOSPITALIER COMPLEXE ?
Si la complexité monte d’un cran lorsqu’il s’agit de séparer les rôles joués par le pouvoir de direction (ce qui est imputable à l’organisation du travail) et ce qui est rattachable aux comportements toxiques entre collègues, force est de constater que le manager se trouve bel et bien coincé au milieu de cette recherche causale.
Par exemple, la « pression aux chiffres » redescend sur les opérationnels, par le biais du manager, éloignant ainsi de plus en plus l’expert de son expertise, au nom de la conformité et des statistiques.
Cette psychologisation des « contraintes de gestion » et l’impasse morale des « conflits de valeurs » doivent alerter le top management ainsi que les pouvoirs publics, compte tenu de l’enchaînement d’évènements indésirables dans les organisations hospitalières.
Découvrez la 2ème PARTIE de cet Article de notre Rubrique « Actualités juridiques », le mois prochain avec notre spécialiste Hervé HENRY.
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Nous remercions vivement Hervé HENRY, Juriste et spécialisé dans le « Droit de la Santé & de la Protection Sociale », pour partager son expertise professionnelle en proposant cette Rubrique mensuelle, pour nos fidèles lecteurs du Blog MMS