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Est-ce que toutes les solutions technologiques dédiées à la téléconsultation respectent l’éthique du numérique en santé ? Le Docteur Pierre SIMON examine les 5 principes éthiques.

Article publié  par notre expert, le Docteur Pierre SIMON    (Medical Doctorat, Nephrologist, Lawyer, Past-president of French Society for Telemedicine).

Auteur de plusieurs ouvrages sur la Télémédecine, il vient de co-rédiger le 07 Avril 2021, aux éditions Elsevier Masson un nouvel ouvrage intitulé « Télémédecine et télésoin : 100 cas d’usage pour une mise en oeuvre réussie ».

Il est également co-auteure d’un chapitre de l’ouvrage collectif de référence publié depuis le 04 Octobre 2021, sous la direction de Jean-Luc STANISLAS  chez LEH Edition, intitulé « Innovations & management des structures de santé en France : accompagner la transformation de l’offre de soins » .

le Docteur Pierre SIMON   est intervenu au Ministère des Solidarités et de la Santé sur la table ronde,  à l’occasion du 1er Colloque  national annuel de ManagerSante.com, sur la thématique « Comment embarquer les acteurs du numérique en santé ?« , le Mardi 29 Mars 2022.

N°65, Juillet 2023

A la sortie de la pandémie Covid-19, pouvons-nous faire un état des lieux des pratiques de téléconsultation ? (3)

Les pratiques qu’elles induisent tant chez les usagers que chez les professionnels de santé prennent-elles en compte le « bien agir dans l’intérêt général ou social » ? Prennent-elles en compte les recommandations de bonnes pratiques de la téléconsultation érigées par la HAS en mai 2019 ?

Le travail que vient de réaliser la cellule éthique de la Délégation ministérielle du Numérique en Santé doit permettre aux fournisseurs de systèmes de téléconsultation (STLC) de vérifier, à travers une grille, les questionnements éthiques auxquels leur STLC doit répondre. Cette grille éthique fait partie du cahier des charges que les sociétés de téléconsultation doivent respecter pour obtenir leur agrément ministériel. 

Nous tirons de cette grille quelques exemples appliquées aux différentes formes de téléconsultation. La grille reprend les grands principes éthiques de bienfaisance, de non-malfaisance, d’autonomie, de développement durable et de justice.

Les 5 principes explorés

1/ Le principe de bienfaisance

Lorsque l’usager est à l’initiative de la demande d’une téléconsultation auprès d’un médecin d’une plateforme web ou de rendez-vous médicaux, médecin qu’il ne connaît pas, il doit être assuré que le STLC qu’il sollicite développe bien une action qui ne concerne que la santé et la maladie des usagers de la santé  En fait cette « bienfaisance » dépend en grande partie du système technologique de téléconsultation (STLC) qui a été réalisé par l’industriel ou la start-up du numérique en santé. Dans sa mission régalienne, l’Etat doit garantir au citoyen cette bienfaisance. C’est la raison pour laquelle il crée des obligations éthiques pour les fournisseurs de STLC.

C’est ainsi que le STLC doit être intuitif, à la portée de tous les publics, facilement compréhensible et ne demandant aucune formation particulière, que le créateur ou le fournisseur doit avoir la capacité de montrer tout document de nature à attester les mesures mises en œuvre pour atteindre ce critère, notamment la méthode d’évaluation et d’amélioration continue de l’intuitivité. Il lui faut rapporter la méthodologie des tests utilisés et donner les résultats obtenus par tranches d’âge, sexe, handicap, etc.

De même, le STLC doit permettre au professionnel médical d’évaluer la capacité de l’usager à consentir et il doit apporter la preuve que le professionnel de santé peut évaluer cette capacité du patient par des questions simples auxquelles il peut répondre.

Le STLC doit permettre au patient de confirmer son libre choix au recours à la téléconsultation. Le créateur du STLC doit fournir tout document illustrant le fait que le patient a pu exprimer son libre choix et que la téléconsultation ne lui a pas été imposée par des personnes ou des éléments de contexte particuliers comme des rendez-vous en présentiel trop éloignés, la non-disponibilité de son médecin traitant, etc.

Le STLC doit permettre d’identifier l’accompagnant du patient pendant la téléconsultation. Il peut s’agir de la famille d’un mineur pour une téléconsultation ponctuelle de pédiatrie, un aidant ou un tiers de confiance pour un adulte âgé en situation de handicap, d’illectronisme, etc. Le STLC met en œuvre des mécanismes permettant de recueillir l’engagement de l’accompagnant à garder confidentielles les échanges entendus pendant la téléconsultation.

Lors d’une téléconsultation auprès d’une plateforme, le STLC doit afficher le nom du médecin téléconsultant, en précisant sa spécialité, sa territorialité, sa formation à la téléconsultation (DPC, autres). Le STLC doit tracer le consentement donné par la personne qui télé consulte au professionnel médical pour que celui-ci puisse accéder à son DMP situé dans MES et où il déposera le compte-rendu de la téléconsultation.

Autre exigence relevant de la bienfaisance, le STLC doit permettre au professionnel médical de localiser le patient qui télé consulte. Cette obligation est essentielle pour que le professionnel médical sache, en début de téléconsultation, si le patient réside bien dans le territoire de santé où il peut bénéficier d’un parcours de soin coordonné après la fin de la téléconsultation. Enfin, le STLC doit permettre au professionnel médical d’évaluer l’environnement de la personne qui télé consulte (numérique, confidentialité) afin qu’il puisse mettre fin à la téléconsultation si les conditions de confidentialité et de sécurité ne sont pas réunies (par exemple, une cabine de téléconsultation installée dans un centre commercial).

Lorsque l’usager n’est pas à l’initiative de la téléconsultation, le contexte éthique du STLC est différent. En effet, c’est le professionnel médical qui propose la téléconsultation au patient et qui l’organise après avoir reçu le consentement éclairé du patient grâce à une information donnée le plus souvent lors d’une consultation en présentiel. Avec le consentement du patient, et après avoir justifié le caractère pertinent de la téléconsultation, le professionnel médical prend l’initiative de la téléconsultation, en s’aidant, si nécessaire, de l’assistance d’un professionnel de santé autorisé (pharmacien d’officine, infirmier/infirmière libéral(e). Le logiciel Saas qu’il utilise est dédié à la téléconsultation programmée et assistée. Il est interopérable avec le logiciel métier du médecin. Il peut aussi s’agir aussi d’une plateforme de rendez-vous qui organise la téléconsultation programmée par le médecin et vis à vis de laquelle les obligations précédentes s’appliquent. Seules quelques plateformes implantées en province proposent des téléconsultations programmées et assistées d’un professionnel de santé.

Bien évidemment, le STCL doit permettre d’identifier le professionnel de santé qui assiste la téléconsultation, mais cette identification est à l’intention du professionnel médical et non pour le patient qui connait bien ce professionnel. C’est le professionnel médical qui déclare à l’Assurance maladie le nom du professionnel qui assiste (pharmacien d’officine, infirmier) afin qu’il soit remboursé.

Le STLC n’a pas à refaire la procédure d’information préalable et de consentement éclairé puisque dans cette forme de téléconsultation, c’est le professionnel médical qui a réalisé cette information et reçu le consentement avant de mettre en place cette téléconsultation programmée.

De même, lorsque le patient est assisté d’un professionnel de santé, l’examen clinique virtuel peut être enrichi par l’usage d’objets connectés. Certains parlent alors de téléconsultation « augmentée ». Si le patient, souvent âgé, est dans un état d’illectronisme, l’organisation de la téléconsultation est assurée par le professionnel de santé qui va assister le patient. Ce dernier est identifié dans le logiciel Saas du médecin ou dans la plateforme de prise de rendez-vous.

Enfin, le STLC n’a pas besoin d’afficher le nom du médecin traitant puisque le logiciel Saas prévoit l’authentification du professionnel par sa carte eCPS et l’identification du patient par sa carte vitale.

2/ Le principe d’autonomie

En clair, l’usager de la santé qui réalise une téléconsultation ponctuelle doit utiliser un STLC qui respecte son autonomie de décision vis à vis des actions qu’il sollicite pour sa santé.

Ainsi, le STLC doit recueillir le consentement éclairé de l’usager si la téléconsultation est enregistrée. Le créateur du STLC doit mettre en place des mécanismes permettant au patient d’être informé et de consentir si ses données d’échange, pendant la téléconsultation, sont utilisées à d’autres finalités que le soin. Le STLC doit ainsi mettre en oeuvre des mécanismes permettant de distinguer les finalités d’intérêt général des finalités d’intérêt particulier.

Le STLC doit informer l’utilisateur de téléconsultation si une solution d’IA est utilisée. L’usager devra être informé et consentir à l’utilisation de l’IA.  De même, le STLC doit informer l’utilisateur de téléconsultation sur les mesures de sécurité mises en oeuvre pour garantir la confidentialité des échanges.

Le STLC doit permettre l’édition du compte-rendu signé de la téléconsultation pour qu’il figure dans le dossier professionnel (DPI) et dans le DMP du patient de MES.

Enfin, le STLC doit alerter le professionnel de santé sur son devoir d’informer le patient que ses données personnelles sont nécessaires pour son suivi, en particulier s’il sollicite l’accès au DMP de MES lorsqu’il n’est pas le médecin traitant. Il s’agit d’une obligation au sens du RGPD pour les données sensibles.

3/ Le principe de non-malfaisance

Le STLC doit mettre en place un mécanisme ne permettant pas la réidentification des données personnelles lorsque celles-ci sont utilisée pour une finalité secondaire. Il doit garantir l’absence de toute sollicitation commerciale à destination des professionnels de santé. Il doit également garantir la bonne compréhension par l’utilisateur de l’existence d’un partage des données recueillies avant, pendant et après la téléconsultation avec d’autres acteurs, notamment des sous-traitants.

Le STLC doit permettre au patient d’arrêter la téléconsultation à tout moment, facilement et simplement au niveau de son interface, si par exemple il l’estime de mauvaise qualité, ne correspondant pas à ses attentes.

Enfin, la technologie de vidéotransmission utilisée par le STLC doit permettre le respect de la confidentialité des échanges et des données transmises, ainsi que recueillir les indicateurs non-verbaux.

4/ Le développement durable

Respecter le développement durable en réduisant la charge carbone fait désormais partie des principes éthiques qu’un industriel doit prendre en compte dans toute création numérique, en particulier en santé. Ainsi le STLC doit être évalué à l’aune de l’impact environnemental de son utilisation au moyen d’un éco-store.

Le STLC doit s’intégrer dans son cycle de vie, dans une démarche globale de développement durable. Il doit mettre en oeuvre des pratiques de conception responsable, afin de réduire l’impact environnemental du service.

Le développement durable ne concerne pas que les solutions technologiques du numérique en santé, mais également les organisations qu’elles induisent. Ainsi, considérer que certaines consultations médicales en présentiel sont évitables, comme certaines hospitalisations, permet d’inscrire la téléconsultation (et la télésanté en général) dans un programme de développement durable du système de santé.

5/ Le principe de justice

Il ne s’agit pas là du principe de justice pour l’égalité d’accès aux soins mais d’une équité dans la fourniture des STLC, leur qualité et leur performance. C’est ainsi que tout STLC doit être développé en Responsive Web Design permettant une adaptation automatique de l’affichage à la taille de l’écran du terminal. Le site web du STLC doit être accessible et adaptable à tous les devices (tablettes, smartphones, etc.).

Conclusion :

Le STLC doit permettre aux patients de s’opposer au traitement de leurs données pour servir une finalité secondaire sans qu’il y ait de dégradation du service médical rendu. Enfin, le STLC doit être accessible en faible débit numérique et à partir d’équipements ne nécessitant pas d’être de dernière génération.

 

Nous remercions vivement le Docteur Pierre SIMON (Medical Doctor, Nephrologist, Lawyer, Past-president of French Society for Telemedicine) , auteur d’un ouvrage sur la Télémédecine,  pour partager son expertise professionnelle pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com

Biographie de l'auteur : 

Son parcours : Président de la Société Française de Télémédecine (SFT-ANTEL) de janvier 2010 à novembre 2015, il a été de 2007 à 2009 Conseiller Général des Etablissements de Santé au Ministère de la santé et co-auteur du rapport sur « La place de la télémédecine dans l’organisation des soins » (novembre 2008). Il a été Praticien hospitalier néphrologue de 1974 à 2007, chef de service de néphrologie-dialyse (1974/2007), président de Commission médicale d’établissement (2001/2007) et président de conférence régionale des présidents de CME (2004/2007). Depuis 2015, consultant dans le champ de la télémédecine (blog créé en 2016 : telemedaction.org).
Sa formation : outre sa formation médicale (doctorat de médecine en 1970) et spécialisée (DES de néphrologie et d’Anesthésie-réanimation en 1975), il est également juriste de la santé (DU de responsabilité médicale en 1998, DESS de Droit médical en 2002).
Missions :accompagnement de plusieurs projets de télémédecine en France (Outre-mer) et à l’étranger (Colombie, Côte d’Ivoire).
 avril 2007, Gazette du Palais 2007
Docteur Pierre SIMON

Medical Doctor, Nephrologist, Lawyer, Past-president of French Society for Telemedicine, Past-CGES French Ministry of Health Praticien Hospitalier en néphrologie pendant près de 35 ans, il s'est intéressé a la Télémédecine des le milieu des années 90 en développant une application de Télémédecine en dialyse, devenue opérationnelle en 2001. Cette application a été évaluée par la HAS en 2008-2009 (recommandations publiées en janvier 2010). Après avoir co/signe le rapport ministériel sur "La place de la Télémédecine dans l'organisation des soins", avec Dominique Acker lorsqu'il était Conseiller Général des Etablissements de Sante (2007-2009), il a été, de janvier 2010 à décembre 2015, président de la SFT-ANTEL Société savante de Télémédecine, qui regroupe plus de 400 professionnels de santé, médecins et non médecins ( infirmiers, pharmaciens, etc.). et dont l'objet est de promouvoir et soutenir les organisations nouvelles de soins structurées par la Télémédecine, apportant la preuve d'un service médical rendu aux patients. La SFT-ANTEL organise chaque année un Congres européen de Télémédecine et a crée un journal de recherche clinique en Télémédecine ( Européan Research in Télémédecine) publie par Elsevier.

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