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Comment prendre une bonne décision managériale ? Olivier ZARA nous présente un processus avec la pyramide des 4 décideurs.

Nouvel article proposé  par Olivier ZARA, consultant en management et pionnier du management de l’intelligence collective.

Il est également auteur de nombreux ouvrages, dont celui  intitulé « L’excellence décisionnelle : la clé du succès dans l’excellence opérationnelle » (2020) dont cet article est un extrait publié pour ManagerSante.com avec l’aimable autorisation de son auteur.

Olivier ZARA intervient régulièrement pour plusieurs écoles : HEC Paris Executive Education, Pôle Universitaire Léonard De Vinci, ESCP Europe, Centre de formation au management du ministère des armées dans le cadre d’Executive MBA, ateliers ou formations Intra sur les thèmes de l’excellence décisionnelle (intelligence collective) et du management hybride.

N’ayez pas peur ! Cet article n’est pas destiné à montrer que les décideurs auraient des troubles de la personnalité multiple ou trouble dissociatif de l’identité. Cependant, vous pensez probablement être une personne et par conséquent être un seul et unique décideur. Si vous êtes manager et expert (la norme dans la plupart des organisations), vous êtes en réalité 4 décideurs (un décideur-expert et trois décideurs-managers) et votre corps de décideur peut se représenter sous forme d’une pyramide :

Vous avez un problème et, en discutant avec vos collègues, vous découvrez une solution mise en œuvre avec succès il y a quelques mois. Il vous suffit donc de reprendre la solution et de l’ajuster. Chaque année, vous devez prendre une décision sur les objectifs à fixer à vos collaborateurs. Vous prenez les objectifs de l’an dernier et vous négociez les nouveaux objectifs sur cette base. 

  • Vous êtes un décideur-manager du simple : l’organisation a déjà traité ce problème, vous reprenez la solution et vous l’ajustez. Vous n’avez pas besoin de réfléchir, de vous poser des questions. Vous négociez puis vous décidez seul très rapidement.

Un collaborateur vient vous voir parce qu’il bloque sur un problème technique. Vous vous enfermez dans votre bureau pendant deux heures et vous mobilisez toutes vos connaissances apprises à l’université en vous appuyant sur votre expérience professionnelle. Vous n’êtes plus un décideur-manager, mais un décideur-expert. En sortant de votre bureau, par prudence, vous consultez un ou deux experts du domaine pour être sûr de votre solution. 

  • Vous êtes un décideur-expert du compliqué-métier : l’organisation a besoin de votre expertise technique pour trouver des solutions à des problèmes nouveaux. Vous n’avez pas besoin de l’intelligence collective, simplement de vérifier qu’il y a un consensus parmi quelques experts du domaine.

Votre équipe s’agrandit et vous recevez de nouvelles missions. Vous devez réorganiser votre équipe : répartition des rôles, des responsabilités, nouveaux processus de travail, etc. Malheureusement, il n’y a pas qu’une seule façon de faire. Vous êtes face à plusieurs options et aucune solution ne garantit avec certitude que l’efficacité collective sera au maximum. Si vous vous trompez, vous pourriez même réduire l’efficacité collective. Un autre jour, on vous demande de développer la performance : produire plus vite ou vendre plus. Malgré des heures de réflexion, la lecture de plusieurs livres et une dizaine de réunions, personne ne peut vous proposer une solution sûre à 100% pour développer la performance dans le contexte de votre organisation. Plus tard dans votre carrière, on vous demandera de concevoir une stratégie. Cela impacte tous les départements et il faut mobiliser de nombreuses expertises : marketing, commercial, RH, finances, juridiques, opérations, technologies, etc. Dans toutes ces situations, vous êtes face à l’incertitude. Votre expertise technique (décideur-expert du compliqué-métier) ne sert pas à grand-chose parce que la solution dépend de la mise en synergie de nombreuses expertises, de nombreuses variables et en particulier la dimension humaine. 

  • Vous êtes un décideur-manager du complexe : l’organisation a besoin que vous co-construisiez avec toutes les parties prenantes pour faire émerger une vision partagée de la situation et ensuite d’hybrider plusieurs solutions possibles pour que la décision intègre toutes les contraintes de toutes les parties prenantes.

Vous échapperez ainsi au syndrome de la tour d’ivoire qui émerge quand un décideur-expert du compliqué-métier n’a pas compris qu’il était dans une situation complexe. Il doit arrêter le mode expert et passer en mode manager. Il cherche en vain une solution sûre à 100%, il multiplie donc les réunions sans prendre de décision. Il veut un consensus authentique qu’il n’obtiendra jamais. Il ne comprend pas qu’il est dangereux de réfléchir seul dans son bureau ou de faire du faux participatif avec des murs de post-it.

Une fois qu’il a trouvé une solution à un problème complexe (nouvelle stratégie, nouvelle organisation, etc.), notre décideur-manager du complexe doit mettre en œuvre sa décision. En général, il est très “compliqué” de susciter l’adhésion du collectif sur des enjeux collectifs.

J’appelle donc cette situation le “compliqué-implémentation“. Certes le décideur-manager pourrait trouver une démarche d’implémentation tout seul dans son bureau comme un expert du compliqué-métier, mais il risque de provoquer de la résistance au changement. Il y a toujours plusieurs chemins pour mettre en œuvre une décision sur un enjeu collectif. Il est important d’utiliser le management participatif avec les fameux murs de Post-it. 

  • Vous êtes un décideur-manager du compliqué-implémentation : l’organisation a besoin que vous co-construisiez avec toutes les parties prenantes pour qu’il y ait une bonne adéquation entre l’objectif à atteindre (l’enjeu collectif) et les moyens qui seront utilisés pour atteindre l’objectif afin de susciter l’adhésion du collectif

Les caractéristiques de chaque décideur

Que vous soyez expert, dirigeant, manager intermédiaire ou manager de proximité, que vous soyez manager hiérarchique, transversal ou chef de projet, vous êtes une seule personne, mais 4 décideurs si vous cumulez les rôles d’expert et de manager : le 4 en 1 ! Cependant, selon votre fonction et votre position hiérarchique, la fréquence va changer. Si vous êtes dirigeant, vous serez plus souvent un décideur du complexe que du simple et inversement pour un manager de proximité.

Le décideur-manager du simple prend beaucoup de décisions quotidiennement. Il décide vite et doit parfois faire preuve de courage managérial quand la situation est difficile. Il doit utiliser son intuition qui s’appuie sur son expérience. Il gère des enjeux opérationnels : “il fait tourner la boutique !”. Il travaille en mode hiérarchique, transversal ou projet. Sa mission est de faire courir le plus vite possible l’organisation dans la direction qui lui a été fixée pour atteindre l’excellence opérationnelle. Si cette pyramide était votre corps, ce serait les jambes. La base est large parce que vous prenez beaucoup de décisions.

Le décideur-expert du compliqué-métier doit prendre le temps de trouver une solution technique sûre à 100%… ou au plus près de 100% ! On ne lui demande pas d’être courageux, mais précis. Il doit utiliser son intuition qui s’appuie sur son expérience et son expertise. Il gère donc des enjeux techniques. Il travaille seul dans la phase initiale de sa réflexion, mais pour atteindre l’excellence décisionnelle, il serait préférable d’obtenir un certain niveau de consensus en consultant ses pairs. Sa mission est d’aider le décideur-manager du simple à courir le plus vite possible et d’aider le décideur-manager du complexe à prendre des décisions sur les enjeux collectifs qui intègrent les contraintes techniques. Sans le décideur-expert du compliqué-métier, le décideur-manager du simple ne peut pas faire son travail correctement et le décideur-manager du complexe risque de faire courir son organisation dans la mauvaise direction.

Le décideur-manager du complexe prend très peu de décisions, mais elles sont très impactantes. En cas d’erreur, il est très difficile de changer de direction et on découvre souvent trop tard qu’on s’est trompé. Il ne peut pas décider vite parce qu’il doit mobiliser de nombreuses parties prenantes en mode transversal. Faute de pouvoir hiérarchique sur ces parties prenantes, il doit négocier leur participation à ses réunions de réflexion. On ne lui demande pas d’être courageux ou expert, mais de mettre en œuvre les savoir-être et savoir-faire de l’excellence décisionnelle (co-construction, hybridation…) pour gérer au mieux les risques décisionnels en situation complexe. Il ne doit surtout pas utiliser son intuition individuelle d’expert, mais plutôt faire émerger une intuition collective ! Cette intuition collective ne résulte pas de la juxtaposition des intuitions individuelles, mais de leur hybridation. Son expertise technique est une petite pièce du puzzle qu’il doit assembler. Il gère des enjeux collectifs : des sujets qui impliquent plusieurs parties prenantes internes et externes. Il travaille uniquement en mode transversal sauf s’il s’agit de l’efficacité collective de son équipe (gouvernance). Sa mission est de faire courir l’organisation dans la bonne direction. S’il échoue, il va créer les conditions d’un environnement de travail toxique, car il est très difficile de courir vite quand on court dans la mauvaise direction. Cela induira ensuite des problèmes d’engagement, de recrutement, de rétention des talents, d’innovation… L’excellence opérationnelle finira tôt ou tard par ressembler à un hamster qui fait tourner sa roue ou comment courir vite en faisant du surplace ! Si cette pyramide était votre corps, ce serait votre tête. Le sommet est étroit parce que vous prenez peu de décisions, mais très impactantes.

Le décideur-manager du compliqué-implémentation doit s’assurer qu’il y a une bonne adéquation entre l’objectif à atteindre et les moyens qui seront utilisés sinon il y aura résistance au changement. Il gère donc des enjeux humains : créer de la confiance !

Vous êtes actuellement 4 décideurs à la fois, mais pas au même moment. Le matin, vous êtes peut-être un décideur-manager du simple. Vous fixez un objectif à un collaborateur. En fin de matinée, vous cherchez une solution technique dans vos habits de décideur-expert du compliqué lié à votre métier. En début d’après-midi, vous animez une réunion pour améliorer l’efficacité collective dans votre équipe en posture de décideur-manager du complexe. En fin d’après-midi, vous cherchez les moyens de mettre en œuvre la nouvelle organisation de votre équipe en posture de décideur-manager du compliqué lié à l’implémentation. Si vous ne savez pas distinguer les 4 décideurs qui sommeillent en vous, vous risquez de transformer la pyramide hiérarchique de votre organisation en tour d’ivoire. 

De la pyramide à la tour d'ivoire

Un décideur du compliqué-métier est un Décideur-Expert. Sa devise est simple : “Le chef a toujours raison”… parce qu’un expert qui n’a pas toujours raison n’est pas un expert ! Le Décideur-Expert utilise une boite à outils qui est très efficace pour les solutions techniques : s’enfermer dans son bureau ! Cependant, cette boite à outils est totalement inappropriée pour les sujets complexes. Quand le décideur-manager du complexe, que ce soit votre hiérarchique ou vous-même, utilise la boite à outils du Décideur-Expert au lieu de la boite à outils du management de l’intelligence collective, il crée de facto une tour d’ivoire. Votre solution technique est magnifique. Vos objectifs sont SMART, mais vous courrez dans la mauvaise direction !

Sur l’image au début de cet article, il faut comprendre la pyramide des 4 décideurs comme une pyramide de Maslow inversée. Comme indiqué au début de l’article, cette pyramide symbolise une personne dans différentes situations comme celle de Maslow à travers ses besoins. Ce n’est pas une pyramide organisationnelle / hiérarchique. Dans la pyramide de Maslow, on peut difficilement satisfaire les besoins du haut de la pyramide si les besoins du bas ne sont pas satisfaits. Dans la pyramide des 4 décideurs, on ne peut pas être dans l’excellence décisionnelle en bas de la pyramide pour les enjeux humains, techniques et opérationnels (simple, compliqué-implémentation et compliqué-métier) si on n’est pas dans l’excellence décisionnelle en haut de la pyramide pour les enjeux collectifs (sujets complexes comme la stratégie, le développement de performance, la gouvernance…). Nous avons BESOIN (au sens de Maslow) d’excellence décisionnelle dans le complexe pour satisfaire les BESOINS des décideurs (manager ou expert) du compliqué et du simple. On dit que le poisson pourrit par la tête !

Changer de posture et de boite à outils selon que la situation est simple, compliquée ou complexe est sans danger. Vous ne risquez pas le trouble dissociatif de l’identité. Vous éviterez simplement que votre rêve de décideur du complexe dans la conception d’un enjeu collectif devienne un cauchemar dans l’exécution. Vous ne contribuez pas à l’émergence d’un environnement de travail toxique pour tous les décideurs du simple qui vous entourent.

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