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Comment conduire des négociations complexes pour obtenir les meilleurs résultats en assurant la qualité des relations ? Dominique BERIOT nous explique.

Nouvel Article proposé par notre expert, Dominique BERIOT (spécialiste de l’approche systémique du changement et du management dans les entreprises depuis plus de 40 ans), conférencier  et auteur de nombreux articles & ouvrages 

N°20, Mai 2022

Peut-être avez-vous déjà été confronté à des négociations où les arguments et contre-arguments virevoltaient dans tous les sens, chacun «le nez sur son guidon» ou prêt à en découdre ou encore en position de négociateur avec la ferme intention de ne pas négocier.

En préalable, je considère que la négociation n’est ni un combat d’où sortiraient des gagnants et des perdants, ni un simple débat aboutissant à un déballage d’arguments dépourvu de conclusions concrètes. Elle n’est pas non plus, l’expression d’une tactique gagnant / gagnant ; si celle-ci est souhaitable à moyen terme, par contre, sa systématisation nuit à la cohérence des résultats à atteindre et ne prend pas suffisamment en compte la réalité des contraintes du terrain.

Par ailleurs, préparer ses négociations est indispensable pour limiter surprises et difficultés, aussi trouverez-vous en fin d’article «Recommandations» quelques rappels nécessaires à l’élaboration d’une stratégie d’échanges.

Quelle finalité pour ces échanges ?

La stratégie proposée est d’ordre systémique. Elle tient lieu de cadre de référence, y compris dans un contexte multiculturel. Sa finalité s’inscrit dans le passage d’une logique d’adversité, souvent présente chez les acteurs de l’entreprise, à une logique de partenariat.

Dans cette optique je définis la négociation comme :

  • Un processus d’échanges qui, dans un contexte donné,
  • apporte à une divergence une solution acceptable pour les différentes parties.

À quoi sert cette stratégie ?

  • À tendre vers la cohérence des comportements des protagonistes.
  • À éviter des tensions inutiles et assurer la qualité des relations à court et moyen terme.
  • À optimiser les chances d’aboutir à des décisions acceptables par chacun.

Comment gérer les échanges ?

La conduite d’une négociation inclut à la fois le processus et ses contenus lié au déroulement des échanges et le comportement du négociateur. Le tableau ci-dessous présente quatre étapes avec en haut les points clés à aborder et en dessous les attitudes comportementales correspondantes.

Cette stratégie de négociation suppose une certaine souplesse tout en gardant à l’esprit une  » structure repère  » qui sert de cap pour mieux naviguer en eaux troubles. Ce n’est pas une méthode à suivre de manière rigide car si tel était le cas, elle serait nécessairement inadaptée à la diversité des contextes, aux enjeux des acteurs et aux comportements des négociateurs.

Tableau de synthèse de la stratégie systémique de négociation

Points clés du déroulement des échanges

Attitudes comportementales propres à chaque étape

 

1ère étape : Cadrer la situation pour organiser les échanges

Prendre l’initiative (dans la mesure du possible) de l’étape 1 « cadrer la situation ». Une certaine directivité est nécessaire pour proposer, voire négocier l’organisation du déroulement des échanges en évitant toute incursion de chacun dans le contenu de la négociation proprement dite…

  • Engager un échange convivial

L’accueil, les présentations, les dispositions logistiques des lieux donnent inévitablement une première impression. S’il existe un intérêt commun à cette rencontre, autant qu’elle soit organisée pour tendre vers une relative harmonie. De plus, restez ouvert, calme et serein, même si les interlocuteurs se montrent sur la réserve, suspicieux ou agressifs.

  • Apporter les informations sur le contexte

Présentez brièvement et clairement les éléments déclencheurs de la rencontre. Le faire de façon neutre, sans donner d’avis sur la divergence et sans céder à la tentation de contrer d’éventuelles remarques ; sinon c’est s’engager prématurément dans le contenu de la discussion.

  • S’ajuster sur un objectif commun et s’assurer qu’il soit compris de tous

La présentation du contexte étant bien perçue par les participants, cherchez un premier accord sur ce à quoi vous souhaitez parvenir avec eux. C’est « l’objectif commun », englobant les objectifs spécifiques de chacun (cf., figure). Ce point est d’autant plus important qu’il donne le sens de la rencontre.

Donnez du sens à votre négociation par la recherche d’un objectif commun

Il sera nécessaire de vérifier que chacun est d’accord sur sa formulation. Le cas échéant, elle donnera lieu à négociation et ajustements. L’absence explicite ou implicite d’un objectif commun implique qu’il n’y a pas de résultat à attendre donc pas de négociation possible.

  • Trouver un accord sur une méthode pour le déroulement des échanges

Pour structurer les échanges, proposez la méthode de discussion préparée au préalable. Elle consiste d’abord à privilégier l’écoute tour à tour de vos interlocuteurs et donc l’exploration de leur « terrain » , puis à prendre position et à rechercher ensemble une ou des solutions par approches successives avant de conclure. Voici un exemple de formulation : « Je vous propose dans un premier temps de vous écouter, ensuite je vous donnerai mon point de vue et enfin nous tirerons ensemble les conclusions ».

Si les échanges se dispersent, vous les réguler par un rappel de la méthode retenue ou de l’objectif commun.

Ainsi s’achève cette première étape destinée à favoriser une prise de recul préalable à l’engagement de tous sur les contenus.

Une telle posture se révèle parfois impossible compte tenu du contexte, notamment si les tensions sont trop fortes ou si aucun objectif commun ne peut être retenu. Il est alors cohérent, pour préserver la qualité des relations, de reporter la rencontre et de la reprendre lorsque des éléments nouveaux permettront aux parties de se réengager dans un véritable processus de négociation.

2ème étape :  Explorer le terrain

Après accord sur l’objectif commun et sur l’organisation des échanges, l’étape suivante consiste à recueillir les perceptions, les objectifs et les enjeux de chacun (ce qu’ils ont à gagner ou à perdre). Pour y parvenir, adoptez une posture « d’écoute active » complétée par des questions précises visant à clarifier les informations qui le nécessitent.

Ecoutez-les d’abord si vous souhaitez qu’ils vous écoutent !

  • Recueil des perceptions

Rassemblez le maximum d’éléments pour permettre dans l’étape 3 de cheminer ensemble vers une ou des solutions. Gardez votre esprit disponible et donnez-vous le temps nécessaire afin que chacun s’exprime, en attachant une attention particulière aux personnes qui ne maîtrisent pas langue utilisée. Tenez compte des spécificités culturelles de chaque interlocuteur.

Ne vous laissez pas piéger par l’envie de donner un avis, de répondre à une question qui vous est retournée (dans ce cas, indiquez que vous la notez et que vous y répondrez après cette phase d’écoute). Restez neutre, ouvert à l’exploration la plus approfondie possible. Évitez de réagir de façon positive ou négative à toute information, fut-elle insolite ou perçue comme erronée.

N’interrompez un interlocuteur que pour le recentrer, s’il s’écarte de l’objectif ou de la méthode.

Enfin, n’oubliez pas qu’on ne passe jamais trop de temps à écouter.

  • Synthèse globale des perceptions

Après d’éventuelles relances, si l’étape d’exploration n’apporte plus de nouveaux matériaux, effectuez alors une synthèse globale des perceptions et positions. Ainsi vous vous mettez en situation favorable pour entamer votre négociation. Notez que dans les deux premières étapes, vous n’avez encore pas pris position !

3ème étape :  Prendre position

Le moment est venu pour vous de « négocier ». Présentez votre point de vue en tenant compte des informations recueillies grâce à votre écoute. Mettez en lumière les points de convergence et de divergence. Ainsi vous confirmez les premiers et tentez ensuite de réduire les seconds. Si aucune proposition concrète acceptable par les parties n’est obtenue, soumettez une intention de décision (par exemple : « et si nous envisagions de… »). Engagez alors un échange permettant des ajustements successifs, chacun jouant de son pouvoir d’influence, de ses marges de manœuvre, de ses enjeux …

Durant cette étape de rapprochement, continuez à assurer le contrôle de la discussion, évitez tout jugement personnel ou procès d’intention. Restez calme et exprimez vos positions en vous référant à votre fonction et non à vos valeurs personnelles.

4ème étape :  Conclure

Conclure clairement et fermement en reformulant la ou les solutions sous forme de décision. Vérifiez qu’elles sont bien comprises de tous, puis indiquez les suites concrètes.

Gérer l'après-négociation

Le cas échéant rédigez un accord à remettre aux parties, si possible au terme de la réunion, en tout cas dans un délai rapproché et annoncé. Pensez à transmettre les conclusions aux personnes concernées, (hiérarchie, collaborateurs, institutionnels…). Organisez dès que possible le déroulement des suites convenues et veiller à leur mise en œuvre effective en assurant les régulations nécessaires.

La réussite d’une négociation dépend essentiellement de la manière dont elle est préparée et conduite. Mais force est de constater que bien des managers négligent la première étape « cadrer la situation » et ne consacrent que peu de temps à la seconde « exploration ».

Recommandations pour obtenir les meilleurs résultats

  1. Prenez le temps de vous préparer en réalisant par écrit, avant la négociation, un contexte bref, l’objectif supposé commun, intégrant si possible, les objectifs spécifiques de la ou des parties et la méthode pour le déroulement des échanges.
  2. Évitez de vous tendre votre propre piège en surestimant votre capacité à gérer une négociation sans l’avoir préparée.
  3. Si vous prévoyez la présence d’une personne pour vous assister, précisez-lui vos attentes, avant, pendant et après la négociation. Ceci évitera en particulier des interventions inappropriées et si possible faites-la participer à votre préparation.
  4. Évitez de vous affaiblir en imaginant les intentions des autres et leurs arguments, mais recueillez-les au cours de la seconde étape.
  5. Protégez-vous contre le risque de définir a priori les solutions attendues. N’entrez pas dans une négociation par la sortie !
  6. Ne confondez pas les intérêts de la négociation avec vos points de vue personnels.
  7. Ne sacrifiez surtout pas l’étape 2 « recueil des informations ». C’est la plus importante et la plus difficile à gérer.
  8. Ne vous enfermez pas dans une contrainte de temps surtout dans un contexte multiculturel.
  9. Quelle que soit la culture de vos interlocuteurs, n’interprétez pas leurs réactions verbales ou non verbales. Pour que leurs significations émergent, restez à l’écoute et laissez du temps au temps.
  10. Si la durée est limitée par des impératifs, prévoyez une autre réunion pour franchir toutes les étapes.

En conclusion

La démarche systémique proposée, adaptée à de brèves ou de longues négociations, favorise la cohérence du comportement d’un négociateur. De plus, elle s’applique aussi à toute situation où doit être prise une décision à deux ou plusieurs personnes, comme régler un problème relationnel avec un collaborateur, assurer un entretien annuel, résoudre une problématique, assurer une réunion d’équipe, réaliser un retour d’expérience.

Nous remercions vivement  Dominique BERIOT  (spécialiste de l’approche systémique du changement et du management dans les entreprises depuis plus de 40 ans), conférencier  et auteur de nombreux articles & ouvrages, dont le dernier paru en Février 2018, « Guide systémique du manager d’équipe: 40 situations managériales du quotidien » aux Editions Eyrolles), de partager son expertise professionnelle avec nos fidèles lecteurs de www.managersante.com

Biographie de l'auteur : 

Dominique BERIOT, possède une triple expérience professionnelle. D’abord comme manager ou dirigeant dans cinq entreprises différentes de 2000 à 15000 personnes, puis comme consultant de l’entreprise de conseil qu’il a créée et spécialisée dans la conduite du changement par l’approche systémique. Il contribue à la diffusion de la pensée systémique à travers des conférences et des travaux de recherche. Dominique BERIOT a publié 6 ouvrages dans le domaine du management et, plus spécifiquement sur l’approche systémique du changement, dont les plus récents : – « Guide systémique du manager d’équipe, 40 situations managériales du quotidien«  , Eyrolles, 2018. – « Manager par l’approche systémique, s’approprier de nouveaux savoir-faire pour agir dans la complexité », Eyrolles, 2014. (préface Michel Crozier).« 
Dominique BERIOT

Dominique BERIOT, possède une triple expérience professionnelle. D'abord comme manager ou dirigeant dans cinq entreprises différentes de 2000 à 15000 personnes, puis comme consultant de l'entreprise de conseil qu'il a créée et spécialisée dans la conduite du changement par l'approche systémique. Il contribue à la diffusion de la pensée systémique à travers des conférences et des travaux de recherche. Dominique BERIOT a publié 6 ouvrages dans le domaine du management et, plus spécifiquement sur l'approche systémique du changement : - "Guide systémique du manager d'équipe, 40 situations managériales du quotidien", Eyrolles, 2018. , - "Manager par l'approche systémique, s'approprier de nouveaux savoir-faire pour agir dans la complexité", Eyrolles, 2014. (préface Michel Crozier). - "Du microscope au macroscope, l'approche systémique du changement dans l'entreprise", (préface de Joël de Rosnay) ESF, 1992. - Management et Sécurité, la protection des personnes et des biens, Fayard, 1971. - Les tests en procès, (en collaboration avec Alain Exiga), Dunod, 1970. - Passeport pour l'emploi, (en collaboration avec Alain Exiga), Fayard, 1969. Il a publié de nombreux articles sur plusieurs sites et dans différentes revues spécialisées. Dans le champ de l'ingénierie pédagogique, il a réalisé des films et produit des CD pédagogiques sur le management. Il a également une expérience dans l'enseignement sur les relations sociales dans des Grandes Ecoles prestigieuses (HEC, CESA, ENST, ESCP...). Enfin, de 1987 à 1991, il a été Président du Comité d'Ethique de l'Institut Curie à Paris pour les essais thérapeutiques sur l’homme.

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