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En quoi la santé intègre-t-elle le continuum de sécurité dans le contexte des enjeux de défense ? Alexis BATAILLE nous livre ses réflexions.

Nouvelle chronique littéraire rédigée pour ManagerSante.com par Alexis BATAILLE , Aide-Soignant militaire de réserve, depuis Septembre 2019, aujourd’hui étudiant en Soins Infirmiers au sein d’un Institut de Formation de la Croix-Rouge Française situé dans le Nord de la France.

Il est auteur d’un nouvel ouvrage publié en Octobre 2020 intitulé  « Le Guide de survie de l’aide-soignant : 100 questions-réponses sur le métier et la pratique », aux éditions Vuibert. Il est également auteur d’un autre ouvrage intitulé « Vous avez mal où ? », publié aux éditions City, en Mars 2019.

Il est également co-auteur d’un nouvel ouvrage collectif publié le 04 Octobre 2021 chez LEH Edition, sous la direction de Jean-Luc STANISLAS, intitulé « Innovations & management des structures de santé en France : accompagner la transformation de l’offre de soins.

Octobre 2021

La santé est revenue sur le devant de la scène depuis 2019. Inutile de faire l’énième synthèse des événements sanitaires pour en comprendre l’importance fondamentale. En effet, au-delà de ce seul aspect, la santé admet d’être au cœur des enjeux de défense tant elle revêt une valeur essentielle dans la préservation des intérêts humains, eux-mêmes garants de la cohésion sociale, de l’intégrité individuelle et collective mais aussi du respect du droit à la vie privée au sein d’un pays et entre les nations. Aussi, surseoir à l’impératif de sécurité dans les domaines qui interviennent directement dans le champ de la santé devient de plus en plus un espace souverain de l’Etat qui détermine aux yeux du peuple et du Monde la capacité qu’il a de se défendre ainsi que les moyens de ses ambitions sanitaires.

Pour ainsi dire, considérant l’importance qu’elle a pour tout un chacun, la santé est un lieu précieux. Or, comme pour toute chose précieuse, c’est un domaine par essence fragile. Celui-ci peut être l’objet d’une profonde avidité car en détenir tous les secrets, la manipuler et l’orienter contribue à entrer directement au centre d’une société.

En effet, cela permet, par exemple, d’interagir directement sur les compétences individuelles des individus en manipulant la santé comme un vulgaire morceau de pâte à modeler dont la forme choisie avec précision peut laisser une profonde empreinte psychosociale sur les individus. Dès lors, les finalités peuvent être nombreuses pour les citoyens comme celle d’entraîner des modifications dans les comportements de santé et/ou d’instiller le doute sur les motivations réelles du système de santé à les prendre correctement en soin…

D’autre part, la santé comme objet se place en enjeu central pour atteindre des objectifs concrets sur une société tant nous utilisons chaque jour, à domicile ou dans les établissements de santé, des dispositifs médicaux et thérapeutiques (ex. compléments alimentaires, comprimés, injectables, logiciels de soins). De ce fait, les processus de fabrication et d’importation, les circuits d’acheminement de ces éléments mais aussi les données de santé ont une valeur inestimable pour toutes celles et ceux qui voudraient les mésuser à des fins d’attaques.

Tout cela convergeant indéniablement vers un seul et même objectif : atteindre directement la stabilité d’un Etat et le remettre directement en cause dans sa souveraineté en atteignant directement sa base, l’individu-citoyen. Cela ne vous rappelle pas certaines méthodes déjà éprouvées ?

Fort de cette introduction, interrogeons-nous dès lors autour de cette problématique : En quoi la santé intègre-t-elle le continuum de sécurité dans le contexte des enjeux de défense ?

Santé & République Française

Sur notre territoriale nationale, la santé a une place prépondérante pour plusieurs raisons.

D’abord, dans un premier temps, celle-ci admet d’être un devoir de la République Française vis-à-vis de ces citoyens qui « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » (Constitution de 1946).

Aussi, la santé est une garantie constitutionnelle de dignité comprenant, en outre, la liberté et l’égalité dans ce domaine précis.

Par ce simple fait, en République Française, la santé, que nous considérerons maintenant du point de vue de l’Organisation Mondiale de la Santé, procède d’une seule dynamique : « la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. » .

Dans ce cas, nous devinons dès lors une chose importante : l’Etat n’a pas d’obligations de résultats mais seulement de moyens car le droit à la protection de la santé n’est pas stricto sensu un droit à la santé. En effet, si l’on peut mettre tous les moyens (ex. techniques, humains, financiers) pour favoriser la santé d’un individu on ne peut jamais lui garantir que sa santé sera « bonne », tant les déterminants intrinsèques exercent une influence considérable contre laquelle un système de santé et un Etat ne peuvent pas toujours lutter.

Cette idée rejoint dès lors notre propos initial et nous permet d’introduire ce principe qui guidera notre réflexion : en France, la santé doit être d’abord et surtout une obligation de moyens dont le but principal est celui d’en assurer la protection sous différentes formes afin de respecter les valeurs républicaines qu’elle prône.

Santé & sécurité intérieure

Sur le plan de la sécurité intérieure, la santé est sans nul doute vitale à l’épanouissement de la Nation et je dirais même de toutes les Nations. Elle permet en effet de conforter le sentiment évident de bien-être d’un individu au sein de son pays. Cela conditionne expressément le rapport que celui-ci peut entretenir avec le système dans lequel il évolue. Ce sentiment est simple, il s’appelle la confiance.

Dans une période où le contrat tacite entre l’Etat-citoyen semble affaibli, nous nous apercevons incontestablement de l’importance que ce lien peut avoir afin de contribuer à l’équilibre sociétal dans un contexte où le besoin de sécurité (cf. pyramide de Maslow), comprenant celui de la santé, s’affirme être toujours plus le socle de la réalisation individuelle.

Par ce seul fait, la protection de la santé (environnementale, sociale, psychique, physique) sur le plan intérieur s’avère être un réel enjeu de sécurité intérieure tant qu’elle est un besoin primaire de chaque individu que l’on ne peut pas dénier. De façon succincte, nous pourrions ainsi dire : sans santé globale, pas de société. Cette première apparaissant in fine comme son liant principal.

D’autre part, la santé est sans conteste le moteur essentiel de la dynamique multiple d’une Nation car, entrons dans un lieu commun, mais sans un état de santé typique, aucun individu ne peut pleinement exercer, par exemple, sa force de travail et relationnelle.

Auquel cas, la santé investit encore plus un enjeu de sécurité intérieure car l’atteindre c’est profondément toucher le fonctionnement de la Nation avec à la clé une déstabilisation socio-économique majeure pour cette dernière car son principal rouage qui l’anime est impacté sur des nombreux plans…

Pour illustrer ces idées, nous pourrions citer les actions terroristes qui impactent la santé physique et psychique des individus. En outre, ils remettent en cause le sentiment de sécurité sur le territoire et la capacité de l’Etat de les protéger.

A la suite de cela, nous pourrions même insister sur l’objectif filigrané qui est porté dans ce cadre : Celle de l’atteinte sur la santé mentale des individus dans un contexte où la menace plane. Elle a forme latente, insidieuse, progressive et de plus en plus grave lorsqu’elle frappe avec une importante incertitude. Sur ce point, nous, professionnels de la santé, savons que les failles psychologiques ouvrent plus facilement la porte à la manipulation. Une mécanique plus que d’actualités à l’heure des fakes-news et facilitée par l’instantanéité des réseaux sociaux.

Sur le plan collectif, la santé en tant qu’enjeu de sécurité intérieure admet plusieurs aspects. D’abord, dans la préservation de notre souveraineté nationale, notamment au travers de l’industrie, de la recherche et du stockage des données, dont le court-circuitage des différents processus pourrait entraîner des conséquences directes sur l’individu. A ce titre, nous pourrions évoquer une réalité, le vol, la perte et la fuite de données de santé ou imaginer le risque d’hacking des dispositifs médicaux (ex. ventilateurs en réanimation), la contamination de denrées alimentaires (ex. cuisine des établissements de santé, rations distribuées en intervention de police ou dans les armées) et de médicaments (ex. préparations injectables).

En second lieu, nous pourrions aussi évoquer l’émergence des nouveaux risques bactériologiques, virologiques, radiologiques et chimiques qui interviennent en perspective d’une profonde crise environnementale (ex. centrales nucléaires vieillissantes, explosion d’usines, infiltration des nappes phréatiques )

Détourné, nourri, créé, les points de départ des menaces pour la santé ne manquent pas. Ces quelques exemples prouvent, s’il le fallait encore, que la préservation de la santé globale et unitaire est définitivement un enjeu collectif de sécurité intérieur car, une nouvelle fois, tout cela revient à déstabiliser un pays dans son ensemble en impactant directement l’individu et en remettant en cause la sécurité intérieure d’un système auquel il appartient, plus particulièrement la vulnérabilité des moyens de la protection de la santé dont est garante la République Française.

Santé & continuum de sécurité

Dès lors, la protection de la santé a un lien définitif entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure et appartient en conséquence au continuum de sécurité entre ces deux pendants.

En effet, préserver les intérêts nationaux c’est aussi éviter l’ingérence extérieure auprès du capital humain qui constitue la Nation. En cela, c’est démontrer que le pays a pris toutes les dispositions défensives en matière de sécurité sanitaire, dont on en connaît maintenant, à la fois, le prix et la force.

Sur ce seul fait, un pays comme la France, qui met en évidence le droit à la protection de la santé sur les territoires de la République, ne peut plus se départir d’envisager cette dernière sous le seul angle de la sécurité intérieure. Il doit considérer le continuum qui existe dorénavant. Car, si les menaces pour la santé proviennent en majeure partie du territoire, elles peuvent trouver leurs sources au-delà de nos frontières, notamment dans un espace mondialisé et dématérialisé.

La crise sanitaire nous l’a prouvé, maitriser les doubles aspects de la sécurité sanitaire procède de considérations multiples où lutter contre l’absence de maladie ne plus être la seule obligation de moyens.

La santé inscrite dans le continuum de sécurité est avant tout celle du continuum entre toutes les dimensions de la santé humaine, environnementale et animale à l’échelon national, européen et international, comprenant tout particulièrement à la préparation mentale des individus et à l’accès aux moyens d’adaptation face aux aléas/contraintes de la santé.

Fort de cela, la santé comme appartenant au continuum de sécurité, doit donc faire l’objet d’une concertation pluripartites entre les Etats afin de faire émerger l’intelligence collective au service d’une politique affirmée de moyens (techniques, logistiques, humains) de protection de la santé dans laquelle se place en premier lieu le défi de la préservation des données de santé confiées volontairement ou non par les individus.

En somme, la santé est d’abord une question d’enjeu de défense de la confiance dont la sécurité est partie prenante de cette bataille qui n’est fondamentalement jamais gagnée…

Pour aller plus loin

  • FARDE, « Le continuum de sécurité nationale », Hermann, 2020.
  • HANON (2003). Sécurité intérieure et Europe élargie : discours et pratiques. Revue internationale et stratégique, 52, 23-32. https://doi.org/10.3917/ris.052.0023
  • MAFART (2018). Sécurité nationale. Dans : Hugues Moutouh éd., Dictionnaire du renseignement(pp. 711-716). Paris: Perrin. https://doi.org/10.3917/perri.mouto.2018.01.0711″
  • « 1. La sécurité en tant que facteur de développement », Revue de l’OCDE sur le développement, vol. no2, no. 3, 2001, pp. 137-152.

Nous remercions vivement Alexis BATAILLE , Aide-Soignant et, depuis Septembre 2019, étudiant en Soins Infirmiers au sein d’un Institut de Formation de la Croix-Rouge Française situé dans le Nord de la France, pour avoir partager régulièrement ses réflexions, à travers ses chroniques passionnantes,  pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com.

Biographie de l'auteur : 

Aide-soignant diplômé en 2013. Alexis Bataille rejoint le Service de Santé des Armées la même année et servira dans différents Hôpitaux d’Instruction des Armées jusqu’en 2019. Durant son parcours de soignant militaire, Alexis aura en plus l’occasion d’être projeté en opération extérieure mais aussi d’être membre du Conseil de la Fonction Militaire du Service de Santé des Armées.
Dorénavant aide-soignant militaire de réserve, depuis Septembre 2019, Alexis Bataille est étudiant en soins infirmiers au sein d’un institut de formation de la Croix-Rouge Française situé dans le Nord de la France.
En parallèle de son activité professionnelle et étudiante, Alexis Bataille est également membre du comité de rédaction du site infirmiers.com, membre du Cercle Galien et auteur d’un ouvrage intitulé « Vous avez mal où ? Chroniques d’un aide-soignant à l’hôpital » paru chez City Editions en 2019.

[DERNIER OUVRAGE DE L'AUTEUR]

Préface de cet ouvrage
Aide-soignant…
S’il fallait oublier le mot « aide » pour ne retenir que celui de « soignant » ? Ignorés du plus grand nombre, sans exposition médiatique – bien que la récente crise sanitaire ait éclairé leurs fonctions – qui parle de ces professionnels du « care », du « prendre
soin » ? Qui leur donne la parole, les écoute et les valorise ?
Je me souviens du témoignage de l’un d’entre eux qui affirmait : « Qu’un geste, un regard, une accolade, une parole ou un fou rire partagé avec la personne dont on a la charge, redonne foi en ce métier, en l’humain. À cet instant précis on sait pourquoi on est là… »
Oui, affirmons-le et ce n’est pas les infirmiers(ères), cadres de santé, médecins… et surtout patients qui nous contrediront : chacun connaît la valeur et le rôle indispensable des aides-soignants au sein d’une équipe soignante. Il n’y a pas si longtemps, le binôme infirmière/aide-soignante était le « duo gagnant » d’une prise en soin optimale. En effet, grâce à
cet apport de compétences mixtes, le temps du soin et du confort s’opérait pour le patient de façon fluide et dans la continuité : du petit-déjeuner à la toilette, en passant par la réfection du lit, la mise au fauteuil, le renouvellement du pansement ou tout autre soin
technique. Nous ne pouvons que constater aujourd’hui combien cette valeur du travail en binôme est malmenée.
Pourtant, ce qui en résulte, grâce notamment au rôle propre de l’aide-soignant qui ne lui est pourtant pas accordé, c’est cette attention, cette disponibilité, cette écoute, cette gestuelle, cette qualité relationnelle et, au-delà, cette observation clinique qui fait toute la différence. Toutes ces qualités sont la valeur-ajoutée du prendre soin dans la « globalité » du patient, un terme tellement usité qu’il en a perdu sa valeur intrinsèque. Quiconque se retrouve en position de « malade » va l’éprouver très vite. Le travail de l’aide-soignant n’est donc pas seulement une aide, il s’agit bel et bien d’un soin précis et réel.
À l’heure où notre système de santé opère nécessairement de profondes mutations, où l’on parle enfin « d’attractivité » dans les métiers du soin, gageons que celui d’aide-soignant, riche d’un savoir, d’un savoir-faire et d’un savoir-être qui lui est propre, puisse exprimer l’essence même de son cœur de compétences. Il est en effet grand temps que de nouvelles perspectives s’ouvrent à lui, qu’il soit reconnu comme professionnel de santé à part entière, et ainsi valorisé comme il le mérite !
Bernadette FABREGAS, Infirmière
Directrice des rédactions paramédicales, Infirmier.com
Groupe Profession Santé  @FabregasBern

Témoignage d'Alexis BATTAILLE (source : ActuSoins)

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Alexis BATAILLE-HEMBERT

Alexis BATAILLE  est infirmier, consultant et co-réadacteur d'un rapport sur la «santé des professionnels de santé » remis en Octobre 2023 auprès de Madame Agnès Firmin le Bodo, Ministre déléguée à l’organisation territoriale et aux professions de santé. Il est auteur de plusieurs ouvrages, notamment en 2022 avec "Les 50 outils indispensables de l'Aide-Soignant", (Février 2022) aux Editions Vuibert et "Je reste un soldat" (Avril 2022) chez City Edition. Aide-soignant diplômé en 2013. Alexis Bataille rejoint le Service de Santé des Armées la même année et servira dans différents Hôpitaux d’Instruction des Armées jusqu’en 2019. Durant son parcours de soignant militaire, Alexis aura en plus l’occasion d’être projeté en opération extérieure mais aussi d’être membre du Conseil de la Fonction Militaire du Service de Santé des Armées. A la suite de son départ, tout en poursuivant une activé de réserviste militaire, il développe ses compétences et devient infirmier en 2022. En parallèle de son activité professionnelle, Alexis Bataille est également élu municipal, membre du Cercle Galien et auteur de plusieurs ouvrages dont "Je reste un soldat" co-écrit avec Manuel Cabrita paru en Avril 2022 chez City Editions et le dernier sur la "Sémiologie pour l'infirmier" (2023, aux Éditions Vuibert).

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