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Pourquoi parlons-nous ? Le Professeur Eric DELASSUS éclaire notre pensée avec philosophie.

Nouvel Article écrit par Eric, DELASSUS, (Professeur agrégé Lycée Marguerite de Navarre de Bourges et  Docteur en philosophie, Chercheur à la Chaire Bien être et Travail à Kedge Business School). Il est co-auteur d’un nouvel ouvrage publié en Avril 2019 intitulé «La philosophie du bonheur et de la joie» aux Editions Ellipses,

N°48, Août 2021

Ce n’est ni la faim ni la soif, mais l’amour, la haine, la pitié, la colère, qui leur ont arraché les premières voix. Les fruits ne se dérobent point à nos mains, on peut s’en nourrir sans parler ; on poursuit en silence la proie dont on veut se repaître : mais pour émouvoir un jeune cœur, pour repousser un agresseur injuste, la nature dicte des accents, des cris, des plaintes. Voilà les plus anciens mots inventés, et voilà pourquoi les premières langues furent chantantes et passionnées avant d’être simples et méthodiques. (Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l’origine des langues)

Les hommes parlent.

C’est un fait. Mais pourquoi parlent-ils ? On serait tenté de supposer qu’ils parlent avant tout pour échanger des informations, pour des raisons qui seraient principalement d’ordre pratique.

Ainsi, supposerait-on les premiers hommes inventant les premiers mots pour communiquer dans le cadre de la chasse, de la pêche ou de la cueillette. Que les hommes aient pu comprendre à un certain moment de leur évolution qu’ils pouvaient user de la parole pour lui faire remplir cette fonction, cela ne fait aucun doute.

Néanmoins, on est en droit de se demander si cet usage de la parole fut le premier auquel les êtres humains eurent recours. Pour que les hommes puissent échanger de cette manière, il faut supposer en eux une capacité à produire des représentations dont ils ne disposent peut-être pas immédiatement et naturellement et qui nécessite probablement quelques siècles de culture pour se développer dans l’espèce. Il faut, en effet pour que les hommes parlent et utilisent leur voix pour prononcer des sons dont le but est d’évoquer des objets extérieurs, de signifier les concepts de ces objets, que la conscience ait atteint un niveau déjà fort élevé de développement et que soit apparue en eux la fonction symbolique, c’est-à-dire l’aptitude à désigner une chose par une autre. Il n’est pas évident qu’une telle aptitude puisse apparaître spontanément.

En revanche, si l’usage de vocables pour désigner des choses extérieures n’est pas si aisé qu’on pourrait le croire, peut-être les hommes furent-ils plus facilement enclins à répondre à l’impulsion naturelle d’exprimer leurs sentiments afin de manifester hors d’eux-mêmes les mouvements de leur vie affective. C’est probablement pour exprimer la crainte, le plaisir ou la souffrance, la joie ou la tristesse que les premiers mots sortirent de la bouche des hommes.

C’est en tout cas la thèse que défend Jean-Jacques Rousseau dans son Essai sur l’origine des langues et c’est pourquoi il y affirme que les premières langues que parlèrent les êtres humains furent d’abord des langues de poètes et non des langues de géomètre.

La parole donne à penser

Que cette thèse soir vraie ou fausse, peu importe ! Jamais nous ne pourrons remonter aux origines de l’humanité pour vérifier ce qui conduisit nos ancêtres à user de la parole. Ce qui compte et ce qui rend séduisante la conception rousseauiste de l’origine des langues, c’est qu’elle donne à penser. Elle nous permet de nous rendre compte que nous ne parlons pas simplement pour émettre des idées ou transmettre des informations en direction d’autrui, mais aussi pour exprimer et communiquer ce que nous ressentons.

Nous avons besoin d’extérioriser nos affects et de recevoir ce que ressentent les autres. Tout dialogue, tout échange de mots, toute conversation suppose une certaine empathie, une communication qui est aussi une forme de communion avec l’autre. Rien de plus incompréhensible qu’un discours totalement désincarné dans lequel le locuteur retient toute la part de sensibilité qui pourrait s’y introduire. Un tel discours, même si son contenu est d’une grande richesse, est totalement inaudible, tout simplement parce que la vie en a été ôtée.

Bien entendu, il ne s’agit pas de dire ici qu’il suffit d’introduire de la sensibilité dans ses propos pour être convaincant. Ce serait confondre la conviction et la persuasion et faire l’éloge de la sophistique, c’est-à-dire de l’art de tromper. Un discours ne peut être convaincant que s’il est rigoureux et précis, mais si ces deux conditions sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes, il faut aussi qu’il soit sincère et que cette sincérité transparaisse dans la part affective qui le constitue.

On dit souvent que ce qui fait qu’un auditoire adhère ou non à un discours consiste principalement dans la forme de celui-ci ainsi que dans les éléments non-verbaux ou paraverbaux qui le constituent. C’est probablement vrai. L’intonation, la gestuelle, les mimiques qui accompagnent un discours rendent celui-ci plus vivant et plus authentique. Néanmoins, il faut avoir conscience que ces éléments ne sont ni un gage de vérité, ni un gage de sincérité. Les sophistes avaient bien compris cette nécessité de rendre la parole vivante, ils avaient bien perçu que nous ne parlons pas simplement pour exprimer des idées, mais aussi pour partager ce que nous ressentons.

Aussi, ont-ils élaboré à partir de ce constat, des technique rhétoriques dont le but est essentiellement de persuader leur auditoire sans se soucier de la vérité du contenu de leurs énoncés. En d’autres termes, leur seul souci était de faire vibrer la corde sensible de manière à tromper ceux à qui ils s’adressaient en leur tenant des propos d’une rationalité douteuse dont ils dissimulaient les failles à l’aide d’artifices formelles, paraverbaux et non-verbaux.

C’est pourquoi il faut faire usage de ces éléments avec beaucoup d’honnêteté et de prudence. Il ne s’agit pas de les éliminer du discours, ils sont constitutifs de l’essence même de toute parole vivante, mais ils ne doivent pas pour autant nous autoriser à occulter un certain souci de vérité et de sincérité qui doit accompagner tout discours, si nous désirons réellement communiquer les uns avec les autres en maintenant une certaine confiance dans la parole d’autrui, c’est-à-dire en ayant foi en elle.

 

Parler pour partager ses affects

Nous ne parlons certainement pas seulement pour des raisons d’ordre pratique – transmettre des informations nécessaires à une action collective – ou pour répondre à des objectifs théoriques – exprimer des idées.

Nous parlons également, et ce fut peut-être la raison d’être et le véritable sens des premières paroles humaines, pour exprimer et partager des sentiments, des émotions ou des passions.

Mais il y a déjà dans cette manière impulsive de s’exprimer une forme de sincérité qui transparaît et dont on peut supposer qu’elle s’est prolongée dans le souci de vérité qui marque tout discours authentique.

Conclusion

Prenons donc garde à ne pas corrompre cette fonction première de la parole pour la transformer en un moyen d’exercer un pouvoir sur autrui. Lorsque la parole n’est plus qu’un instrument de pouvoir et que chacun en use de la sorte, plus personne ne croit ni en sa propre parole ni en celle de l’autre et plus aucun sentiment authentique ne peut s’exprimer.

Les seuls affects qui subsistent sont ceux qu’inspire une méfiance généralisée qui rend impossible toute véritable communication et plus largement toute relation authentique[1]ment humaine.

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Nous remercions vivement notre spécialiste, Eric, DELASSUS, Professeur agrégé (Lycée Marguerite de Navarre de Bourges) et  Docteur en philosophie , co-auteur d’un nouvel ouvrage publié en Septembre 2018 intitulé « Ce que peut un corps » aux Editions l’Harmattan,  de partager son expertise en proposant des publications dans notre Rubrique Philosophie & Management, pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com 

Biographie de l'auteur :

Professeur agrégé et docteur en philosophie (PhD), j’enseigne la philosophie auprès des classes terminales de séries générales et technologiques, j’assure également un enseignement de culture de la communication auprès d’étudiants préparant un BTS Communication.
J’ai dispensé de 1990 à 2012, dans mon ancien établissement (Lycée Jacques Cœur de Bourges), des cours d’initiation à la psychologie auprès d’une Section de Technicien Supérieur en Économie Sociale et Familiale.
J’interviens également dans la formation en éthique médicale des étudiants de L’IFSI de Bourges et de Vierzon, ainsi que lors de séances de formation auprès des médecins et personnels soignants de l’hôpital Jacques Cœur de Bourges.
Ma thèse a été publiée aux Presses Universitaires de Rennes sous le titre De l’Éthique de Spinoza à l’éthique médicale. Je participe aux travaux de recherche du laboratoire d’éthique médicale de la faculté de médecine de Tours.
Je suis membre du groupe d’aide à la décision éthique du CHR de Bourges.
Je participe également à des séminaires concernant les questions d’éthiques relatives au management et aux relations humaines dans l’entreprise et je peux intervenir dans des formations (enseignement, conférences, séminaires) sur des questions concernant le sens de notions comme le corps, la personne, autrui, le travail et la dignité humaine.
Sous la direction d’Eric Delassus et Sylvie Lopez-Jacob, il vient de co-publier un nouvel ouvrage le 25 Septembre 2018 intitulé ” Ce que peut un corps”, aux Editions l’Harmattan,   

DECOUVREZ LE NOUVEL OUVRAGE PHILOSOPHIQUE

du Professeur Eric DELASSUS qui vient de paraître en Avril 2019

Résumé : Et si le bonheur n’était pas vraiment fait pour nous ? Si nous ne l’avions inventé que comme un idéal nécessaire et inaccessible ? Nécessaire, car il est l’horizon en fonction duquel nous nous orientons dans l’existence, mais inaccessible car, comme tout horizon, il s’éloigne d’autant qu’on s’en approche. Telle est la thèse défendue dans ce livre qui n’est en rien pessimiste. Le bonheur y est présenté comme un horizon inaccessible, mais sa poursuite est appréhendée comme la source de toutes nos joies. Parce que l’être humain est désir, il se satisfait plus de la joie que du bonheur. La joie exprime la force de la vie, tandis que le bonheur perçu comme accord avec soi a quelque chose à voir avec la mort. Cette philosophie de la joie et du bonheur est présentée tout au long d’un parcours qui, sans se vouloir exhaustif, convoque différents penseurs qui se sont interrogés sur la condition humaine et la possibilité pour l’être humain d’accéder à la vie heureuse.  (lire un EXTRAIT de son ouvrage)

 

Un Nouvel ouvrage à paraître le 04 Octobre 2021 écrit par de nombreux experts-auteurs de ManagerSante.com

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Professeur Éric DELASSUS

Professeur agrégé et docteur en philosophie (PhD), j'enseigne la philosophie auprès des classes terminales de séries générales et technologiques, j'assure également un enseignement de culture de la communication auprès d'étudiants préparant un BTS Communication. J'ai dispensé de 1990 à 2012, dans mon ancien établissement (Lycée Jacques Cœur de Bourges), des cours d'initiation à la psychologie auprès d'une Section de Technicien Supérieur en Économie Sociale et Familiale. J'interviens également dans la formation en éthique médicale des étudiants de L'IFSI de Bourges et de Vierzon, ainsi que lors de séances de formation auprès des médecins et personnels soignants de l'hôpital Jacques Cœur de Bourges. Ma thèse a été publiée aux Presses Universitaires de Rennes sous le titre De l'Éthique de Spinoza à l'éthique médicale ( http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=2597 ). Je participe aux travaux de recherche du laboratoire d'éthique médicale de la faculté de médecine de Tours. Je suis membre du groupe d'aide à la décision éthique du CHR de Bourges. Je participe également à des séminaires concernant les questions d'éthiques relatives au management et aux relations humaines dans l'entreprise et je peux intervenir dans des formations (enseignement, conférences, séminaires) sur des questions concernant le sens de notions comme le corps, la personne, autrui, le travail et la dignité humaine.

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