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Intelligence Artificielle & Loi de Bioéthique : quels sont les principaux éléments à retenir du rapport d’information du 15 janvier 2019 ? (1/4)

 

 


N°1, Février 2019


Article publié  par notre nouvelle experte,  Bénédicte BEVIERE-BOYER, Docteure en Droit, Maître de Conférences-HDR en Droit Privé à l’UFR de l’Université de Paris 8 (Unité de Formation et de Recherche). Elle est Directrice adjointe du Centre de recherche en droit privé et droit de la santé EA 1581. Elle assure la co-direction scientifique d’un Cycle de Droit et Bioéthique à la Cour de Cassation (entrée libre), de portée nationale et internationale. Elle organise régulièrement des colloques sur des thématiques d’actualité en rapport avec le Droit de la Santé, le numérique, en collaboration avec des Universités chinoises et québécoises. 

 

I – Introduction sur « L’intelligence artificielle, un nouveau « territoire » de la bioéthique »

(Source : Assemblée nationale – Bioéthique – Rapport d’information – Partie Intelligence artificielle – Chapitre 6. Rapport d’information sur la révision de la loi de bioéthique du 15 janvier 2019, déposé et présenté par Messieurs Xavier Breton, Président et Jean-Louis Touraine, rapporteur[1] et mis en ligne sur le site de l’Assemblée nationale le 24 janvier.)

Un rapport d’information particulièrement riche en questions éthiques variées et polémiques

Le 15 janvier 2019, Messieurs Xavier Breton et Jean-Louis Touraine ont déposé un rapport d’information sur la révision de la loi de bioéthique[2] auprès de l’Assemblée nationale, lequel a été mis en ligne le 24 janvier. Cette étude, attendue depuis longue date, tout comme l’est le futur projet de loi qui pourrait sortir en juin 2019, fait suite à 124 auditions[3] de personnalités diverses, tant par leurs opinions que par leurs compétences. Il est vrai que les sujets envisagés en vue de la révision de la loi de bioéthique restent discutés. Certains sont même polémiques, font et feront l’objet les mois à venir de vifs débats.

Il en est ainsi

Compte-tenu de l’étendue des questions majeures abordées, cette présentation sera limitée à l’intelligence artificielle.

Un Chapitre 6 consacré à la problématique de l’intelligence artificielle et la santé, qui était déjà abordée par différentes études antérieures

Le chapitre 6 du rapport, intitulé « L’intelligence artificielle, un nouveau « territoire » de la bioéthique » intervient sur nombre de problématiques essentielles qui tendent à transformer, pour ne pas dire révolutionner de manière fondamentale les pratiques de la recherche et de la médecine.

Aussi, corrélativement, une régulation de l’IA dans le domaine de la santé doit être envisagée, ce qui justifie au préalable d’importantes réflexions et propositions. A cet égard, en aval du rapport, de nombreux et importants travaux ont réalisés.

Il en est ainsi, notamment, du   rapport des Etats généraux de la bioéthique[4], de l’avis 129 du CCNE sur sa contribution à la révision de la loi de bioéthique[5], du rapport Villani[6], des travaux du Conseil d’Etat sur la bioéthique[7], du livre blanc de l’Ordre des médecins sur le numérique[8], de rapports du ministère de la santé[9], du rapport de la CNIL[10], de l’annonce du Président de la république de la création d’une plate-forme nationale sécurisée en matière de collecte et de traitement des données de santé (hub national)[11] et du rapport commandé par le CCNE « Numérique et santé : quels enjeux éthiques pour quelles régulations? »[12].

Les différents travaux menés témoignent de l’importance des enjeux que suscite l’IA, tant au niveau de la santé publique que de la compétitivité internationale en matière de recherche et d’innovation. Le législateur français doit faire extrêmement attention à son positionnement. Il doit certes envisager des dispositions mais rester très prudent en trouvant un équilibre entre la protection des personnes (citoyens, patients, sujets de recherches) et le développement de la recherche.

En effet, il ne faudrait pas que des dispositions trop restrictives viennent entraver la recherche, au risque de provoquer la fuite des projets d’essais à l’étranger, ainsi que la fuite des chercheurs et des financeurs. A défaut, la santé publique, tout comme l’industrie nationale seraient impactées négativement, ce qui doit être évité.

 

Dans ce sens, le rapport indique : « il importe de se garder des deux solutions extrêmes : soit l’instauration d’un cadre juridique protecteur, préventif, mais nécessairement contraignant, qui risquerait de couper la France des pays innovants dans le domaine de l’intelligence artificielle tout en privant les citoyens français d’une médecine de pointe ; soit un laissez-faire que le rapporteur qualifie de « progressisme incontrôlé », potentiellement dangereux ».

Il est ainsi directement préconisé dans le rapport d’adopter une situation médiane d’un point de vue législatif. Cette alternative se justifie d’autant plus au vu des éléments qui sont abordés par le rapport sur l’intelligence artificielle et la santé.

II – Les potentialités démultipliées données de santé nécessitant une protection renforcée des données sensibles 

(source : Rapport d’information de la révision de la loi de bioéthique du 15 janvier 2019 – Partie sur « L’intelligence artificielle, un nouveau « territoire » de la bioéthique »)

Après un appel à la prudence concernant les fantasmes possibles d’un déploiement majeur de l’IA qui actuellement se limite aujourd’hui plus à des potentialités qu’à des réalisations concrètes, le rapport insiste sur l’utilisation déjà actuelle des techniques de l’IA dans le secteur de santé, ses opportunités et ses risques.

En effet, les données de santé constituent des données sensibles puisqu’elles touchent à la vie privée des personnes, et nécessitent, à ce titre, une protection renforcée, condition même de la légitimité de leur utilisation par les outils de l’intelligence artificielle.

La collecte exponentielle de données de santé au profit du développement de l’IA

Le numérique permet la collecte des données de santé (données issues des dossiers médicaux hospitaliers et en ambulatoire, données recueillies auprès des patients lors des consultations en établissement publics de santé et en ambulatoire, données médico-administratives produites par l’Assurance maladie et les hôpitaux).

Elle s’accompagne d’une collecte massive d’autres données obtenues par le biais des objets du quotidien, connectés sans fils sur la toile internet au moyen d’ondes hyperfréquences (capteurs, émetteurs), lesquelles, lorsqu’elles sont captées, sont aisément traitées par les microprocesseurs directement intégrés dans les objets.

Elles proviennent aussi via les applications des smartphones par le biais es applications mobiles, les sites web et les moteurs de recherches, d’autant plus en développement en raison de leurs prix de plus en plus bas et de la miniaturisation de leurs composants. A ceci s’ajoute des données socio-économiques, géographiques, environnementales et autres.

Le rapport recense prioritairement 3 grandes catégories de santé :

1 – Les données de santé relevant directement de la santé de la personne (antécédent médicaux, résultats d’examens biologiques et physiques, traitements prescrits) ;

2 – Les données de santé permettant d’obtenir des indications sur la santé d’un individu obtenues par le croisement de différentes informations le concernant (nombre de pas, apports caloriques journaliser, rythme cardiaque) ;

3 – Les données de santé obtenues en vue de leur utilisation au plan médical (données sur l’origine ethnique d’une personne pour personnaliser son traitement).

Ces différentes données constituent la matière première de l’intelligence artificielle. Elle ne se suffisent pas à elles-mêmes. Elles n’ont d’intérêt que si elles sont qualitatives. Ainsi, le défi majeur des chercheurs est d’associer des données qualitatives aux algorithmes en fonction des résultats recherchés et non plus seulement s’en tenir à la masse des données. Ce n’est qu’à cette condition que l’intelligence artificielle est à même de produire des résultats performants.

Le recours à l’IA constituant un fort potentiel en politique de santé publique

Le recours à l’IA constitue un fort potentiel en termes de politique de santé publique, de prévention, de parcours de soin, de soins et d’optimisation du système de santé (détection de soins non pertinents, des effets indésirables de traitement médicamenteux dans la population générale).

Nombreux sont les secteurs de la santé déjà impactés par l’IA :

A ceci s’ajoute le développement croissant de la médecine des « 4 P » (personnalisée, préventive, prédictive, participative) facilité par les potentialités offertes par l’exploitation par l’intelligence artificielle des données.

 

Les perspectives sont d’autant plus prometteuses que le plan Médecine génomique 2025, par le biais de plateformes génomiques, constitue une vraie opportunité en termes de recours à l’IA pour analyser les données générées par le séquençage génomique.

L’exploitation des récurrences des données cliniques et génétiques permet la mise en place d’une médecine prédictive personnalisée bénéfique pour les patients.

La nécessité d’assurer une protection renforcée des données sensibles en santé

Le fort potentiel de l’exploitation des données de santé par le biais de l’IA en matière de développement de connaissances scientifiques et médicale ne saurait restreindre la protection de celles-ci, d’autant qu’elles sont dites « sensibles » en ce qu’elles impactent directement la vie privée des personnes.

La difficulté est, qu’en raison du contexte de concurrence et de compétition économique internationale, des tensions existent. Apparaît la crainte de « marchandisation et de pillage des données de santé ».

Pourtant, Monsieur Touraine, rapporteur, assure que les dispositifs mis en place par le RGPD du 25 mai 2018 et la loi relative à la protection des données personnelles sont très protecteurs « en matière de conditions de collecte et de traitement, de la conservation des données à caractère personnel, relevant directement des personnes physiques identifiées ou identifiables directement ou indirectement ». 

La suite de cet article le mois prochain. 

Notes  : 

 

[13] HAS : « Algorithme d’aide à la décision d’orientation des patients en hospitalisation à domicile (HAD) à destination des médecins prescripteurs »


 

  


Nous remercions vivement le  Bénédicte BEVIERE-BOYER Docteure en Droit, Maître de Conférences-HDR en Droit Privé à l’UFR de l’Université de Paris 8 , co-directrice scientifique du Cycle de Droit et Bioéthique à la Cour de Cassation, de portée nationale et internationale, organisatrice de colloques sur des thématiques d’actualité en rapport avec le Droit de la Santé  en collaboration avec les Universités chinoises et québécoises, pour partager son expertise professionnelle pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com


Biographie de Bénédicte BEVIERE-BOYER, :
Bénédicte BEVIERE-BOYER, Docteure en Droit, est Maître de Conférences-HDR en Droit Privé à l’UFR de l’Université de Paris 8 (Unité de Formation et de Recherche). Elle est également directrice adjointe du Centre de recherches juridique de droit privé et Droit de la Santé (EA1581).
Elle organise régulièrement des Colloques sur des thématiques d’actualité en rapport avec le Droit de la Santé, le numérique, (Médecine personnalisée, Big Data, Humain en transformation – transhumanisme, Vieillissement, Fin de vie, Famille), en collaboration avec des Universités chinoises et québécoises.
Elle conduit ses travaux de recherches pluri et interdisciplinaires dans le domaine du droit de la bioéthique, l’éthique et le numérique.
Elle dirige le M1 Droit de la santé et organise une nouvelle formation en M2 Droit de la santé sur le Numérique et l’Intelligence Artificielle (I.A.).
Auteure de plusieurs ouvrages, elle a publié de nombreux articles sur la recherche, l’innovation, le numérique, les données de santé, la relation de soins, la protection des droits de la personne, la bioéthique, le Dossier Personnel Informatisé, etc….
Elle enseigne sur des thématiques autour droit de la santé: droits des patients, droit de la recherche et de l’innovation, droit du médicament, déontologie, éthique, mais aussi sur l’éthique dans le domaine des assurances.
Auparavant, elle a enseigné dans le cadre du cursus universitaire français (LMD) essentiellement en droit privé général et en droit des affaires.

 


ÉVÉNEMENT 2019

Cycle de DROIT & BIOÉTHIQUE  

avec Bénédicte BEVIERE-BOYER

Grand’chambre de la Cour de Cassation 
5 quai de l’Horloge
75001 Paris
Entrée libre
Télécopie : 01 44 32 78 28
www.courdecassation.fr
 

 

TELECHARGEMENT

DU PROGRAMME 2019

CALENDRIER 2019 : en ligne 

INSCRIPTION GRATUITE

OBLIGATOIRE 

Présentation du Cycle : 

« La bioéthique s’intéresse aux questions éthiques soulevés par les progrès technoscientifiques. La loi a vocation à encadrer ces progrès afin de s’assurer que la science reste au service de la personne et non l’inverse.

C’est dans cette optique qu’ont été adoptées les différentes lois bioéthiques dès 1994. Parce que la médecine est en constante évolution, ces lois font l’objet d’un réexamen régulier. La prochaine révision, prévue en 2018, sera sans doute l’occasion de combler les lacunes ou imperfections de la loi auxquelles le juge est régulièrement confronté.

Les progrès de la médecine concernent tous les stades de la vie de la personne. Ses incidences juridiques peuvent être mesurées de la conception à la mort de la personne. »

 


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Bénédicte BEVIERE-BOYER (PhD)

Bénédicte BEVIERE-BOYER, Docteur en Droit, est Maître de Conférences-HDR en Droit Privé à l'UFR de l'Université de Paris 8 (Unité de Formation et de Recherche). Elle est également directrice adjointe du Centre de recherches juridique de droit privé et Droit de la Santé (EA1581). Elle assure la co-direction scientifique d’un Cycle de Droit et Bioéthique à la Cour de Cassation (entrée libre), de portée nationale et internationale, sur des thématiques d'actualité en rapport avec le Droit de la Santé, le numérique, (Médecine personnalisée, Big Data, Humain en transformation transhumanisme, vieillissement, Fin de vie). Elle organise régulièrement des colloques sur des thématiques d’actualité en collaboration avec des Universités chinoises et québécoises. Elle conduit ses travaux de recherches pluri et interdisciplinaires dans les domaines du droit de la bioéthique, de l'éthique et du numérique. Elle dirige le M1 Droit de la santé et organise une nouvelle formation en M2 Droit de la santé sur le Numérique et l'Intelligence Artificielle (I.A.). Auteur d'un ouvrage et ayant dirigé plusieurs ouvrages collectifs, elle a publié de nombreux articles sur la recherche, l'innovation, le numérique, les données de santé, la relation de soins, la protection des droits de la personne, la bioéthique, le Dossier Médical Personnel, etc…. Elle enseigne sur des thématiques autour droit de la santé: droits des patients, droit de la recherche et de l'innovation, droit du médicament, déontologie, éthique, mais aussi sur l'éthique dans le domaine des assurances. Auparavant, elle a enseigné dans le cadre du cursus universitaire français classique (LMD), essentiellement en droit privé général et en droit des affaires.

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