Article publié par notre experte, la Professeure Michèle GUILLAUME-HOFNUNG , docteure en Droit, experte à l’UNESCO, experte à l’Union Européenne et au Conseil de l’Europe, fondatrice de l’Institut de la Médiation Guillaume Hofnung), formatrice & consultante en médiation et en éthique et auteure de l’ouvrage « La Médiation » Que sais je ? (PUF. 8ème édition 2020).
N°12, Juillet 2021
Un des nombreux mérites de ce colloque est, ainsi que l’annonce l’introduction générale, d’approcher la médiation dans sa dimension interdisciplinaire, et de transcender la juxtaposition des regards croisés autour du phénomène « médiation(s) ». L’approche adoptée se démarque des études segmentées dans lesquelles l’adjectif qualificatif qui affecte la médiation pèse plus lourd qu’elle et la fait basculer du côté de la conciliation, de la négociation, voire de l’arbitrage. Le substantif indique la substance, le qualificatif qui n’en constitue que l’accessoire ne saurait la modifier.
Déontologie et médiation
On remarquera que le thème de la communication qui m’est confiée ne souffre d’aucun adjectif qualificatif. Il invite à une approche généraliste des obligations professionnelles du médiateur, à sa déontologie. Il oblige à l’essentiel et c’est heureux… Il engage à suivre une approche généraliste de la médiation, car ainsi libellé, la déontologie régit les obligations professionnelles guidant celle ou celui qui pratique la médiation en général.
La déontologie constitue une épreuve de vérité et un marqueur de l’identité professionnelle. La déontologie constitue un marqueur de l’identité professionnelle, du cœur de métier. Les codes de déontologies respectifs du médecin et de l’infirmier l’illustrent bien. Le médecin est celui qui accomplit l’acte médical strictement défini, qui diffère de l’acte de soin, pratiqué par l’infirmier.
Le thème central de la déontologie ramène à la question à laquelle est obstinément ramené tout auteur comme tout acteur traitant de la médiation : comment se définit la médiation ?
C’est au pied du mur qu’on voit le maçon, c’est à sa capacité à respecter la déontologie du médiateur qu’on voit le médiateur.
Nous voilà donc ramenés à la question primordiale de la définition, primordiale non seulement de première importance mais qui se pose en priorité. La question occupa l’essentiel des tout premiers Etats généraux de la médiation organisés le 3 juillet 2009 par l’Union professionnelle indépendante des médiateurs. (1)
La médiation peut-elle avoir plusieurs définitions ?
Peut-on jouer à l’infini les jeux du pluriel ? Jusqu’à quel point la médiation peut elle être plurielle tout en restant elle même ? Se demander s’il peut y avoir plusieurs différentes définitions de la médiation n’est-ce pas comme se demander si un individu peut avoir plusieurs ADN ?
Nos sociétés complexes et chahutées par de nombreux défis éprouvent toutes sortes de besoins, mais est il sérieux de les satisfaire de manière indifférenciée ? Les enjeux ne sont ils pas suffisamment importants pour y répondre de manière fine et adaptée ?
De violents maux de tête nécessitent une réponse, les progrès de la recherche ont permis d’affiner les réponses pour donner la bonne. Parfois il faudra utiliser le paracétamol, parfois l’aspirine, parfois l’ostéopathie parfois la chirurgie. C’est un progrès de la médecine de savoir distinguer. Ne serait-ce pas un progrès du droit de savoir distinguer conciliation et médiation ?
C’est d’autant plus nécessaire que dans la vague des modes alternatifs, plusieurs types d’intervention tendent à satisfaire le même besoin. La différence de méthode utilisée pour satisfaire un besoin peut revêtir une importance capitale au point d’engendrer une différence de nature entre les deux interventions. Les confondre au point de leur appliquer le même régime juridique pourrait entraîner de graves préjudices concrets.
C’est parce que la médiation et la conciliation couvrent en commun le besoin d’accord amiable qu’il faut les différencier si on veut une réponse fine, et donc efficace et lisible, même si les fonctions de la médiation ne se limitent pas au règlement des conflit.
La conciliation voisinant beaucoup avec la justice a pris l’habitude d’en adopter le langage et les contraintes.
A assimiler la médiation à la conciliation, à transformer la différence de nature qui existe entre elles en une simple différence entre deux variétés de conciliation, ne perdons nous pas le potentiel innovant de la médiation ?
Entre médiation et conciliation : quelle différence ?
S’il n’y a pas comme on l’entend revendiquer parfois de différence de nature alors pourquoi utiliser deux mots différents ?
Comme en droit français le régime suit la nature, et comme la déontologie fait partie du régime, la déontologie du médiateur doit elle différer de celle du conciliateur, si dans l’esprit des acteurs et du législateur tous les deux pratiquent, finalement, une activité de même nature ?
Si la médiation est une variété de la conciliation le médiateur n’est il pas une sorte de conciliateur et réciproquement ? A examiner le droit positif la question n’est hélas pas absurde ! Beaucoup de conciliateurs, se sentant injustement dévalorisés, s’affirment médiateurs. Certains médiateurs ne présentant pas les caractéristiques classiques remettent en cause le besoin de définir.
« Peu importe le mot ce qui compte c’est d’être utile » constitue l’antienne des pragmatiques pour brocarder les « arguties » terminologiques tenues pour dogmatiques.
Ne pourrait-on pas réconcilier action et réflexion autour de l’exigence de savoir ce qu’on fait ?
Pour constituer une garantie au profit des personnes qui s’adressent à un médiateur sa déontologie doit se construire sur l’ADN de la médiation ce qui conduit à des exigences de fond et à des précautions quand au cadre politique de sa construction.
Le thème de la déontologie du médiateur conduit en effet à s’interroger non seulement sur son contenu mais aussi sur sa source légitime. La question de savoir qui doit l’élaborer la déontologie influence grandement le contenu.
La communication suivra donc ce plan. Elle présentera d’abord les conditions de fond permettant à la déontologie du médiateur de garantir l’authenticité de la pratique, avant de s’interroger sur les conditions d’élaboration qui respecteront au mieux la nature de la médiation et donc du médiateur.
J’ai remarqué que de plus en plus souvent les communications aux colloques prennent la forme de présentations de pratiques et de témoignages. Pour plusieurs raisons, je pense cette forme particulièrement adaptée au thème de la déontologie. Elle a l’avantage de restituer la dynamique de sa construction, de faire prendre conscience de l’animation des débats qui ont jalonné l’histoire de la médiation contemporaine. Je pense aussi qu’elle peut éviter un travers qui affaiblit la médiation : la non capitalisation des acquis théoriques et pratiques.
Conclusion provisoire :
La génération des pionnière et des pionniers dont je fais partie ne sera pas éternelle, il serait temps de se préoccuper de constituer des archives orales. L’association des Médiateurs Diplômés de Panthéon-Assas (MDPA) entreprend de le faire.
Puissent les futurs archives éviter de reproduire les erreurs des débutants que nous les pionnières et les pionniers avons été. Les expériences respectives du « Centre National de Médiation » créé en 1988 et des tous premiers « Etats généraux de la médiation » de 2009 apportent de riches enseignements ne seraient que par leur échec.
Puissent-elles aussi fournir des points d’ancrage pour que chaque individu qui se prend de passion pour la médiation n’ait pas à «réinventer l’eau chaude ».
Lire la suite de cet article, le mois prochain
Nous remercions vivement la Professeure Michèle GUILLAUME-HOFNUNG , docteure en Droit, experte à l’UNESCO, experte à l’Union Européenne et au Conseil de l’Europe, fondatrice de l’Institut de la Médiation Guillaume Hofnung), formatrice & consultante en médiation et en éthique et auteure de l’ouvrage « La Médiation » Que sais je ? (PUF. 7ème édition du 28 Janvier 2015).
Elle propose de partager son expertise juridique pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com
Biographie de l'auteure :
Michèle GUILLAUME-HOFNUNG est Docteure en droit, Professeure émérite de droit public à l’Université Paris-Sud où elle a dirigé le Collège d’Etudes Interdisciplinaires, le Master Diplomatie & Négociation Stratégique) et le 3ème cycle de droit de la santé.
Elle a créé le diplôme « La médiation » à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas.
Elle est également Conférencière, Consultante, Formatrice et Experte en médiation et en éthique. Elle est auteure de nombreux articles et d’un ouvrage sur la « médiation » aux éditions PUF (7ème édition en 2015).
Elle est fondatrice de l’Institut de la Médiation Guillaume Hofnung (IMGH) qui propose des formations et des médiations.
Elle est aussi Directrice du CERB (Centre d’Etude et de Recherche en Santé Publique et en Bioéthique). Dans le champ de la médiation, Michèle GUILLAUME-HOFNUNG a participé à la création en 1987 de la première formation de médiation en Europe. Elle est Présidente de l’Union Professionnelle Indépendante des Médiateurs et est présidente d’honneur de l’association des médiateurs diplômés de Paris 2 Panthéon-Assa (MDPA).
Dans le domaine de l’éthique, elle a apporté sa contribution à la création en 1989 des premiers diplômes d’éthique médicale à l’Université de Paris V. Elle apporte son expertise dans la gestion des ressources humaines par la communication éthique. Michèle GUILLAUME-HOFNUNG est également Vice-présidente de l’Académie de l’éthique.
Elle a été vice-présidente du comité éthique et droits de l’Homme de la Commission Nationale française pour l’Unesco entre 1995 et 2010 (en qualité d’Experte en éthique de l’Unesco, Experte en éthique de l’Union Européenne).
Elle a participé à l’accompagnement des politiques publiques dans le domaine de la médiation auprès de plusieurs ministères et diverses organisations internationales.
Son institut de médiation l’IMGH est partenaire d‘Universités, Grandes Ecoles, entreprises, hôpitaux, collectivités territoriales, associations interculturelles.
Michèle GUILLAUME-HOFNUNG s’est impliquée depuis de nombreuses années à l’internationale sur les questions liées à la médiation à travers plusieurs missions au Conseil de l’Europe, l’Union européenne et l’Unesco.
Ouvrages de l’auteure :
« La Médiation » Que sais je ? (PUF. 8ème édition 2020).
« Hôpital et Médiation, l’Harmattan 2001.
« Les modes alternatifs de règlement des conflits » in L’expertise médicale sous la direction du Professeur Hureau, 3° édition 2009.
« Médiation et santé », in médiations et société 2006
« La médiation dans le domaine des affaires », colloque de l’Association droit et commerce, 30 mars-1 avril 2007, Gazette du Palais 2007
Qu’il s’agisse du Diplôme d’Université (DU) « La médiation » de l’université Panthéon-Assas Paris-2, pris comme modèle de tronc commun par le Conseil national consultatif de la médiation familiale (CNCMF), ou des enseignements que l’IMGH (Institut de la Médiation Guillaume Hofnung) assure à la demande des établissements de santé, les contenus fondamentaux demeurent.
Le socle de principes consiste à :
présenter, analyser et justifier la définition de la médiation, en soulignant l’importance de ses quatre fonctions et de son unité ;
former au processus de communication éthique, maïeutique reposant sur l’autonomie et la responsabilité des «médiés » ;
poser le cadre de la médiation, du respect de l’ordre public ;
apprendre à respecter en toutes circonstances la confidentialité qui justifie la confiance sans laquelle la médiation n’existe pas.
La formation intègre également : « un axe sociologique (évaluer les besoins, les obstacles, les contre indications), » un axe psychologique (travailler sur soi-même pour être et rester tiers, fonctionner sans pouvoir, rechercher l’impartialité, écouter, reformuler, intégrer les éléments de psychologie, d’analyse transactionnelle, de programmation neurolinguistique), »un axe juridique (connaître les règles d’ordre public, la hiérarchie des règles de droit, la déontologie ; savoir passer le relais aux professionnels du droit), »un axe pratique (jeux de rôles reprenant des situations vécues par les enseignants ou les personnes en formation).
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