Nouvel Article proposé par notre expert, Dominique BERIOT (spécialiste de l’approche systémique du changement et du management dans les entreprises depuis plus de 40 ans), conférencier et auteur de nombreux articles & ouvrages
N°17, Août 2021
Les évolutions technologiques, le développement du numérique et son impact sur l’organisation, les applications de l’intelligence artificielle, la dispersion des acteurs, la multiculturalité, rendent le travail en mode projet de plus en plus complexe, fréquent et nécessaire. Toute activité de ce type, se développe dans un système ouvert intégrant les membres de l’équipe et des « parties prenantes »[1] tant internes qu’externes à l’entreprise.
Naturellement, l’organisation d’un projet indiquant le « qui fait quoi, pour qui et pour quand », l’équipe dispose alors des informations utiles à la compréhension du projet et de son contexte ainsi que la connaissance des contraintes à respecter, des ressources affectées et des aspects logistiques (note de frais, hébergement, déplacement, modalités d’imputation…).
Cependant, ces éléments sont souvent insuffisants car ils n’assurent pas la dynamique relationnelle entre les acteurs en particulier dans un contexte où les membres de l’équipe et les parties prenantes sont dispersées et multiculturelles. Négliger cet aspect entraîne des conséquences importantes dans la mesure où il est source de malentendus, d’incompréhensions et peut servir d’alibi pour éviter d’agir dans l’intérêt collectif. Il s’en suit non seulement des pertes de temps, des augmentations de coûts, des retards de livraison, mais aussi des tensions, voire des conflits entre les différents acteurs.
Pour réduire les risques de dérapages et éviter la détérioration de certaines relations à court et moyen terme. on cherche à optimiser les synergies. Il est possible d’y parvenir par un travail d’identification des interfaces entre les membres de l’équipe projet et les parties prenantes, et par une clarification collective des contributions individuelles.
Qu'apporte cette dimension aux membres de l'équipe projet ?
Une telle approche systémique contribue à donner à chacun une vision globale des acteurs concernés, de leurs responsabilités et de leurs enjeux professionnels. Ainsi, chacun dispose d’une connaissance mutuelle des contributions individuelles et pour le pilote du projet d’une meilleure capacité de coordination avec chacune des parties.
Comment impliquer vos collaborateurs dans cette dynamique ?
Voici une démarche intéressante étant donné son efficience.
1- Organiser une réunion avec toutes les personnes de l’équipe
(y compris celles affectées temporairement au projet) en leur indiquant les résultats attendus de cette réunion :
– Réaliser une représentation globale des parties prenantes internes et externes au projet
– Décrire nos contributions respectives avec chacune d’elles.
2 - Lister les parties prenantes concernées et représentez-les sur un même support
Les échanges entre les membres de l’équipe favorisent une identification rapide et exhaustive.
Chaque représentation est bien entendu propre au contexte correspondant.
Je vous présente, à titre d’exemple (figure ci-après), un travail effectué par une équipe répartie sur plusieurs sites, appartenant à une société internationale d’ingénierie.
Fig : Les acteurs à considérer dans les projets de la Sté
Ils ont construit en visioconférence cette représentation du système d’acteurs sur un support accessible à tous, pour donner à chacun une vision globale des parties prenantes.
3- Préciser les contributions
Ensuite, leur démarche a consisté à faire émerger les contributions récurrentes de l’équipe avec les parties prenantes.
Je présente ci-après, à titre indicatif, la liste des contributions avec chacun des sous-systèmes d’acteurs. Je l’ai volontairement conservée dans son intégralité afin de permettre à des managers de s’en inspirer.
Avec le client
. aider le client à clarifier sa demande pour obtenir ses objectifs, les résultats attendus et les contraintes à prendre en compte au lancement du contrat.
. identifier les interlocuteurs pertinents et préciser le mode de relation opérationnelle avec ceux-ci (modalités des réunions, d’approbation des procès verbaux, délais d’approbation des rapports) ;
. obtenir les données nécessaires au lancement du projet ;
. aider le client à clarifier les nouvelles demandes qu’il exprime au cours de la vie du projet ;
. gérer, voire négocier les demandes de modifications et leurs conséquences (en distinguant ce qui relève du contrat et ce qui peut ou doit susciter des avenants) ;
. garantir la qualité des prestations (contenu, engagements, comportements, non-conformités) ;
. obtenir le paiement des prestations réalisées en fonction du terme des contrats, la levée de garantie, et le certificat de bonne fin si nécessaire ;
. assurer l’équilibre entre les attentes du client et les intérêts de l’entreprise (limites des prestations, prises de risques, extensions possibles, déontologie, écologie) ;
. identifier, voire susciter, des demandes complémentaires (commercial de proximité).
Avec la direction générale
. mettre en cohérence les enjeux du projet par rapport à la stratégie de l’entreprise ;
. s’ajuster sur un mandat de projet ;
. rendre compte de l’avancement du projet, des écarts constatés et des apparitions de risques ;
. proposer des actions pour optimiser la marge du contrat ;
. obtenir une décision pour les modifications importantes à accepter ou proposer ;
. demander l’arbitrage pour les différends à résoudre ;
. assurer une information réciproque sur certaines pratiques pour en tirer des enseignements profitables.
Avec la direction technique
. élaborer par écrit le cadre des contributions réciproques ainsi que les modalités d’ajustement et de validation;
. définir les fonctions et/ou les profils des ingénieurs et experts, et obtenir leur affectation sur le projet ;
. susciter et mettre en œuvre des actions pour optimiser la marge du contrat ;
. s’assurer que la contribution est conforme aux exigences du contrat (qualité, délais, coûts) ;
. prendre l’initiative d’ajustements en cas de difficultés ;
. communiquer les appréciations demandées sur la contribution des ingénieurs et des experts ;
. obtenir des orientations sur le choix des fournisseurs et des partenaires ;
. demander l’évaluation des responsabilités encourues par la société et des risques correspondants.
Avec les directions fonctionnelles
. préciser les contributions attendues des services et les associer en amont à chaque fois que nécessaire ;
. fournir les informations utiles à l’entreprise (gestion, finance, ressources humaines, documentation d’intérêt général).
Avec les partenaires de la société
. s’ajuster clairement avec les partenaires sur :
– le leadership vis-à-vis du client ;
– l’organisation du pilotage et de la gestion du contrat ;
– la répartition des recettes et des charges ;
– la nature et la répartition des charges et des garanties correspondantes ;
– les modalités de paiement.
. élaborer ou faire élaborer, puis négocier un accord de partenariat ;
. s’assurer de la mise en place d’une structure de direction et de coordination de projet afin de permettre les choix et les régulations nécessaires ;
. définir le système d’échange d’information ou s’assurer de son existence .
Avec les fournisseurs
. Faire préciser clairement la commande en précisant en particulier les objectifs et les résultats attendus ;
. lancer des appels d’offre (selon les règles internes ou externes) ;
. négocier et passer des contrats précis (coûts, délais, qualité, responsabilités) ;
. suivre le déroulement du contrat pour s’assurer de la conformité des prestations et effectuer les ajustements nécessaires
. signer le bon à payer pour la comptabilité.
Préciser alors les contributions propres au projet en s’appuyant, si nécessaire, sur les travaux ci-dessus. Leur lecture montre que la majorité d’entre elles se retrouve dans tout projet quelle qu’en soit sa dimension.
La répartition des contributions individuelles
En s’appuyant sur les contributions retenues, confirmer à chacun ce que l’on attend de lui dans ses relations avec telle ou telle partie prenante. De plus, en fonction de ses attributions, clarifier aussi les relations entre lui et le responsable du projet.
Quelle que soit l’importance du projet, l’essentiel consiste à optimiser son déroulement en donnant à chacun le sentiment d’être impliqué et d’appartenir à une équipe mobilisée dans une même direction, évoluant dans un système d’acteurs.
Le caractère collectif du travail réalisé avec l’équipe est tout aussi utile que l’identification elle-même des contributions. Par ailleurs, s’il est préférable d’engager le plus tôt possible ce dispositif, il est toujours temps de le faire en cours de projet. Mieux vaut tard que jamais !
Enfin, cette approche systémique de management d’un projet, qui donne le sens et permet à chacun de vérifier si son investissement fait sens pour lui, doit être considérée comme l’un des moteurs essentiels à la dynamique de l’équipe.
Notes :
[1] Les parties prenantes ici prises en compte, n’incluent que les acteurs impliqués dans les décisions et les actions du projet, qu’ils soient internes ou externes à l’équipe.
Nous remercions vivement Dominique BERIOT (spécialiste de l’approche systémique du changement et du management dans les entreprises depuis plus de 40 ans), conférencier et auteur de nombreux articles & ouvrages, dont le dernier paru en Février 2018, « Guide systémique du manager d’équipe: 40 situations managériales du quotidien » aux Editions Eyrolles), de partager son expertise professionnelle avec nos fidèles lecteurs de www.managersante.com
Biographie de l'auteur :
Dominique BERIOT, possède une triple expérience professionnelle. D’abord comme manager ou dirigeant dans cinq entreprises différentes de 2000 à 15000 personnes, puis comme consultant de l’entreprise de conseil qu’il a créée et spécialisée dans la conduite du changement par l’approche systémique. Il contribue à la diffusion de la pensée systémique à travers des conférences et des travaux de recherche. Dominique BERIOT a publié 6 ouvrages dans le domaine du management et, plus spécifiquement sur l’approche systémique du changement, dont les plus récents : – « Guide systémique du manager d’équipe, 40 situations managériales du quotidien« , Eyrolles, 2018. – « Manager par l’approche systémique, s’approprier de nouveaux savoir-faire pour agir dans la complexité », Eyrolles, 2014. (préface Michel Crozier).«
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