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Comment se réalise la collaboration médecin / IPA à l’hôpital ? Le Dr Noémie SCHERMAN et Marie-Charlotte DRUART nous en parlent à travers le parcours de soins de personnes vivant avec du diabète, traitées par insulinothérapie (partie 2/2).

Ce nouvel article pour notre plateforme média ManagerSante.com co-rédigé par  Marie-Charlotte DRUART, Infirmière en Pratique Avancée  (IPA), et le Docteur Noémie SCHERMAN , Praticien Hospitalier Contractuel (PHC).

Elles exercent au service de l’unité d’endocrinologie du Département Médico Universitaire (DMU) de médecine à l’hôpital Henri Mondor de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Relire la première partie de cet article.

L’IPA, lors de sa formation de deuxième cycle universitaire, développe des compétences en lien avec les enjeux du système de soins actuel : fluidification du parcours de soins, accessibilité des soins, développement du lien ville hôpital. Dans une deuxième partie de l’article, nous vous partageons un retour d’expérience de la mise en œuvre d’une collaboration médecin/IPA au travers d’un parcours d’accompagnement de personne bénéficiant d’une primo-prescription d’insulinothérapie en milieu hospitalier.

Un exemple de prise en soins des personnes bénéficiant d’une instauration d’insulino-thérapie : mise en place d’un nouveau parcours de soins.

  • Les étapes préliminaires de la construction du projet

L’une des étapes préliminaires de la construction d’un projet en lien avec la pratique avancée infirmière (PAI) est l’identification des besoins (27,28). Les IPA n’ont pas vocations à prendre en soin une pathologie à proprement dite. La PAI a une vision globale, transdisciplinaire, centrée sur la personne en tenant compte de chacune de ses caractéristiques au sein de son environnement. Il semble alors judicieux d’envisager l’articulation du projet en lien avec les parcours de soins. La construction d’un projet professionnel IPA doit tenir compte à la fois des besoins populationnels, mais également des besoins médicaux et institutionnels afin d’utiliser au mieux la ressource que représente ces nouveaux professionnels et des compétences dont ils disposent (28).

  • Le soutien et l’implication des parties prenantes

L’émergence de la pratique avancée en France a suscité beaucoup d’engouement mais également beaucoup de craintes de la part des professionnels de santé. Avec des compétences communes à d’autres professionnels, la définition des rôles de chacun est alors primordiale dans la co-construction d’un projet. L’IPA a un vaste champ de compétences parfois difficile à saisir au premier abord. Cependant, c’est justement l’étendu de celui-ci qui fait la richesse de ses possibilités d’exercice. Si sa pratique professionnelle reste centrée sur le patient, les compétences acquises lui permettent d’élargir sa vision au-delà d’une situation clinique unique.

Cependant, l’exercice IPA ne peut être envisagé en dehors d’un exercice en équipe pluri-professionnelle coordonnée par un médecin. La co-construction avec l’ensemble des parties prenantes (médecins, hiérarchie paramédicale, équipe paramédicale, usagers) et le soutien de ces dernières sont les conditions indispensables à la réussite d’un projet prenant en compte une activité IPA. La connaissance du rôle de chacun facilitera alors l’implantation de l’IPA et participera à une utilisation efficiente de l’ensemble de son champ de compétence au service des patients (27,28).

  • Un exemple de projet

Au regard des besoins identifiés précédemment à propos des PAD insulino-traités nous avons proposé un nouveau parcours de soins au sein de notre établissement. Les patients, orientés en endocrinologie pour une instauration d’insulinothérapie, sont en premier lieu reçus par le médecin spécialiste via les différents secteurs dont dispose le service (consultation, hôpital de jour, sortie d’hospitalisation). Celui-ci convient avec le patient des stratégies médicamenteuses puis, lui propose un accompagnement pendant 3 mois auprès d’une IPA. Les principaux objectifs du suivi étant de garantir la stabilité métabolique du diabète tout en permettant au patient de développer des compétences d’adaptation à la maladie et d’autosoins. S’il consent au suivi, le patient est alors orienté vers l’IPA par le biais d’un protocole d’organisation – condition d’exercice de l’IPA (29). Ce document défini toutes les modalités de collaboration entre les deux professionnels. Le médecin délègue alors, non pas un acte à l’infirmier mais, propose un suivi personnalisé en alternance avec les consultations médicales (29).

Cet accompagnement IPA repose sur un suivi en ambulatoire ponctuel mais rapproché. L’IPA revoit le patient en consultation entre 3 et 5 jours après la mise sous insuline puis lors de la 2ème, 4ème, 8ème et 12ème semaine en complémentarité d’une télésurveillance en soutient dans le vécu quotidien avec la maladie. Ce suivi permet une adaptation des doses d’insuline au plus près de la réalité vécue par le patient (alimentation, activité physique, vie familiale, sociale et professionnelle) réduisant ainsi le risque de déséquilibre glycémique et de ré-hospitalisation garantissant alors une meilleure sécurité dans les soins.

A l’issue de la dernière consultation un bilan global est réalisé avec le patient et transmis aux médecins. Le patient est alors réorienté vers un parcours de soins plus classique en lien avec le médecin généraliste, le médecin spécialiste et les différents professionnels de santé pouvant intervenir dans le parcours de soins.

Lors du suivi, l’IPA adapte les doses thérapeutiques afin de garantir la stabilité métabolique du diabète, collabore avec le médecin dans l’efficience des stratégies thérapeutiques mises en place comme par exemple un relais par traitement per os avec un sevrage en insuline plus précoce dans les suites d’une décompensation de diabète. De plus, l’IPA participe activement au dépistage et à la prise en soin des complications liées au diabète et organise le parcours de soins du patient vers les différents professionnels de santé. L’IPA mène également des actions en lien avec la promotion de la santé et la prévention avec par exemple la réduction des facteurs de risque cardiovasculaire dans le diabète. Dans une approche collaborative avec la ville, des partenariats territoriaux avec les structures d’ETP ont été mis en place ainsi que des parcours de soins avec d’autres acteurs comme des IPA en soins primaires ou des infirmiers libéraux.

Dans l’étude multinationale Diabetes Attitudes, Wishes and Needs (DAWN), publiée en 2005 ainsi que, dans l’étude DAWN 2 publiée dix ans après, l’instauration d’un traitement par insuline pouvait faire émerger chez le patient un sentiment de peur, d’échec voir de sanction et seulement 20% d’entre eux envisageaient l’insuline comme une opportunité d’améliorer l’équilibre de leur diabète. Cette nouvelle étape dans la maladie peut être à l’origine d’un sentiment de culpabilité, de honte ou d’une perception d’incapacité dans la gestion autonome de la maladie. Lors de cette étape charnière, l’instauration d’un climat de confiance ainsi qu’un accompagnement personnalisé sont alors primordiaux (13,30,31).

Au-delà de l’équilibre métabolique, l’IPA s’appuie sur les sciences disciplinaires afin de guider sa pratique professionnelle. Lors de la découverte d’une maladie chronique et d’un passage sous insuline, le patient doit développer des capacités d’adaptation et plus particulièrement de coping. Défini en 1984 par Lazarus et Folkmann, le coping est « l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux, constamment changeants, (déployés) pour gérer des exigences spécifiques internes et/ou externes qui sont évaluées (par la personne) comme consommant ou excédant ses ressources ». C’est donc un processus durable et changeant lors duquel la personne doit mobiliser différentes stratégies afin de faire face aux sollicitations d’une situation et de son environnement (32).

Pour cela, la personne évalue en premier lieu la situation à laquelle elle est confrontée, défini le sens qu’elle donne à cette situation, ses représentations et son impact éventuel (gain, perte, menace, challenge…). Puis, dans un second temps, est effectuée une évaluation des ressources disponibles afin d’identifier les stratégies de coping à mobiliser. Il existe différentes stratégies : le coping centré sur le problème, le coping centré sur l’émotion et la recherche de soutien social (32). L’infirmier peut soutenir le patient dans ce processus. Dans l’évaluation initiale de la situation l’IPA aide le patient à s’interroger : que représente la maladie, l’instauration d’un traitement par insuline, quel impact pour lui dans son quotidien, son mode de vie, son environnement ? Ensuite, il le guide vers une prise de conscience de ses ressources et stratégies de coping tout évaluant l’efficacité de celles-ci sur le processus d’adaptation.

Le professionnel de santé peut aussi mettre à disposition de la personne soignée des ressources supplémentaires. C’est ainsi que dans une situation en lien avec l’instauration d’insuline, le patient bénéficie d’actions à visée éducatives afin de mieux comprendre sa maladie, son traitement et comment, il peut directement influencer ses résultats glycémiques par son mode de vie et l’adaptation de ses doses d’insuline. De plus, une partie des consultations IPA est centrée sur les émotions, les croyances et la motivation. Puis, afin de croître les ressources de soutien social, des groupes de paroles ont été co-construits avec les associations de patients et mis en place dans le service. Cette phase d’adaptation centrée sur le coping permet ainsi à la personne d’entrer dans une phase de résilience afin de mieux faire face aux exigences de la situation. Cette résilience a pour bénéfice d’installer une nouvelle dynamique d’autonomie afin de maintenir une qualité de vie malgré l’instauration d’un traitement perçu comme contraignant.

Afin de s’adapter au mieux à ce nouveau traitement, les PAD doivent acquérir également des compétences d’autosoinsSelon Audulv, Asplund et Norbergh, l’intégration des autosoins est un « processus dans lequel les activités d’autosoin sont incorporées dans la vie des personnes. Ces activités concernent non seulement celles liées à la maladie, mais aussi celles liées à la promotion de la santé et celles visant à continuer à vivre malgré la maladie chronique » (33).

Le processus comprenant quatre phases a pour but d’atteindre un équilibre entre maladie et qualité de vie. Lors de la première phase le patient est en recherche d’informations concernant la maladie. Il passe régulièrement par une phase d’essai-erreur indispensable à l’apprentissage. Cette phase lui permet d’expérimenter des actions de soins afin de repérer les stratégies efficaces. Ensuite, le patient évalue le rapport coût bénéfice de ces stratégies. Il continuera les autosoins à condition que ceux-ci lui apporte un bénéfice. Suite à ces deux premières phases, le patient créé des routines facilitant la prise de décision par la planification des autosoins. Dans une dernière étape, le patient tente de trouver un équilibre entre la stabilité de sa maladie et qualité de vie. Il priorise et adapte alors ses stratégies pour qu’elles s’intègrent directement à son mode de vie (33). Dans la réalisation de ces étapes vers l’intégration, certains facteurs ont une influence : l’expérience de la maladie ; la situation de vie ; les connaissances, croyances et valeurs et, le contexte de vie et le soutien social (33).

En appui sur le concept d’autosoins, l’infirmier aide alors le patient à exprimer ses difficultés et son expérience de vie avec la maladie ainsi qu’à identifier ses croyances, ses valeurs, ses connaissances et ses émotions mais aussi ses difficultés et besoins. Le concept d’intégration des auto-soins permet donc une approche globale de la personne en tenant compte à la fois de l’expérience vécue tout en l’intégrant à la situation et au contexte de vie (33).

Ces exemples de savoirs, permettent à l’IPA de s’appuyer sur un socle de connaissances disciplinaires afin d’accroitre son niveau d’expertise dans l’accompagnement des patients bénéficiant d’une instauration d’un traitement par insuline au travers des deux concepts centraux de l’ETP : l’adaptation à la maladie et la réalisation des autosoins.

  • Les premiers retours

Après la première année de mise en place du projet, les retours des personnes concernées semblent plus qu’encourageants. Les patients ont souligné les bénéfices du temps dédié, la disponibilité et le soutien dans la motivation. En recherche d’information, l’IPA a su répondre à leurs questions permettant une meilleure compréhension de la maladie, leur permettant de trouver les ressources pour s’adapter et mettre en place des actions en autonomie. Ils soulignent alors les bénéfices de l’accompagnement IPA qui maintien une collaboration permanente avec les médecins qui restent au cœur de la prise en soin au sein d’une équipe pluri-professionnelle.

Point de vue du médecin : L’alliance entre l’IPA et le médecin diabétologue, permet une fluidification du parcours de soins.

Les objectifs du protocole IPA

La mise en place d’un protocole d’organisation – condition d’exercice de l’IPA (29) dans le service de diabétologie au Centre Hospitalier Universitaire de Mondor a été réalisée depuis 2021 dans un une démarche d’améliorer le parcours patient lors de la mise sous insuline chez le patient diabétique. L’objectif a été d’améliorer l’accès au soin en proposant une prise en charge mobilisable rapidement tout en garantissant la sécurité des soins et l’adhésion du patient à son traitement, en privilégiant un suivi ambulatoire.

Les compétences des infirmiers en pratiques avancés, dont le cadre d’exercice paramédical a été officiellement publié au Journal Officiel en 2018, a permis d’intégrer un élément nouveau dans l’équipe pluridisciplinaire hospitalière, et de libérer du temps médical pour permettre de prendre en soin une population diabétique en forte croissance démographique, avec parmi eux des patients en situation sociale complexe, et des patients en rupture de suivi ou polypathologiques. 

La prise en charge IPA, comme précisée précédemment, relève d’une orientation médicale pour répondre dans les meilleurs délais à une mise en place d’un traitement par insuline et renforcer le suivi thérapeutique dans les débuts de ce traitement. Elle nécessite comme prérequis également l’accord du patient. Telle que réalisée dans notre service, elle est déclinée sur deux secteurs complémentaires : en consultation et en hospitalisation de jour. Si le patient a déjà consulté un diabétologue du service, il sera orienté directement en consultation IPA. S’il n’est pas connu du service, car la demande émane d’un médecin de ville ou d’un autre spécialiste de l’hôpital, le diabétologue fera une demande de programmation en hôpital de jour-IPA préalablement au suivi en consultation IPA.

Les situations de recours à la compétence IPA

Les situations où le médecin diabétologue a recours à cette orientation IPA sont multiples.  Il peut s’agir d’une découverte de diabète, de l’évolution d’un diabète vers l’insulinodépendance, de situations aigues en contexte oncologique, post-greffe ou de traitement par corticothérapie, ou bien toute autre situation intercurrente survenant chez un patient diabétique, citons par exemple la dégradation de la fonction rénale ou hépatique, ou un état septique… 

Ces situations aigües nécessitant une intensification thérapeutique et introduction d’insulinothérapie basale voir basale-bolus transitoire ou permanente sont fréquemment rencontrées en milieu hospitalier et en médecine de ville par les médecins traitants ou spécialistes. Elles représentent une activité difficilement quantifiable. Leur gestion est parfois réalisée par le médecin traitant qui peut parfois avoir recours à la télé-expertise via la sollicitation d’un diabétologue. L’équipe mobile de diabétologie intervenant au sein de l’hôpital dans les différents services permet aussi certaines de ces prises en charges. Cependant, la mise sous insuline puis le retour au domicile du patient avec le traitement insulinique nécessitent un apprentissage des autosoins, une connaissance précise par le patient de son traitement et de son risque hypoglycémique, qui lui permettra de s’autonomiser et d’adapter les posologies à l’évolution de la situation aigue. Le suivi par le médecin généraliste traitant ou le diabétologue peut s’avérer insuffisant. Le recours au passage pluriquotidien d’un infirmier transitoirement ou le recours à une hospitalisation ou à la prolongation une hospitalisation afin de promulguer au patient une éducation thérapeutique adaptée est fréquent. C’est le cas tout particulièrement pour les patients en rupture de suivi, ou avec des situations sociales difficiles, une barrière linguistique, des difficultés de compréhensions, pour les patients fragiles, âgés ou présentant de multiples comorbidités invitant à la prudence. Ces populations nécessitent un suivi plus rapproché et un accompagnement personnalisé en vue de s’autonomiser dans la gestion de leur traitement. 

L’Hospitalisation de Jour IPA, un exemple de mode d’entrée dans le suivi :

Soulignons ce qui a précédemment été évoqué, à savoir que la collaboration médecins-IPA, a été préalablement définie lors de la construction du protocole dans le service hospitalier et que le médecin traitant reste au cœur du parcours de soin des personnes.

En pratique, dans le cas fréquent du mode d’entrée dans le protocole IPA par un hôpital de jour, celui-ci comprend un entretien avec le diététicien, et parfois un examen complémentaire tel que la rétinographie et l’électrocardiogramme. L’IPA réalise un examen clinique et un interrogatoire détaillé du patient. Il prélève un bilan biologique si besoin puis, présente l’intégralité du dossier de soin au médecin lors d’une consultation pluridisciplinaire au cours de laquelle, les deux acteurs sont présents auprès du patient. La stratégie thérapeutique en termes de traitements et d’objectifs glycémiques est fixée en concertation entre IPA et médecin, et la feuille de route du suivi est mise en place comportant les examens d’imagerie à proposer et les professionnels paramédicaux et médicaux à consulter (notamment, consultation de cardiologie, ou la réalisation de soins de podologie). L’éventualité d’associer un traitement antidiabétique oral et de débuter une décroissance de l’insulinothérapie en vue d’un sevrage est également discutée.

L’ordonnance initiale est co-construite puis rédigée par le médecin. L’IPA a ensuite l’autonomie pour le renouvellement de celle-ci et l’adaptation thérapeutique au cours du suivi, la prescription des examens complémentaires et la demande d’acte de suivi (lettre d’orientation vers un spécialiste notamment). L’IPA réalise une éducation thérapeutique ciblée sur l’explication du risque hypoglycémique de chaque traitement, notamment lors de la décroissance d’un traitement insulinique, ou de l’association à des antidiabétiques oraux hypoglycémiants, l’ordonnance détaillera précisément l’adaptation de posologie de chaque traitement.

L’IPA verra ensuite le patient en consultation comme précisé plus haut (entre 3 et 5 jours après puis lors de la 2ème, 4ème, 8ème et 12ème semaine et en télésurveillance). L’IPA pourra recourir à tout moment au soutien médical pour une demande de prescription de nouvelle thérapeutique. Il fera si besoin un retour au médecin diabétologue concernant les difficultés rencontrées par le patient, et les modifications thérapeutiques nécessaires. La disponibilité du médecin est nécessaire pour que l’accompagnement reste multidisciplinaire et doit être pris en compte dans le temps médical hospitalier.

Au décours des 3 mois de suivi, le patient poursuivra le suivi en ville auprès de son médecin traitant et sera si besoin également adressé en consultation de diabétologie.

L’apport du suivi rapproché par l’IPA en complémentarité au suivi médical

Dans les trois premiers mois de suivi, l’IPA met en place une surveillance étroite de l’équilibre glycémique obtenu, et fait le point sur les résultats biologiques et d’examens complémentaires réalisés. L’IPA a un rôle dans la coordination des soins, il est un intermédiaire auprès de tous les acteurs de santé référents du patient dont le médecin traitant, les médecins spécialistes, sa famille et les aidants, l’assistant social et les partenaires de santé du territoire via l’orientation vers des structures d’activité physique adaptée. Il recueille le vécu du patient, et l’efficacité des moyens mis en place afin de réajuster le plan de soin, il vérifie que les examens complémentaires ont été réalisés aide les patients ayant une difficulté de compréhension pour les programmer.

Les consultations successives avec l’IPA permettent un accompagnement personnalisé et un suivi rapproché, notamment chez les patients sélectionnés du fait de leur prise en charge complexe lors du moment charnière de mise sous insuline. L’éducation thérapeutique est centrée sur le patient avec la mise en place d’outils d’aide à l’autogestion de l’insulinothérapie, en fonction du mode de vie, de l’alimentation et de l’activité physique. Elle est adaptée aux difficultés qu’il rencontre au fil du temps et aux situations auxquelles il a dû faire face. Ces consultations apportent également un soutien motivationnel et une aide face à des appréhensions sur la gestion de la maladie chronique. Le temps consacré à l’éducation thérapeutique, et à la prévention s’adapte aux compétences de l’IPA qui intègre une proximité avec le patient et permet une prise de conscience de l’importance du suivi et une acceptation des soins.

Une évolution dans la prise en charge du patient

Le modèle d’équipe de soins comportant un infirmier en pratique avancé et un médecin tel que publié par Litaker et al, montre une amélioration en terme d’HbA1c et de satisfaction du patient lors d’un suivi d’un an en la comparant versus un suivi en consultation avec le médecin référent uniquement. Ce modèle n’a pas montré de réduction du coût du fait de consultation plus longues et rapprochées (36). Cependant la comparaison avec le coût d’une hospitalisation est bien différente et les patients avec un meilleur équilibre glycémique ont moins souvent recours à une hospitalisation et présentent moins de complications. Une autre étude publiée en 2021 sur 71 patient conclue que le suivi IPA permet une « prise en charge rapide et constitue une option viable pour assurer une transition sécuritaire des patients diabétiques de l’hôpital vers leur médecin de famille » (37)

Rappelons que l’obtention d’une glycémie dans la cible recommandée chez le patient diabétique, sans majorer les hypoglycémies est un objectif difficile à atteindre. Il n’est plus à démontrer qu’une amélioration du contrôle glycémique permet une réduction substantielle de l’apparition et de la progression des complications microvasculaires, la protection cardiovasculaire est également largement étayés (38). Une intervention précoce est essentielle (39,40).

Les médecins sont confrontés à des défis importants pour répondre aux besoins médicaux et psychosociaux dans les situations complexes rencontrées par de nombreux patients diabétiques. « Avec la prévalence croissante du diabète, des ressources supplémentaires seront nécessaires pour répondre à la demande et pour surmonter les obstacles auxquels sont confrontés les médecins » (34–36). Les problématiques actuelles en termes de coût de santé et de nombre de lits hospitaliers, nous conduit à des transformations organisationnelles avec un transfert vers l’ambulatoire. Cependant, les ressources en temps de consultation du médecin sont trop souvent insuffisantes, « les besoins médicaux, éducatifs et psychosociaux complexes des patients diabétiques ne sont pas satisfait de façon optimales lors de courtes visites médicales peu fréquentes » (34). « Un temps limité avec les patients peuvent entraîner une inertie clinique (41).

La collaboration avec un infirmier en pratique avancée nous apparait pertinente pour répondre aux besoin d’une population ciblée. Le protocole mit en place dans notre service répond à un besoin spécifique mais peut être élargi à d’autres situations à l’avenir, comme par exemple des consultations de renfort thérapeutique tout le long de la vie du patient sous insulinothérapie, ou la prise en charge de certains patients complexes nécessitant une mise sous pompe, à insuline ou une boucle fermée, ou le suivi des plaies du pied diabétique.

Conclusion :

L’infirmier en pratique avancée, par sa prise en soin globale et complémentaire de celle du médecin permet d’apporter des réponses aux difficultés rencontrées dans les différents secteurs de soins lors d’une instauration d’un traitement par insuline. Grace à son autonomie, il permet un suivi rapproché et une titration des doses médicamenteuses au plus proche de la réalité vécue par le patient, permettant aux médecins d’avoir un soutien dans leur activité. Par une approche holistique, bio-psycho-sociale et éducative, en appui sur les sciences disciplinaires l’IPA accompagne notamment le patient dans l’adaptation à la maladie et l’acquisition des compétences d’auto-soins. De plus, sensibilisé aux enjeux du système de santé actuel, l’IPA développe une pratique axée sur le développement du lien ville hôpital en travaillant en collaboration avec les différents acteurs au sein du parcours de soins.

L’exemple de prise en soins proposé ici, bien que reproductible, reste localisée. Depuis 2010, l’Assurance Maladie a mis en place des programmes de retour à domicile (PRADO) dans le cadre de différents parcours de soins. Conçus pour anticiper les besoins des patients en vue de leur retour à domicile après une hospitalisation, la mise en place d’un tel programme dans le domaine du diabète incluant les IPA, pourrait représenter une opportunité pour l’amélioration de la prise en soin des personnes vivant avec du diabète (42). De plus, la parution récente de la loi Rist et l’ouverture pour les IPA à l’accès direct et la primo-prescription pourrait permettre d’envisager de nouvelles perspectives de prise en soin pour les personnes vivant avec du diabète (43).

Pour aller plus loin

  1. Ministère des solidarités et de la santé. Décret n° 2018-629 du 18 juillet 2018 relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée [Internet]. Santé Publique, 0164 juill 19, 2018.  
  2. Conseil national de l’Ordre des infirmiers. Infirmière de Pratique avancée en France Position du conseil national de l’ordre des infirmiers [Internet]. 2017. 
  3. Schwingrouber J, Loschi A, Gentile S, Colson S. Étude exploratoire de la perception des parties prenantes hospitalières vis-à-vis de l’implantation des infirmiers en pratique avancée: Rech Soins Infirm. 2021;145(2):104‑21.
  4. Agence Régionale de Santé Provence-Alpes Côte d’Azur. Modélisation de la fonction d’infirmier en pratique avancée (IPA) : Guide d’implantation de l’exercice infirmier en pratique avancée en milieu hospitalier. Recommandations et illustrations. [Internet]. 
  5. Décret n° 2018-629 du 18 juillet 2018 relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée. 2018-629 juill 18, 2018.
  6. Bonjour A. Attentes et besoins des patients diabétiques de type 2 après instauration d’une insulinothérapie à l’hôpital : étude qualitative par entretiens semi-dirigés de 14 patients hospitalisés dans le service de diabétologie de l’hôpital Pasteur à Nice [Internet] [Médecine humaine et pathologie]. Nice Sophia Antipolis; 2014 [cité 27 sept 2022]. 
  7. Bordier L, Bauduceau B. L’initiation de l’insulinothérapie: une étape difficile à négocier pour les diabétiques de type 2. Médecine des Maladies Métaboliques. mai 2015;9(3):3S9‑13.
  8. Bruchon-Schweitzer M. Le coping et les stratégies d’ajustement face au stress. Recherche en soins infirmiers. 2001;67:68‑83.
  9. Lafontaine S, Ellefsen É. Difficultés liées à l’autosoin chez les personnes vivant avec le diabète de type 2 : une revue de la littérature narrative basée sur le modèle d’Audulv, Asplund et Norbergh. Recherche en soins infirmiers. 2017;128(1):29‑40.
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