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Quels retours d’expériences pouvons-nous faire des usages de la Téléconsultation dans le contexte de la crise Covid19 ? Le Dr Audrey DARRAS et le Pr Emmanuel BARRANGER nous expliquent (Partie 2/2).

Ce nouvel article est rédigé pour notre plateforme média ManagerSante.com

par le Docteur Audrey DARRAS  avec la contribution du Professeur Emmanuel BARRANGER.

Relire la 1ère partie de cet article.

 

Après avoir développé précédemment l’aspect règlementaire de la télémédecine en France avec son déploiement méthodique et pérenne, ici seront abordés en premier lieu, le déclencheur indirect que fut le COVID 19 sur l’envolée rapide de la téléconsultation et puis dans un second temps, l’appréhension et la gestion de la télémédecine de l’après COVID grâce aux nombreux retours d’expérience recueillis au terme de cette crise sanitaire et véritables leviers pour le futur.

L'essor fulgurant de la télémédecine pendant l'épidémie de Covid-19

Le rapport de la CNAM en juillet 2020 recense, pour février 2020, environ 40 000 téléconsultations remboursées et plus de 3 000 médecins téléconsultants. Mais dès l’instauration du confinement, le 15 mars 2020, la téléconsultation a connu un essor spectaculaire. Entre février et avril 2020, le nombre de téléconsultations a explosé.

Illustration au Centre Antoine Lacassagne de Nice, même si avant la pandémie depuis 2018, les patientes atteintes d’un cancer du sein pouvaient bénéficier d’un suivi à distance que ce soit au décours d’une chimiothérapie (par téléconsultation afin d’éviter des déplacements chronophages et épuisants pour des patientes diminuées habitant dans des zones reculées) ou avant et après une intervention chirurgicale grâce à l’application CAL and You sur smartphone permettant un lien inestimable entre le patient et les équipes de soins.

Pour autant ce service restait assez limité seuls quelques médecins y avaient recours. Survient la crise sanitaire, et en quelques jours grâce à une grande adaptabilité des équipes, toutes les procédures de suivi ont été revues permettant de faire le choix entre patients pouvant être télésuivis et ceux qui devaient continuer à venir.

Dans le même temps, les médecins du Centre se sont mis à la téléconsultation quels que soient leur profil en termes d’âge et de spécialité : oncologues, chirurgiens, anesthésistes, radiothérapeutes… La gouvernance médicale des CLCC (centres de lutte anti-cancer) a été un énorme atout pour potentialiser la flexibilité et l’adaptabilité médicales de leurs organisations durant cette crise sanitaire. Par ailleurs, les patients ont été rassurés par ces téléconsultations car ils avaient conscience de leur vulnérabilité face au COVID 19.

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire instauré par la loi du 23 Mars 2020 :

  • les règles de réalisation des actes de télémédecine ont été assouplies, afin de protéger patients et médecins des risques de contamination. Les patients ont pu bénéficier d’une consultation à distance avec un médecin qu’ils ne connaissaient pas et sans être orientés par leur médecin traitant. En vue de pallier les disparités d’accès au numérique, la consultation par téléphone a été autorisée pour les femmes enceintes et certains patients (résidant en “zone blanche”, ne disposant pas d’outil vidéo, en ALD ou âgés de 70 ans et plus) ;
  • toutes les téléconsultations ont été prises en charge à 100% par l’assurance maladie, de même que les actes de télésuivi accomplis par des infirmiers.

La télémédecine est ainsi devenue, en quelques semaines, un outil essentiel pour l’accompagnement et le suivi médical des patients. De 486 369 entre le 23 et le 29 mars 2020, le nombre de téléconsultations remboursées par semaine a atteint 1 million au plus fort de la crise, en avril, avant de revenir aux alentours de 650 000 à la fin mai.

Au total, l’année 2020 s’est terminée avec 20 millions de téléconsultations remboursées par l’Assurance maladie.

Ces actes ont été effectués majoritairement par des médecins libéraux, surtout des généralistes (pour les quatre cinquièmes) mais aussi des psychiatres, des pédiatres, des gynécologues, des dermatologues et des endocrinologues (environ 8%).

Mais plus de 50% des téléconsultations n’étaient pas conformes aux bonnes pratiques recommandées par la HAS, largement supplantées par une utilisation exclusive du téléphone et des outils des GAFA au détriment de la plateforme web sécurisée préconisée…

La période de confinement a modifié le profil des patients bénéficiant de la téléconsultation : les moins de 30 ans y ont eu moins souvent recours (19% contre 32% avant le confinement), contrairement aux plus de 70 ans (20% contre 8% avant). Les patients en ALD l’ont proportionnellement moins utilisée. Toujours surreprésentée dans les zones densément peuplées (principalement l’Île-de-France), la téléconsultation n’a cessé de progresser dans les autres.

De fait, les quatre grands enjeux de la télésanté ont trouvé, selon l’Assurance-maladie, « un écho particulier » avec ceux de la crise sanitaire. Il s’agit de faciliter l’accès de tous à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire ; de simplifier le suivi des patients, surtout face au fardeau des maladies chroniques ; d’améliorer leur qualité de vie, en leur évitant les déplacements superflus ; et de favoriser l’accès pour tous aux avis des médecins spécialistes.

Une double enquête est en cours auprès des médecins et des patients pour analyser leur retour        d’expérience.

Deux difficultés essentielles transparaissent en première lecture ; tout d’abord, la nécessité d’améliorer les liens avec les médecins traitants car la plateforme mise en place par l’ARS durant cette période inédite a été plutôt délaissée…Par ailleurs, une autre limite est apparue dans la gestion de l’annonce de mauvais résultats au travers de ce lien un peu déshumanisé

Comment gérer l’après ?

Le volume de téléconsultations baisse significativement depuis le début du déconfinement, tout en restant à un niveau important. En juin 2020, l’assurance maladie a ainsi enregistré 521 000 téléconsultations la première semaine, puis 506 000 la suivante, 427 000 la troisième et 396 000 durant la dernière.

Dans son rapport de juillet 2020, la CNAM affirme que la téléconsultation doit “devenir une modalité d’accès aux soins choisie et non subie”, adaptée à la situation et à l’état de santé du malade. Elle formule trois propositions pour accélérer le déploiement de la télémédecine en maintenant la qualité de la prise en charge :

  • prolonger jusqu’à fin 2022 la prise en charge à 100% des téléconsultations ;
  • assouplir le principe selon lequel le téléconsultant doit connaître préalablement le patient ;
  • maintenir de façon transitoire les actes dérogatoires de télésoin créés lors de la crise épidémique pour les pharmaciens et certains auxiliaires de santé, afin d’assurer une continuité de ces soins.

Ces trois points font partie des préconisations du Ségur de la Santé pour accompagner et renforcer l’essor de la télémédecine.

Cependant, gare aux dévoiements du système ont cependant alerté de nombreux acteurs du domaine. « Alors qu’elle est financée par la solidarité nationale, la prise en charge des patients ne peut pas se faire par le biais de consultations hors sol, où le lien patient-médecin est faible, voire inexistant », estimait Nicolas Revel, alors directeur de l’Assurance-maladie, dans le bulletin du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) de juillet-août 2018.

La télémédecine ne doit pas être « une réponse commerciale à une demande de soins, renchérit aujourd’hui le Docteur SIMON. Le médecin doit connaître parfaitement son patient, ses antécédents médicaux, l’ensemble de ses maladies et de ses traitements, mais aussi son environnement social et son état psychique. Dans le cas contraire, c’est une source d’insécurité. »

« Pour que la télémédecine améliore le service médical rendu, elle doit s’intégrer dans le parcours de soins coordonné des patients. » A contrario, poursuit-il, « les plates-formes marchandes fondées sur la télémédecine détournent le patient d’un tel parcours. Elles sont la caricature de ce qu’il ne faut pas faire. »

Et si, dans le cadre du Covid-19, la télémédecine a su montrer ses atouts – mais aussi ses limites –, beaucoup réclament une clarification de la législation. « Nous demandons un cadrage réglementaire précis pour les plates-formes privées (mutuelles, start-up, laboratoires…) qui proposent leurs propres services, soulignait ainsi Jacques Lucas, ancien vice-président du CNOM, dans le bulletin de l’organisme de juillet-août 2018. Il ne faudrait pas que le développement de la télémédecine signe l’avènement d’une médecine à deux vitesses, [ce qui] serait contraire au principe de solidarité nationale sur lequel se fonde le système de protection sociale en France depuis plus de soixante-dix ans. ».

eSanté et Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) dans les établissements de santé de demain

Le vieillissement de la population auquel s’associent le développement des maladies chroniques ainsi que la perte d’autonomie s’inscrit comme un défi majeur de notre société contemporaine.

Si certains considèrent la télémédecine comme « une fausse bonne idée» source de « déshumanisation », d’autres estiment qu’elle est « comme presque déjà dépassée», suppléée progressivement par la e-santé. Cette dernière permettrait en effet, de basculer d’une « vision verticale » à une « organisation plus horizontale » intégrant « l’intelligence collective, générée par le potentiel d’interactivité du web 2-0».

Le colloque singulier visé par Hippocrate laisse ainsi place à un colloque « pluriel », induisant une intervention pluridisciplinaire lors de la prise en charge du patient.

Les trois domaines attendus pour rendre nos organisations plus innovantes en télésanté résident dans une structuration pluriprofessionnelle des soins ambulatoires ou à domicile ainsi que la promotion des coopérations interprofessionnelles et de partages de compétences, une organisation favorisant l’intégration des soins ambulatoires, des soins hospitaliers et des prises en charge, l’utilisation d’outils et de services numériques favorisant ces     organisations.  

Par ailleurs, ce déploiement de la télémédecine augure une transformation en marche du paysage de la santé de demain et les chefs d’établissement, souvent contraints au quotidien dans leur pilotage au gré des réformes et des contraintes budgétaires, doivent accompagner ce changement en considérant par ailleurs l’évolution voire la transformation de certains métiers nécessitant d’être repensés ou réorganisés avec l’intégration de l’intelligence artificielle dans la médecine de demain. 

Pour conduire une démarche GPEC, l’établissement devra donc anticiper cette évolution des métiers à travers l’analyse de l’impact des évolutions démographiques populationnelles et des nouvelles technologies sur les métiers de la santé

Par ailleurs, le rapport usager-professionnel de santé devra également faire l’objet d’une attention particulière de la part de la direction de l’établissement, manifestement tenue de prendre en considération les souhaits de ces consommateurs avisés dans la gestion de l’établissement. Nous constaterons ainsi, à quel point l’évolution des métiers et l’évolution des attentes de usagers, impactent également le contenu d’une démarche GPEC.

De façon concomitante et indépendante, des évolutions sociales des professionnels de santé nécessitent d’importants ajustements dans l’organisation générale, dans les modes d’exercice, mais aussi de nouveaux modes de régulation afin d’assurer une continuité dans l’espace et dans le temps d’une offre en adéquation aux besoins d’une population.  

En conclusion

D’autres phénomènes viennent impacter un système en perpétuelle adaptation. Les technologies de l’information ou numériques fournissent sans cesse de nouvelles opportunités pour le patient qui devient de plus en plus acteur de sa prise en charge, pour le médecin et/ou le soignant qui peut accéder aux données y compris aux images et aux mesures sans être nécessairement « au lit du patient ». Les technologies de l’information et de la communication bouleversent également le travail du professionnel en favorisant le travail collaboratif au sein d’équipes opérant à l’échelle d’espaces virtuels. Les nouvelles technologies médicales pourraient également modifier les modes de prise en charge des patients, nécessiter l’évolution des métiers et l’intégration d’autres jusqu’ici absents du secteur sanitaire (nano médicaments par exemple).  

Pour aller plus loin

Articles

 

Publications

 

Textes règlementaires

 

Nous remercions vivement lele Docteur Audrey DARRAS  avec la contribution du Professeur Emmanuel BARRANGER., pour avoir accepté de proposer la publication de cet article,  pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com.

 

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier le Dr Pierre SIMON pour sa relecture attentive et bienveillante. Merci pour ses conseils pertinents et diligents.

Biographie des auteurs : 

Docteur Audrey DARRAS
Elle est Chirurgien-dentiste de formation puis spécialisée en orthodontie par l’ESO (Paris) et l’Université de Paris Sorbonne, j’ai exercé pendant plus de 15 ans comme professionnelle de santé libérale.
Suite à une reconversion pour invalidité professionnelle, elle a pris la direction d’un centre de santé.
Diplômée du EMBA Santé de Paris Dauphine depuis 2019, elle a déployé en parallèle un conseil pour le développement et maintien de structures médicodentaires notamment axé en grande partie, au-delà des paramètres financiers et législatifs, sur un pilotage humain empreint de QVT et de communication interpersonnelle.
Par ailleurs, le Docteur Audrey DARRAS complète aujourd’hui ses compétences sur la GPEC en milieu hospitalier à l’heure de l’ère de l’intelligence artificielle.
Professeur Emmanuel BARRANGER
Le Pr Emmanuel Barranger est chirurgien oncologue, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier (PU-PH) et Directeur Général du Centre Antoine Lacassagne (CLCC Nice Fédération Unicancer). Initiatives Repas Solidaire 
ManagerSante.com soutient l’opération COVID-19 et est partenaire média des  eJADES (ateliers gratuits)
initiées par l’Association Soins aux Professionnels de Santé 
en tant que partenaire média digital

 

Parce que les soignants ont plus que jamais besoin de soutien face à la pandémie de COVID-19, l’association SPS (Soins aux Professionnels en Santé), reconnue d’intérêt général, propose son dispositif d’aide et d’accompagnement psychologique 24h/24-7j/7 avec 100 psychologues de la plateforme Pros-Consulte.

 

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