Nouvel article rédigé par notre experte, Eugénie THEVENON, Infirmière en santé mentale, coach professionnelle certifiée, formée à l’école de coaching Linkup Coaching (Accrédité EMCC Praticien Senior, European Quality Award – EQA) et spécialisée en thérapie brèves, elle est accompagnatrice au changement.
N°14, Août 2019
Je vous propose une série de 3 articles autours de la perversion narcissique afin de mieux cerner ce qui se joue et comment s’en protéger. Nous verrons comment ce trouble pathologique de la personnalité se constitue, (cette personne est malade) dans sa genèse.
Nous appréhenderons les signes cliniques permettant de reconnaître ce profil et mettre de la conscience dans nos interactions relationnelles avec lui/elle . Dans une troisième partie, nous aborderons les stratégies relationnelles d’adaptation pour « faire avec » au quotidien lorsque nous n’avons pas le choix en protégeant nos plumes. Abordons la première partie de cet article qui traite de l’apparition de ce trouble.
La constitution du trouble : rappel rapide des niveaux de vie psychique d’un individu ?
Pour donner une vision claire de notre vie psychologique, nous pourrions la décliner simplement en quatre niveaux :
- La vie mentale :elle recoupe la réflexion logique, l’analyse, les pensées, le dialogue interne, l’imagination…
- La vie émotionnelle : ce sont les émotions que je ressens: joie tristesse colère, peur, dégoût, surprise… Leur lieu d’expression étant corps.
- La vie sensorielle : elle se décline autours de mes 5 sens: la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher, le goût.
- La conscience : cette partie de nous permet d’être en capacité d’observer et de nommer l’expression de la vie en soi.
Comment ce profil de personnalité si particulier se constitue-t-il ?
Le profil de la perversion narcissique se développe dans l’enfance. Cette personne a été confrontée très tôt à des violences de diverses natures (réelles ou imaginées qu’il a vécu comme telles, des abus et/ou des manques) qui ont détruit la partie sensible de son être (et/ou n’ont pas permis la construction mature) : sa vie émotionnelle.
La personne qui présente ce trouble a pu, elle même, (mais pas obligatoirement) avoir eu un parent atteint de ce même trouble qui l’a amené à se structurer de cette manière.
Pour survivre, cette personne est obligée de s’adapter et mettre en place une succession de mécanismes pour pallier et répondre aux attentes de son parent qui ne le nourrit pas sur la plan affectif. Son développement psychique est altéré et stoppé.
L’enfant sain se construit avec l’amour, les valeurs, les limites et les repères structurants qu’il reçoit de ses parents. Ils constituent le modèle de référence de la construction du petit être en devenir.
Le parent du PN* (Pervers Narcissique) ne sait pas l’aimer. Ce que comprend l’enfant c’est que seules les apparences comptent. Elles sont perçues comme porteuses de reconnaissance, une pseudo valorisation qui amène l’enfant à s’y identifier . Il a pu être utilisé comme faire valoir par son parent. Il ne s’est pas senti le droit (et/ou ne l’a pas eu ) d’être et d’exprimer son unicité. Son mouvement de vie intérieur est gelé, détruit.
Toutes ses tentatives d’expressions intrinsèques ont été étouffées au profit de l’apparence et du paraître. Il apprend dans ses interactions relationnelles à manipuler et utiliser l’autre pour combler ses besoins. Il utilise uniquement la partie mentale de son être, et calcule froidement sans affect ses faits et gestes, et ce de manière inconsciente (c’est un mécanisme qui est devenu autonome). C’est un acteur qui apprend à mimer les émotions et les codes interactionnels sans les vivres sur le plan émotionnel puisqu’il en est dissocié.
L’un de ses éducateurs peut être lui même atteint de ce trouble. Dans cette perspective là, il lui a fait subir de nombreux sévices dès le plus jeune âge. Il est humilié et réduit à l’état de chose. La violence psychologique qu’il vit est sans précédent et il l’intègre comme norme interactionnelle. Son parent l’utilise comme poupée de chiffon, et ne lui donne aucune nourriture affective (incapable, car il est malade). Il s’en sert comme faire valoir narcissique, tuant progressivement la vie en lui, se sentant fort et puissant quand celui ci est sous son contrôle. L’enfant adopte ce mode d’interactions pour survivre, et c’est ce qui le structure jusqu’à l’age adulte et qui définit son mode de relation à l’autre (type dominant/dominé avec un lien d’emprise).
Apprenant que les relations sont de l’ordre de la domination/soumission, prédateur/proie, il comprend, de par son environnement, qu’avoir de la vie en soi, c’est être faible et que le système émotionnel est une fragilité à exploiter pour subvenir à ses propres besoins. Suite à cela, à la manière de l’odorat subtil du chien qui trouve les truffes, il développe un scanner à failles des individus et une communication affinée pour utiliser les gens et mettre des coups vicieux et subtils là où ça fait mal. Il reproduit le modèle relationnel qu’il a appris enfant.
Quelle type de relation entretient le pervers narcissique avec l’autre ?
De cette manière, il asservit celui ou celle qu’il rencontre en mettant à mal sa sensibilité créant ainsi un processus d’emprise. Coupé de son humanité, dénué d’empathie, il fait revivre à l’autre la souffrance qu’il a éprouvé dans l’enfance. Cela éteint à petit feu la personne qui en est la cible, à l’image de la grenouille qui ne savait pas qu’elle était cuite, l’autre perd petit à petit toute la magie de la vie qui est en lui ainsi que son discernement…
Véritable psychose (que l’on nomme psychose blanche), il projette sur l’autre la partie sombre de son être, qu’il est incapable de sentir comme lui appartenant, du fait de la béance de la faille intérieure qu’il porte et de son immaturité psychique. En réalité, il se déteste et projette sa haine de lui sur cet autre qu’il admire.
Il n’a pas accès à l’altérité, phase de construction psychique dans l’enfance qui reconnaît l’autre comme individu différent et séparé. Il a vécu sous la coupe du parent maltraitant et n’a pas eu l’espace pour créer une identité propre. Il est tel un caméléon changeant de couleurs constamment pour s’adapter à la personne avec laquelle il échange.
Quels mécanismes de défense mobilise-t-il ?
Un mécanisme de défense autonome se met en place pour le protéger de la conscience du vide abyssale qui existe en lui. Effet compensatoire à la béance de la faille narcissique qu’il ne veut pas voir, (il en est simplement incapable, cela produirait un effondrement psychique), il tue sa proie par à-coups sournois et vicieux. Dans son esprit, lui est parfait et plus fort que les autres. Il projette toutes ses facettes sombres sur l’autre et l’assaille de critiques.
Une rage et une jalousie existentielle inconscientes l’habitent, à la hauteur des violences qu’il a subit. Il a une posture ambivalente en admirant la vie chez les êtres sensibles et en la haïssant car elle n’existe plus en lui. La partie vivante étant détruite chez cet individu, il est dans l’incapacité de faire des deuils. Cela voudrait dire regarder la douleur à l’intérieur de soi, alors qu’il la fuit par survie.
Pour contrebalancer ce chaos, il projette sur l’autre le mépris qu’il a de lui même, se positionnant dans une posture de toute puissance, illusion de son esprit pour survivre à l’amputation de la quasi-totalité de son âme. Il porte un masque celui du gentilhomme qui cache son vrai visage de folie destructrice. Il est fin observateur et mime les émotions ( souvent de manière théâtrale ) pour donner à paraître la sensibilité qu’il n’a pas et se fondre dans la masse.
Quelles sont ses capacités d’adaptation ?
Étant dénué de son essence, il n’a ni empathie ni créativité, cette dernière résultant d’une forme d’intelligence émotionnelle il ne sait pas créer. Amputé d’une large partie de son intelligence vivante par ses blessures d’enfance, il vit d’énormes frustrations au quotidien, enviant et jalousant toujours plus ceux qui ont leurs pleines et entières capacités à créer et être. Lui il ne peut pas car la quasi-totalité de son énergie psychique sert à maintenir cet équilibre fragile. Alors, il mime, ment, singe et il séduit pour capturer une proie à laquelle il veut dérober ce qu’il n’a pas.
L’apprentissage chez cette personne est limité, il mime sans incarnation ni réelle compréhension profonde de ce qu’il vit, puisqu’il n’a pas d’intériorité. Il a une soif d’être admiré. Il ne comprend pas que le réservoir intérieur de nourritures affectives se remplit par les échanges avec les autres et en les liens qui relie les gens (il ne sait pas comment faire autrement que par l’emprise). Il est tel un enfant dans un corps d’adulte qui a besoin d ‘être le centre de l’attention de tous. Il s’immisce, prend toute la place, et ne supporte pas que quelqu’un « brille » plus que lui. Dans ces situations là, il l’éteint à coup d’humiliations et de joutes verbales.
Comment le pervers narcissique masque-t-il sa vulnérabilité ?
Ne pouvant satisfaire ses besoins, notamment celui de reconnaissance (qui est un besoin légitime chez l’être humain), limité par les apprentissages qu’il a fait enfant, sans créativité, il se centre sur le paraître et le regard de l’autre. Il se sent de cette manière avoir de la valeur.
Cette stratégie est fragile et n’a que peu de poids dans un équilibre sain. Elle vacille facilement au vue de la porosité du masque du paraître, et de l’imposture que cela représente. Mais pour lui, c’est un de ces seuls moyens de valorisation intrinsèque avec la destruction de l’autre qu’il lui donne l’illusion d’un sentiment de puissance.
La fragilité de la stratégie étant palpable, son narcissisme étant brûlé au 3ème degré qu’il n’a pas pu soigner, il détruit, de manière machiavélique avec son intelligence froide, tous ceux, dont il s’imagine dans son délire, susceptible de lui faire de l’ombre .
Paradoxe entre être et paraître : il veut être aimé, il ne s’aime pas. Il admire les qualités humaines des autres, il ne sait pas créer les siennes. Il vit au quotidien des frustrations énormes constitutionnelles qui activent une haine liée aux blessures narcissiques qui l’habitent et pour lesquelles il est dans une impossibilité de remise en question car il a choisit de se mentir quant à sa nature ( attitude préservatrice d’une vérité trop violente à intégrer).
Dans son mensonge, et incapable de se remettre en question (car tout s’écroulerait pour lui sinon, on parle notamment de « psychose blanche »), il use et abuse de stratégies de communication manipulatoires pour retourner les situations à son avantage et se dédouaner de ses responsabilités. C’est ce que nous aborderons dans un prochain article.
Lire la suite de cet article le mois prochain.
Pour aller plus loin :
- Marie-France Hirigoyen « Le harcèlement moral au travail »
- Jean-Claude Maes « Emprise et manipulation : peut on guérir des sectes ? »
- Sylvie Tenenbaum « Se libérer de l’emprise émotionnelle«
- Anne Clotilde Ziégler « Pervers narcissiques bas les masques«
- Natacha Calestreme « Les blessures du silence«
- Myriam Illouz « Conférences sur la perversion narcissique de Myriam Illouz psychanalyste«
- Chaîne Youtube Un psy à la maison
Nous remercions vivement Eugénie THEVENON (Coach professionnelle, Infirmière en Santé Mentale), pour partager son expérience professionnelle pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com
Biographie d’Eugénie THEVENON,
Eugénie THEVENON , Infirmière en Santé Mentale depuis 2010, exerce dans différents services, notamment en centre de réinsertion psychosociale en santé mentale, en service d’admissions psychiatriques ainsi qu’aux urgences.
Elle intègre l’école de coaching Linkup Coaching (Accrédité EMCC Praticien Senior, European Quality Award – EQA) et obtient un Master 2 en se spécialisant en communication interpersonnelle à l’assertivité.
Elle poursuit ensuite sa route avec la PNL (programmation neuro linguistique) et obtient le titre de maître praticien (certifiée NLPNL et INLPTA).
Sur son chemin, Eugénie rencontre l’hypnose et se forme à l’Arche, école réputée de Kévin Finel. Elle complète sa caisse à outils avec de précieuses clefs, l’hypnose et aussi le RITMO (déclinaison de l’EMDR) de Lili Ruggieri.
Elle a également ouvert son cabinet Ter’Happy, qui a pour objectif d’aider les personnes à créer par eux même, grâce à leur ressources intérieures, le changement et l’apaisement auxquels ils aspirent.
Parce que les soignants ont plus que jamais besoin de soutien face à la pandémie de COVID-19, l’association SPS (Soins aux Professionnels en Santé), reconnue d’intérêt général, propose son dispositif d’aide et d’accompagnement psychologique 24h/24-7j/7 avec 100 psychologues de la plateforme Pros-Consulte.
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DU 17 AVRIL 2020]
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