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Comment renforcer le « plaisir au travail » en établissement de santé ? Franck PAGNY propose 4 conseils utiles.

Nouvel article proposé par Franck PAGNY, « facilitateur du plaisir au travail », créateur du cabinet de conseil « Vivement Lundi », conférencier,  animateur de séminaires en intelligence collective et  praticien certifié Appréciative Inquiry (IFAI). Diplômé de Sciences Po Paris et d’un parcours en entreprise puis dans un cabinet de conseil, il accompagne aujourd’hui des établissements de santé publics et privés et des entreprises

Il est auteur de l’ouvrage « Vivement lundi ! 10 séances d’auto-coaching pour manager avec plaisir » (2022) dont cet article est un extrait publié pour ManagerSante.com avec l’aimable autorisation de son auteur.

Il intervient également à l’ANCIM ainsi que  pour l’association Soins aux Professionnels de Santé et à  la maison des soignants.

Comment renforcer le « plaisir au travail » en établissement de santé ?

Mais c’est impossible ! N’y pensez même pas. Avec nos horaires, la charge de travail et le manque de moyens, de ressources, c’est une utopie. Pourtant j’ai rencontré des équipes, des services où le personnel éprouve réellement du plaisir dans son travail. Ce sont des infirmières des cadres, des aides-soignantes des médecins des techniciens de la maintenance ou de l’informatique et des cadres supérieurs. Mais comment font-ils ?

Quelles sont leurs solutions que vous pourriez exploiter ? C’est l’intention de cet article.

Vous souhaitez trouver, retrouver ou diffuser du plaisir au travail alors vous êtes au bon endroit. Avant de commencer partageons 4 principes fondamentaux. Ils sont issus de mes observations réalisées lors de mes missions :

  • Chacun peut à son niveau agir et avoir un rôle à jouer pour développer le plaisir au travail autour de lui. La bonne question à se poser est : qu’est ce qui ne dépend que de moi pour le faire ?
  • Placez votre énergie, votre temps là où c’est utile et où vous pouvez produire un effet rapidement.
  • Commencez par des petits pas. Des actions locales, des mots des gestes.
  • Réfléchissez à plusieurs avec une diversité des métiers, des statuts pour imaginer des actions ambitieuses, audacieuses et efficientes.

Voyons maintenant 4 leviers qui vont développer le plaisir au travail dans vos équipes. ue fois que l’on en donne.

1er Conseil : Apporter de l’énergie autour de vous

Qui n’a pas besoin de plus d’énergie actuellement dans son travail ?

2 actions sont faciles à réaliser et produisent immanquablement des effets. Il s’agit de développer la reconnaissance et de partir à la chasse aux irritants.

Une culture de la reconnaissance

Lors de mes missions dans des établissements, publics ou privés j’ai rencontré des personnes très investies. Parfois trop. Le souci n’est pas dans l’engagement qui est largement au-dessus de la moyenne. Le problème réside dans le manque de reconnaissance de cet engagement, des efforts consentis et des résultats obtenus. Des études (Malakoff Médéric) démontrent que 42% des salariés en France ne se sentent pas assez reconnus. Dans les établissements de santé c’est 100% ! Alors je préconise de développer une culture de la reconnaissance. En effet, la reconnaissance émise par des personnes qui comptent à vos yeux est un apport d’énergie incroyable. Cela commence simplement par un : « merci pour hier tu m’as vraiment aidé ! » Ou lors d’une réunion de l’équipe le matin : « Voilà, je sais que depuis un mois vous faites des efforts, on manque de personnel, mais chacun a su réagir et je vous suis sincèrement reconnaissant. ». Mais attention, la reconnaissance doit être authentique et reposer sur des faits. Elle doit être gratuite. On n’attend rien en retour.  Immédiate. Il ne s’agit par d’attendre les entretiens annuels pour le faire. C’est le jour même où le lendemain. Et enfin la reconnaissance est sincère. Le but est de donner de l’énergie pas d’en prendre. La reconnaissance n’est pas uniquement descendante du cadre vers un N-1. Elle fonctionne aussi entre collègues et même envers son N+1. Ces derniers ont vraiment un métier difficile, faisant sans cesse le grand écart, trouvant des solutions, et font preuve d’une agilité incroyable. Ils sont trop rarement reconnus pour cela.

Ensuite, la reconnaissance peut être réalisée envers soi-même. Pour cela je vous propose de prendre un moment pour vous, chaque jour, en fin de journée posez-vous. Et identifiez vos efforts et vos réussites, vos kiffs. Notez-les sur un post-it ou sur un cahier. Et relisez-les de temps en temps. Ça fait un bien fou !

Pour aller plus loin, dans un établissement nous avons mis en place l’arbre à mercis. C’est un arbre dessiné sous forme de sticker et collé au mur. Chacun peut venir y coller un post-it pour dire merci à un collègue… et venir lire de temps en temps les feuilles de l’arbre.

La chasse aux irritants est ouverte !

Les irritants sont comme les cailloux dans la chaussure. Ils n’empêchent pas de marcher mais ils usent. Ils fatiguent et consomment inutilement beaucoup d’énergie. Les réduire est une mission de santé publique ! Il y a 3 sortes d’irritants. Les irritants comportementaux, les irritants matériels et les irritants organisationnels Prenons des exemples vécus !

  • L’imprimante de l’étage n’est pas paramétrée et l’infirmière doit descendre au 1er pour récupérer mes photocopies… Perte de temps, risque de chute !
  • Une personne, cadre supérieur, médecin, spécialiste, arrive dans le service et ne dit pas bonjour. Manque de considération inutile alors qu’un « bonjour, ça va ? ne coute rien.
  • Les piles du saturomètre sont usées et il faut demander l’autorisation…Nous n’en avons pas en stock. On ne nous fait pas confiance ! Perte de temps inutile.
  • Les infirmières n’ont pas assez de tenues. Elles les lavent à domicile. Ou elles font un stock caché. Risque hygiénique évident
  • Le cadre arrive et commence systématiquement la journée par des piques. C’est pour plaisanter dit-il ! Elles blessent inutilement et il ne le sait pas.
  • Le médecin d’astreinte doit aller dans un établissement à 30 min de route 2 fois dans la même journée : 2 heures de perdues.

La démarche de chasse aux irritants consiste d’abord à identifier ces irritants. Puis à les classer dans les 3 catégories. Ensuite et collectivement, vous allez chercher à les éliminer ou à les réduire. Il s’agit de commencer par les plus faciles. Ceux qui ne demandent ni budget ni autorisations, ceux qui ne dépendent que de vous. Le plaisir au travail commence souvent par un « Bonjour, s’il vous plait et se termine par un merci. » Les règles de la courtoisie ne s’arrêtent pas à la porte du service !  Attention tout n’est pas possible. Pas tout de suite. Inutile de consacrer du temps et de l’énergie sur des irritants sans solution. Ici il faut focaliser son énergie sur ce qui ne dépend que de nous.r à chaq

2ème Conseil : Renforcer la proximité et le dialogue

Un hôpital, ou une clinique est comme un village. Ou une ville ! Je pense à Lyon Sud. On emprunte des rues, des chemins, on cherche une place de parking. Ça court, ça vit jour et nuit. De nombreux métiers se croisent : un technicien informatique croise un chirurgien, il va prendre un café et croise une jeune ASH qui démarre ce matin. Un DRH passe dans le couloir. Et chacun a besoin de l’autre. Médecins, personnel technique, admins, soignants. Chacun besoin de l’autre. Pourtant ce monde est trop souvent cloisonné voire condescendant. La proximité et le dialogue permettent de développer le lien social et donc le plaisir au travail. L’idée ici est de renforcer la proximité et le dialogue entre ces professions qui se croisent et ne se parlent pas assez. Pour cela vous pouvez provoquer des  rencontres afin que chacun explique ce qu’il fait, ses contraintes, ses doutes, ses attentes. Mais comment faire ?

Voici quelques pistes :

  • C’est le café sans filtre.

Vous pouvez proposer d’organiser des temps de dialogue entre métiers, entre services. Chacun vient prendre un café et parle de son métier, pas de présentation top down. Juste un dialogue sincère. Pas de jugement ou de critique. L’intention est juste de commencer par mieux se connaitre dans le village.

  • Les causeries du jeudi

Ensuite, des cercles de dialogues peuvent être ritualisés. Chaque premier jeudi du mois, une causerie est organisée. Vient qui veut. Mais je préconise de chercher la diversité, des services, des statuts, des métiers. Les fonctions supports peuvent être invitées. On prend le temps de causer, se parler. Vous pouvez donner un thème comme : les bonnes nouvelles du mois, les plannings sans douleur, l’accueil et la présentation des nouveaux arrivants.

  • Le Lunch Meeting. (Devine avec qui j’ai déjeuné ?)

Ce midi chacun tire au sort un numéro de table. Et se retrouve donc avec des inconnus. Vous avez préparé un quizz avec des questions plus ou moins sérieuses sur l’établissement. Il n’y a rien à gagner, juste mieux se connaitre et passer un bon moment qui change de la routine.

  • La démarche appréciative

Pour aller plus loin et lancer un projet fédérateur, favoriser le dialogue, décloisonner et rapprocher, la démarche appréciative est très intéressante. Elle repose sur le partage et les expériences réussies. Elle embarque les participants dans une démarche positive orientée vers le futur et non axée vers les manques, les problèmes et les erreurs du passé. Plusieurs établissements (APHM, Alès, Perpignan) ou le CHU de Montpellier ont engagé avec succès cette démarche.

3ème Conseil : S’écouter et se parler vraiment

Le plaisir au travail peut aussi être aussi favorisé par des actions individuelles, par un comportement approprié. L’écoute sincère et centrée sur l’autre, c’est-à-dire allocentrée est et non égocentrée est un levier puissant et facile à mettre en œuvre. Elle est complémentaire de la proximité présentée précédemment. Vous pouvez écouter pour répondre ou écouter pour comprendre et pour apprendre. Et c’est là toute la nuance !

Je préconise d’utiliser quelques techniques efficaces.

Et cette écoute commence par des questions riches :  

  • De quoi as-tu besoin pour ?
  • Comment puis-je t’aider ?
  • Quelles sont d’après toi les solutions possibles ? Que proposes-tu ?
  • Qu’est ce qui ne dépend que de toi ou de nous pour y arriver ?

Vient ensuite l’écoute allocentrée, on écoute sans intervenir, sans faire de supposition et sans préparer dans sa tête sa remarque, sa question. Comptez 15 secondes avant d’intervenir. Face à un problème la bonne question n’est pas : « Pourquoi ? ou « Qui a fait cette erreur ? » Mais comment peut-on … résoudre le problème et éviter qu’il ne se reproduise ?

Vous pouvez caler dans votre agenda avec la personne concernée un temps d’écoute de 15 à 30 minutes. Cela dans un lieu propice et au calme. Le temps passé à dialoguer se retrouvera très vite dans l’ambiance, dans les relations et la qualité des services et dans le sourire de la personne quand elle vous recroisera. Ce sera une conversation qui compte. J’ai constaté que les personnels de santé ne se parlent pas assez. Il se croisent mais n’ont pas assez d’occasions pour s’écouter.

4ème Conseil : Faciliter les changements

Les changements sont très fréquents dans les établissements. Qu’il s’agisse d’un changement d’organisation, de logiciel, de bureaux, ou d’un nouveau cadre ou dirigeant, ils provoquent des interrogations, suscitent des craintes, des doutes et se traduisent par des tensions et des résistances. Voici quelques pistes pour faciliter l’adhésion, mieux, provoquer du plaisir dans ces changements.  

  • Rappeler le sens du changement

Quelles sont les raisons de ce changement ? Pourquoi est-il nécessaire ? Les changements sont trop souvent décrétés, subis sans explications. Il y a pourtant en amont une bonne raison qui a prévalu à ce changement. Elle a peut-être été perdue de vue. Pourquoi avons-nous décidé ce changement ?

  • Rendre le futur désirable :

Ensuite, plutôt que de se focaliser sur des détails techniques ou de procédure, voyons ce que nous allons y gagner. Allons chercher des gains de temps, de conforts, de sécurité, de moyens, d’énergie. D’autres services, établissements de la région ont peut-être déjà vécu le même changement. Allez les interroger pour partager leurs expériences.

  • Donner le pouvoir d’agir :

Avant que le projet ne soit lancé, identifiez les zones, les périmètres sur lesquels les personnes impactées par le changement vont pouvoir agir, proposer des alternatives. Si elles ont le pouvoir d’agir, elles seront plus impliquées dans le changement.

  • Célébrer les étapes :

Un changement connait un début un milieu et une fin mais aussi de multiples étapes intermédiaires. Trop souvent négligées ces petits pas, ces petits succès obtenus doivent être célébrés. Il ne s’agit pas de faire une grand-messe mais juste de marquer l’étape franchie. C’est l’occasion de faire preuve de reconnaissance, de proximité et de rassembler les personnes concernées. Cela rassure et permet de cranter le projet.

  • Commencer les réunions par les bonnes nouvelles :

J’ai assisté à des réunions de projet démoralisantes. Elles commençaient par les problèmes les retards les bugs. Tout le monde en prenait pour son grade ! Par la suite, nous avons commencé les réunions par les succès obtenus par les avancées. L’ambiance et l’efficacité des réunions suivantes ont été décuplées.

Conclusion :

Des personnes formidables, des magiciens !

Le personnel dans les établissements de santé est assurément le plus ingénieux le plus agile le plus innovant que j’ai jamais rencontré. Chacun a développé une capacité incroyable à se débrouiller avec les moyens du bord. La preuve me disait une infirmière : « malgré la crise, on a tenu ! » J’aime beaucoup cette expression. Ce sont des magiciens qui arrivent avec trois fois rien à se débrouiller. Je crois que vous pouvez célébrer cela. Alors bien sûr il y a des manques (personnels, moyens, ressources) et des tensions réelles. Mais en agissant à son niveau chacun peut être acteur pour développer le plaisir au travail et n’oubliez pas que le plaisir au travail a la faculté de se démultiplie

Pour aller plus loin :

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