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Le « Contrat d’Amélioration de la Qualité des Soins » peut-il réduire les risques de dérives ? Réponse du Docteur A. RICCI…


N°6, Janvier 2018


Alain RICCI Image 16

Face aux impératifs de contention des dépenses de santé, aux taux de leur évolution spontanée, nous avons connu la Tarification à l’Activité et ses avatars multiples essayant de d’ajuster des dépenses collectives à des besoins de soins individuels, payant les structures de manière égalitaire . Elle est au fil des ans considérée comme inflationniste, comme tout paiement à l’acte, il n’a pas fallu 6 mois pour voir naître une campagne anti fraudeurs…totalement injustifiée.

D’où la tentation vertueuse de mettre en avant la Qualité pour stopper en fait ses dérives.
D’où le Contrat d’Amélioration de la Qualité et de l’Efficience des Soins (CAQES) qui est issu de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2015 pour 2016, a rassemblé l’ensemble des dispositifs contractuels ayant pour objectif de garantir un juste recours à des soins de qualité au sein d’un unique Contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins

Ce CAQES remplace donc l’ensemble des dispositifs contractuels existants à compter du 1er  janvier 2018.

De quoi s’agit-il ? 

Ce contrat s’appuie sur le décret n° 2017- 584 du 20 Avril 2017 qui a fait l’objet d’arrêtés d’application le 27 avril 2017. Ces textes définissent un contrat type et des référentiels de pertinence, de qualité de sécurité des soins ou de seuils.

Le contrat est applicable à l’ensemble des établissements de santé (médecine chirurgie obstétrique y compris hospitalisation à domicile ou dialyse, soins de suite et
réadaptation, psychiatrie, et les USLD).

Il n’est donc pas optionnel dans son principe, et est signé entre le représentant légal de l’établissement, l’Agence régionale de santé, et la Caisse Primaire de Sécurité Sociale du ressort de l’établissement, donc tutelles et payeurs.

Il se compose de deux parties,

  • VOLETS SOCLES et
  • VOLET ADDITIONNELS

1/ LES VOLETS SOCLES  : bon usage des médicaments, des produits et des prestations

Le volet bon usage des médicaments, des produits et des prestations, avec comme thématiques :

1-Amélioration et sécurisation de la prise en charge thérapeutique du patient et du circuit des produits et des prestations :

2-Management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse des patients :

3-Développement des pratiques pluridisciplinaires, politique et bon usage des produits de santé !

4-Développement des prescriptions de bio similaires et de médicaments dans le
répertoire des génériques et maîtrise de l’évolution des dépenses liées aux
prescriptions de produits de santé de la liste en sus et exécutées en ville :

Le tout avec indicateurs (non stabilisés) et suivi, une extension prégnante de l’ancien contrat de bon usage du médicament fléchant des économies de tous ordres, y compris l’individualisation avec responsabilisation des acteurs professionnels de santé dans la prescription et l’exécution dans l’établissement.

Les données sources d’indicateurs pertinents sont quasiment inaccessibles, dans les bases PMSI (Programme de Médicalisation et de Système d’Information) et le SNIIRAM (Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie), donnant lieu à des études opaques, non reproductibles et non contradictoires, les tutelles et payeurs préservant l’asymétrie de la connaissance pour assurer leur pouvoir hégémonique.

L’enjeu du partage est la voie vers l’adhésion des professionnels, seul processus gagnant-gagnant pour patients, payeurs, tutelles, établissements et médecins.

Actuellement on voit surtout un frein à la consommation de médicaments et de dispositifs implantables inclus dans la Tarification à l’Activité ou en sus. La construction des tarifs suivants étant fondés sur les dépenses moyennes précédentes, via l’Echelle Nationale des Coûts, tout frein entraîne un effet d’entonnoir, une véritable Carte Sanitaire nouvelle restrictive et dynamique. Effet de cliquet rationnant plutôt que rationalisant.

Mais aussi effet de suivi, extension des freins à a consommation, car l’ordonnance de sortie fait partie d’une nouvelle maitrise exportée depuis l’établissement.


2/ LES 3 VOLETS ADDITIONNELS : Transports, Pertinence des Soins, Qualité des Soins

Trois volets additionnels ciblés par établissement touchent :

Les Transports :

Avec 3 critères :

La gestion impérative des transports est bien connue des médecins libéraux dont nombre sont redressés déjà sur l’indication entre taxi conventionné, Véhicule Sanitaire Léger (VSL avec un ambulancier), ambulance pour malade couché (avec 2 ambulanciers)
Les indications sont fonction de multiples paramètres de timing, de disponibilité, d’état général et postural, d’accessibilité etç…ce qui donne lieu à des contentieux désincitatifs et déstabilisants dans un débat asymétrique
Ici le débat sur l’indication se fera entre l’établissement et le contrôle…médical, dans un fonctionnement interne centralisé et alourdi.

Volet additionnel Pertinence

La réduction du nombre d’actes et de soins non pertinents est un enjeu fort pour la qualité de notre système de soins et l’efficience des dépenses de santé.

33 thématiques prioritaires ont déjà été identifiées au niveau national et des diagnostics régionaux réalisés à partir de l’analyse des variations des taux de recours standardisés, donc farouchement fondés sur la moyennisation, processus réducteur, de source opaque. Autant à l’échelle d’un territoire il y a des disparités encore mal explorées, autant juger d’un établissement est risqué et demande une analyse réellement fine et contradictoire, qui est loin d’exister. Autant il est juste de poser le problème de la pertinence, fonction du rapport bénéfice-risque, et de le résoudre dans des situations connues, référencées, consensuelle, autant en faire un mantra sans substrat est ressenti comme un travestissement de la réalité et la mise en cause par principe de la capacité de jugement du médecin, et son indépendance professionnelle .

Volet additionnel Qualité des soins :

Le volet optionnel remplace le contrat relatif au contrat d’amélioration des pratiques en établissements de santé. Il s’applique aux établissements qui ne satisfont pas à des critères de qualité et sécurité des soins établis par arrêté, pris après avis de la HAS (Haute Autorité en Santé). Trois indicateurs concernent respectivement le risque infectieux, le risque médicamenteux et le risque de rupture du parcours de soins, le ciblage visant des établissements cumulant plusieurs défaillances.

Le Contrat était à signer avant fin 2017. Une évaluation s’ensuit. Il y a un intéressement, à moduler, pas plus de 30% des économies réalisées. Il y a des sanctions prévues :

Bien sur il y a des voies de recours bien connues :

Tous ceux qui ont subi un contrôle de Tarification à l’Activité via l’Unité de Contrôle Régionale apprécieront le circuit de défense organisé par et pour le régalien, faute d’experts indépendants et sans conflits d’intérêts. Il suffit de regarder l’organigramme du contrôle médical local, régional, national pour voir que ces médecins salariés sont subordonnés entre eux et solidaires financièrement via une Convention Nationale des médecins conseils de 2006. L’intéressement en mois supplémentaires (13e pour le local, jusqu’à 15e mois pour le national) repose sur des objectifs personnels atteints, mais aussi via l’atteinte des objectifs des échelons au-dessous…

Ainsi l’expertise du travail des médecins locaux, décidés par les médecins régionaux, et effectuée par les médecins nationaux est elle l’objet d’un doute sérieux.

Deux fondamentaux pour ce système réducteur :

Quels sont les risques liées à cette nouvelle contrainte ? 

Deux écueils graves :

La Qualité à payer, issue des Contrats de Pratiques Professionnelles de 2003, Chirurgie, Anesthésie, Echographie Obstétricale, poursuivis par les Contrats de Bonne Pratique puis l’Accréditation des spécialités à risque en 2006.

Le complément de rémunération au-delà du socle, Part Variable Complémentaire en public, et Rémunération sur Objectifs de Santé Publique en libéral.

Le concept de payer la qualité, quand elle est mesurable et compréhensible, est bon, fait partie d’une évolution inéluctable de garantie de bonne fin de la part des politiques, assistés par l’Administration, au profit des patients quitte à contraindre les établissements.

Rendre opérationnelle la certification en environnement T2A est logique, les libéraux connaissent bien le mécanisme financier substitutif aux revalorisations qui s’appelle la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique.

Mettre encore un faux nez de maîtrise médicalisée sur une vraie maîtrise comptable hors des médecins est une erreur de casting, même si, faute d’indicateurs cohérents, le volet financier recule à 2020 pour mieux sauter…

Nous entrons dans un monde nouveau, où la désynchronisation rampante entre établissement et médecins sera aggravée .

Dans la régulation prix/volumes ajustée en T2A, s’ajoute un corset qualité, mais une chose est de constater à loisir sur site ou à distance des anomalies quantitatives , et en faire de la non-qualité, une autre est de faire adhérer les soignants, et de leur assurer un warning au moment précis ou la réflexion médicale se traduit par une prescription.

L’exemple des coronarographies abusives n’est suspecté que par les variations de pourcentages par rapport à la population selon les régions.

Quel est le bon taux, sachant que seuls des codes PMSI permettent d’imaginer l’absence de lésion décrite…quand on sait le taux de variation des descriptions en langage médical courant, par rapport aux libellés de la Nomenclature CIM X, précision de rapport 10 ?

De soi-disant indicateurs frustes, inadaptés au suivi de la qualité des soins, des praticiens, des résultats et conséquences de suivis différents sur la santé des populations, simplement rangés selon des méthodes purement comptables, ne peuvent faire adhérer le praticien confronté au colloque singulier.

L’intrusion des établissements dans le jugement médical balaie tous les principes de la déontologie médicale (créée au service du patient) en assujetissant le médecin, qu’en pensera l’Ordre ?

La réponse de principe tient dans l’article 1-2-4 de la Convention Médicale de février 2005 (jamais mis en route faute de vision partagée ) :

« L’UNCAM prend acte du souhait des syndicats médicaux d’impliquer les représentants des gestionnaires des établissements de santé privés dans lesquels exercent les médecins libéraux, notamment ceux dont la spécialité et la pratique nécessitent des plateaux techniques lourds. Les partenaires conventionnels conviennent en outre d’étudier l’opportunité de créer une option conventionnelle, comprenant un cahier des charges et des modalités d’évaluation, relative à cet exercice spécifique. »

Il s’agissait de créer les bases d’un dialogue égalitaire resynchronisant les droits et devoirs de chacun, de manière transparente, afin que les patients sachent quel est l’impact réel de toutes mesures dans un constat clair et publié. Il est encore temps.

Quelles solutions ? 

Dès maintenant il est nécessaire dans chaque site d’engager le dialogue entre administration et médecins, sur une dimension médico-économique partagée et pragmatique, pour suivre au mieux ensemble, sans perte de chance pour nos patients, des règles nouvelles imposées.

Dans un établissement, l’administration sait très bien ce qu’elle reçoit en budget, et dépense, sans savoir pourquoi ni comment est constitué un budget fait d’items médicaux, et n’a aucune capacité d’endosser la notion de pertinence, et d’actes dits « abusifs », dont elle sera pourtant comptable.

Les médecins soignent avec un jugement adapté chaque patient sans pouvoir se repérer et savoir combien surcoûte leur pratique globale.

Tirer des plans sur cette double méprise grâce à une complexification est bon pour mettre au tapis nombre d’établissements, et élargir le maillage de notre couverture territoriale et protection sociale

C’est une médiation stratégique pour assurer une convergence de projets, avec un pivot sur site qui est le médecin d’information médicale (DIM), isolé et cantonné mais capable de traduire les efforts de pertinence dans des termes compréhensibles aux deux parties.

Un effort doit être consenti pour l’aide informatique autour de chaque type de prescription, filet de sécurité pour le praticien, dossier ergonomique informatisé, warnings, aides à la prescription de séjours, repérages personnels dans son exercice, tests de l’Intelligence Artificielle , vision prospective face à l’utilisation de données rétrospectives.

Mais tout ceci doit se concevoir, et s’approprier tous les jours, pour chaque décision, seul gage d’effet réel.

Pour solidariser les avancées de chacun, dans des horaires et une démographie médicale chancelante, pour laisser le temps au soin, il faut éviter la dispersion, en cela l’utilisation du Développement Professionnel Continu (DPC) au sein d’une Certification profilant les réponses au CAQES sont pour résumer « faire d’une pierre deux coups », car user d’un budget unique pour deux obligations de recoupant est un acte de bonne gestion

Le DPC (Développement Professionnel Continu) adapté existe, est agréé, il comble le déficit de compréhension médico-économique partagé au sein des établissements et devient indispensable pour passer victorieusement cette nouvelle étape de leur difficile vie

Les vraies réponses sont prévues depuis 12 ans, pour être au point dans deux ans il faut s’y mettre maintenant.

 

         


N’hésitez-pas à laisser vos commentaires… Alain RICCI vous répondra avec plaisir !!!

Nous remercions vivement notre médecin spécialiste,  Alain RICCI, Chirurgien Orthopédiste et  Formateur ANDPC en information médico-économique, Expert Consultant en sécurité et optimisation de la T2A des établissements publics et privés (MCO,SSR,HAD)

Il partage son expertise professionnelle en « information médico-économique » ,  en proposant cette Rubrique mensuelle, pour nos fidèles lecteurs de managersante.com

Docteur Alain RICCI

Formateur ANDPC en information médico-économique Expert Consultant en sécurité et optimisation de la T2A des établissements publics et privés (MCO,SSR,HAD) Expert concepteur et organisateur de sessions du Développement Professionnel Continu (DPC) agréées dès 2012 sur qualité du dossier médical, CCAM, T2A et compréhension médico-économique des voies de l'efficience. Audit organisation de projets de retour à l'équilibre financier et amélioration de productivité. Formateur évaluateur en maitrise médicalisée Consultant en télé-médecine

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