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Comment le « patient partenaire » hospitalisé au bloc opératoire est-il accompagné par l’équipe soignante ? Thérèse PSIUK apporte son témoigne.

Article  rédigé pour ManagerSante.com par Thérèse PSIUK, experte à l’Agence Nationale d’Appui à la Performance (ANAP), dans le collège d’experts pour le développement des usages du numérique en santé et membre du comité de pilotage d’un Master « Coordination des trajectoires santé » à la Faculté Ingénierie et Management de la Santé de Lille.

Elle est auteure de plusieurs ouvrages et articles en lien avec le raisonnement clinique, les chemins cliniques, la résilience, le patient partenaire. Parmi ses dernières publications en 2019, elle a co-rédigé avec le Docteur Hugues LEFORT un livre sur le « Patient partenaire, patient expert », aux éditions Vuibert (Mars 2019). Son dernier ouvrage porte sur « L’apprentissage du raisonnement clinique » (Août 2019) aux éditions DE BOECK SUP

Est-ce possible ? Le patient partenaire c’est cette personne qui collabore, qui va participer à l’acte opératoire ; c’est celui qui entend, qui écoute, qui s’exprime, qui répond aux questions…c’est celui qui peut ressentir une émotion : la peur, l’anxiété mais aussi le désir, le plaisir, l’espérance …

Est-ce que j’ai vécu tout cela ?

Je vais essayer de vous raconter car en fait c’est la première fois que je vis une intervention au bloc opératoire sans avoir une anesthésie générale. J’ai en effet choisi de raisonner à partir de mon expérience personnelle afin de mettre des mots sur une impression générale positive ressentie au cours de cette intervention mais également après l’intervention en post opératoire.

Un vécu pré opératoire à la maison stressant

L’acte opératoire ne représente qu’un moment dans une histoire médicale qui peut être brutale et rapidement complexe ; c’est effectivement ce que j’ai vécu avec un ensemble de signes et de symptômes survenus brutalement : crampes au niveau d’un mollet, douleur à la marche puis claudication, mais également des fourmillements dans tout le corps, une HTA (hypertension artérielle)  d’apparition brutale, des douleurs musculaires diffuses …avec des antécédents récents , une PPR (pseudo polyarthrite rhisomélique) soignée durant 18 mois avec une corticothérapie. Le parcours de santé est devenu très complexe et plusieurs hypothèses ont été explorées avant d’être infirmées et confirmées pour certaines.

C’est une période stressante pour le patient durant laquelle il recherche sur internet tous les noms mentionnés dans les résultats d’examens. Cependant, la gestion de ce stress est possible grâce à la confiance qui s’installe avec le médecin généraliste qui nous connait bien, qui nous explique, qui anticipe, qui prescrit et qui suit l’évolution. Les médecins spécialistes entrent progressivement dans notre intimité médicale pour clarifier, éliminer certaines hypothèses et pour valider enfin le diagnostic prioritaire dans le contexte complexe d’une personne presque âgée (73 ans !).

C’est avec un véritable soulagement que j’ai « accueilli » le diagnostic prioritaire : « artériopathie oblitérante du membre inférieur gauche »

Avant l’intervention, les difficultés de marche, un sommeil perturbé durant de nombreuses nuits par obligation de mettre les jambes pendantes suite aux douleurs de plus en plus présentes au niveau du pied, représentent des évènements très perturbants pour l’équilibre psychologique. Je me sentais diminuée avec une perte de confiance en moi.

Une période préopératoire hospitalière rassurante

Les soignants se relaient dans la chambre dès votre entrée et nous accueillent chacun leur tour, infirmière, aide-soignant, interne en chirurgie, avec des informations et des questions adaptées à leur fonction ; l’ensemble permet au patient d’acquérir suffisamment de connaissances pour entrer dans une dynamique de partenariat.

Les capacités sont respectées et l’aide est proposée « si besoin ». J’ai vraiment ressenti un respect de « mon autonomie comportementale » dans les limites de la gestion des risques avec des consignes adaptées : être à jeun à partir de minuit et arrêt d’un des médicaments 1 jour avant l’intervention prescrit par le médecin anesthésiste, un rasage à réaliser le soir…

Un patient partenaire ne peut que respecter ces consignes lorsqu’elles sont bien expliquées au patient avec un langage adapté à sa compréhension.

J’ai apprécié la communication de tous les soignants avec un soucis constant de favoriser cette « autonomie comportementale » c’est-à-dire la capacité de se gérer selon ses propres lois. Infirmières et Aides-soignants ont bien vérifié le contexte sécurisant avant de laisser la marge d’autonomie : la douleur ? les constantes ? les capacités pour réaliser sa toilette, le rasage pré opératoire avec une vérification avant l’intervention… Cette communication de partenariat donne régulièrement une « position haute » au patient dans la relation et m’a aidée à gérer le stress pré- opératoire car le raisonnement cognitif prend le dessus sur l’émotion négative.

Dans cette expérience, le stress pré-opératoire est lié à l’inconnu de la situation : pas d’anesthésie générale alors est ce que je serai suffisamment calmée pour me sentir zen et participer à l’acte opératoire ? la chirurgienne que j’ai rencontrée avant l’intervention a créé le lien de confiance avec des informations simples, précises, illustrées par un schéma, à la fois sur la période per opératoire mais également post opératoire, sans oublier les risques liés à l’intervention. Les termes de cet entretien sont confirmés par écrit et transmis à la patiente, au médecin généraliste et médecins spécialistes concernés. L’objectif de l’intervention est précisé : « réalisation d’une recanalisation de la jonction fémoro poplitée gauche par cross over. Cette intervention pourra se dérouler sous anesthésie locale et sédation. »[1]

J’étais confiante avec l’espérance de remarcher rapidement sans douleur ni claudication et de reprendre mes activités.

Je pense que la relation de confiance est essentielle pour entrer et continuer dans une dynamique de partenariat soignée-soignant et c’est bien cela que j’ai ressenti à chaque étape de mon parcours de soins, avec chaque soignant rencontré.

Un vécu au bloc opératoire en pleine conscience

Le 3 novembre : départ vers la salle d’opération à 10h15 avec un brancardier qui est seul pour véhiculer le lit à travers les couloirs mais il le fait avec beaucoup de dextérité et bonne humeur ; ce trajet vers le bloc m’a détendue et à l’arrivée j’ai eu un accueil immédiat par deux personnes qui ont précisé le court délai d’attente car le personnel du bloc terminait de le préparer.

Cette simple information suffit pour continuer à être apaisée !

Dès l’entrée dans le bloc opératoire je suis accueillie immédiatement avec l’impression d’être attendue car tout est prêt et chacun est disponible pour me donner les informations sur l’installation, pour bien vérifier mon identité, pour m’expliquer le déroulement de l’analgésie… Cette communication est une véritable relation d’aide car chacun prend le temps de me parler en étant proche de moi et en écoutant mes réponses.

Au cours de ce temps d’échanges j’ai vraiment eu l’impression d’être une partenaire dans un moment important de relation d’aide.

Je pense sincèrement que l’ambiance humaniste que j’ai ressenti dans ce bloc opératoire est la conséquence d’une intelligence collective qui a permis une organisation anticipée à chaque étape de l’intervention avant pendant et après. Ceci n’est possible qu’avec un leadership participatif avec la capacité de motiver et des compétences d’écoute et de communication.

Tout était prêt lorsque la chirurgienne est entrée dans le bloc ; chacun était à sa place et une douce musique d’ambiance a commencé à rompre le silence annonçant le début de l’intervention ; l’analgésie commençait à faire son effet mais j’étais en pleine conscience, très zen, relaxée, ressentant un bien être dans tout le corps.

J’ai pu entendre les informations données par la chirurgienne à son aide opératoire pour annoncer les différentes étapes de l’acte opératoire et je pouvais visualiser les parties de mon corps qui étaient concernées. A ces moments-là, j’ai apprécié le savoir que j’ai pu capter et j’écoutais avec beaucoup d’intérêt bercée par une douce musique ; il ne faut pas oublier que je suis patiente mais également professionnelle de santé toujours captivée par des nouvelles connaissances.

La chirurgienne m’a prévenue à un moment de l’intervention que j’allais ressentir une tension dans ma jambe gauche en précisant la normalité de ce ressenti à cette phase de l’opération ; j’ai ainsi pu maitriser ce moment car j’ai pu l’anticiper et surtout ne pas avoir une peur inutile.

Dans le concept du patient partenaire, la caractéristique « patient actif » prend tout son sens et implique que le soignant pense à transmettre régulièrement des informations au patient pour le faire participer et cela est possible même au bloc opératoire.

Le début de l’espérance en phase post opératoire

Lorsqu’un patient est régulièrement acteur avant et pendant l’acte chirurgical, en pouvant suivre et vivre les différentes étapes, il comprend d’emblée les instructions pour la phase post opératoire immédiate : « pas de lever et pas de jambes pendantes jusque demain dans la matinée ; le premier lever se fera en présence d’un chirurgien et c’est lui qui retirera le pansement compressif »

Je suis rassurée car la gestion des risques est bien pensée et de plus j’y participe en la respectant. Le patient partenaire collabore en se sentant responsable de ce moment important pour éviter les complications post opératoires ; c’est bien cela l’empowerment[2] dans l’éducation thérapeutique !

Dans cette participation à la gestion des risques le patient se sent investi d’une mission et bien sûr j’ai pris beaucoup de plaisir à expliquer aux étudiants infirmiers présents dans l’unité de soins le sens de toutes les précautions à prendre en post opératoire pour éviter les complications.

Une zone de confort retrouvée

Quelle satisfaction de marcher sans douleur et sans claudication ; c’est une sensation de bien-être après une période de souffrances et de difficultés à réaliser certaines activités de la vie quotidienne. Ce vécu est immédiat dès la reprise de la marche ; la période post opératoire est courte puisque la sortie est à J2 après réalisation d’une écho doppler de contrôle.

Afin d’éviter une rupture dans le parcours de soins, l’interne en chirurgie a rédigé la prescription thérapeutique pour la sortie ; j’ai apprécié cette attention qui m’a permis d’attendre sans soucis la prochaine visite avec le médecin généraliste.

J’ai retrouvé ma zone de confort aussi bien dans ma vie personnelle que dans mes activités professionnelles. Ce retour d’expérience m’a aidée à mettre des mots sur un vécu global ce que je ressentais avec une émotion positive sans pouvoir en préciser ni les contours ni les caractéristiques précises.

Cet épisode du parcours de soin vécu en chirurgie vasculaire m’a progressivement redonnée confiance en moi avec une récupération complète de mon autonomie physique. J’ai vécu au bloc opératoire une expérience patient-partenaire avec un besoin de la partager pour rendre hommage à cette équipe médicale et paramédicale et exprimer tout simplement que cette collaboration peut exister aussi au bloc opératoire.


Pour aller plus loin : 

[1] Extrait du courrier médical , Docteur Agathe Le Chevalier de Préville, chirurgie vasculaire CHU LILLE

[2] Synonymes d’empowerment : autonomisation, capacitation, responsabilisation…

Nous remercions vivement Thérèse PSIUK, experte à l’Agence Nationale d’Appui à la Performance (ANAP), dans le collège d’experts pour le développement des usages du numérique en santé et membre du comité de pilotage d’un Master « Coordination des trajectoires santé » à la Faculté Ingénierie et Management de la Santé de Lille, pour avoir accepté de partager son expertise, à travers cet article,  pour nos fidèles lecteurs de ManagerSante.com

Cet article est référencé par la veille de la  Haute Autorité de Santé 


Biographie de l’auteure : 

Directrice des soins (10 ans) et directrice pédagogique dans un organisme de formation (15 ans), Thérèse PSIUK a accompagné des équipes pluridisciplinaires sur le développement du raisonnement clinique partagé et des outils en lien avec les parcours de soins et les chemins cliniques.
Membre du comité de pilotage du Master à Lille « coordination des trajectoires de santé », responsable de l’unité d’enseignement raisonnement clinique partagé.
Experte ANAP dans le collège numérique en santé ; Ma mission est essentiellement centrée sur le développement de l’informatisation des chemins cliniques.
Auparavant, elle a exercé en tant qu’infirmière dans un service de grands brulés.
Puis, elle s’est orientée vers l’enseignement auprès des IDE, des AS, des Cadres de Santé avant de prendre la direction d’un IFSI.
Suite à la création d’un organisme de formation, elle a accompagné des équipes pluri professionnelles de territoires (ville et hôpital) en formation-supervision sur le raisonnement clinique partagé avec le développement des chemins cliniques, outils de coordination dans les parcours de soins.
Vice-présidente de l’ARSI durant plusieurs années, Thérèse PSIUK a suivi une formation à l’université de Montréal en approfondissement de la recherche : elle a utilisé la méthode de la théorie ancrée lors des supervisions sur les terrains avant de modéliser les attributs du raisonnement clinique.
Auteur de plusieurs ouvrages et articles en lien avec le raisonnement clinique, les chemins cliniques, la résilience, le patient partenaire, elle dirige une collection de livres « Sciences et Santé » aux éditions Vuibert.
Elle anime régulièrement des conférences à la demande des établissements de santé publics et privés.

OUVRAGES PUBLIES PAR THERESE PSIUK 



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