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La “prise” de parole publique des professionnels de santé paramédicaux est-elle aujourd’hui une nouvelle compétence à acquérir ? Alexis BATAILLE nous partage son point de vue avec éloquence.

Nouvelle chronique littéraire rédigée pour ManagerSante.com par Alexis BATAILLE , Chargé de mission « santé des professionnels de santé » par Madame Agnès Firmin le Bodo, Ministre déléguée à l’organisation territoriale et aux professions de santé.

Infirmier, Chargé d’affaires publiques au sein du groupe Galileo Global Education, réserviste militaire et auteur.

Il est auteur de plusieurs ouvrages, notamment en 2022 avec « Les 50 outils indispensables de l’Aide-Soignant », (Février 2022) aux Editions Vuibert et « Je reste un soldat » (Avril 2022) chez City Edition.

Alexis BATAILLE est intervenu également au Ministère des Solidarités et de la Santé lors du 1er Colloque annuel national de ManagerSante.com, autour de la thématique portant sur « Comment améliorer le parcours patient dans l’offre de soins ? « , le Mardi 29 Mars 2022.

Mars 2023

N’importe quel professionnel de santé vous le dira. Si la relation de soins est faite d’abord d’aspects non-verbaux, elle est surtout faite d’une essentielle dimension verbale. Aussi, au quotidien des soins, autant que le geste technique, il est indispensable de maîtriser le verbe. Un verbe qui s’exprime de façon sincère et authentique dans le cadre de la relation de soins et dont on mesure le troublant impact dès le premier contact avec la personne soignée. En effet, si le traitement thérapeutique est curatif, les mots soignent et apaisent. Il est d’ailleurs remarquable de constater l’efficacité d’un mot choisi, avec une précision quasi-chirurgicale dans certaines situations, au moment d’entrer en relation avec l’Autre soigné, quand bien même ce dernier n’est pas en capacité d’y répondre. Qu’importe. Là où le mot existe, l’humanité persiste.

Or, si le professionnel de santé paramédical fait du verbe un outil de soin permanent lui permettant d’investiguer les dimensions cliniques et relationnelles de sa fonction auprès de la personne soignée et de son entourage, il ne possède pas a priori la même légitimité d’expression dès qu’il s’agit de sortir du cadre de la relation de soins. Que ce soit sur un plan académique, institutionnel ou politique, la littérale “prise” de parole publique des professionnels de santé paramédicaux existe mais elle est encore très timide.

Car, oui, la parole se prend. Elle se gagne, s’entretient, se valorise et se développe. Cependant, elle n’est pas seulement verbe. La parole est au centre du carrefour de différents savoirs : savoir-faire, savoir-être, faire-savoir, savoir-devenir. En disant cela, la parole dépasse l’idée qu’il faudrait seulement maîtriser des mots et les associer entre eux. La parole est un art exigeant qui navigue sur les eaux intranquilles de l’éloquence et de l’art oratoire.

En 2023, face à la montée en puissance des compétences techniques des professionnels de santé paramédicaux, il est indispensable de s’emparer de la question de la parole, notamment publique, de ceux-ci. Leur place allant croissant dans le système de santé, il faut penser le nouveau cadre de leur présence institutionnelle et politique. Cela passe incontestablement par leur capacité à prendre la parole, tant dans l’incarnation que sur celui de la force du message, sans se départir de la base utilisée au cours des soins relationnels. En effet, si les français plébiscitent les professions paramédicales, c’est d’abord et surtout car ils représentent de nombreuses valeurs humanistes intrinsèques à la fonction. La parole publique des professionnels de santé paramédicaux doit être irriguée de cela.

Cela étant, aujourd’hui la problématique qui conduira notre réflexion est simple. Elle s’installe sur ces constats et perspectives offertes par le levier de la parole. Autrement dit, elle nous demande à juste titre si celle-ci n’est pas la nouvelle compétence des professionnels de santé paramédicaux ?

Tu parles ou tu parles pas ?

Tout l’enjeu de la parole se cristallise autour d’une même problématique : la légitimité. Très vite lorsqu’il s’agit de prendre la parole, les notions d’identité (“Qui suis-je pour le faire ?”) et d’expertise (“Ai-je le niveau ?”) s’opposent à l’orateur avant même d’avoir mis un pied devant le pupitre.  Auquel cas, il est évident de considérer la question de la parole comme déterminée par la confiance et la connaissance de soi conduisant au charisme de l’orateur, préalable à l’action.

De prime abord, la confiance et la connaissance de soi revêtent des dimensions transcendantales qui nous échappent tant elles nous apparaissent imperceptibles, voire même tellement ancrées dans notre psyché que cela ne nous est pas accessible. Or, la confiance et la connaissance de soi s’acquièrent, s’entretiennent et se développent. C’est même un défi permanent de la formation initiale et continue, creuset par essence de l’identité et de l’expertise professionnelle. En la matière, les enseignements actuels dans les programmes de formations initiales des paramédicaux intègrent de façon non uniforme ce besoin qui, au-delà de la parole, constitue le socle de softs skills à posséder pour tout individu comme Maslow l’avait indiqué dans ses illustres travaux.

A proximité du monde de la santé, le monde militaire intègre effectivement cette approche dans l’ensemble de son modèle en insistant sur la connexion permanente entre le corps et l’esprit permettant d’améliorer sa connaissance de soi, donc sa confiance. “Un esprit sain, dans un corps sain” dit l’adage.

Sans aller jusqu’à la systématisation du parcours du combattant au cours de la formation initiale des professionnels paramédicaux (quoi que certains stages y ressemblent) il est utile de renouveler l’esprit de compagnonnage, de tutorat et de mentoring à travers lequel l’apprenant développe ses softs skills. Savoir d’où l’on vient, savoir où l’on va. Même si cela sent un peu la naphtaline, l’époque abolie de la “vocation” nous rappelle tout de même une chose. Les paramédicaux, essentiellement religieuses ou évoluant dans cet environnement, possédaient une incroyable connaissance et confiance en soi, les portant jusqu’au-boutisme de leur fonction (ex. au cours de conflits mondiaux) avec une profonde abnégation mais une solide espérance.

Incarner la parole

En effet, la parole est la partie visible de l’iceberg individuel car elle se transforme en acte. Auquel cas, la relation corps-esprit est plus jamais l’objet de la parole. Je dis ce que je pense, je fais ce que je pense. A cet égard, la force de la parole réside dans l’incarnation de son message qui transporte de nombreuses valeurs individuelles et collectives. La parole habille les actes d’une forte identité qui transparaît à travers la sensibilité. Néanmoins, pour exprimer a minima de sensibilité encore faut-il croire à ce que l’on fait.

Le deuxième enjeu de la parole pour les professionnels de paramédicaux est donc celui du sens. Il est indispensable pour eux de savoir maintenir un cap vers une direction qui oriente tout chemin soignant : l’humanité. Le désir profond d’humanisme s’exprime plus-que jamais dans les aspirations soignantes. D’aucun ne pourrait prétendre que les professionnels de santé forment un barrage humaniste, si ce n’est le dernier, dans nos organisations de santé. Pour la plupart, cela est un devoir, pour tous, c’est un engagement. C’est la clé de voûte de l’incarnation de la parole publique des paramédicaux.

Croire en ce que l’on fait, croire en ce que l’on est, croire en ce que l’on sera, sont trois facteurs d’engagement qui constituent des leviers favorables de l’incarnation de la parole. Rejoignant notre propos précédent, c’est à travers eux que s’expriment les valeurs propres aux professionnels de santé paramédicaux. Valeurs qui peuvent être résolument notre faiblesse, mais qui doivent être notre force. L’engagement est plus fort que la vocation et franchement moins docile. Encore faut-il avoir les moyens d’en apprécier le caractère…

Parler oui, mais pour dire quoi ?

Autrement dit, la parole se nourrit de moyens individuels (connaissance et confiance en soi) et collectifs. Ceux-ci sont constitutifs du leadership/followership politique, publique et institutionnelle, conditionnant la capacité d’empowerment des paramédicaux dans le système de santé. Car, parler oui, mais pour dire quoi ?

Ces moyens collectifs sont, comme nous l’avons vu, la formation (initiale et continue des paramédicaux) qui doit intégrer l’art oratoire et l’éloquence dans l’ensemble des programmes. Mais pas seulement. La parole des paramédicaux doit être réinvestie du savoir-être et du savoir devenir soignant à travers le prisme de ce qui en constitue l’avenir : celui de la recherche paramédicale au sein des sciences de la santé.

Une santé, une seule santé “one health” (OMS), qui est en définitive l’objectif de toutes les professions paramédicales. Être acteur et promoteur de santé. C’est cela le leadership clinique. En cela, la recherche de sens, donc de valeurs, s’établit sur cette nouvelle dynamique conceptuelle de la santé, de laquelle les paramédicaux en seront les piliers. Pour se faire, il est donc indispensable que les paramédicaux soient éduqués et acculturés à la prise de parole publique et au plaidoyer en santé car la prévention/promotion de la santé est le noyau dur de cette ambition liant recherche, expérimentation et action. Se faisant, il est utile de rappeler par ailleurs que le leadership politique et institutionnel n’est pas une seule question de parti politique mais est surtout une question renouvelée d’engagement à travers le sens de la fonction.

En conclusion :

 

Tout paramédical peut transformer ses actes en parole, sa parole en actes. Pour se faire, tout paramédical devra posséder un minimum d’éloquence afin de mieux diffuser son savoir/connaissances au travers de la parole. Cela leur permettra de prendre une place sans pour autant écraser les autres car, lorsque l’on évoque l’éloquence et l’art oratoire, il ne s’agit pas de cela. C’est même tout le contraire. Le développement d’une culture de la parole chez les paramédicaux doit seulement leur donner l’empowerment utile à faire-valoir leur identité professionnelle spécifique mais néanmoins complémentaire de tout l’éco-système santé. Transformer une expertise technique en une réelle valeur ajoutée aux réflexions du système de santé via la puissance du verbe. Le mot étant aujourd’hui le début d’une aventure pour les paramédicaux, non plus la fin.

Pour aller plus loin :

Nous remercions vivement Alexis BATAILLE , Chargé de mission « santé des professionnels de santé » par Madame Agnès Firmin le Bodo, Ministre déléguée à l’organisation territoriale et aux professions de santé, infirmier, réserviste militaire et auteur, pour avoir partager régulièrement ses réflexions, à travers ses chroniques passionnantes,  pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com.

Biographie de l'auteur : 

Depuis le 17 Mars 2023, Alexis BATAILLE  est Chargé de mission « santé des professionnels de santé » par Madame Agnès Firmin le Bodo, Ministre déléguée à l’organisation territoriale et aux professions de santé.
Infirmier, Chargé d’affaires publiques au sein du groupe Galileo Global Education, réserviste militaire et auteur.
Il est auteur de plusieurs ouvrages, notamment en 2022 avec « Les 50 outils indispensables de l’Aide-Soignant », (Février 2022) aux Editions Vuibert et « Je reste un soldat » (Avril 2022) chez City Edition.
Aide-soignant diplômé en 2013. Alexis Bataille rejoint le Service de Santé des Armées la même année et servira dans différents Hôpitaux d’Instruction des Armées jusqu’en 2019.
Durant son parcours de soignant militaire, Alexis aura en plus l’occasion d’être projeté en opération extérieure mais aussi d’être membre du Conseil de la Fonction Militaire du Service de Santé des Armées.
A la suite de son départ, tout en poursuivant une activé de réserviste militaire, il développe ses compétences et devient infirmier en 2022.
En parallèle de son activité professionnelle, Alexis Bataille est également élu municipal, membre du Cercle Galien et auteur de plusieurs ouvrages dont le dernier est « Je reste un soldat » co-écrit avec Manuel Cabrita paru en Avril 2022 chez City Editions.

[INTERVIEW pour ManagerSante.com] A l’occasion de la 56e édition du Salon International Innovations & Santé de #SANTEXPO22 les 17-19 Mai 2022, nous avons eu le plaisir d’accueillir Alexis BATAILLE HEMBERT.

[OUVRAGE DISPONIBLE DEPUIS MARS 2022]

Témoignage du CCH Manuel Cabrita et de Monsieur Alexis Bataille à l’occasion de la publication de l’ouvrage « Je reste un soldat ».#Avecnosblessés 
Crédits : Union des Blessés de la Face et de la Tête

[OUVRAGE DE L'AUTEUR PUBLIE EN FEVRIER 2022]

Résumé de cet ouvrage : 
Tous les outils indispensables pour réussir ses évaluations et ses stages !
Conçu pour répondre aux besoins des élèves et des professionnels, Les 5O outils indispensables de l’aide-soignant propose 50 fiches en couleurs, claires et illustrées, en adéquation avec le référentiel 2021 des études aides-soignantes. On y retrouve :
  • les normes, valeurs et échelles à connaître ;
  • les notions essentielles d’hygiène et de prévention et gestion des risques : lavage des mains, précautions standard et complémentaires, accident d’exposition au sang (AES), ergonomie et manutention, risques de violence, maltraitance, etc.
  • les soins techniques et relationnels : observation de patient, glycémie capillaire, évaluation de la douleur ou de l’autonomie, soins de nursing, communication avec le patient, etc.
  • des informations sur la profession AS et ses enjeux : rôle propre ou en collaboration, perspectives professionnelles, législation, etc.
  • des rappels de pharmacologie et d’anatomie générale.
Son petit format et son contenu pratique en font un outil à toujours avoir dans la poche, que l’on soit étudiant ou professionnel.

[DERNIERS OUVRAGES DE L'AUTEUR]

Dans ce guide pratique, Alexis Bataille répond avec humour et sans tabou à toutes les questions pratiques que l’aide-soignant (élève ou professionnel) se pose, à l’aube de la refonte du référentiel aide-soignant. Présentant toutes les questions fondamentales (mais pas que !), le livre aborde les trois thèmes essentiels à la profession :
    • le métier d’aide-soignant dans tous ses aspects : Les missions de l’AS varient-elles en fonction du lieu d’exercice ? Quelle est la différence existe-t-il entre un AS et un IDE ? Le diplôme français suffit-il pour travailler à l’étranger ?
    • la pratique au quotidien : Comment être un AS bien organisé ? Comment planifier ses repas quand on travaille de nuit ? Comment faire face au décès d’un patient ? Comment gérer un conflit au travail ? Est-ce difficile d’être un homme dan sce métier ?
    • les relations aux patients : Que faire si j’ai un enfant comme patient ? Comment préserver l’intimité ? Quelle attitude adopter face à la douleur ? Quelle place donner à la famille du patient ? Comment réagir face à une situation violente ? 
Ce guide de survie facilitera la vie des aides-soignants jeunes diplômés et des moins jeunes, désireux d’être accompagnés au quotidien dans la bonne humeur !
ManagerSante.com soutient l’opération COVID-19 et est partenaire média des  eJADES (ateliers gratuits)
initiées par l’Association Soins aux Professionnels de Santé 
en tant que partenaire média digital

 Parce que les soignants ont plus que jamais besoin de soutien face à la pandémie de COVID-19, l’association SPS (Soins aux Professionnels en Santé), reconnue d’intérêt général, propose son dispositif d’aide et d’accompagnement psychologique 24h/24-7j/7 avec 100 psychologues de la plateforme Pros-Consulte.

Merci de votre soutien précieux...

Alexis BATAILLE-HEMBERT

Alexis BATAILLE  est infirmier, consultant et co-réadacteur d'un rapport sur la «santé des professionnels de santé » remis en Octobre 2023 auprès de Madame Agnès Firmin le Bodo, Ministre déléguée à l’organisation territoriale et aux professions de santé. Il est auteur de plusieurs ouvrages, notamment en 2022 avec "Les 50 outils indispensables de l'Aide-Soignant", (Février 2022) aux Editions Vuibert et "Je reste un soldat" (Avril 2022) chez City Edition. Aide-soignant diplômé en 2013. Alexis Bataille rejoint le Service de Santé des Armées la même année et servira dans différents Hôpitaux d’Instruction des Armées jusqu’en 2019. Durant son parcours de soignant militaire, Alexis aura en plus l’occasion d’être projeté en opération extérieure mais aussi d’être membre du Conseil de la Fonction Militaire du Service de Santé des Armées. A la suite de son départ, tout en poursuivant une activé de réserviste militaire, il développe ses compétences et devient infirmier en 2022. En parallèle de son activité professionnelle, Alexis Bataille est également élu municipal, membre du Cercle Galien et auteur de plusieurs ouvrages dont "Je reste un soldat" co-écrit avec Manuel Cabrita paru en Avril 2022 chez City Editions et le dernier sur la "Sémiologie pour l'infirmier" (2023, aux Éditions Vuibert).

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