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Comment le #leadership spirituel en pratiques élève-t-il notre conscience ? Catherine VOYNNET FOURBOUL nous en parle dans son ouvrage de recherche interdisciplinaire (Partie 2/2).

Nouvel article introductif rédigé pour notre plateforme média ManagerSante.com par Catherine VOYNNET FOURBOUL, Docteur en sciences de gestion, habilitée à diriger les recherches. Elle enseigne la gestion des ressources humaines en tant que Maître de conférences à l’université Panthéon-Assas Paris II et dirige l’Executive Master du CIFFOP. Elle codirige le groupe de recherche thématique Management et Spiriritualité de l’AGRH.

Elle a Dirigé l’ouvrage interdisciplinaire intitulé « Leadership spirituel en pratiques«  publié en 2021, (Editions EMS Management & Société) avec 42 contributeurs.

Conscience et connexions

Nous remarquons que nombreux sont ceux qui développent leur leadership beaucoup mieux en évoluant du point de vue de leur conscience et en instituant des pratiques collaboratives, les amenant à sortir d’une centration sur soi, d’intérêt à court terme pour embarquer davantage les autres et tenir compte de l’interdépendance des personnes ceci dans une vision à long terme. Le travail sur la conscience permet de s’ouvrir à une vision plus large du monde, et de recourir à l’intuition, la créativité permettant de sortir des routines encapsulées dans l’organisation lorsque celles-ci deviennent improductives.

C’est ce que des chercheurs (Laszlo 2020) qualifient de leadership quantique faisant appel à des pratiques d’intuition directe qui offrent aux gens une expérience directe de l’intégralité et de la connectivité (Heaton, Schmidt-Wilk et McCollum 2011; Sheldrake 2018). De telles pratiques apaisent l’esprit analytique et élargissent la conscience d’une personne afin que nous soyons plus conscients de l’unité essentielle de la réalité. Aussi appelées pratiques de connectivité, elles englobent à la fois les formes orientales et occidentales de la pleine conscience. Elles comprennent la méditation, la marche dans la nature, l’art et l’esthétique, le jardinage, la recherche appréciative, l’exercice physique et la tenue d’un journal, parmi d’innombrables autres. Ajouter une ou plusieurs de ces pratiques quotidiennement peut renforcer le parcours d’apprentissage d’une personne et élever sa conscience avec créativité et résilience.

Lorsque l’on développe la conscience de notre connexion, cela change la façon dont nous pensons et agissons. Il est alors possible de devenir plus empathique et de faire preuve de compassion. Cela permet de ressentir la façon dont nous sommes intégrés plutôt que séparés dans ce monde.

L’impératif de la transformation

La transformation organisationnelle passe par l’action éclairée des personnes ce qui suppose leur transformation intérieure (Neal 2018). Elle est aussi mue par la situation internationale qui met en avant la responsabilité sociale des entreprises, le développement durable. En France la loi Pacte introduit la société à mission et avec elle la raison d’être définissant l’objet social de l’entreprise. Il s’agit de penser l’engagement de l’entreprise au bien de la planète au-delà du seul impératif actionnarial.

Parce que les organisations existent et ont une influence très large, l’un des rôles des dirigeants, spirituellement parlant, est d’aider les organisations à dépasser les intérêts étroits. En devenant plus conscients de la vie spirituelle, en répondant à des buts plus élevés et en aidant à la réalisation de ces buts, les dirigeants aident les organisations à contribuer à l’amélioration de la société. En d’autres termes, une organisation participe à un plan transcendant qui contribue de manière intersubjective à l’amélioration de toute la création tout en étant ouverte, en alignant ses objectifs fondamentaux avec ce plan qui la dépasse et en allant au-delà des intérêts personnels vers l’amélioration des parties prenantes.

De nos jours le monde de l’entreprise est appelé à jouer un rôle bien plus large que celui de la poursuite d’une performance étroite. La question est de conjuguer le profit économique avec le bien social simultanément. Or les dangers suscités par l’évolution climatique ont éveillé les consciences et expliqué l’avènement des politiques de Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE). Les entreprises qui se démarquent se repèrent parce qu’elles recherchent des solutions d’intérêt public en créant des innovations de rupture qui bénéficieront non seulement à la société mais aussi à l’environnement.

A l’échelle de la planète il existe des menaces environnementales : le changement climatique, taux de perte de biodiversité (terrestre et marine), l’interférence avec les cycles de l’azote et du phosphore, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, l’acidification des océans, l’utilisation mondiale de l’eau douce, le changement d’utilisation des terres, la pollution chimique et la charge atmosphérique des aérosols (Rockström et al. 2009). Et ces menaces peuvent expliquer en partie l‘engouement pour le développement durable et la RSE. Le thème de la RSE rencontre en effet un vif succès d’audience dans le monde des affaires. Cependant on ne peut que constater la pauvreté du volet social interne dans l’évaluation de la performance organisationnelle. Les outils de la RSE ne cessent de se multiplier malgré l’insuffisance de leurs effets (Gilbert & Greffet 2019). Cela suppose un management incorporant les valeurs en particulier l’éthique par le biais des codes éthiques, de la déontologie, de la formation à l’éthique. Mais le lien entre les valeurs et la réussite économique n’est toujours pas claire dans l’esprit beaucoup de cadres (Anderson 1997, p. 25) et on assiste à une montée du désengagement au travail, de détachement qu’il s’agisse d’un utilitarisme raisonné poussant les individus à négocier plus explicitement le rapport entre contribution et rétribution ; d’un retrait politique en limitant leurs investissements à ce que prescrit leur fiche de poste, se terrant dans un comportement « politiquement correct », conformiste ; d’une lassitude de l’acteur l’amenant à réduire la fréquence et l’intensité de sa mobilisation et à protéger son équilibre psychique en développant des stratégies plus égoïstes (Alter 2011). Ces différentes formes de détachement résultent de l’incapacité managériale de tirer parti de la volonté de donner.

Ce qui manque sans doute aux approches RSE, c’est la capacité à porter l’attention managériale à un niveau plus intérieur et à considérer les perspectives non pas exclusivement d’un point de vue externe mais en tentant l’aventure en profondeur afin de transformer les consciences. Et c’est sans doute un enjeu majeur et complexe dans la mesure où toute intervention dans la sphère privée qu’est la conscience peut facilement devenir abusive non seulement si elle n’est pas guidée par de bonnes intentions mais surtout si elle ne respecte pas la liberté de l’autre. On peut malheureusement glisser sur la pente d’un totalitarisme imposant une idéologie et une perversion de la spiritualité ; c’est pourquoi les questions d’éthique sont si importantes lorsque l’on a compris que la transformation de l’entreprise se fondera sur la transformation de ses membres. Dès lors qu’il est question de transformation individuelle, cela soulève également la question de l’identité même de ceux qui constituent les équipes de travail, et du curseur entre le libre choix opéré par les personnes ou les formes d’influence ou de contrôle voire même d’imposition opérée par les organisations sur les personnes. La garantie de cette liberté passe par la logique du don de soi qui peut permettre l’épanouissement total des autres êtres humains (Izoard Allaux 2017).

Comment le leadership spirituel en pratiques élève notre conscience

Il est question ici de pratiques c’est-à-dire d’expériences, d’actions situées dans un contexte, dans des interactions avec les équipes et avec des tiers facilitateurs. Il s’agit de témoigner de cette expérience et de relater ce que l’on observe dans la réalité, de mettre ces données à l’épreuve des modèles théoriques dont nous disposons afin que le leadership spirituel ne reste justement pas seulement un modèle théorique. La pratique c’est une forme de connaissance incorporée et internalisée qui aide à transformer le monde, et qui aussi se partage avec les lecteurs de cet ouvrage. Elle peut déboucher sur une véritable praxis combinant à la fois le registre théorique, pratique et idéologique. Posner (2009) souligne combien les pratiques peuvent véritablement permettre la maîtrise du leadership ainsi que des accomplissements remarquables.

Les pratiques spirituelles contribuent à augmenter le sens de la connexion à soi, aux autres et à la nature (Tsao & Laszlo 2019) et répondent aux besoins de connexion participant à l’épanouissement humain. Ce que toutes ces pratiques ont en commun est de procurer la conscience de se sentir en unité avec les autres et avec le monde pour s’engager entièrement dans un cheminement vers une plus grande harmonie vers une plus grande satisfaction dans la vie. Voici quelques remarques à propos des pratiques :

  • C’est par l’expérience directe des pratiques que nous apprenons à internaliser les principes de comportement et à incarner la connaissance tacite afin qu’elle devienne explicite (Nonaka et Takeuchi 1995)
  • Le temps consacré à la méditation permet de créer les conditions véritables de la transformation, par exemple Richard Boyatsis (2008) propose de commencer par construire une vision future désirée, prendre conscience de nos aspirations, passions, valeurs véritables qui sont ensuite rapportées à nos forces et faiblesses afin de fixer un plan apprentissage et d’action pour passer à la pratique de leadership.
  • Les personnes apprennent des pratiques dans le contexte de relations et dans le partage d’expérience, c’est ce qu’on observe de nos jours avec les communautés de pratique tandis que les groupes de codéveloppements peuvent s’inscrire dans cette ligne
  • Les types de pratiques sont foisonnantes et il existe de nombreuses façons de classifier celles qui permettent de nous connecter à nous-mêmes, aux autres et au monde. Elles peuvent être groupées par niveau (individuel, équipe, organisationnel, système), activités (réflexion, écoute, rencontre, arts, sport, nature, jardinage, exercices de respiration, marche, lecture, recentrage), compétences (concentration, clarté sensorielle, équanimité), effet (faire sens et être présent, écrire un journal ou danser) et par origine (religieuse, prière, chapelet, bouddhisme…).

 

La structure de l’ouvrage

L’ouvrage est structuré en sept parties. Toutes les parties font l’objet d’une introduction théorique permettant d’assurer le fil directeur du leadership spirituel et des contributions des différents auteurs.

Un préambule est consacré aux métaphores de la physique classique et quantique qui sont l’objet d’inspiration dans bien des domaines de la gestion et particulièrement dans le domaine du leadership spirituel.

L’ensemble des repères proposés par les différentes contributions peuvent se distinguer selon la figure suivante entre pratiques, outils, travail sur soi et agir. Ces repères peuvent être présentés à différents endroits des sept parties.

La première partie traite de la méditation et des pratiques contemplatives et comporte six contributions à propos du temps de la conscience, des états modifiés de conscience, de la méditation, de la méditation de pleine conscience et du chemin de Compostelle.

La deuxième partie situe l’éclairage des religions, avec le christianisme, l’orthodoxie, le judaïsme, le bouddhisme, le taoïsme, le zen ainsi qu’une comparaison de leaders considérés comme spirituels (Gandhi et Mandela).

La troisième partie est centrée sur les pratiques incarnées avec le rayonnement du leader, l’équilibre de vie, la conciliation vie privée vie professionnelle, le bien-être, l’art de l’éthique et la transformation de soi.

La quatrième partie est consacrée au soi, avec la vulnérabilité, l’auto-performance, l’expression de soi et la résilience, l’intelligence spirituelle, les motivations intrinsèques, l’engagement et la liberté créative.

La cinquième partie s’ouvre à l’organisation en évoquant la spiritualisation de l’organisation, la voie de la spiritualité transformatrice d’un manager, l’impact des valeurs, un outil développé par David Miler pour aborder la spiritualité au travail ainsi que le prisme de la spirale dynamique.

La sixième partie traite la question de l’accompagnement du leadership avec le thème du développement personnel, la dimension spirituelle au sein de la relation de coaching, l’importance de se former à l’intelligence spirituelle et la place de l’éducation.

La septième partie aborde la question de l’identité et de l’inclusion, avec l’intérêt du leadership spirituel dans la négociation, le rôle inclusif du consultant, la raison d’être des entreprises et leur singularité, le leadership inclusif et d’évocation, l’engagement dans un modèle social et solidaire.

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