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Peut-on aller encore plus loin en télémédecine, télésoin & téléexpertise ? Le Docteur Pierre SIMON analyse la « feuille de route » post #Covid19 du Ségur de la Santé.

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N°33, Septembre 2020


 

Article publié  par notre expert, le Docteur Pierre SIMON    (Medical Doctorat, Nephrologist, Lawyer, Past-president of French Society for Telemedicine), auteur d’un ouvrage sur la Télémédecine.

 

Le Ministre de la santé et des solidarités, Olivier Véran, a adressé le 19 août 2020 au nouveau Directeur de la CNAM, Thomas Fatome, une lettre « feuille de route » dans laquelle il demande l’ouverture des négociations conventionnelles sur les pratiques de télésanté (télémédecine et télésoin) dès la fin de l’été. Le Ministre suit ainsi les conclusions du Ségur de la santé.

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Quelles sont les orientations prises dans cette « feuille de route » ?

En matière de téléconsultation, le Ministre souhaite alléger les avenants 6,7 et 8 à la Convention médicale, notamment l’obligation d’avoir rencontré en consultation présentielle le patient dans les 12 mois qui précèdent une téléconsultation. Il souhaite néanmoins conserver le lien entre le médecin traitant du territoire et les pratiques de téléconsultation, et n’autoriser la téléconsultation auprès d’un médecin exerçant « hors du territoire » que si le besoin est « légitime ». Il faudra donc que les représentants de la médecine libérale définissent avec la CNAM les situations cliniques où le besoin pour une personne d’appeler un praticien « hors du territoire » est « légitime ».

En matière de téléexpertise, le Ministre souhaite que l’accès soit élargi à l’ensemble de la population, comme l’est aujourd’hui la téléconsultation, et non plus seulement aux patients en ALD, aux résidents d’Ehpad, aux prisonniers et aux patients vivant dans des zones en sous-densité médicale. Nul doute que les niveaux de téléexpertise et leur financement seront aussi abordés.

En matière de télésoin, la lettre du Ministre reprend également les conclusions du Ségur, à savoir que les négociations conventionnelles avec les représentants des paramédicaux doivent concerner en priorité les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes et les orthoptistes.

Ces négociations conventionnelles sont essentielles au maintien des pratiques professionnelles à distance après l’épidémie à la Covid-19. Ce billet est consacré aux élargissements qui devraient conforter l’usage de la télémédecine et du télésoin dans les prochains mois.

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Comment maintenir une pratique raisonnable de la téléconsultation ?

Il semble que le nombre hebdomadaire de téléconsultations, après une lente décroissance depuis la fin du confinement et l’arrêt du remboursement des téléconsultations par téléphone, se soit stabilisé en août autour de 150 000/sem.

L’Assurance maladie, qui a communiqué ces chiffres, n’est malheureusement pas en mesure de préciser les parts relevant d’une solution SaaS (Software as a Service) mis à la disposition des médecins et des autres solutions B2B et B2C, puisque le remboursement à 100% de toute pratique de téléconsultation est maintenu jusqu’au 30 octobre. A en croire l’enquête récente du LET, les téléconsultations assurées par les entreprises de télémédecine auraient été majoritaires pendant la période de confinement. Il est probable qu’elles le soient encore aujourd’hui alors que le nombre de téléconsultations est stabilisé.

Maintenir le lien du patient avec son médecin traitant sans conditions de ressources est une marque de qualité de la médecine française qu’il ne faut pas abandonner, quoiqu’en disent certains qui voudraient que la médecine du XXIème siècle, en particulier la télémédecine, rejoigne les règles du marché.

Les outils nécessaires à la réalisation d’une téléconsultation, ce que nous appelons les services commerciaux de l’e-santé, relèvent bien des règles du marché (cf. les levées de fond successives de certains prestataires de solutions de téléconsultations pour gagner des parts de marché) et peuvent créer des valeurs et des emplois.

Cependant, les pratiques professionnelles doivent demeurer en dehors des lois du marché. Le modèle américain nous montre que la médecine dite « commerciale », fondée sur les capacités financières des citoyens américains à accéder aux soins, laisse des millions de personnes sans soin, ce qui a probablement contribué à la forte mortalité due à la Covid-19 dans ce pays ultralibéral.

La négociation conventionnelle doit porter sur les organisations de téléconsultation dans une société marquée par l’immédiateté et une mobilité professionnelle de plus en plus grande. Toutes les régions françaises ne sont pas comparables et il ne faudrait pas appliquer aux provinces les plus rurales des solutions préconisées dans les grandes métropoles, notamment en Ile de France.

Il faut certainement lever des freins inutiles, comme l’obligation pour le patient d’avoir vu en présentiel un médecin dans les 12 mois pour bénéficier ensuite d’une téléconsultation. Il faut faciliter l’accès non-programmé à un médecin si le besoin est « légitime ». L’avenant 6 avait légitimé l’accès à un autre médecin que le médecin traitant, d’une part lorsque ce dernier n’était pas disponible dans un délai compatible avec l’état de santé de la personne, d’autre part, lorsque la personne demandeuse n’avait pas encore de médecin traitant, ce qui est le cas d’un grand nombre de jeunes adultes. Ces deux situations « hors parcours » s’ajoutent à l’accès direct à 5 spécialités médicales, notamment pour les jeunes enfants.

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Il faut garantir la continuité du parcours de soin. Le territoire de santé est l’unité géographique où le parcours de soin coordonné par le médecin traitant peut être garanti, grâce à des organisations nouvelles qui contribuent à cette coordination (CPTS, PTA). C’est le bon niveau pour construire un Chemin Clinique pour les patients atteints de maladies chroniques où la collaboration pluriprofessionnelle peut être complexe à organiser, compte-tenu du nombre de professionnels de santé médicaux et paramédicaux qui interviennent dans le parcours de soin. On rappelle que le Chemin Clinique d’un patient atteint d’une maladie chronique est une façon d’évaluer le service rendu aux patients et d’améliorer les parcours et pratiques de soin pour les rendre à terme reproductibles.

Reconnaître la légitimité pour un patient d’accéder à des praticiens « hors territoire » soulève plusieurs questions auxquelles la négociation conventionnelle devra répondre. Permettre la pratique de téléconsultations programmées pour des patients atteints de maladies rares ou orphelines dont le spécialiste se trouve hors du territoire ne soulève aucune discussion. Ces téléconsultations peuvent être organisées par le médecin traitant ou par les centres de références régionaux pour maladies rares. Elles évitent aux familles (il s’agit souvent d’enfants) des déplacements coûteux.

La pratique de téléconsultations immédiates ou non programmées, généralement pour des affections aiguës bénignes, avec des praticiens « hors territoire » (plateformes de type B to B ou B to C), lorsque le médecin traitant n’est pas joignable ou que le demandeur n’a pas encore de médecin traitant ou que l’organisation territoriale n’apporte pas de solution, peut s’avérer légitime à la condition que le bénéficiaire d’une telle prestation ait ouvert un DMP pour que le compte-rendu de l’acte y soit déposé. L’ouverture d’un DMP dans les pratiques de télémédecine doit devenir obligatoire. Ainsi, l’accès immédiat à une plateforme de téléconsultation hors territoire devrait être réservé aux citoyens qui ont ouvert un DMP.

Enfin, les aspects éthiques et déontologiques de la téléconsultation ne doivent pas être oubliés dans les prochaines négociations. Le consentement préalable du patient doit être donné et s’appuyer sur une information claire et appropriée des bénéfices et des risques d’une téléconsultation. La priorité d’une téléconsultation est de rendre service au patient et pas de faciliter l’exercice professionnel d’un médecin.

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Comment développer la téléexpertise ?

L’échec du développement de la téléexpertise depuis février 2019 doit conduire les négociations conventionnelles à revoir les solutions de son développement. C’est une pratique de télémédecine trop méconnue alors qu’elle devrait être utilisée beaucoup plus souvent que la téléconsultation.

Les freins à son développement sont aujourd’hui bien identifiés. Il importe de prendre les bonnes décisions pour qu’elle puisse enfin décoller. Nous avons plusieurs fois écrit sur ce site que la limitation d’accès à une téléexpertise pour le médecin traitant était une erreur. Le Ségur de la santé a demandé qu’elle soit accessible à tous les citoyens, comme la téléconsultation. C’est une avancée, mais elle n’est pas suffisante. Le médecin traitant a besoin d’un accès libre à la téléexpertise spécialisée pour éviter la rupture dans la continuité des soins, aujourd’hui si fréquente avec les délais de rendez-vous trop longs pour des consultations spécialisées en présentiel.

Il faut également intéresser le spécialiste expert à cette pratique professionnelle en ligne. Il est vrai que la téléexpertise asynchrone permet de rémunérer un temps médical qui jusqu’à présent ne l’était pas, notamment à l’hôpital où le temps passé au téléphone avec le médecin traitant ou un autre spécialiste ne fait pas forcément partie du temps hospitalier qui doit être consacré aux patients hospitalisés. Financer la téléexpertise hospitalière doit permettre d’avoir des ressources humaines pour renforcer les équipes dans cette mission.

Pour les spécialistes de ville, la téléexpertise n’est pas forcément une consultation présentielle « perdue ». Elle permet au spécialiste de faire un premier tri de la demande et ainsi de reconnaître la nécessité ou non d’une consultation. Le spécialiste pourra alors la programmer lui-même en fonction du degré d’urgence qu’il aura évalué au cours de la téléexpertise.

Il faut probablement développer davantage la téléexpertise synchrone, au cours d’une permanence hospitalière de soins spécialisés ou dans des organisations professionnelles libérales en réseau. Il existe des cas d’usage de la téléexpertise synchrone qui peuvent éviter des venues aux urgences et des hospitalisations. Les solutions numériques pour une téléexpertise synchrone doivent répondre aux organisations professionnelles, être agiles d’usage et ergonomiques. Plusieurs prestataires s’intéressent à des solutions techniques de téléexpertise synchrone innovantes.

Enfin, la téléexpertise entre experts (3ème niveau) n’est pas aujourd’hui prise en compte par l’Assurance maladie. Dans une organisation territoriale ville-hôpital, elle doit être reconnue pour plusieurs spécialités, notamment l’anatomopathologie, l’oncologie, la cardiologie, la néphrologie, et d’autres, comme elle l’a été en 2016 pour la téléradiologie.

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Comment développer le télésoin ?

La priorité des négociations conventionnelles sera donnée au télésoin des infirmiers, des orthophonistes, des orthoptistes et des masseurs kinésithérapeutes. C’est la demande du Ségur de la santé, reprise par le Ministre. Nous ne savons pas comment le télésoin s’est développé dans ces quatre professions pendant la période épidémique. Il serait utile que l’Assurance maladie communique sur les cas d’usage du télésoin pendant l’épidémie.

Les cas d’usage du télésoin sont en fait nombreux si on en croît la liste publiée dans les différents arrêtés d’avril et mai 2020. Etablis avec les représentants de ces professions, les cas d’usage du télésoin devraient être reconduits dans les avenants conventionnels. Mais ce sera toujours au professionnel de santé d’en reconnaître la pertinence au cas par cas, comme en télémédecine.

 

En résumé, les négociations conventionnelles seront un moment important pour conforter ou développer les pratiques de télémédecine et de télésoin. A côté des aspects organisationnels et de remboursement, les autorités sanitaires et l’Assurance maladie doivent aussi s’intéresser aux aspects technologiques des pratiques en ligne. Outre l’usage d’outils qui garantisse la confidentialité des données de santé, il nous semble qu’une marge de progrès existe encore pour que tous ces services de l’e-santé, nécessaires aux pratiques de télémédecine et de télésoin, deviennent plus agiles et plus ergonomiques. C’est le message que les professionnels de santé veulent donner aux prestataires technologiques au décours de la période Covid-19.

 


 

Pierre SIMON

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Nous remercions vivement le Docteur Pierre SIMON (Medical Doctor, Nephrologist, Lawyer, Past-president of French Society for Telemedicine) , auteur d’un ouvrage sur la Télémédecine,  pour partager son expertise professionnelle pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com


Biographie du Docteur Pierre SIMON :
Son parcours : Président de la Société Française de Télémédecine (SFT-ANTEL) de janvier 2010 à novembre 2015, il a été de 2007 à 2009 Conseiller Général des Etablissements de Santé au Ministère de la santé et co-auteur du rapport sur « La place de la télémédecine dans l’organisation des soins » (novembre 2008). Il a été Praticien hospitalier néphrologue de 1974 à 2007, chef de service de néphrologie-dialyse (1974/2007), président de Commission médicale d’établissement (2001/2007) et président de conférence régionale des présidents de CME (2004/2007). Depuis 2015, consultant dans le champ de la télémédecine (blog créé en 2016 : telemedaction.org).
Sa formation : outre sa formation médicale (doctorat de médecine en 1970) et spécialisée (DES de néphrologie et d’Anesthésie-réanimation en 1975), il est également juriste de la santé (DU de responsabilité médicale en 1998, DESS de Droit médical en 2002).
Missions :accompagnement de plusieurs projets de télémédecine en France (Outre-mer) et à l’étranger (Colombie, Côte d’Ivoire).

 


ÉVÉNEMENT A NE PAS MANQUER 

(en présentiel et en visioconférence)

?Intervention du Ministre Olivier VERAN , Ministère des solidarités et de la santé
?Intervention de la Ministre Frédérique VIDAL Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la recherche et de l’innovation.

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FESTIVAL DE LA COMMUNICATION SANTE Visuel ManagerSante MAJ 01 08 2019 Version 5

Docteur Pierre SIMON

Medical Doctor, Nephrologist, Lawyer, Past-president of French Society for Telemedicine, Past-CGES French Ministry of Health Praticien Hospitalier en néphrologie pendant près de 35 ans, il s'est intéressé a la Télémédecine des le milieu des années 90 en développant une application de Télémédecine en dialyse, devenue opérationnelle en 2001. Cette application a été évaluée par la HAS en 2008-2009 (recommandations publiées en janvier 2010). Après avoir co/signe le rapport ministériel sur "La place de la Télémédecine dans l'organisation des soins", avec Dominique Acker lorsqu'il était Conseiller Général des Etablissements de Sante (2007-2009), il a été, de janvier 2010 à décembre 2015, président de la SFT-ANTEL Société savante de Télémédecine, qui regroupe plus de 400 professionnels de santé, médecins et non médecins ( infirmiers, pharmaciens, etc.). et dont l'objet est de promouvoir et soutenir les organisations nouvelles de soins structurées par la Télémédecine, apportant la preuve d'un service médical rendu aux patients. La SFT-ANTEL organise chaque année un Congres européen de Télémédecine et a crée un journal de recherche clinique en Télémédecine ( Européan Research in Télémédecine) publie par Elsevier.

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