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La médiation peut-elle constituer une réponse à l’éthique du XXIème Siècle ? La Professeure Michèle GUILLAUME-HOFNUNG nous éclaire.

Article publié par notre experte, la Professeure Michèle GUILLAUME-HOFNUNG , docteure en Droit, experte à l’UNESCO, experte à l’Union Européenne et au Conseil de l’Europe, fondatrice de  l’Institut de la Médiation Guillaume Hofnung), formatrice & consultante en médiation et en éthique et auteure de l’ouvrage « La Médiation » Que sais je ? (PUF. 8ème édition 2020).

 


N°4, Octobre 2020


 

La médiation se définit, selon l’auteure comme un « processus de communication éthique reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants, dans lequel un tiers – impartial, sans pouvoir décisionnel ou consultatif, avec la seule autorité que lui reconnaissent les médiateurs – favorise par des entretiens confidentiels, la prévention ou le règlement de la situation en cause ».

Peut-elle aider partiellement à la renaissance de notre système économique actuellement en crise ?

 

Aujourd’hui rien ne se fait sans dialogue. Ce constat établit un lien entre le réalisme : les conditions à réunir pour que les choses se fassent, et un impératif éthique : la prise en compte de l’autre.

La « communication », souvent considérée comme un élément de stratégie offensive, a atteint ses limites car, telle qu’on la comprend dans les milieux professionnels, elle est par définition non éthique au point d’en devenir inefficace.

Analysons ce que l’on appelle un « bon communiquant ». On peut dire qu’il s’agit uniquement d’un bon émetteur qui va soigner son message en vue d’un but à atteindre. Il ne se préoccupe de l’autre que comme récepteur, pour mesurer le coefficient de pénétration de son précieux message, évaluer le taux d’évaporation pour améliorer le score. Parce que le « bon communiquant » fait d’autrui une cible, il viole le précepte éthique de base que nous devons à Kant « ne jamais considérer l’autre comme un moyen ». Ce système olympien de communication a pu fonctionner un certain temps, et fonctionne encore parfois à la marge, mais il lui manque l’essentiel. Ce mode de communication/émission faillit à créer la denrée la plus rare dans la vie des affaires : la confiance mutuelle. Elle prive les partenaires de travail du ciment relationnel indispensable à la construction commune qu’est l’entreprise. Il en va de même dans la vie des affaires, dans les relations entre l’entreprise avec ses clients et ses divers partenaires.

La médiation parce qu’elle se définit « processus de communication éthique reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants, dans lequel un tiers – impartial, sans pouvoir décisionnel ou consultatif, avec la seule autorité que lui reconnaissent les médiateurs – favorise par des entretiens confidentiels, l’établissement, le rétablissement du lien social, la prévention ou le règlement de la situation en cause » Définition extraite de mon ouvrage « la médiation » PUF, prise comme référence par le rapport d’information N°3696 sur la médiation intitulé « la médiation, un nouvel espace de justice en Europe » présenté par le député Monsieur Jacques Floch, offre une réponse qui en fait un pivot pour l’éthique du XXIème siècle. Sans elle, l’intelligence sociale ne se développera pas.

 

La médiation et l’éthique de la communication

Fondamentalement, la communication suppose la reconnaissance de l’autre. [1]L’émission du message n’a de sens que si l’émetteur reconnaît une valeur symétrique au récepteur. Dans la lutte pour la reconnaissance et l’économie du don (Journée de la philosophie à l’UNESCO 21 Novembre 2002). Ricoeur permet de mesurer le potentiel de conflictualité de l’absence de reconnaissance mutuelle.

L’éthique de la communication avec ses corollaires, l’éthique de la discussion, et l’éthique de la délibération, offrent un fondement plus intéressant que le conflit.

Il peut y avoir médiation sans conflit, par la nécessité impérieuse de dialogue, par l’humanité, pour faire société tout simplement. La médiation se réfère donc à Habermas qui fait une large place à « l’éthique de la discussion » et refuse de l’opposer à l’autorité, car la discussion n’affaiblit pas l’autorité, elle peut même la rendre efficace.

La discussion repose sur la reconnaissance de la valeur de l’autre, sans conduire à nier d’éventuelles oppositions, elle ne présume pas non plus l’impossibilité d’aboutir à la découverte de valeur(s) commune(s) que l’absence de dialogue avait enfouie(s). La formule « on ne peut pas discuter » est une des plus désespérantes et une des plus négatives qui soit. Mais pour la dépasser, il faut la médiation qui fait brèche et passerelle.

Par essence la médiation permet les déplacements, en prenant appui sur l’éthique de la délibération et sur les exigences de la communication authentique ; elle donne du jeu, justement, là où on pourrait croire que les jeux sont faits.

Sur ces bases, la médiation est appelée à jouer un rôle décisif au cœur de l’éthique des affaires.

Le potentiel de la médiation dans la vie des affaires

L’entreprise ouvre un vaste secteur de médiation pourvu qu’on pose bien le problème et qu’on utilise une terminologie correcte. Pour jouer son rôle éthique la médiation doit surmonter les contrefaçons sans vergogne qui risquent de miner la confiance qu’elle a vocation à garantir.

La médiation et les difficultés contractuelles

Leur traitement actuel, souvent binaire et stéréotypé, engendre beaucoup d’amertume pour les clients ou les entreprises partenaires, qui souhaitent à la fois s’exprimer et obtenir des solutions personnalisées.

La médiation permet non seulement d’éviter cette rupture mais aussi d’identifier par le dialogue les causes récurrentes de difficultés afin de les corriger et de les prévenir. Or aujourd’hui les entreprises n’offrent à leurs clients que de la contrefaçon de médiation. On limitation la démonstration au contentieux de la consommation, des assurances, et au contentieux mutualiste. Par un phénomène de mode, l’utilisation du terme médiation y a progressé de manière impropre. [2]Cela irrite les associations de consommateurs qui perçoivent les médiateurs affichés comme « super-services consommateurs », nourris, logés et blanchis par les entreprises. L’appellation « médiateur de » qui utilise la préposition « de » et non « à » révèle la relation d’appartenance. Il s’agit le plus souvent, en réalité, d’un dispositif de conciliation déléguée, d’un arbitrage différé. Ces « médiateurs » présentent des caractéristiques communes. Ils appliquent un mode de traitement des réclamations très éloigné du processus de médiation qui aboutit à un avis, voire dans certains cas à une quasi-décision ou à une solution en équité. Le « médiateur » interne fonctionne en conciliateur, et lorsqu’il est externe, il fonctionne comme une sorte d’arbitre.

Sa manière de travailler reproduit plus que l’expression « mode alternatif de règlement des conflits » ne voudrait le suggérer, celle des acteurs traditionnels du système juridictionnel ou de ses auxiliaires.

En effet, il examine une demande sous l’angle du respect des procédures, il vérifie la recevabilité et le bien-fondé de la réclamation et recherche éventuellement des compléments d’information.

Son champ lexical reproduit presque à l’identique celui du juridictionnel. Pour la contrefaçon de médiation il n’y a pas lieu de distinguer entreprises privées, publiques ou mutualistes. Le domaine des assurances offre la meilleure démonstration.

Ainsi, l’UAP a utilisé, de 1990 à 1993, le terme « conciliation » pour désigner l’activité qu’il lui plait maintenant d’appeler « médiation ».

Le changement terminologique s’est opéré, sans que cela ne modifie le système si l’on en croit la direction de la qualité, annonçant dans une note du 11 janvier 1994 : « Nous avons conservé notre système de conciliation, en vigueur depuis février 1990, dont les règles ne contredisent pas celles prévues par la charte de la FFSA sur la médiation. Seul le nom change, désormais nos conciliateurs ont pris le nom de médiateurs ».

Le potentiel de la médiation intra entreprise

Dans une entreprise, la coexistence de plusieurs cultures (culture de la branche service ou production, celle des équipes dirigeante, administrative et commerciale) nécessiterait des médiations interculturelles pour transformer en richesse ce qui souvent est un frein à son développement, faute de perception de l’incommunication et des dysfonctionnements qu’elle engendre. Que d’énergie perdue par la non prise en compte des idées, que de temps perdu lorsque l’entretien annuel devient un simple exercice de style. Le besoin de reconnaissance mutuelle des acteurs requiert des médiations. Lorsque l’entreprise résulte de fusions, « la guerre des cultures » peut prendre des formes aiguës. Les états-majors préparent soigneusement les aspects techniques, économiques et financiers des fusions, mais négligent trop souvent de réfléchir à la médiation interculturelle. Là encore nous constatons la réticence à penser la médiation dans toute sa dimension. La médiation nécessite un tiers extérieur ; or l’entreprise redoute le vrai tiers, elle se contente d’une apparence de médiation par adaptation de la fonction DRH, par l’introduction de coaching, de thérapie de groupe ou d’audit. L’audit constitue une étape dans l’acceptabilité culturelle du tiers.

Conclusion :

Plus que la gestion des conflits, qui dans les pratiques s’apparente plus à la conciliation, l’avenir de la médiation en entreprise se trouve dans leur prévention par une meilleure communication et dans la stimulation de la coopération des éléments qui la constituent. Il existe maintenant des médiateurs professionnels, formés[4], réunis dans une Union Professionnelle Indépendante des Médiateurs, [5]dotée d’un code national de déontologie. [6]

 


Pour aller plus loin : 

 

[1] Jean-François SIX « Le temps des médiateurs », Le Seuil  1990, Michèle GUILLAUME-HOFNUNG « La médiation », PUF, 8ème édition 2020

[2] La fiche pratique de l’INC N°1265, tout en donnant les éléments de distinction entre médiation et conciliation, annonce utiliser « indifféremment » les deux termes.

[3] Michèle GUILLAUME-HOFNUNG « La médiation une méthode douce » in « Où sont passés les contentieux ? Le règlement des différents entre sociétés commerciales : évolution ou révolution » La Gazette du Palais 27-28 juin 2007.

[4] Voir par exemple le diplôme de médiation de l’Université de Paris 2. (www.u-paris2.fr/cfp)

[5] 105, rue de l’Abbé Groult 75015 PARIS

[6] Disponible sur demande 105 rue de l’Abbé Groult 75015 PARIS

Source de l’article : Qualitique N°205 – Mars 2009 « Stratégie & Management »

Nous remercions vivement la Professeure Michèle GUILLAUME-HOFNUNG , docteure en Droit, experte à l’UNESCO, experte à l’Union Européenne et au Conseil de l’Europe, fondatrice de  l’Institut de la Médiation Guillaume Hofnung), formatrice & consultante en médiation et en éthique et auteure de l’ouvrage « La Médiation » Que sais je ? (PUF. 7ème édition du 28 Janvier 2015).

Elle propose de partager son expertise juridique pour nos fidèles lecteurs de www.managersante.com


Biographie de l’auteure : 
Michèle GUILLAUME-HOFNUNG est Docteure en droit, Professeure émérite de droit public à l’Université Paris-Sud où elle a dirigé le Collège d’Etudes Interdisciplinaires, le Master Diplomatie & Négociation Stratégique) et le 3ème cycle de droit de la santé.
Elle a créé le diplôme « La médiation » à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas.
Elle est également Conférencière, Consultante, Formatrice et Experte en médiation et en éthique. Elle est auteure de nombreux articles et d’un ouvrage sur la « médiation » aux éditions PUF (7ème édition en 2015).
Elle est fondatrice de l’Institut de la Médiation Guillaume Hofnung (IMGH) qui propose des formations et des médiations.
Elle est aussi Directrice du CERB (Centre d’Etude et de Recherche en Santé Publique et en Bioéthique). Dans le champ de la médiation, Michèle GUILLAUME-HOFNUNG a participé à la création en 1987 de la première formation de médiation en Europe. Elle est Présidente de l’Union Professionnelle Indépendante des Médiateurs et est présidente d’honneur de l’association des médiateurs diplômés de Paris 2 Panthéon-Assa (MDPA).
Dans le domaine de l’éthique, elle a apporté sa contribution à la création en 1989 des premiers diplômes d’éthique médicale à l’Université de Paris V. Elle apporte son expertise dans la gestion des ressources humaines par la communication éthique. Michèle GUILLAUME-HOFNUNG est également Vice-présidente de l’Académie de l’éthique.
Elle a été vice-présidente du comité éthique et droits de l’Homme de la Commission Nationale française pour l’Unesco entre 1995 et 2010 (en qualité d’Experte en éthique de l’Unesco, Experte en éthique de l’Union Européenne).
Elle a participé à l’accompagnement des politiques publiques dans le domaine de la médiation auprès de plusieurs ministères et diverses organisations internationales.
Son institut de médiation l’IMGH est partenaire d‘Universités, Grandes Ecoles, entreprises, hôpitaux, collectivités territoriales, associations interculturelles.
Michèle GUILLAUME-HOFNUNG s’est impliquée depuis de nombreuses années à l’internationale sur les questions liées à la médiation à travers plusieurs missions au Conseil de l’Europe, l’Union européenne et l’Unesco.
Ouvrages de l’auteure  :

 


UN OUVRAGE DE RÉFÉRENCE 


QU’EST-CE QUE LA MÉDIATION,

selon la Professeure Michèle GUILLAUME-HOFNUNG

[VIDÉO]


SE FORMER SUR LA MÉDIATION 

 

L’IMGH (Institut de la Médiation Guillaume Hofnung) est fondé par la Professeure Michèle GUILLAUME-HOFNUNG, formatrice et consultante en médiation et en éthique, auteure de l’ouvrage « La Médiation » Que sais je ? (PUF. 8ème édition 2020), docteure en Droit,  experte à l’UNESCO, experte à l’Union Européenne et au Conseil de l’Europe.

L’institut de Médiation :

 Est tournée entièrement vers des activités pratiques,
 Contribue depuis sa création à la professionnalisation du métier de médiateur,
 Garantie une démarche qualité à ceux qui la mettent en œuvre, comme à ceux qui y ont recours,
 Intervient en France et à l’international.

L’IMGH s’appuie sur :

 un réseau national et international
 une équipe de médiateurs, formateurs, consultants, et auditeurs ayant suivi une formation exigeante à la médiation, et en complément de parcours professionnels et personnels riches et aboutis.


 

Qu’il s’agisse du Diplôme d’Université (DU) « La médiation » de l’université Panthéon-Assas Paris-2, pris comme modèle de tronc commun par le Conseil national consultatif de la médiation familiale (CNCMF), ou des enseignements que l’IMGH (Institut de la Médiation Guillaume Hofnung) assure à la demande des établissements de santé, les contenus fondamentaux demeurent.
Le socle de principes consiste à :
La formation intègre également : « un axe sociologique (évaluer les besoins, les obstacles, les contre indications), » un axe psychologique (travailler sur soi-même pour être et rester tiers, fonctionner sans pouvoir, rechercher l’impartialité, écouter, reformuler, intégrer les éléments de psychologie, d’analyse transactionnelle, de programmation neurolinguistique), »un axe juridique (connaître les règles d’ordre public, la hiérarchie des règles de droit, la déontologie ; savoir passer le relais aux professionnels du droit), »un axe pratique (jeux de rôles reprenant des situations vécues par les enseignants ou les personnes en formation).

 


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Professeure Michèle GUILLAUME -HOFNUNG (PhD)

Michèle GUILLAUME-HOFNUNG est Docteure en droit, Professeure émérite de droit public à l’Université Paris-Sud où elle a dirigé le Collège d’Etudes Interdisciplinaires, le Master Diplomatie & Négociation Stratégique) et le 3ème cycle de droit de la santé. Elle a créé le diplôme « La médiation » à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas. Elle est également Conférencière, Consultante, Formatrice et Experte en médiation et en éthique. Elle est auteure de nombreux articles et d’un ouvrage sur la « médiation » aux éditions PUF (7ème édition en 2015). Elle est fondatrice de l’Institut de Médiation Guillaume-Hofnung (IMGH) qui propose des formations et des médiations www.mediation-imgh.com. Elle est aussi Directrice du CERB (Centre d’Etude et de Recherche en Santé Publique et en Bioéthique). Dans le champ de la médiation, Michèle GUILLAUME-HOFNUNG a participé à la création en 1987 de la première formation de médiation en Europe. Elle est Présidente de l'Union Professionnelle Indépendante des Médiateurs et est présidente d’honneur de l’association des médiateurs diplômés de Paris 2 Panthéon-Assa (MDPA). Dans le domaine de l’éthique, elle a apporté sa contribution à la création en 1989 des premiers diplômes d’éthique médicale à l'Université de Paris V. Elle apporte son expertise dans la gestion des ressources humaines par la communication éthique. Michèle GUILLAUME-HOFNUNG est également Vice-présidente de l'Académie de l'éthique. Elle a été vice-présidente du comité éthique et droits de l'Homme de la Commission Nationale française pour l'Unesco entre 1995 et 2010 (en qualité d’Experte en éthique de l'Unesco, Experte en éthique de l'Union Européenne). Elle a participé à l’accompagnement des politiques publiques dans le domaine de la médiation auprès de plusieurs ministères et diverses organisations internationales Son institut de médiation l’IMGH est partenaire d‘Universités, Grandes Ecoles, entreprises, hôpitaux, collectivités territoriales, associations interculturelles. Michèle GUILLAUME-HOFNUNG s’est impliquée depuis de nombreuses années à l’internationale sur les questions liées à la médiation à travers plusieurs missions au Conseil de l'Europe, l’Union européenne et l’Unesco.

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