N°3, Avril 2017
Le burn out est encore trop souvent vécu comme un drame de l’insuffisance individuelle, alors qu’il relève d’une pathologie sociale, sinon même de civilisation.
Une frénésie s’est emparée de notre époque et donc aussi du monde du travail. Nous vivons clairement au-dessus de nos moyens individuels physiques et psychologiques, au dessus des moyens de notre planète Terre…
Jusqu’alors, tous les outils fabriqués par l’homme avaient toujours visé le prolongement de nos capacités musculaires, sensorielles, intellectuelles : voir plus loin que nos yeux ne le peuvent, entendre plus loin que nos oreilles, atteindre plus loin que la longueur de nos bras, inventer des machines à calcul plus rapide que notre cerveau…
Mais avec les nouvelles technologies, nous avons trouvé nos maîtres ! Nos outils nous ont kidnappé en retour et nous imposent leurs exploits : plus vite, toujours plus vite, en tout cas plus vite que la vitesse que le corps humain peut supporter et surtout maintenant, tout de suite, quand ce n’est pas pour avant-hier !
La fascination que ces outils exercent, leur emprise sur nos vies privées et professionnelles, sont sans égal.
Ah, ces restaurants aux clients rivés sur leur Smartphone, ces enfants scotchés à leurs jeux vidéo assis au milieu de jeux réels désaffectés, ces salariés branchés jour et nuit à l’intranet de leur entreprise !
Nous voilà tous hyper connectés dans tous les secteurs de notre vie, au travail aussi, la frontière entre notre vie privée et notre vie professionnelle étant du coup devenue totalement poreuse, si ce n’est même invisible.
Le rythme des machines électroniques est devenu un voleur de vie.
Du côté du travail, vous l’avez compris, celui qui réussit désormais n’est pas le plus intelligent ou le plus fort physiquement mais le plus rapide !
Pour satisfaire une insatiable productivité, le rythme de travail s’est intensifié au-delà des limites du corps et du psychisme humain et nous vivons une vie d’athlètes de la quantité, sans répit, sans repos, prisonniers d’un train qui roule si vite que ceux qui sont dedans ne savent plus comment en descendre et ceux qui, au chômage, le voit passer, ne savent comment y monter.
Voici la rançon de la nouvelle économie de marché.
La propagation du syndrome d’épuisement professionnel et la sur-utilisation de la notion de burn-out ne doivent donc rien au hasard.
Reflets des excès de l’époque, cet envahissement a des effets positifs et négatifs :
Positifs car on n’a jamais autant parlé des pathologies psychiques liées au travail même si, tout en en parlant, rien n’est vraiment fait du côté des organisations du travail pour en prévenir les effets toxiques sur la santé.
Négatifs car on en parle uniquement sous l’angle du burn-out, en voilant les autres maladies psychiques liées au travail dont les tableaux sont bien connus, bien sûr plus scientifiques mais pas incompréhensibles pour le commun des mortels.
On ne rend donc pas service à celui qui travaille en voulant à tout prix faire rentrer sa souffrance dans la partie étroite de l’entonnoir burn-out .
Pour éviter de faire un burn-out, il ne s’agira donc pas simplement de vous donner des conseils d’hygiène de vie, que vous suivrez peu de temps, ou des recettes psychologiques, qui ne tiendront pas dans le temps mais plutôt de faire de vous un travailleur averti, que vous soyez salarié, fonctionnaire, chef d’entreprise, cadre, en libéral…
Posez vous déjà toutes ces questions en cliquant-ci sur ce QUESTIONNAIRE et testez votre situation personnelle maintenant, en cliquant-ci dessous :
Nous remercions vivement notre spécialiste, Marie PEZE, psychanalyste et docteur en psychologie, ancien expert judiciaire (2002-2014), est l’initiatrice de la première consultation « Souffrance au travail » au centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre en 1996. À la tête du réseau des consultations Souffrance et Travail, ouvert en 2009 le site internet Souffrance et Travail, pour partager son expertise en proposant sa Rubrique mensuelle, pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com
2 Responses
Bonjour,
Merci pour cet article, étant moi même chef d’entreprise, je suis très soucieux du bien être de mes salariés. Je pense en effet, qu’il important de faire « déconnecter » les salariés en dehors de leur heures de travail. J’ai notamment bloqué pris en charge de bloquer les messageries et tchat au dela d’une certaine heure.
La productivité passe également par un repos de l’esprit en dehors des heures de travail.
Merci Marie pour cet article. Je partage votre analyse : il s’agit bien d’un problème de civilisation. Le pire, c’est que nous participons parfois à faire notre propre malheur, en proposant nous même d’aller encore plus vite. Nicole Aubert évoque aussi ces questions de pathologies de l’urgence.
Sur la question des « mots pour dire la souffrance », il y a un vrai travail socio-historique à faire : les médecins, les thérapeutes, les consultants, les intervenants, remarquent que les personnes s’approprient très vite (encore la vitesse !) les termes qui font débat ou problème : victimes de violences il y a quelques années, harcelées plus récemment et maintenant (de nouveau devrait-on dire), en épuisement professionnel…
Et l’on est sans doute – avec le développement exponentiel du numérique – qu’au début d’un processus que personne ne peut prétendre contrôler.
Mais comment faire prendre conscience du danger alors que la vitesse nous grise ?