Article rédigé par Brigitte BOUSSUAT, experte de l’accompagnement au changement, dans un monde complexe et accéléré, elle est la créatrice de la méthode « 4Colors » et « Funny Learning », une méthode pédagogique opérationnelle et addictive basée sur la neuropédagogie.
Elle est Co-auteure de plusieurs ouvrages autour des soft skills appliquées aux métiers dont celui intitulé « Manager par les couleurs » aux éditions Dunod, (3ème Edition) faisant l’objet de cet article.
Elle anime également, chaque année depuis 14 ans, le FIP, festival de l’innovation pédagogique et la communauté de 850 consultants du réseau Know-futures.
Au-delà du diagnostic de notre système de santé, peut-être plus malade que les patients eux-mêmes, il convient de revenir sur quelques causes : financiarisation, obsession des chiffres, exigence des résultats, optimisation du temps de travail, complexité des normes et des process, ont souvent renforcé la bureaucratie et ses procédures rigides, au détriment des l’humains qui y participent.
Parmi eux, les managers intermédiaires ou de proximité ou font partie des populations les plus touchées[1] par les risques psychosociaux, tenaillés entre des objectifs débarqués d’en haut, des moyens et des marges de manœuvre qui se réduisent comme peau de chagrin. L’absentéisme[2], la perte d’attractivité, et les difficultés de recrutement en sont les conséquences visibles qui engagent des surcouts durables.
La boussole Disc 4Colors®
La boussole Disc 4Colors®, basée sur les travaux de W.M Marston, permet un repérage macro et systémique des tendances et décisions prises au cours de 20 dernières années concernant notre système de santé. En effet, nous avons navigué exclusivement au Nord mariant le scientifique à la finance, dans l’univers factuel des chiffres et des organisations optimisées, en oubliant le facteur humain. La pensée analytique et cartésienne a régné, découpant les disciplines de plus en plus pointues, les services et jusqu’aux patients. « La hanche de la 15, le genou de la 12… ».
Loin d’opposer cette approche à celle au Sud, de la boussole, plus humaine, il est temps de les marier afin de retrouver une approche plus globale. Nul doute qu’il faudra bien colmater les brèches et réattribuer les ressources suffisantes pour revoir l’organisation de l’offre de santé en créant un écosystème plus humain qui permettra de replacer les patients comme les soignants, au cœur des réflexions. Il est grand temps comme l’évoquent l’OMS et l’OIT, d’inviter les soignants à prendre soin d’eux-mêmes pour prendre soin des autres ! Ainsi, faire cap au Sud, avec la boussole Disc 4Colors vise à s’ouvrir la relation patient tout autant qu’aux inter relations des personnels de santé.
Les soft-skills peuvent rapporter gros…
L’expertise métier (hard skills) n’est pas suffisante pour générer de la cohésion et de l’engagement au sein des équipes soignantes et générer de l’adaptabilité face aux changements.
Une étude de juin 2023 du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po rapporte qu’un euro investi en qualité du management en rapporte quatre en moyenne, en surcroît de productivité. Pour tenter de convaincre les adeptes des chiffres, les dysfonctionnements managériaux sont ainsi évalués entre 10 000 à 20 000 euros par personne et par an au niveau des organisations…
Dans les périodes de grande mutation, il est nécessaire de reconsidérer les modes d’organisation du travail pour transformer radicalement les rôles, les postures et les pratiques. Placer l’humain au centre de toutes les démarches de transformation vise à restaurer aux acteurs opérationnels la légitimité de prendre leurs propres décisions et de s’autoréguler.
La formation des professionnels et managers en santé est une priorité pour développer l’implication de chacun dans des ré-organisations intelligentes comme nous l’évoquons dans les livres « Lean management avec les couleurs » ou « Manager avec les couleurs ». Il est question d’encourager l’autonomie, le bien-être et le plaisir au travail et la mobilisation efficace des compétences des salariés.
La porte de ce changement de paradigme est la connaissance de soi qui permet de comprendre son propre regard, ses habitudes, ses biais, ses ressources et au final, sa personnalité.
Elle permet de gagner en confiance en soi et dans en son équipe. Ainsi le manager peut trouver ce difficile équilibre entre l’empathie et l’assertivité.
Ainsi ne plus décider à la place des autres, permet de faire grandir les collaborateurs et d’initier un environnement capacitant et motivant. Se libérer des injonctions « sois fort », sois parfait », oser demander de l’aider et exprimer ses ressentis est une navigation au long cours…
Comprendre ses propres schémas comportementaux permet de ne plus exiger des autres qu’ils vous ressemblent. C’est la clé pour fédérer une équipe diverse dans laquelle chacun apporte sa singularité.
C’est sur ce socle de confiance en soi que se construit aussi la remise en question, l’adaptabilité et la résilience indispensable dans ce monde en mutation.
Réussir à changer ses habitudes, sortir de sa zone de confort et accompagner les changements nécessite de comprendre les leviers motivationnels de chacun et de lever les résistances naturelles.
Au cœur de l’exploration de notre zone d’inconfort et d’apprentissage, les émotions nous gouvernent. Qu’elles soient agréables à vivre (joie, extase, confiance, sérénité) ou moins agréables (colère, peur, tristesse, dégoût), elles conditionnent notre adaptation et doivent toutes être accueillies positivement.
Il est ainsi question de ne pas les mettre de côté, ou les nier, mais apprendre à les gérer : face aux incivilités, les outils tels que la boussole des émotions, apporte des clés pour gérer concrètement ces nouvelles situations avec assertivité.
S’adapter mais sans excès :
Les profils de personnalité 4Colors décrivent les différentes tendances qui composent votre style naturel mais aussi vos stratégies d’adaptation. Repérer les tensions paradoxales, comme chercher à faire parfait, tout en accélérant, permet de réduire les dilemmes que génèrent ces injonctions auto administrées. Ils pointent aussi les sur-adaptations qui apportent des indicateurs prédictifs des risques psycho-sociaux. Car s’adapter c’est bien, à condition de ne pas jouer, trop ou trop longtemps les contorsionnistes…
Le stress n’est pas une fatalité mais il se propage aussi bien qu’un virus… Un manager stressé peut faire partir toute son équipe en vrille… Savoir lâcher prise, dire non, demander de l’aide sont autant de solutions qui permettent de changer d’angle et de décider du regard que l’on décide (ou pas) de porter sur ces réalités. Elles représentent une nécessité urgente pour échapper à l’épuisement, au burn out et à la désaffection latente envers les métiers de la santé…
Le besoin est criant : D’ailleurs, une récente enquête relève que 57% des hommes et 65% des femmes souhaitent bénéficier d’un soutien en matière de gestion du stress. Et ce n’est pas en 2 jours de formation que le problème se règle… Nos habitudes sont tenaces. Il est nécessaire d’étirer d’accompagner sur un temps étiré, idéalement une équipe entière qui se soutiendra plutôt qu’un individu isolé.
Conseils pour passer de la zone d’inconfort à la zone d’apprentissage
Enfin, en équilibre sur votre socle de personnalité, en plein accès de vos ressources, il est possible de travailler sur votre zone d’inconfort, génératrice de stress. Cela permet de trouver des clefs de réussite tant pour gérer de nouvelles situations que pour communiquer avec agilité et efficience.
Votre style opposé caractérise les situations difficiles pour vous ou les personnes avec lesquelles vous n’êtes pas à l’aise. C’est un peu le caillou dans votre chaussure. Au final, à force d’éviter cette zone d’inconfort, elle devient parfois, votre zone d’incompétence…
Cela pourrait par exemple vous permettre de trouver des clefs de réussite tant pour gérer de nouvelles situations que de travailler avec des collaborateurs qui ne soient pas juste des clones de vous-même ou de savoir gérer des situations inconfortables !
Votre style opposé est symbolisé dans le profil DISC-4Colors par 4 couleurs qui peuvent s’exprimer en fonction des personnes ou de situations. C’est la démarche qui vous permettra d’ajouter de nouvelles couleurs à votre palette et de faire de ce style opposé un style complémentaire.
Le rouge opposé, entraine une aversion envers les personnes perçues comme confrontantes, agressives ou qui mettent la pression. Avoir à trancher, décider rapidement sous la pression ou faire preuve d’assertivité face au risque d’un conflit peut vous sembler difficile.
En jaune opposé, vous pourriez avoir du mal à supporter des personnes perçues comme volubiles, enthousiastes et trop optimistes, tandis que les réunions d’échange, les temps informels et la communication spontanée peuvent vous agacer.
En vert opposé, vous pourriez difficilement supporter les personnes qui ne vont pas à votre vitesse qui doutent ou n’osent s’exprimer. Écouter, rester en place ou même anticiper pourrait vous sembler inutile tant c’est un supplice.
En bleu opposé, il est possible que certaines personnes froides, rigides et accrochées aux règles vous agacent. L’analyse de situations complexes nécessitant du recul, la prise en compte des contraintes et des risques pourrait aussi vous rebuter.
Prendre conscience de son propre style opposé et de ses propres limites, c’est comprendre que chacun est différent : vos interlocuteurs n’ont ni vos qualités, ni vos défauts, donc appréciez-les pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils ne sont pas. Vous ne communiquerez efficacement avec eux qu’à cette condition.
Avez-vous déjà remarqué que forcer votre interlocuteur à agir et penser comme vous, entraine tout le contraire et qu’il peut se braquer ? On appelle cela la réactance, un mécanisme de défense psychologique mis en œuvre par un individu qui tente de maintenir sa liberté d’action lorsqu’il la croit ôtée ou menacée.
Pour éviter de tomber dans ce piège, laissez votre interlocuteur exprimer sa couleur, vous révélerez ainsi ses qualités et favoriserez une communication efficace. A l’inverse, en tentant de minimiser ou nier son style comportemental, vous ne ferez que le renforcer et obtiendrez l’effet inverse de celui espéré !
En synthèse, plus vous irez dans leur sens, dans leur couleur, plus ils vous considéreront comme une personne « normale », facile à appréhender puisque parlant le même langage.
Car au final, nous sommes responsables de la communication que nous produisons et du résultat que nous obtenons !
En acceptant la couleur de l’autre, en la nourrissant, nous engageons une communication positive.
Ainsi le style opposé devient un style complémentaire, permettant par exemple de s’entourer de ceux qui ne nous ressemblent pas, de s’enrichir de leur vision et de leur comportement.
Il est ainsi question de rendre les professionnels de santé acteurs de leur propre santé et acteurs de leur écosystème en libérant ici et là, les initiatives et les projets. C’est à cette condition que les patients eux-mêmes seront acteurs de leur propre santé améliorant au passage leur observance…
Notes :
Pour aller plus loin :
