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Que veulent les jeunes pour leur santé ? Le Docteur Pauline MARTINOT nous apporte de précieux conseils pour adapter nos messages en santé pour cette génération.

Nouvel article  rédigé pour ManagerSante.com par Pauline MARTINOT, Interne en Médecine ayant un double cursus PhD en Neurosciences. Elle est co-fondatrice de l’association Imhotep, un laboratoire d’innovation en communication en santé, et des « Les Ateliers Mercure« , un think thank en santé interdisciplinaire.  En tant qu’experte des sujets d’innovation et de santé publique, elle a été chargée de Mission par le Ministère des Solidarités et de la Santé pour co-rédiger avec Aude NYADANU, Fondatrice de Lowpital, un rapport sur la santé des jeunes remis en Mars 2022.

En mars 2022, Dr Pauline Martinot, jeune médecin de santé publique, co-nommée avec Aude Nyadanu, consultante, et leur équipe interdisciplinaire rendent le rapport “Mission santé jeunes”, commandé par Olivier Véran, sur comment mieux communiquer avec cette jeunesse hétérogène et lui transmettre les clefs pour être autonome sur ses besoins et en bonne santé.

Après avoir interviewé 70 jeunes et 200 professionnels, ils nous éclairent par leurs constats retrouvés à travers les différents profils types de jeunes, et les propositions communes pour adapter nos messages à ces générations qui le demandent.

La jeunesse est plurielle : échec des communications qui mettent tous les jeunes dans le même panier

La tentation est grande de rassembler les « jeunes » dans un paquet homogène en fonction de leur âge ou de leur milieu social. La jeunesse n’est qu’une expression commode pour rassembler sous une même bannière les expériences sociales, économiques et culturelles très disparates.

« Il n’y a rien de plus insupportable que d’entendre un adulte ou un politique parler « des jeunes » ou de « la jeunesse » comme si on était tous pareils et qu’on répondait à un cliché géant : les jeunes sont tous sur leur portable, les jeunes font une crise d’ado, les jeunes sont je-m’en-foutistes » Leyli, 16 ans

« On le voit à l’école, tout est fait comme si on était tous pareils : si on écoute les profs et le programme, c’est le même pour tous, la même manière d’enseigner, comme si on était un paquet de personnes qui se ressemblent et qui ont les mêmes besoins » Louis, 17 ans

« Gros échec de comm : On le voit dans les campagnes de comm pour les jeunes aujourd’hui, tout ce qui émane du gouvernement, c’est hyper cliché. Comme si on était tous des « djeuns » en jogging, avec notre portable. Comme si inviter nos influenceurs sur un plateau TV et reproduire l’ancienne manière d’échanger en direct avec un ministre ca allait nous donner envie de s’impliquer. » Mehdi, 17 ans.

  • Des points communs : une infantilisation ressentie

« On ne nous permet jamais de choisir, entre la maternelle et le lycée, les seules fois où on nous a demandé un choix c’était : anglais ou espagnol en LV2 ? et quelle section on choisit au lycée. Après faut pas s’étonner qu’on ne soit pas motivés à aller voter. On a l’impression qu’on vient nous chercher notre avis que quand ça arrange le politique pour ses voix d’élection ».

Une envie de participer à la société, mais un sentiment de ne jamais faire partie de la bonne tranche d’âge.

Les jeunes interviewés ont l’impression que « c’est que du faux » de créer l’assemblée municipale des jeunes, ou nationale. Ils parlent de politiques qui viennent prendre une photo et s’afficher avec eux sans réellement construire un projet en les incluant. Ils ont le sentiment que bien trop rarement leur avis n’est pas pris en compte et ils ne peuvent pas participer réellement à la vie citoyenne.

« On a pourtant clairement accès à plus d’informations et à plus de moyens d’expression qu’avant » indique Samia, 14 ans.

Développer une communication par et pour les jeunes est essentiel pour les toucher et les impliquer dans leur santé.

  • Propositions : Comment communiquer et toucher « les Jeunes ».

Voici plusieurs idées, présentées sous un format des choses à faire (dites les “feux verts”) et des choses à éviter (dites les “faux pas”), issues des entretiens réalisés pendant la mission santé jeunes, pour les toucher et les surprendre.

LES FEUX VERTS pour toucher les jeunes

Quelques conseils concernant vos STRATEGIES :

  • Personnaliser le contenu des communications, les adapter à chaque profil type de jeune, à chaque manière de consommer l’information et à chaque frein/besoin/ centre d’intérêt. Comment faire ? Utiliser les techniques du Design thinking.
  • Les associer pleinement à chaque projet, à chaque événement, qui leur est destiné (cf. la note sur la méthodologie)
    • Co-construire avec eux passe par aller les interviewer dans la rue, les solliciter pour répondre à une question courte, réaliser des « focus group » de 5 à 10 jeunes avec lesquels ont fait des aller-retours pour critiquer et améliorer la communication.
    • Co-construire avec eux permet d’augmenter l’impact que le projet aura sur eux, et aussi de créer un engagement fort pour adhérer au projet auquel ils auront contribué.
  • Oser, surprendre et montrer un style qui s’assume, avec ses failles, ses faiblesses et ses forces. Assumer de dire que tout n’est pas parfait, qu’il y a des erreurs qui sont faites, et des réussites. Montrer de l’humilité.
  • Se laisser porter par les rencontres avec les jeunes : leur poser les questions s’ils étaient à votre place, qu’est-ce qu’ils mettraient en place. Quels sont les éléments dont ils ont besoin. Comment imaginent-ils la société dans laquelle ils veulent grandir et s’épanouir.

Quelques conseils concernant la METHODOLOGIE :

  • Bien étudier tous les profils types de jeunes qui existent sur le territoire d’intérêt, identifier leurs freins et leurs centres d’intérêts, leurs manières de consommer l’information, les influenceurs qu’ils suivent, les lieux où ils se rendent, afin d’adapter les communications à ce qui leur plait.
  • Développer un circuit court (via les réseaux sociaux et des focus groups qui varient dans le temps) pour qu’ils remontent rapidement leurs besoins, des blocages du quotidien et leurs solutions. Ces remontées doivent être visibles, avec une réponse immédiate, afin de développer un sentiment d’utilité pour celui qui transmet une info au décideur, mais aussi, cela permet d’encourager la remontée des informations pertinentes auprès d’un plus grand nombre de citoyens.
  • Quelques idées pour accompagner le développer de cette approche
    • La DITP : met à disposition des formations en Design, et met à disposition des équipes pour accompagner les projets réalisés au sein de l’administration en s’appuyant sur les techniques de design thinking
    • Proposer à un EIG (entrepreneur pour l’intérêt général) de venir réaliser et mettre en place la digitalisation de votre projet dans votre service
    • Ouvrir plus de contrats EIG auprès des étudiants fraîchement diplômés d’écoles de Design pour qu’ils mettent leurs compétences au service des liens entre administrations et terrain
    • Proposer à des jeunes en service sanitaire et en service civique de vous accompagner dans ces projets de collaboration avec le terrain
  • Si vous avez besoin de communiquer sur les réseaux sociaux : Préférez les micro-influenceurs (ceux qui ont des communautés de moins de 10k followers) qui sont plus impactants que les gros influenceurs.

Quelques conseils concernant les CONTENUS  à réaliser :

  • Renvoyer une image positive et valorisante d’eux-mêmes, cela contribue à créer les conditions de leur adhésion au message : On oublie les phrases qui contiennent de la négation, on utilise une syntaxe affirmative, qui motive et donne envie, qui fait confiance.
  • Pour certains profils, inclure une dimension d’impact sociétal : la planète, la dignité humaine et animale, bannir les discriminations, augmenter la diversité et le mieux vivre ensemble, avec un aspect « mondialisation et respect des minorités, culturelles et sexuelles.
  • Pour d’autres profils, un élément est ressorti : celui d’avoir besoin d’appartenir à un groupe identitaire fort ou communauté, qu’ils ne retrouvent pas du tout dans « la France », ni en termes de fierté d’appartenir à la nation, ni en termes d’appartenir à une région, ni à une ville, ni à une école/université. En revanche, ils se retrouvent dans l’identité de sous-groupe selon leurs origines culturelles (pays d’origine, nom de quartiers dans les QVP), des groupes selon le sport pratiqué (les communautés sportives où il y a de l’entraide, du soutien et un accueil fort, et surtout : la présence de grands-frères/ grandes-sœurs qui leur font confiance et leur tendent la main)

Quelques conseils concernant les FORMATS à utiliser :

  • Transmettre les messages uniquement de manière visuelle. On utilise des formats de vidéo courts, pétillants, rapides, et rythmés. L’attention passée sur une information est très courte, il est nécessaire d’aller à l’essentiel. La durée de vie d’une vidéo Tiktok aujourd’hui est à la hauteur de quelques jours (vs. Une campagne de communication nationale qui est créée sur plusieurs mois et publiée pendant plusieurs semaines).
    • Pour la compréhension de tout type de document, les sciences comportementales recommandent :
    • L’utilisation d’une police sans serif (c’est-à-dire, sans les petites queues aux extrémités des lettres ex : éviter Times New Roman, préférer Arial, Helvetica)
    • L’unique manière de mettre en valeur un mot ou une phrase est de la mettre en gras
    • Ne pas utiliser d’italique, ni de LETTRES CAPITALES (agressives !), ni de souligner : ils alourdissent et complexifient la lecture
  • Lors de la publication d’un document important, prévoir la stratégie de communication qui est associée à cet élément pour en informer votre population cible, et impliquer les influenceurs de ces communautés à toucher.
  • Un influenceur connaît sa communauté et sait adapter le message à faire passer en créant lui-même les contenus. Proposer des messages « bruts » à faire passer et laisser l’influenceur s’en saisir.
  • Les vidéos doivent toutes être sous-titrées, avec le sous-titre qui apparaît sans avoir à cliquer sur ladite vidéo. En effet, 85% des utilisateurs du réseau Facebook regardent les vidéos sans son (à l’inverse, seul le réseau YouTube contient une majorité d’utilisateurs qui regardent les vidéos avec son).

LES FAUX PAS que nous faisons tous :

  • Lors de la publication d’une photo autour d’un déplacement du décideur politique, préférez une photo où le décideur politique parle de sa vie, ses forces et ses faiblesses, ses réflexions sur un sujet concret du quotidien, et proposez l’interaction avec les abonnés ou le public, par exemple, en terminant le post LinkedIn par « et vous, qu’en pensez-vous ?”
  • A la place de la publication d’un texte officiel (mais perçu comme complexe), préférez les extraits choisis, concrets, courts, avec explications, avec 1 image. Quel message essentiel voulez-vous que la personne retienne ? Un fond de couleur unie. Montrez la volonté et la motivation à partager les avancées qui sont faites sans pour autant se mettre en avant. C’est très apprécié sur les réseaux sociaux. Humilité, bienveillance et avoir fait l’effort du partage et de la transmission sont des valeurs qui attirent beaucoup les communautés de jeunes.
  • Une manière originale de présenter la synthèse des publications d’avancées de textes de loi serait celle, par exemple, d’AOC aux Etats-Unis : filmez-vous en live dans votre quotidien tout en expliquant avec vos mots, les dessous d’une loi, pour quelles raisons elle nécessitait une amélioration, les points de discorde, et les enjeux pour la société. Rendez accessible votre savoir-faire et l’ensemble des services que vous rendez au quotidien pour les Français.
  • Prenez les personnes cibles de votre projet (avec leur accord) en photo, seuls, et valorisez-les avec les écrits sous les posts des réseaux sociaux, par exemple « voici Tom et ses amis, qui ont entrepris de (…). Bravo pour votre détermination (…) ». On montre des images où on les écoute, et on témoigne ensuite de ce qu’ils vivent.
  • Laissez les influenceurs et les jeunes s’emparer des messages et créer leurs propres contenus avec. Organisez des concours pour qu’ils créent les manières les plus originales de faire passer les messages de santé auprès de leurs communautés (les pairs à pairs 2.0 !).

Conclusion :

En écrivant ces lignes et ces retours, les besoins et les freins des jeunes vis à vis des informations en santé et de leurs comportements en santé ont déjà changé.

Prenons l’habitude de co-construire toutes les campagnes de promotion de la santé avec les personnes concernées, de A à Z, afin d’adapter tous les projets à leurs besoins, et ainsi, maximiser l’impact de notre intervention, en mesurant en permanence ses impacts et en s’améliorant en continu bien sur !

NB : Représentée par Dr Pauline Martinot et Aude Nyadanu, l’équipe de jeunes volontaires ayant réalisé la mission santé jeunes est composée de Dr Caroline Bevalot, Agathe Boutaud, Jacques-Antoine Caille, Dr Thomas Cantaloup, Tiphaine Detoudeville, Benoit Fagnou, Dr Marie-Mélissa Jasmin, Colin Lenoble, Helen Martinot, Lou Masqueliez.

Pour aller plus loin :

Biographie de l'auteure : 

Interne en Médecine et double cursus PhD en Neurosciences, Pauline MARTINOT a co-fondé l’association Imhotep, pour transformer le savoir médical et académique en communication encourageante, dynamique et positive pour le grand public.
Déterminée à développer des projets interdisciplinaires dans le milieu de la santé et à conseiller les décideurs politiques sur ses innovations, elle a co-fondé en 2019 et présidé Les Ateliers Mercure, un thinktank en santé, rassemblant aujourd’hui 70 jeunes professionnels, patients, et entrepreneurs dans le soin.
Avec Imhotep, le laboratoire d’innovation en communication de la santé par le digital, ils invitent les professionnels de santé (médecin, dentiste, pharma, infirmier, kiné, Sage femme, chercheurs) à travailler avec des spécialistes du travail du texte et de l’art oratoire (humoristes, standupper, éloquence) et avec des sportifs de haut niveau pour réinventer une communication positive en santé en France et donner envie au grand public de prendre soin de lui, facilement, et avec fun !
Débordante d’énergie, curieuse, bosseuse et dynamique, elle encourage en permanence ceux qui m’entourent à être confiants, à développer leurs talents et à avoir le plus d’impact positif possible sur nos sociétés.
En 2019, elle a démarré une thèse de Neurosciences appliquées à l’apprentissage du langage et des mathématiques à l’école primaire, pour aider à comprendre la physiopathologie de la dyslexie et de l’hyperlexie, grâce aux IRM fonctionnelles et aux macro-données. Elle a reçu une bourse de la Fondation pour la Recherche Médicale à cet effet.

Revoir les [REPLAY] du 1er Colloque National Annuel de ManagerSante.com® au Solidarités et de la Santé avec de nombreux experts intervenants.

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