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La médiation est-elle une « méthode douce », exigeante et révolutionnaire ? Michele GUILLAUME HOFNUNG nous explique pourquoi (Partie 1/3).

Article publié par notre experte, la Professeure Michèle GUILLAUME-HOFNUNG , docteure en Droit, experte à l’UNESCO, experte à l’Union Européenne et au Conseil de l’Europe, fondatrice de  l’Institut de la Médiation Guillaume Hofnung), formatrice & consultante en médiation et en éthique et auteure de l’ouvrage « La Médiation » Que sais je ? (PUF. 8ème édition 2020).

N°9, Mars 2021

Le litige n’est plus tranché par un tiers, mais réglé par les parties elles-mêmes avec l’aide d’un tiers, le médiateur.

Il faut pour remplir de tels objectifs, partir d’une définition. Globalement, la médiation se définit comme « un processus de communication éthique reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants, dans lequel un tiers – impartial, indépendant, et neutre (sans pouvoir décisionnel ou consultatif) avec la seule autorité que lui reconnaissent les médieurs, – favorise par des entretiens confidentiels l’établissement, le rétablissement du lien social, la prévention ou le règlement de la situation en cause » (Michèle Guillaume-Hofnung, La médiation, PUF, 4ème édition, 2007).

Bien que j’en sois l’auteure, elle n’est plus ma définition personnelle puisque reprise comme référence par le rapport d’information N°3696, « La médiation un nouvel espace de justice en Europe », (présenté par Jacques Floch, député, en Février 2007 (p.16), définition de la médiation conventionnelle).

Il s’agit de décrire une méthode douce, mais exigeante car révolutionnaire. De même, je dépasserai la commande de traitre de ses limites juridiques pour m’interroger aussi sur les freins sociologiques et psychologiques à son développement.

Mid section group of young doctors in a meeting at hospital

Douce et satisfaisante dans son principe et ses effets

En ce sens, la médiation sort les acteurs d’un système binaire, celui du duel judiciaire, qui désigne un vainqueur et un vaincu. Elle permet la recherche de la compréhension réciproque, d’une issue par le haut qui grâce à son acceptabilité recevra une meilleure exécution. Cette dernière conséquence est un autre bienfait de l’autonomie/hétéronomie.

J’ajouterais que plus encore qu’une méthode douce, c’est un processus satisfaisant.

En effet, elle n’est pas une procédure mais un processus :

Elle repose sur le principe cardinal du consensualisme

En effet, parce qu’il préside à la création du lien contractuel, il doit prévaloir dans sa gestion intelligente. Les partenaires sont libres d’y recourir, la solution ne leur sera pas imposée par un acte d’autorité qui tranche ;

  • Qui privilégie la capacité des acteurs à s’entendre, à tous les sens du terme, y compris à s’écouter, au lieu d’officialiser bruyamment un échec relationnel et commercial. Dans le milieu professionnel, qui ne se renouvelle pas si vite et où de toutes façons, les réputations se colportent, même le vainqueur du procès perdra en réputation. Est-il chicanier, prépare-t-il mal ses contrats, ses opérations, choisit-il mal ses collaborateurs, ses partenaires ?
  • Qui cherche l’arrangement et dévoile des qualités humaines insoupçonnées ;
  • Qui remet les acteurs en capacité d’évaluer lucidement les intérêts mutuels au lieu de se laisser aveugler par l’exacerbation des oppositions que provoque le duel judiciaire. Un exemple suffira à établir cette logique d’escalade, vous le connaissez, il résulte de la nécessité de se protéger dès le début du procès par la saisie conservatoire du compte bancaire de l’adversaire. Elle va consommer définitivement la rupture avec un compagnon de route professionnelle, dont c’est peut-être le premier faux pas. Autre facteur de liberté, le choix du moment de la médiation, qui permet d’échapper à la violence du moment choisi par le calendrier juridictionnel, et la liberté d’en sortir.

C’est une méthode qui est avant tout un processus de communication éthique

La médiation repose sur la confiance dans la capacité de chaque acteur, et travaille sur le lien plutôt que sur les failles.

Il y a une réelle éthique de la médiation. La médiation est passeuse de compréhension. Le médiateur, neutre, n’ajoute rien au message de chaque partenaire, il facilite leur ajustement, permet les déplacements nécessaires à la rencontre.

Elle mobilise 

L’éthique de la communication

Fondamentalement, la communication suppose la reconnaissance de l’autre. L’émission du message n’a de sens que si l’émetteur reconnaît une valeur symétrique au récepteur.

La communication est trop souvent une émission unilatérale efficace, qui ne se préoccupe du récepteur-objet que pour s’assurer d’un enregistrement sans déperdition du message émis, elle instrumentalise. L’émetteur en « communiquant » ne cherche qu’à accroître sa puissance.

La médiation implique la reconnaissance mutuelle et l’autonomie des partenaires. Le médiateur garantit l’éthique de la communication. Alors qu’on peut imposer un jugement à une personne qui nie toute légitimité au juge, et à travers lui aux victimes que le jugement va reconnaître (c’est la posture de la plupart des criminels contre l’humanité), le processus de médiation requiert la reconnaissance de l’autre.

Dans la lutte pour la reconnaissance et l’économie du don (Journée de la philosophie à l’Unesco, 21 Novembre 2002), Ricoeur permet de mesurer le potentiel de conflictualité de l’absence de reconnaissance mutuelle.

L’éthique de la discussion :

Ce fondement de la médiation est beaucoup moins restreint que le conflit en tant que fondement de la médiation. Il peut y avoir médiation sans conflit, par nécessité de dialogue, par humanité. La médiation se réfère donc à Habermas qui fait une large place à « l’éthique de la discussion » et refuse de l’opposer à l’autorité, car la discussion n’affaiblit pas l’autorité, elle peut même la rendre efficace.

La discussion repose sur la reconnaissance de la valeur de l’autre, sans conduire à nier d’éventuelles oppositions, elle ne présume pas non plus l’impossibilité d’aboutir à la dévouverte de valeur(s) commune(s) que l’absence de dialogue avait enfouie(s).  La formule « on ne peut pas discuter » est une des plus désespérantes et une des plus négatives qui soit. Mais pour la dépasser, il faut une médiation qui faite brèche et passerelle.

L’éthique de la délibération

Qu’on la prenne au sens psychologique ou éthique, la délibération sera toujours complexe. Qu’elle soit la phase de l’acte volontaire qui met en conflit et en examen les éléments psychiques de la décision, ou la mise en balance de ses éléments éthiques (Aristote, Ethique à Nicomaque, livre 3), la délibération ne peut se faire que sur la base d’une communication authentique qui requiert une médiation.

La médiation peut-elle rendre la délibération moins illusoire que ne le croit Sartre pour qui les jeux sont toujours faits (L’Etre et le Néant) ? Par essence, la médiation permet les déplacements, elle donne du jeu, justement, là où on pourrait croire que les jeux sont faits.

Elle présente deux aspects

Pour douce et satisfaisante qu’elle soit, elle présente deux aspects qu’on ne peut passer sous silence sous peine de l’édulcorer : c’est une méthode révolutionnaire et exigeante.

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C’est une méthode révolutionnaire et exigeante

On entend souvent affirmer que la médiation commerciale n’est pas si neuve ; cela n’est vrai que si on l’assimile à la conciliation ou à la négociation, aux modalités traditionnelles de recherche de solution amiables.

La médiation issue de la société civile dans les années 80, bien avant d’être « découverte » par les juristes, constitue une véritable révolution dans la manière de penser le rapport à l’autre.

Révolutionnaire

Elle opère une véritable révolution copernicienne à un double point de vue :

Elle conduit les protagonistes à se percevoir non comme pas uniquement en adversaires, mais en partenaires :

Partenaire du conflit ou de la situation difficile. La situation difficile résulte le plus souvent d’un tricotage où chacun a apporté sa part de non-dit ou de mal-dit, les malentendus ne naissent pas tous seuls ;

Partenaire de la recherche de l’issue ;

Partenaire de son application ;

Elle opère une véritable redistribution des pouvoirs :

Elle ne fonctionne que grâce au non-pouvoir du médiateur (à la différence du juge ou de l’arbitre) et le médiateur met les partenaires en situation d’égalité là où une procédure aurait pu laisser subsister des hiérarchies ou des emprises.

Doublement exigeante, de la part des médiés :

Car elle exige un comportement responsable ainsi que l’abandon de certaines habitudes de fonctionnement. Energique : la médiation demande une grande réactivité : être capable de réagir  avant que la situation ne s’envenime alors que l’évitement paraît dans un premier temps plus confortable. L’exercice de la liberté demande des efforts :

  • Respecter les partenaires
  • Respecter le processus de la part du médiateur : se former à la médiation.
  • Respecter des principes déontologiques innovants.

 

On doit regretter la désinvolture des institutions tant privées que publiques qui nomment des « médiateurs » non formés. Ces promoteurs de la médiation la discréditent gravement ; elles mettent leurs médiateurs en difficultés et font courir des risques à ceux à qui elles offrent un dispositif de médiation.

« Dans le domaine de la santé comme dans tous les secteurs ce qui manque le plus c’est la confiance, la capacité à être ensemble, à faire ensemble. Rien ne se fait sans dialogue, or le dialogue n’est pas une disposition naturelle, c’est pourquoi nous avons besoin du processus de communication éthique qu’est onto logiquement la médiation. C’est pourquoi nous avons besoin que se forment selon une méthode rigoureuse les humbles tisserands de l’intercompréhension que sont les médiateurs.
Nous en sommes loin tant pullulent les « médiateurs naturels » désignés ou auto proclamés, et par conséquent sans formation si peu. Nous en sommes loin tant les dispositifs issus de la loi sur le droit des malades du 4 mars 2002, confondant médiation et conciliation entravent le potentiel innovant de la médiation.
La réflexion-action est plus qu’urgente pour redonner à la médiation le potentiel innovant et éthique, que les pionniers des années 80 dont je fait partie, voulaient mettre à la disposition de nos sociétés. » (Pr MGH, 29/03/2021)

 

Lire la suite de cet article le mois prochain.

Nous remercions vivement la Professeure Michèle GUILLAUME-HOFNUNG , docteure en Droit, experte à l’UNESCO, experte à l’Union Européenne et au Conseil de l’Europe, fondatrice de  l’Institut de la Médiation Guillaume Hofnung), formatrice & consultante en médiation et en éthique et auteure de l’ouvrage « La Médiation » Que sais je ? (PUF. 7ème édition du 28 Janvier 2015).

Elle propose de partager son expertise juridique pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com

Biographie de l'auteure : 

Michèle GUILLAUME-HOFNUNG est Docteure en droit, Professeure émérite de droit public à l’Université Paris-Sud où elle a dirigé le Collège d’Etudes Interdisciplinaires, le Master Diplomatie & Négociation Stratégique) et le 3ème cycle de droit de la santé.
Elle a créé le diplôme « La médiation » à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas.
Elle est également Conférencière, Consultante, Formatrice et Experte en médiation et en éthique. Elle est auteure de nombreux articles et d’un ouvrage sur la « médiation » aux éditions PUF (7ème édition en 2015).
Elle est fondatrice de l’Institut de la Médiation Guillaume Hofnung (IMGH) qui propose des formations et des médiations.
Elle est aussi Directrice du CERB (Centre d’Etude et de Recherche en Santé Publique et en Bioéthique). Dans le champ de la médiation, Michèle GUILLAUME-HOFNUNG a participé à la création en 1987 de la première formation de médiation en Europe. Elle est Présidente de l’Union Professionnelle Indépendante des Médiateurs et est présidente d’honneur de l’association des médiateurs diplômés de Paris 2 Panthéon-Assa (MDPA).
Dans le domaine de l’éthique, elle a apporté sa contribution à la création en 1989 des premiers diplômes d’éthique médicale à l’Université de Paris V. Elle apporte son expertise dans la gestion des ressources humaines par la communication éthique. Michèle GUILLAUME-HOFNUNG est également Vice-présidente de l’Académie de l’éthique.
Elle a été vice-présidente du comité éthique et droits de l’Homme de la Commission Nationale française pour l’Unesco entre 1995 et 2010 (en qualité d’Experte en éthique de l’Unesco, Experte en éthique de l’Union Européenne).
Elle a participé à l’accompagnement des politiques publiques dans le domaine de la médiation auprès de plusieurs ministères et diverses organisations internationales.
Son institut de médiation l’IMGH est partenaire d‘Universités, Grandes Ecoles, entreprises, hôpitaux, collectivités territoriales, associations interculturelles.
Michèle GUILLAUME-HOFNUNG s’est impliquée depuis de nombreuses années à l’internationale sur les questions liées à la médiation à travers plusieurs missions au Conseil de l’Europe, l’Union européenne et l’Unesco.
Ouvrages de l’auteure  :
Qu’il s’agisse du Diplôme d’Université (DU) « La médiation » de l’université Panthéon-Assas Paris-2, pris comme modèle de tronc commun par le Conseil national consultatif de la médiation familiale (CNCMF), ou des enseignements que l’IMGH (Institut de la Médiation Guillaume Hofnung) assure à la demande des établissements de santé, les contenus fondamentaux demeurent.
Le socle de principes consiste à :
  • présenter, analyser et justifier la définition de la médiation, en soulignant l’importance de ses quatre fonctions et de son unité ;
  • former au processus de communication éthique, maïeutique reposant sur l’autonomie et la responsabilité des «médiés » ;
  • poser le cadre de la médiation, du respect de l’ordre public ;
  • apprendre à respecter en toutes circonstances la confidentialité qui justifie la confiance sans laquelle la médiation n’existe pas.
La formation intègre également : « un axe sociologique (évaluer les besoins, les obstacles, les contre indications), » un axe psychologique (travailler sur soi-même pour être et rester tiers, fonctionner sans pouvoir, rechercher l’impartialité, écouter, reformuler, intégrer les éléments de psychologie, d’analyse transactionnelle, de programmation neurolinguistique), »un axe juridique (connaître les règles d’ordre public, la hiérarchie des règles de droit, la déontologie ; savoir passer le relais aux professionnels du droit), »un axe pratique (jeux de rôles reprenant des situations vécues par les enseignants ou les personnes en formation).
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Professeure Michèle GUILLAUME -HOFNUNG (PhD)

Michèle GUILLAUME-HOFNUNG est Docteure en droit, Professeure émérite de droit public à l’Université Paris-Sud où elle a dirigé le Collège d’Etudes Interdisciplinaires, le Master Diplomatie & Négociation Stratégique) et le 3ème cycle de droit de la santé. Elle a créé le diplôme « La médiation » à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas. Elle est également Conférencière, Consultante, Formatrice et Experte en médiation et en éthique. Elle est auteure de nombreux articles et d’un ouvrage sur la « médiation » aux éditions PUF (7ème édition en 2015). Elle est fondatrice de l’Institut de Médiation Guillaume-Hofnung (IMGH) qui propose des formations et des médiations www.mediation-imgh.com. Elle est aussi Directrice du CERB (Centre d’Etude et de Recherche en Santé Publique et en Bioéthique). Dans le champ de la médiation, Michèle GUILLAUME-HOFNUNG a participé à la création en 1987 de la première formation de médiation en Europe. Elle est Présidente de l'Union Professionnelle Indépendante des Médiateurs et est présidente d’honneur de l’association des médiateurs diplômés de Paris 2 Panthéon-Assa (MDPA). Dans le domaine de l’éthique, elle a apporté sa contribution à la création en 1989 des premiers diplômes d’éthique médicale à l'Université de Paris V. Elle apporte son expertise dans la gestion des ressources humaines par la communication éthique. Michèle GUILLAUME-HOFNUNG est également Vice-présidente de l'Académie de l'éthique. Elle a été vice-présidente du comité éthique et droits de l'Homme de la Commission Nationale française pour l'Unesco entre 1995 et 2010 (en qualité d’Experte en éthique de l'Unesco, Experte en éthique de l'Union Européenne). Elle a participé à l’accompagnement des politiques publiques dans le domaine de la médiation auprès de plusieurs ministères et diverses organisations internationales Son institut de médiation l’IMGH est partenaire d‘Universités, Grandes Ecoles, entreprises, hôpitaux, collectivités territoriales, associations interculturelles. Michèle GUILLAUME-HOFNUNG s’est impliquée depuis de nombreuses années à l’internationale sur les questions liées à la médiation à travers plusieurs missions au Conseil de l'Europe, l’Union européenne et l’Unesco.

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