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Les technologies de télésanté peuvent-elles servir la formation interprofessionnelle par simulation ? Le Dr Pierre SIMON nous présente quelques exemples concrets.

Article publié  par notre expert, le Docteur Pierre SIMON    (Medical Doctorat, Nephrologist, Lawyer, Past-president of French Society for Telemedicine).

Auteur de plusieurs ouvrages sur la Télémédecine, il vient de co-rédiger le 07 Avril 2021, aux éditions Elsevier Masson un nouvel ouvrage intitulé « Télémédecine et télésoin : 100 cas d’usage pour une mise en oeuvre réussie ».

Il est également co-auteure d’un chapitre de l’ouvrage collectif de référence publié depuis le 04 Octobre 2021, sous la direction de Jean-Luc STANISLAS  chez LEH Edition, intitulé « Innovations & management des structures de santé en France : accompagner la transformation de l’offre de soins » .

 

N°48, Décembre 2021

Nous rapportons dans ce nouvel article l’expérience d’une formation par simulation clinique reposant sur une coopération interprofessionnelle (FIP) en santé. Elle a été développée au sein d’une université publique américaine située en Caroline du sud. L’expérience réussie pourrait inspirer les universitaires français en charge de la formation au numérique en santé des nouvelles générations de professionnels de santé. Simulation-Based Interprofessional Education in a Rural Setting: The Development and Evaluation of a « Remote-In » Telehealth Scenario. Scott A, Dawson RM, Mitchell S, Catledge C.Nurs Educ Perspect. 2020 May/Jun;41(3):187-189. doi: 10.1097/01.NEP.0000000000000461.PMID: 30707204

Le contexte

Une approche disciplinaire unique de l’éducation en soins de santé ne donne pas aux étudiants l’occasion de mettre en pratique une communication efficace et des compétences de collaborations interdisciplinaires pourtant essentielles à l’ère des maladies chroniques afin de délivrer des soins efficaces aux patients. Pour remédier à ces limites de la formation traditionnelle, les enseignants en santé utilisent de plus en plus souvent des stratégies de FIP avec lesquelles les étudiants de diverses disciplines en soins de santé (p. ex., soins infirmiers, médecine, pharmacie) travaillent ensemble pour développer les compétences nécessaires à un travail en équipe pluridisciplinaire.

Bien qu’il soit bien démontré qu’une approche éducative interdisciplinaire produit des soins de meilleure qualité pour les patients, il existe encore des freins qui interfèrent sur la mise en œuvre d’une FIP pour tous les étudiants en santé. L’article décrit comment les enseignants d’une grande université publique interviennent dans un campus situé en zone rurale en utilisant une stratégie innovante qui s’appuie sur les technologies de télésanté. Le but est de mettre en œuvre une FIP reposant sur une simulation clinique entre étudiants en santé de disciplines différentes.

Quels sont les défis à surmonter ?

Les enseignants en santé utilisent traditionnellement des modèles d’enseignement clinique centrés sur l’étudiant, dans lesquels l’apprentissage est sensé améliorer les connaissances et les compétences, et où le patient reste « imaginaire » (voir l’image du billet). Les stages cliniques sont devenus de plus en plus difficiles à obtenir en raison de la progression régulière du nombre d’étudiants en santé et de la réduction du nombre de lits dans les hôpitaux. En secteur libéral, les médecins de soin primaire sont surchargés de travail par une demande croissante et ont de moins en moins le temps d’assurer leur mission de maître de stage auprès des étudiants.

La pratique avec la FIP basée sur la simulation clinique permet aux étudiants de développer et de maîtriser les compétences de base, favorise la collaboration interdisciplinaire et les compétences en communication, et in fine protège les patients en leur assurant des soins sécurisés et de qualité. Ces expériences de FIP sont réalisées en présentiel avec des étudiants de différentes disciplines. Ils se réunissent dans des laboratoires de simulation clinique afin de mettre en pratique des scénarios de soins aux patients. Une telle approche de FIP peut difficilement se réaliser lorsque les étudiants sont dans des campus situés en territoires ruraux, où les disciplines nécessaires à la FIP ne sont pas toutes présentes. 

Le plus souvent, les campus ruraux n’ont pas de FIP, ce qui appauvrit les relations professionnelles avec les enseignants en santé, relations pourtant essentielles à la mise en place d’une formation interdisciplinaire. La logistique des horaires et des temps de déplacement des étudiants est également un problème pour ceux qui sont dans les campus ruraux. Ces étudiants ne peuvent accéder aux laboratoires de simulation clinique que sur le campus principal situé dans les grandes villes. Les outils de télésanté peuvent être des solutions innovantes pour relever ces défis logistiques afin de permettre la mise en œuvre une FIP au niveau des campus ruraux. 

La simulation clinique par télésanté dans les campus ruraux

La télésanté est une prestation à distance de soins de santé, réalisée avec les technologies de l’information et de la communication. Elle est destinée aux patients qui vivent dans des zones éloignées. Elle utilise un équipement audio-vidéo pour une communication interactive bidirectionnelle. Dans les milieux ruraux aux ressources limitées, l’utilisation d’outils de télésanté par les professionnels de santé et les systèmes de soins de santé pourrait améliorer la délivrance de soins aux patients, ainsi que promouvoir un environnement clinique pluridisciplinaire par télésanté.

Souvent, les étudiants formés en zone rurale s’installent à la fin de leurs études dans ces mêmes zones. Une expérience de FIP par simulation grâce aux outils de télésanté offre à ces étudiants qui vivent en zone rurale la possibilité de travailler avec une technologie conçue pour améliorer l’accès aux soins des patients. L’usage de ces technologies innovantes permet aussi de réaliser des expériences de FIP.

La mise en œuvre du projet de FIP dans une région du Sud-Est des Etats-Unis

Le choix de la Caroline du Sud comme zone rurale repose sur des critères sociologiques et de recensement : 15% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, l’accès aux soins est difficile car la densité en médecins de soin primaire y est très faible (1 à 2,9 pour 10 000 hab.). La zone testée est située à 100 km d’une grande université régionale publique dotée d’un laboratoire de simulation clinique. De même, le collège de formation des infirmiers et l’école de pharmacie sont au sein de l’université régionale.

Une trentaine d’étudiants du campus rural (16 en sciences infirmières, 8 en 3ème année de médecine, 5 en 4ème année de pharmacie) se sont pliés à distance à différents scénarios cliniques de FIP, sous l’observation d’un enseignant de l’université régionale. Cinq groupes de FIP furent constitués. Le laboratoire de simulation clinique était relié aux différents groupes de FIP par les technologies de télésanté.

Deux semaines avant le début du projet, chaque groupe de FIP a reçu les informations utiles pour se connecter en audio-vidéo avec les différents participants, ainsi qu’avec le laboratoire de simulation clinique où se trouvent les patients « simulés » (voir l’image du billet). Les scénarios étaient tous filmés et chaque groupe devait réaliser un debriefing après chaque scénario, animé par l’enseignant.

Evaluation du projet

Le projet a été évalué à l’aide de plusieurs méthodes. Les performances individuelles des étudiants ont été évaluées avant et après le scénario à l’aide de l’outil Student Perceptions of Interprofessional Clinical Education-Revised (Dominquez DG, Fike DS, MacLaughlin EJ, & Zorek JA (2016). Student Perceptions of Interprofessional Education-Revised (SPICE-R2) Retrieved from ), lequel évalue le travail d’équipe, les rôles et les résultats pour les patients.

Les étudiants ont également évalué le scénario de FIP à l’aide de l’échelle de la Ligue nationale des soins infirmiers, qui évalue l’information, le soutien, la résolution des problèmes, la rétroaction / réflexion guidée et le réalisme (National League for Nursing. (2005). Simulation Design Scale-Student Version Retrieved from).

Les données quantitatives ont été analysées à l’aide de SPSS (Statistical Package for the Social Sciences). Les changements intervenus dans les scores pre et post-scénarios des étudiants ont été évalués par le test non paramétrique de Wilcoxon.

Tous les étudiants ont jugé qu’il était important ou très important d’intégrer dans la simulation clinique des données, des situations et des variables de la vie réelle : 94 % ont donné un jugement « d’accord » ou « tout à fait d’accord » pour que la simulation clinique comporte ces trois éléments. Ils ont jugé qu’il était important ou très important pour eux que le scénario ressemble à une situation clinique réelle :  93 % sont d’accord ou tout à fait d’accord pour dire que le scénario ressemblait bien à une situation réelle. 

Au cours des séances de débriefing, les étudiants ont convenu que la FIP basée sur la simulation clinique par la technologie de télésanté était de loin supérieure à la FIP traditionnelle en présentiel : « c’était mieux que de recevoir un appel téléphonique parce que je pouvais voir ce qui se passait en video et visualiser ainsi le travail d’équipe« .

Les étudiants ont également estimé que cette expérience les préparait mieux à la pratique professionnelle en zone rurale et augmentait leur confiance dans la prise de décision clinique et dans le travail d’équipe, les rôles de chacun avec sa compétence propre étant parfaitement illustrés par la FIP.

Quelles leçons apprises ?

Pour qu’un programme de FIP soit efficace, les éléments clés de réussite comprennent un financement adéquat, un soutien institutionnel, une bonne communication numérique et une vision partagée des objectifs par les principales parties prenantes. La réussite du projet est due, entre autres, aux solides partenariats développés entre la communauté universitaire du campus rural et l’université voisine d’une grande ville.

Les défis techniques liés à l’équipement en télésanté ont contribué à l’apprentissage de ces nouvelles technologies et ont permis de mieux appréhender l’expertise de chaque discipline pour le service rendu aux patients. Cependant, la difficulté à se familiariser à ces outils fait que l’éducation à la « technologie » est ressortie comme un préalable à toute FIP par télésanté. Une plus grande maîtrise des outils devrait permettre d’enrichir les scénarios de simulation.

Commentaires

Il y a dans cette expérience américaine des leçons à tirer pour améliorer notre système de santé français.

Tout d’abord, la Caroline du Sud est une zone rurale où sévit une désertification médicale au moins aussi marquée que dans certaines régions rurales françaises. Les initiateurs du projet font le pari qu’en développant la formation interprofessionnelle par télésanté dans ces zones désertifiées, ils favoriseront de nouvelles installations professionnelles en s’appuyant sur le constat souvent vérifié « qu’on s’installe là où on a été formé ». De nombreuses petits villes françaises développent des campus en lien avec les universités des grandes villes. Dans ces campus délocalisés, Il faut étendre les programmes aux premières années de formation médicale et de soins infirmiers avec l’espoir de « repeupler » les zones désertifiées des territoires dont sont issus les étudiants.

Ensuite, l’expérience américaine de FIP ne se résume pas à des cours donnés en Visio par les enseignants des universités des grandes villes, mais bien à leur implication dans des formations reposant sur des simulations cliniques de différents scénarios, réalisées par télésanté. Ainsi, les étudiants issus d’un territoire vivent leur formation interprofessionnelle dans l’environnement qu’ils connaissent avec des étudiants de disciplines différentes avec qui ils conserveront des liens lorsqu’ils s’installeront dans le territoire où ils résident et avec des enseignants universitaires avec qui ils pourront plus facilement dialoguer lorsqu’ils seront installés.

Enfin, à une période où la pandémie à la Covid-19 a permis de développer les pratiques de télésanté pour améliorer les parcours de soins des patients atteints de maladies chroniques, former très tôt les étudiants en santé à ces technologies pour qu’ils les utilisent dans la coopération interprofessionnelle (par téléexpertise) ne peut que renforcer la qualité des soins délivrés et le service rendu aux patients.

Nous remercions vivement le Docteur Pierre SIMON (Medical Doctor, Nephrologist, Lawyer, Past-president of French Society for Telemedicine) , auteur d’un ouvrage sur la Télémédecine,  pour partager son expertise professionnelle pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com

Biographie de l'auteur : 

Son parcours : Président de la Société Française de Télémédecine (SFT-ANTEL) de janvier 2010 à novembre 2015, il a été de 2007 à 2009 Conseiller Général des Etablissements de Santé au Ministère de la santé et co-auteur du rapport sur « La place de la télémédecine dans l’organisation des soins » (novembre 2008). Il a été Praticien hospitalier néphrologue de 1974 à 2007, chef de service de néphrologie-dialyse (1974/2007), président de Commission médicale d’établissement (2001/2007) et président de conférence régionale des présidents de CME (2004/2007). Depuis 2015, consultant dans le champ de la télémédecine (blog créé en 2016 : telemedaction.org).
Sa formation : outre sa formation médicale (doctorat de médecine en 1970) et spécialisée (DES de néphrologie et d’Anesthésie-réanimation en 1975), il est également juriste de la santé (DU de responsabilité médicale en 1998, DESS de Droit médical en 2002).
Missions :accompagnement de plusieurs projets de télémédecine en France (Outre-mer) et à l’étranger (Colombie, Côte d’Ivoire).
 avril 2007, Gazette du Palais 2007
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initiées par l’Association Soins aux Professionnels de Santé 
en tant que partenaire média digital

 Parce que les soignants ont plus que jamais besoin de soutien face à la pandémie de COVID-19, l’association SPS (Soins aux Professionnels en Santé), reconnue d’intérêt général, propose son dispositif d’aide et d’accompagnement psychologique 24h/24-7j/7 avec 100 psychologues de la plateforme Pros-Consulte.

Docteur Pierre SIMON

Medical Doctor, Nephrologist, Lawyer, Past-president of French Society for Telemedicine, Past-CGES French Ministry of Health Praticien Hospitalier en néphrologie pendant près de 35 ans, il s'est intéressé a la Télémédecine des le milieu des années 90 en développant une application de Télémédecine en dialyse, devenue opérationnelle en 2001. Cette application a été évaluée par la HAS en 2008-2009 (recommandations publiées en janvier 2010). Après avoir co/signe le rapport ministériel sur "La place de la Télémédecine dans l'organisation des soins", avec Dominique Acker lorsqu'il était Conseiller Général des Etablissements de Sante (2007-2009), il a été, de janvier 2010 à décembre 2015, président de la SFT-ANTEL Société savante de Télémédecine, qui regroupe plus de 400 professionnels de santé, médecins et non médecins ( infirmiers, pharmaciens, etc.). et dont l'objet est de promouvoir et soutenir les organisations nouvelles de soins structurées par la Télémédecine, apportant la preuve d'un service médical rendu aux patients. La SFT-ANTEL organise chaque année un Congres européen de Télémédecine et a crée un journal de recherche clinique en Télémédecine ( Européan Research in Télémédecine) publie par Elsevier.

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