Article rédigé par notre nouvel expert, Olivier TOMA, Fondateur de l’agence PRIMUM NON NOCERE, Chargé de Plaidoyer du Comité pour le Développement Durable en Santé.
Il est également co-auteure d’un chapitre de l’ouvrage collectif de référence publié depuis le 04 Octobre 2021, sous la direction de Jean-Luc STANISLAS chez LEH Edition, intitulé « Innovations & management des structures de santé en France : accompagner la transformation de l’offre de soins » .
N°03, Septembre 2022
La RSE a longtemps été considérée comme un acronyme abstrait. La crise de la COVID a fait émerger les consciences. Identifier et réduire nos impacts devient une priorité individuelle et collective, c’est certainement une chance pour l’ensemble des professionnels du secteur qui cherche un canevas pour innover en conscience et participer ainsi à redonner du sens…et du temps aux professionnels !
Le défi climatique est maintenant parfaitement identifié, même si les solutions restent encore obscures pour la majorité des acteurs et des décideurs. Mais dans l’inconscient collectif la notion d’impact carbone a fait son chemin, il faut maintenant former et diffuser les solutions pour réduire cette empreinte de 40 % d’ici 2030.
Mais cela ne suffira pas…
Nous devons nous former et informer les professionnels et la population des 4 défis indissociables qui se posent à l’humanité :
- La décarbonation,
- La dépollution,
- La réduction de la déforestation importée et la gestion raisonnée des ressources en eau.
De 1987 à 2022, le chantier de la RSE a fait son chemin, il nous faut maintenant donner envie d’agir en mutualisant les bonnes pratiques qui ont fait leur preuve.
INTERNATIONAL :
1987, le rapport BRUNDTLAND évoque le développement durable et en donne une première définition : « un développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs « .
A partir de 2010, à la suite du GRENELLE de l’environnement, les organisations de santé découvrent les enjeux mais se demandent « pourquoi ? »…
Pourquoi faut-il s’engager, à quel coût, pour quoi faire … ?
Et malgré une avalanche de textes (voir ci-dessous le focus jurisprudence environnementale), rares sont les organisations qui bâtissent leur propre programme RSE, qui est la traduction en action du concept du Développement Durable.
ETABLISSEMENTS DE SANTE :
Le 5 mai 2017 les fédérations du secteur sanitaire, social et médico-social signent une convention relative au développement durable avec l’Etat. Elle engage les fédérations et leurs adhérents sur 8 thématiques :
Le management et le pilotage de la démarche développement durable
La communication sur les enjeux du développement durable
Le volet social et humain
La politique d’achat
La préservation des ressources (notamment l’eau), de la qualité́ de l’air et l’efficacité́ énergétique dans les bâtiments
La prévention et la gestion des déchets
Le transport et les déplacements des personnels, des patients, des usagers, des personnes accompagnées, de leur entourage, des fournisseurs, et des visiteurs
La promotion des systèmes d’information, notamment de santé.
Cette convention n’était hélas pas accompagnée de moyens, les résultats sont donc très mitigés…
Pendant cette décennie 2010-2020, la cacophonie « responsable » des industriels et le greenwashing sont à leur apogée. Les allégations mensongères fleurissent, les consommateurs, les acheteurs hospitaliers, otages du marketing, se fient aux labels ou à diverses « applications » gratuites, …Les allégations magiques, pour consommer en se donnant bonne conscience…foisonnent.
Mais la crise « COVID » fait émerger les consciences, le futur probable influence notre présent et les citoyens/consommateurs/contribuables que nous sommes commencent à ressentir que le système actuel n’est plus viable.
La question qui se pose n’est plus « pourquoi ? » mais « comment ? », le virage RSE est en route.
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GOUVERNEMENT :
Dès févier 2020, par la circulaire du premier ministre du 20 février, un nouveau dispositif de l’état voit son périmètre s’élargir et il repose sur un socle d’actions obligatoires ainsi que sur un dispositif de mobilisation des agents : tous les services de l’État, des établissements publics ainsi que ses opérateurs sont désormais concernés.
Les établissements de moins de 250 agents jusqu’à présent dispensés de toute démarche obligatoire dans le sens de l’écoresponsabilité sont désormais touchés par ces nouvelles dispositions : le dispositif « services publics écoresponsables » doit être intégré dans les contrats d’objectifs et de performance (COP) des établissements publics et opérateurs de l’État.
Les collectivités territoriales, leurs groupements ainsi que les hôpitaux peuvent se joindre à ce nouveau dispositif sur la base du volontariat et adopter ces vingt mesures obligatoires.
Le commissariat général au développement durable (CGDD) animera la communauté d’ambassadeurs du développement durable dans les services de l’État.
Le CGDD organisera également la remise d’un prix annuel aux meilleurs projets en privilégiant l’innovation et leur caractère reproductible.
Chaque ministère devra continuer à fournir un bilan annuel, sous forme libre, comportant les résultats relatifs à la mise en œuvre des mesures obligatoires.
Un comité de suivi du dispositif « services publics écoresponsables » se réunira au moins une fois par an pour dresser le bilan de la mise en œuvre du dispositif qui sera remis au Premier Ministre.
En avril 2020, le Président de la République affirme : “Je dis à tous les pays développés, n’attendez pas le réveil climatique [qui nous fera] vivre ce qu’on est en train de vivre sur le plan sanitaire”, exhorte Emmanuel Macron dans une interview au Financial Times le 16 avril. Alors que des “choix très profonds, très brutaux” sont effectués pour sauver des vies, il doit en être “de même” avec le risque climatique. Car le Covid-19 nous fait faire “l’expérience de notre vulnérabilité”, incitant à changer de modèle pour atteindre la résilience. Le Président étant persuadé qu’à l’issue de la crise, plus personne n’acceptera de respirer un air pollué »
EUROPE :
En Juillet 2020, L’Europe quant à elle annonce qu’elle consacrera 30 % de son plan de relance et du budget 2021-2027 au climat…
En même temps, le « Ségur de la santé » dont on a quasiment retenu que les augmentations de salaires de 8 milliards d’euros, propose de mettre la RSE au cœur du système de santé, voici 7 extraits choisis (voir focus ci-dessous):
En septembre 2020, Le plan de relance de l’économie française annonce 100 milliards d’investissements dont 30% dans la transition écologique et énergétique.
En octobre 2020, l’EUROPE adopte son PLAN CLIMAT en exigeant une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 60 % d’ici 2030, alors que l’accord de Paris nous engageait sur une réduction de 40 %…
AUTORITES SANITAIRES :
La Haute Autorité de Santé (HAS) qui a absorbé l’ANESM en 2020 pour harmoniser les démarches qualité entre le sanitaire et le médico-social peaufine son nouveau référentiel…
Dans la dernière version disponible, les critères RSE ne serait plus « optionnels » mais bien obligatoires…il est donc hautement probable que pour cette noble institution, la RSE ne soit plus une option pour la prochaine décennie…
Il est fait mention dans la dernière version de la qualité de vie au travail, de la nature des dispositifs médicaux implantables (peut être aurons-nous enfin l’analyse du cycle de vie, la composition et la traçabilité complète des composants…) et de l’accréditation des médecins et des équipes médicales…
« Les aspects environnementaux du développement durable relèvent d’une politique de prévention et de gestion des risques environnementaux, formalisée et maitrisée par l’établissement… »
« L’établissement contribue aux enjeux de développement durable en adaptant son projet d’établissement et son fonctionnement pour tenir compte de son impact social et environnemental tout en garantissant une soutenabilité économique. »
« L’établissement réalise un diagnostic initial de sa situation et met en œuvre les actions de maitrise des risques environnementaux auxquels il est exposé : incendie, inondations, canicule, pollutions (chimiques, air, eau sol, sonores, lumineuses…) »
POLITIQUES DE SANTE :
La convention citoyenne propose 146 actions majeures sur nos engagements sur le changement climatique, et notamment, le « CO2 SCORE » qui mentionnerait pour les produits et services leurs impacts sur le climat.
Nous avons déjà créé cet étiquetage pour les établissements de santé engagés dans une démarche THQSE®. En en voici un exemple anonymisé :
Et aussi…
L’assemblée nationale a lancé en septembre 2020 une commission d’enquête parlementaire sur la gestion de la santé environnementale en France, de laquelle des décisions devraient émerger…
Le PNSE 4 (Plan Nationale Santé Environnement) devrait être présenté aux professionnels avant la fin de l’année…les ARS auront la mission de décliner ce programme en Plan Régional.
La FHF a édité en septembre, 50 propositions très structurées pour soutenir la transition écologique à l’hôpital.
La loi PACTE permet l’émergence des « sociétés à mission » qui définissent leur « raison d’être », leurs objectifs et sont contrôlées par des organismes tiers indépendants, pour en garantir les résultats et éviter le greenwasching. Des mutuelles, des groupements hospitaliers privés sont en phase de « transformation ».
Les fonds d’investissements qui investissent notamment dans le secteur de la santé et du médico-social, ajoutent de nouveaux critères d’écoconditionalité avec des pénalités importantes si les objectifs RSE ne sont pas atteints…
La décennie qui s’annonce sera axée sur la sécurité sanitaire et environnementale. Les démarches à « Très Haute Qualité Sanitaire Sociale et Environnementale » (THQSE) permettent de structurer les actions, d’élaborer des indicateurs fiables, des scoring RSE pour mutualiser les bonnes pratiques et faire de la France le leader en termes transition énergétique, de RSE et de de santé environnementale.
En conclusion :
La « transition » est en cours dans le système de santé.
Les établissements sanitaires sociaux et médico sociaux s’engagent tous les jours un peu plus.
Les ARS pilotent la Santé Environnementale, ils ont de nouveaux moyens avec le PNSE4.
La HAS a ajouté une trentaine d’items dans la certification pour le secteur sanitaire, il faut maintenant déployer la même énergie sur le secteur social et médico-social et former leur visiteurs experts sur le sujet.
Quelques laboratoires pharmaceutiques commencent à travailler sur l’Analyse du Cycle de Vie ( ACV) de leurs dispositifs, il faut rendre cela systématique , pour pouvoir généraliser l’eco-conception des soins.
Les pharmacies d’officine ont signé une convention avec la CNAM qui les engagent sur une dizaine d’objectifs sur la RSE, il faut leur donner les moyens de la mettre en œuvre.
En fait, on ne le dit jamais assez, « le secteur de santé Français est celui des pays d’Europe le plus engagé sur ces sujets du développement durable en santé » .
La suite de cette transition réside dans l’engagement massif des professionnels de ce secteur par un soutien effectif par le ministère de la santé qui doit maintenant mettre en œuvre une vision et une politique du long terme…
En France, en Europe, on sait piloter et financer des projets à 2050 pour aller sur Mars ou sur la Lune, saurons-nous « réenchanter la Terre » et en faire une priorité ?
Le terrain est prêt et l’a prouvé sur ces deux décennies…l’état doit maintenant faire sa part… « pour de vrai ».
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Nous remercions vivement Olivier TOMA, Fondateur de l’agence PRIMUM NON NOCERE, Chargé de Plaidoyer du Comité pour le Développement Durable en Santé, pour partager son expertise auprès de nos fidèles lecteurs de notre plateforme média digitale d’influence et de référence ManagerSante.com.