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« Jacques Séguéla a eu raison du docteur Knock ! » Delphine JAAFAR précise les règles déontologiques relatives à la publicité et à l’information médicale (Partie 2/2)

Nouvel Article rédigé pour ManagerSante.com par notre nouvelle experte Delphine JAAFAR, Avocat associé VATIER – Membre du Conseil de l’Ordre chez Barreau de Paris (Ordre des avocats de Paris) et co-auteure d’un ouvrage publié aux éditions du Groupe LEH intitulé « La révolution du pilotage des données de santé Enjeux juridiques, éthiques et managériaux »

N°2, Avril 2021

La nouvelle règlementation, exposée dans la première partie, donne désormais aux professionnels de santé d’avantage de liberté quant aux publications pouvant être faites sur leurs sites internet, sans craindre des sanctions disciplinaires. Quelques limites doivent néanmoins être respectées.

Concrètement, qu’est ce qui pourra être publié sur un site internet ou les réseaux sociaux ?

Il était de jurisprudence constante que les sites internet pouvaient comporter, outre les indications expressément mentionnées dans le code de la santé publique, des informations médicales à caractère objectif et à finalité scientifique, préventive ou pédagogique (CE, 27 avril 2012, Anthony, n° 348259) comme par exemple des informations à caractère objectif sur les modalités d’exercice destinées à faciliter l’accès aux soins dentaires (CE, 4 mai 2016, B…, n° 383548 ; CE, 17 octobre 2016, S…, n° 390983).


En revanche, était considéré comme de la publicité le fait pour un chirurgien-dentiste de mettre en avant son profil personnel, les réalisations opérées sur des patients, les soins prodigués et les spécialités dont le professionnel se recommande en ce que ces éléments excédaient de simples informations objectives (CE, 27 avril 2012, Anthony, n° 348259).

 
Il en était de même d’un site internet qui présente un centre de médecine esthétique et de laser comme œuvrant « à l’aide des technologies les plus abouties dans un cadre ultra sécuritaire » et comme « la référence en épilation laser » dès lors que cette présentation laudative visait à promouvoir l’activité médicale qui y est exercée (Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, 30 novembre 2017, n° 13560).

 
Une infirmière avait été sanctionnée au motif que son site internet indiquait qu’elle « effectue notamment des soins de nursing, des pansements, des prises de sang, mais également des soins techniques tels que les perfusions » (Chambre disciplinaire de première instance de l’ordre national des infirmiers des Hauts de France, 15 mai 2019, n° 59-2016-00084).
Désormais, de telles mentions pourront être publiées sur les sites internet.

 
En effet, le Conseil d’Etat a eu à connaitre de la sanction d’un chirurgien-dentiste qui avait participé à une émission de télévision, diffusée sur France 3 et reprise sur le site internet de son centre dentaire. Il y vantait ses mérites et fait valoir la qualité des soins et la modicité des tarifs par rapport à ceux pratiqués généralement. A la lumière des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne, le rapporteur public du Conseil d’État a affirmé que cela ne révélait pas un manquement à l’interdiction de pratiquer l’art dentaire comme un commerce (CE, 18 novembre 2020, n° 431554).

 
Ainsi, au regard des textes et de la jurisprudence, il sera possible de publier sur un site internet ou les réseaux sociaux le « CV » professionnel du praticien (parcours ; compétences ; diplômes spécialités ou titres reconnus par l’ordre), d’y présenter les conditions d’exercice de l’activité, de valoriser la qualité des prestations ou de leur établissement et des tarifs appliqués.

 
Les professionnels pourront également publier, « liker » ou « partager » des publications médicales ou scientifiques écrites par eux, des confrères ou des organismes sanitaires. Attention néanmoins, en cas de publication d’études ou d’hypothèses médicales, à ne pas les présenter comme des données acquises de la science.

 
En revanche, l’interprétation antérieure des juridictions restera applicable dès lors que les mentions des sites internet seront de nature commerciales, comparatives ou inciteront les internautes à recourir à des actes médicaux.


Par exemple, la publication de nombreuses photos et de nombreuses mentions vantant les résultats d’un chirurgien esthétique tels que « Avec un chirurgien esthétique tel le Dr X, soyez sûr de la réussite de vos projets ! », « Des seins qui font rêver, c’est possible avec SEL X ! » ou, s’agissant de la rhinoplastie, « nous vous garantissons la réussite quelle que soit l’intervention chirurgicale à effectuer », jugée contraire à l’interdiction de publicité (Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, 11 mai 2017, n° 13167) pourrait aujourd’hui être considérée comme incitant le public à un recours inutile à des actes de prévention ou de soin.

 
Également, la participation d’un médecin à un site internet dispensant, sous sa supervision, des conseils nutritionnels personnalisés destinés à favoriser la perte de poids, à des fins esthétiques ou de maintien de la santé, moyennant la souscription d’abonnements payants (CE, 15 mars 2017, M. C., n° 395398) constituera un manquement à l’interdiction de pratiquer la médecine comme un commerce.

 
Enfin, mentionner que : « Il est désormais possible de s’opposer au fatalisme de la vieillesse et de ses stigmates. [L’établissement médical] a mis au point une méthode unique de diagnostic et d’action afin de préserver son capital santé / Cette méthode développée par le Dr X allie la physiologie à la médecine pour réaliser un bilan complet de l’organisme du patient et rétablir son équilibre physiologique personnel … » ; « Dr X : l’homme n’est plus fait pour vieillir … Dr X est reconnu dans le monde entier comme un spécialiste de la longévité. Pionnier dans ce domaine, il est l’un des seuls à en avoir approfondi le concept, auquel il se consacre depuis plus de 25 ans » (Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, 15 novembre 2016, nos 12754 et 13088) sera aussi prohibé par la déontologie.

Quelles sont les conséquences de cette nouvelle règlementation ?

Si la médecine reste une profession singulière qui ne peut être exercée comme n’importe quelle autre activité commerciale, force est de constater que les règles régissant la communication se sont considérablement assouplies et devraient rassurer les professionnels de santé.


L’application des règles déontologiques relatives à la publicité et à l’information était en effet particulièrement complexe pour les professionnels de santé, ce qui s’était traduit par une multiplication des consultations des instances ordinales par les professionnels et une augmentation des contentieux et des sanctions disciplinaires sur cette thématique.


A titre d’exemple, les affaires relatives à la publicité représentaient, s’agissant des médecins, 14% de l’activité de la juridiction d’appel en 2016 et, s’agissant des chirurgiens-dentistes, 10% des décisions rendues au cours du premier trimestre 2018.


Dans l’ensemble, la nouvelle règlementation française s’est largement inspirée de celle de ses voisins européens. Sans toutefois libéraliser complètement la publicité, la France a enfin rattrapé son retard en la matière ce qui permettra aux médecins de communiquer davantage, notamment sur leurs sites internet ou les réseaux sociaux.

 

Si le libre choix du praticien par le patient sera assurément facilité grâce à l’accès aux informations générales sur la santé et individuelles sur l’offre de soins, l’utilisation des technologies du numérique impose donc de trouver un certain équilibre entre liberté de communication et interdiction de pratiquer la profession comme un commerce.

Les ordres professionnels, qui avaient déjà emboité le pas au législateur en publiant des guides et des chartes [1] , devront nécessairement émettre des recommandations comme les y invitent les textes et mettre à jour leur charte déontologique applicable aux sites internet des praticiens afin de se prémunir contre tout risque de dérive de libéralisation de la communication.

Notes :

[1] Livre blanc relatif la déontologie médicale sur le web ; charte de conformité déontologique applicables aux sites web professionnels de médecins ; charte ordinale relative aux sites internet professionnels des chirurgiens-dentistes ; charte relative à la création de sites internet par les infirmiers ; charte éthique et déontologique applicable aux pédicures-podologues ; charte de bonne conduite sur les réseaux sociaux des pédicures-podologues.

Nous remercions vivement Article rédigé par Delphine JAAFAR, Avocat associé VATIER – Membre du Conseil de l’Ordre chez Barreau de Paris (Ordre des avocats de Paris) et co-auteure d’un ouvrage publié aux éditions du Groupe LEH intitulé « La révolution du pilotage des données de santé Enjeux juridiques, éthiques et managériaux »,  pour partager son expertise juridique pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com

Biographie de l'auteure : 

Maître Delphine JAAFAR est avocat associé au sein du département Santé du Cabinet VATIER. Intégrant depuis près de 15 ans la connaissance de l’environnement réglementaire, économique et technologique du secteur de la santé, Delphine JAAFAR a une pratique reconnue en droit de l’organisation sanitaire et médico-sociale, droit des entreprises et des établissements de santé, droit des professionnels de santé, droit de l’immobilier santé, ainsi qu’en matière de santé numérique.
Elle est Membre du Conseil de l’Ordre chez Barreau de Paris (Ordre des avocats de Paris).
Son ouverture à l’international constituant un des fondamentaux de son activité professionnelle, elle a par ailleurs créé et mis en place un Desk Afrique dédié au droit de la santé sur la base d’un partenariat avec six cabinets implantés respectivement à Abidjan, Bamako, Lomé, Luanda, Niamey et Yaoundé.
Elle est co-auteure d’un ouvrage publié aux éditions du Groupe LEH intitulé « La révolution du pilotage des données de santé Enjeux juridiques, éthiques et managériaux ».

 

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Delphine JAAFAR

Delphine Jaafar est avocat associé au sein du Cabinet Vatier (Paris) et y anime l'équipe Santé. Elle consacre son activité à l’accompagnement juridique de l’ensemble des acteurs et opérateurs – aussi bien du secteur public que du secteur privé – du monde de la santé : établissements et entreprises de santé, laboratoires et entreprises du médicament, professionnels de santé, gouvernements et institutions dans le monde de la santé … Très investie à l'international, elle a créé et mis en place un Desk Afrique dédié au droit de la santé sur la base d’un multiple partenariat avec six cabinets implantés respectivement à Abidjan, Bamako, Lomé, Luanda, Niamey et Yaoundé. Elle assure des enseignement dans le domaine du droit de la santé aussi bien à l'Université (Paris II Assas et Paris V Descartes) qu'à l'Ecole Nationale des Hautes Etudes en Santé Publiques (EHESP).

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